Yves Carcelle (66), une vocation singulière

Dossier : TrajectoiresMagazine N°707 Septembre 2015Par : Jacques SZMARAGD (66)Par Jacques SZMARAGD (66)

Au sein de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne, Yves Car­celle repré­sente le pro­to­type ache­vé, presque idéal, de ces « voca­tions sin­gu­lières » aux­quelles Jean-Pierre Cal­lot consacre avec ten­dresse un cha­pitre de son His­toire de l’École poly­tech­nique.

Yves Car­celle appar­te­nait à une géné­ra­tion où le sujet d’élite se devait de sor­tir dans un rang flat­teur lui ouvrant la porte d’un corps prestigieux.

Il fit consciem­ment des choix oppo­sés à l’orthodoxie domi­nante : entré par­mi les plus jeunes de sa pro­mo­tion, il était déjà plus sou­cieux d’élargir à l’extérieur ses champs d’intérêt et ses connais­sances du monde réel que de suivre un ensei­gne­ment fidè­le­ment atta­ché à la grande tra­di­tion scien­ti­fique fran­çaise du XIXe siècle.

La méthode Carcelle

Puis, pres­sen­tant avec réa­lisme les muta­tions de l’économie, il choi­sit de démis­sion­ner et de débu­ter sa car­rière dans le domaine du mar­ke­ting – terme alors presque indé­cent à l’X – et dans des entre­prises (Spon­tex, Absor­ba) où jamais poly­tech­ni­cien n’avait mis le pied.

C’est dans ce sec­teur d’activité, tour­né vers le grand public, qu’il mit au point deux des élé­ments qui devaient consti­tuer plus tard la « méthode Car­celle », une vision stra­té­gique large et rigou­reuse asso­ciée à un sou­ci méti­cu­leux du détail dans la concep­tion, la fini­tion et la dis­tri­bu­tion des produits.

Art et Design

Le troi­sième ingré­dient de ce cock­tail gagnant, Yves Car­celle allait le décou­vrir après avoir diri­gé Des­camps, pas­sage pro­pé­deu­tique vers le monde du luxe aux côtés de Ber­nard Arnaud, à la tête de ce qui allait deve­nir le groupe LVMH : il s’agit de l’imbrication étroite de l’art contem­po­rain et du design.

“ Il fit des choix opposés à l’orthodoxie dominante ”

Col­la­bo­rant avec les artistes les plus célèbres : Buren, Richard Prince, Mura­ka­mi ou Marc Jacobs, direc­teur artis­tique du groupe, Yves Car­celle a for­mi­da­ble­ment réus­si le déve­lop­pe­ment mon­dial et la diver­si­fi­ca­tion de la marque Vuit­ton dans les prin­ci­paux sec­teurs de l’industrie du luxe.

Il fut l’un des pro­mo­teurs de ce pilier de notre éco­no­mie natio­nale au sein du Comi­té Col­bert dont il était administrateur.

La lenteur, processus créatif

Sa pas­sion éclai­rée pour l’art contem­po­rain l’amena, après son départ de Vuit­ton, à la vice-pré­si­dence de la Fon­da­tion Louis- Vuit­ton pour la créa­tion, tout en étant admi­nis­tra­teur du Palais de Tokyo.

Cet attrait pour un hédo­nisme raf­fi­né et rigou­reux, Yves Car­celle en fit aus­si preuve dans ses pas­sions et dans ses engagements.

Son inté­rêt pour l’art viti­cole qui l’a vu éla­bo­rer méti­cu­leu­se­ment son propre vin, le Sarus, lui a per­mis de mesu­rer le rôle de la len­teur comme pro­ces­sus créa­tif, lui qui était tou­jours dans la mobilité.

Courage et détermination

“ Il y a désor­mais le luxe avant Car­celle et le luxe après Carcelle. ”
Pao­lo de Cesare,
pré­sident du Printemps

À la fin d’une exis­tence aