Assurance maladie obligatoire, quelle gestion pour demain ?

Dossier : Les assurancesMagazine N°560 Décembre 2000
Par Jean-Claude DEMERSON (65)

Repères sociaux

Pour bien com­pren­dre les enjeux, un retour sur les débuts de la pro­tec­tion sociale général­isée s’impose.

Autour de Pierre Laroque, les pères fon­da­teurs de la Sécu­rité sociale française don­nent nais­sance à un texte ambitieux : l’or­don­nance du 4 octo­bre 1945. Il est alors évi­dent pour eux qu’une seule struc­ture de ges­tion doit gér­er les nou­veaux régimes de pro­tec­tion sociale en matière de mal­adie, vieil­lesse, presta­tions famil­iales et acci­dents du travail.

Il en résulte la créa­tion d’une caisse nationale unique : la Caisse nationale de sécu­rité sociale. Celle-ci reçoit pour mis­sion de pren­dre en charge la pro­tec­tion sociale de l’ensem­ble de la pop­u­la­tion française, d’où la dénom­i­na­tion de régime général.

À cette époque, cer­tains groupes socio­pro­fes­sion­nels, notam­ment les agricul­teurs, les arti­sans, les com­merçants et les pro­fes­sion­nels libéraux, expri­ment leur refus de se fon­dre dans une entité qu’ils voient par trop égal­isatrice. La loi du 22 mai 1946 vient de ce fait lim­iter l’am­bi­tion du régime général à la seule caté­gorie des salariés du com­merce et de l’industrie.

Depuis cette date, deux séries de mesures sont venues mod­i­fi­er le sché­ma ini­tial de régime unique géré par une struc­ture monopolistique..

  • En jan­vi­er 1961, le Par­lement décide la créa­tion d’un régime d’as­sur­ance mal­adie oblig­a­toire pour les exploitants agri­coles : l’AMEXA, régime dont la struc­ture de ges­tion est plu­ral­iste. On retrou­ve en 1966 cette ori­en­ta­tion au tra­vers de la créa­tion de l’AMPI pour les arti­sans, les com­merçants et les pro­fes­sion­nels libéraux. Ce deux­ième régime d’as­sur­ance mal­adie oblig­a­toire est lui aus­si doté d’une struc­ture de ges­tion pluraliste..
  • En 1967, la struc­ture uni­taire du régime général des salariés cède la place à une organ­i­sa­tion en trois branch­es : la mal­adie, la vieil­lesse et les presta­tions famil­iales. Ces dernières sont respec­tive­ment pilotées par trois caiss­es nationales, la CNAM, la CNAV, la CNAF. La branche acci­dents du tra­vail, bien que rat­tachée à la CNAM, est néan­moins organ­isée d’une manière autonome.


Cette déci­sion d’é­clate­ment est prise par le Par­lement qui souhaite suiv­re, en toute trans­parence, l’évo­lu­tion des comptes afférents à cha­cun des risques.

C’est au tra­vers de cette évo­lu­tion his­torique que l’équa­tion d’o­rig­ine,” ser­vice pub­lic ” = ges­tion par le secteur pub­lic est remise en cause.

La ges­tion plu­ral­iste, dev­enue désor­mais la règle des régimes d’as­sur­ance mal­adie oblig­a­toire des exploitants agri­coles et des autres tra­vailleurs indépen­dants, est, comme nous allons le voir, d’o­rig­ine très pragmatique.

Activité agricole
Activ­ité agri­cole FRÉDÉRIC CIROU–PHOTOALTO

Une législation pluraliste pour les agriculteurs

Avant la mise en œuvre de la loi insti­tu­ant l’AMEXA, régime d’as­sur­ance mal­adie oblig­a­toire, les exploitants agri­coles ain­si que leur famille peu­vent spon­tané­ment se cou­vrir con­tre les risques de mal­adie auprès de qua­tre types d’organismes :

Activité artisanale.
Activ­ité arti­sanale.  © FRÉDÉRIC CIROU–PHOTOALTO

— la Mutu­al­ité sociale agri­cole, déjà en charge des risques vieil­lesse et des presta­tions familiales,
— les entre­pris­es d’as­sur­ances, régies par le Code des assurances,
— les sociétés mutu­al­istes, régies par le Code de la mutualité,
— les caiss­es d’as­sur­ance mutuelles agri­coles, aujour­d’hui réu­nies au sein de l’en­tité Groupama.

Très naturelle­ment, lors du vote de la loi sur le nou­veau régime, les trois derniers organ­ismes font val­oir au Par­lement leur désir de con­serv­er le lien avec leurs assurés en devenant ges­tion­naires de ce ” ser­vice public “.

De son côté, la Mutu­al­ité sociale agri­cole, forte de sa posi­tion déjà acquise de ges­tion­naire unique en vieil­lesse et presta­tions famil­iales, revendique de se voir attribuer le mono­pole de la ges­tion maladie.

Le gou­verne­ment et le Par­lement tranchent cet intense débat lég­is­latif en faveur d’une solu­tion plu­ral­iste. Par cette loi, les assurés agricul­teurs se voient offrir une liber­té sup­plé­men­taire par rap­port aux salariés : celle du choix de leur gestionnaire.

Naturelle­ment, quel que soit ce ges­tion­naire, la puis­sance publique con­serve son rôle d’en­cadrement en fix­ant pour tous les mêmes règles de paiement des coti­sa­tions et de rem­bourse­ment des prestations.

La pos­si­bil­ité qui est offerte tous les deux ans aux agricul­teurs de chang­er de ges­tion­naire leur donne désor­mais un pou­voir de sanc­tion sur la ges­tion. L’as­suré exploitant agri­cole devient ain­si sujet, et non plus objet de l’as­sur­ance maladie.

Un cahier des charges du ” service public ”

Dans son cadre, la loi du 25 jan­vi­er 1961 prévoit une habil­i­ta­tion des organ­ismes can­di­dats à la ges­tion de ce nou­veau régime. C’est le min­istère de l’A­gri­cul­ture, respon­s­able de la tutelle de l’AMEXA, qui en a la charge.

Il est égale­ment prévu que les coûts de ges­tion sont cou­verts par des dota­tions for­faitaires fixées régle­men­taire­ment chaque année. Les pos­tu­lants doivent pour cela isol­er compt­able­ment ces coûts des autres activ­ités qu’ils exercent.

En corol­laire à leur habil­i­ta­tion, les organ­ismes ges­tion­naires doivent s’en­gager à respecter scrupuleuse­ment un cahi­er des charges. Par ce dernier, ils acceptent de se soumet­tre à tous les con­trôles — tech­niques, compt­a­bles, financiers — que la tutelle juge bon d’exercer.

Les entre­pris­es d’as­sur­ances, nom­breuses à sol­liciter cette habil­i­ta­tion, sont égale­ment con­scientes des règles du jeu exigeantes que cette mis­sion de ” ser­vice pub­lic ” leur impose en tout point du ter­ri­toire. Les struc­tures trop petites ne peu­vent alors, ne serait-ce que pour assur­er un bon ser­vice de prox­im­ité, déploy­er les moyens nécessaires.

C’est pourquoi cent qua­tre sociétés habil­itées à l’époque déci­dent de se regrouper et de con­fi­er la ges­tion de leurs assurés à un organ­isme unique : le GAMEX (Groupe­ment des assureurs mal­adie des exploitants agri­coles) con­sti­tué sous la forme d’une asso­ci­a­tion d’as­sureurs régie par la loi du 1er juil­let 1901.

Le pluralisme fait des adeptes

Cinq ans après, en 1966, c’est la même solu­tion qui pré­vaut pour l’as­sur­ance mal­adie oblig­a­toire des arti­sans, des com­merçants et les pro­fes­sion­nels libéraux.

Au moment du démar­rage effec­tif du régime, cer­taines sociétés d’as­sur­ances choi­sis­sent, comme elles l’avaient fait pour les agricul­teurs, de se con­stituer en groupe­ment collectif.

Le lég­is­la­teur a pour cela tenu compte de l’ex­em­ple de l’AMEXA qui a reçu un bon accueil de la part des assurés soci­aux et s’est mise en place très rapidement.

Cette fois, seules deux caté­gories d’or­gan­ismes d’as­sur­ances sont can­di­dates à la ges­tion du nou­veau régime mal­adie : des sociétés mutu­al­istes et des sociétés d’assurances.

Les arti­sans, les com­merçants et les pro­fes­sion­nels libéraux se voient dès lors recon­naître le même droit que les agricul­teurs : celui de pou­voir choisir libre­ment leur organ­isme ges­tion­naire, préal­able­ment habil­ité cela s’en­tend, et tou­jours soumis à des règles et un cahi­er des charges précis.

Les non-salariés non agri­coles ont ain­si accès pour la ges­tion de leur assur­ance mal­adie à la RAM (Réu­nion des assureurs mal­adie), organ­isme lui aus­si con­sti­tué sous la forme juridique d’une association.

Toute la force du pluralisme

Le plu­ral­isme, dans le respect d’un cahi­er des charges de ” ser­vice pub­lic “, offre aux assurés non seule­ment la sécu­rité, mais aus­si la liber­té du choix. Ces aspects sont por­teurs d’un ines­timable moteur : celui de l’é­mu­la­tion entre les organ­ismes, au prof­it de la qual­ité du ser­vice aux clients. Point n’est d’ailleurs besoin de rap­pel­er l’ob­jec­tif de qual­ité au per­son­nel de ces organ­ismes : il sait per­tinem­ment qu’en dénonçant son affil­i­a­tion l’as­suré met aus­si en cause la qual­ité de son travail.

En 2001, le GAMEX célébr­era son 40e anniver­saire, et la RAM son 32e. Le vécu riche de ces struc­tures, présentes sur l’ensem­ble du ter­ri­toire nation­al et gérant plus de 770 000 familles, four­nit d’in­téres­sants témoignages sur le principe du plu­ral­isme ges­tion­naire. Il per­met d’esquiss­er quelques lignes de com­para­i­son face à l’idée ini­tiale de monopole.

Ce n’est donc pas un con­cours de cir­con­stances si l’on ne con­state pas de retards graves ou endémiques dans la ges­tion des régimes du GAMEX et de la RAM. Ce n’est pas non plus le fait du hasard si ces organ­ismes ont été les pre­miers à met­tre en place des cen­tres d’ac­cueil télé­phonique ouverts 7 jours sur 7. C’est bien la créa­tiv­ité, le recours à des tech­niques mod­ernes et une très bonne moti­va­tion du per­son­nel qui per­me­t­tent d’ap­porter aux assurés soci­aux un ser­vice appré­cié pour sa qualité.

Quand les qualités du privé s’allient à celles du public !

Dans ces sys­tèmes plu­ral­istes, le dynamisme du secteur privé, ses capac­ités à se dot­er de bons out­ils et à réa­gir rapi­de­ment peu­vent apporter de pré­cieuses con­tri­bu­tions au ” ser­vice pub­lic ” : il suf­fit ain­si, par exem­ple, de quelques semaines au GAMEX pour met­tre en œuvre une déci­sion infor­ma­tique ou immobilière.

Les struc­tures plu­ral­istes, en con­stante com­péti­tion entre elles, recherchent en per­ma­nence l’amélio­ra­tion de leurs ser­vices. Elles font ain­si régn­er un cli­mat d’é­mu­la­tion au sein de leur struc­ture. Cette con­cur­rence représente un for­mi­da­ble moteur d’évo­lu­tion pour la col­lec­tiv­ité nationale car au final, c’est bien l’as­suré social ” con­som­ma­teur ” qui retrou­ve voix au chapitre.

Si le plu­ral­isme de ges­tion est bien créa­teur de valeur pour ses assurés, il l’est aus­si pour la col­lec­tiv­ité nationale. Un organ­isme gérant le régime AMEXA ou AMPI et ne respec­tant pas le cahi­er des charges peut être décon­ven­tion­né sans inter­rompre pour autant le ” ser­vice pub­lic ” auquel tous les assurés ont droit. Ces derniers sont alors sim­ple­ment invités à faire le choix d’un autre organ­isme. Une sit­u­a­tion inimag­in­able dans un con­texte de mono­pole de droit.

Enfin, le plu­ral­isme même de ces sys­tèmes apporte égale­ment à la tutelle de véri­ta­bles repères com­para­t­ifs sur lesquels elle peut s’ap­puy­er en matière de con­trôle. En charge de veiller au bon fonc­tion­nement du ” ser­vice pub­lic “, au bon emploi des fonds qui lui sont affec­tés et au respect de ses objec­tifs, elle dis­pose, grâce à ces critères fondés sur l’ex­is­tant, d’une meilleure vis­i­bil­ité. On voit bien à tra­vers cet exem­ple la lat­i­tude offerte à la tutelle dans un sys­tème plu­ral­iste. D’au­tant que con­va­in­cre une struc­ture de ” ser­vice pub­lic ” monop­o­lis­tique que ses coûts sont exces­sifs ou que la qual­ité de son ser­vice n’est pas suff­isante est une démarche dif­fi­cile et de longue haleine. Une dose de secteur privé dans le ” ser­vice pub­lic ” peut servir d’aiguillon.

En d’autres ter­mes, la tutelle est, à moyens égaux, plus effi­cace dans l’ac­com­plisse­ment de ses mis­sions au sein d’un régime plu­ral­iste que dans un régime struc­turé en monopole.

Le monde s’ouvre !

La CNAM, pour sa part, l’a com­pris en adop­tant son Plan stratégique. Mais il est facile de mesur­er tous les obsta­cles qui s’op­posent à ses initiatives.

Depuis 1961, date de créa­tion du GAMEX, la valeur d’é­mu­la­tion du plu­ral­isme a démon­tré de façon con­clu­ante sa capac­ité à faire béné­fici­er le ” ser­vice pub­lic ” du dynamisme du secteur privé.

La réforme de nos régimes d’as­sur­ance mal­adie ne doit donc sûre­ment pas aujour­d’hui s’en­fer­mer dans plus de mono­pole. Elle doit plutôt prof­iter de l’é­mu­la­tion du plu­ral­isme. Notre pen­sée sociale française est, à cet égard, curieuse­ment trop mar­quée par une vision cen­tral­isatrice et jacobine. Elle n’a pas vrai­ment pris en compte les poten­tiels d’amélio­ra­tion qu’un plu­ral­isme con­trôlé peut apporter. Il suf­fit pour­tant d’ob­serv­er la façon dont fonc­tion­nent le GAMEX et la RAM dans la ges­tion des régimes de l’AMEXA et de l’AMPI, pour en tir­er de rich­es enseignements.

Quand on sait que tout franc de coti­sa­tion économisé par une ges­tion plus effi­cace peut être affec­té à une meilleure cou­ver­ture des risques, l’en­jeu est cap­i­tal.

La sat­is­fac­tion des affil­iés comme fil conducteur

Roger MILLOT, président du GAMEXDepuis sa créa­tion, le GAMEX s’est appuyé sur toutes les pos­si­bil­ités de la tech­nique pour faire béné­fici­er ses affil­iés des meilleurs services.

Aux pre­miers pas de l’in­for­ma­tique, le GAMEX est ain­si un des pre­miers organ­ismes à se dot­er de sys­tèmes conçus sur une vision con­som­ma­teur. Rapi­de­ment, l’ar­rivée des réseaux per­met de reli­er le site cen­tral aux sites locaux, et offre à tous les inter­venants une même image des affil­iés. Enfin, l’in­ter­ac­tion per­ma­nente entre leurs fichiers presta­tions et coti­sa­tions, mis à jour très régulière­ment, accroît la qual­ité des infor­ma­tions de gestion.

Inno­va­tion tou­jours, depuis trois ans, le GAMEX ren­force ses struc­tures par la mise en place d’un ser­vice d’ac­cueil télé­phonique ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Depuis, de nom­breux traite­ments passent par ce canal.

Avan­tage pour l’af­fil­ié qui n’a plus à se déplac­er et obtient en temps réel une réponse à ses attentes. Avan­tage pour le GAMEX qui, grâce à ses sys­tèmes, génère automa­tique­ment et à moin­dre coût les traite­ments infor­ma­tiques qui découlent d’un appel.

La qual­ité de ges­tion et de ser­vice de ces cen­tres d’ap­pels est aujour­d’hui cer­ti­fiée ISO 9002. Une illus­tra­tion de la volon­té stratégique du GAMEX de servir au mieux ses affil­iés. Une grande fierté égale­ment pour le per­son­nel qui, au quo­ti­di­en, fait vivre cette cer­ti­fi­ca­tion et s’ap­plique à la ren­dre con­crète pour tous.

Pro­pos recueil­lis auprès de Roger Millot,
prési­dent du GAMEX

GAMEX et RAM en chiffres

  • 1 200 per­son­nes, dont 1 000 en régions.
  • 76 implan­ta­tions en France, dont 71 en France métropolitaine.
  • 1,2 mil­lion de per­son­nes pro­tégées, dont 750 000 assurés en assur­ance obligatoire :
     — 532 000 pro­fes­sions indépendantes,
     — 218 000 exploitants agricoles.
  • 15 mil­lions de feuilles de soins traitées par an
  • 10 mil­lions de décomptes édités par an
  • 5,5 mil­liards de francs de presta­tions ver­sés par an :
     — 3,4 mil­liards de francs pour les pro­fes­sions indépendantes,
     — 2,1 mil­liards de francs pour les exploitants agricoles.

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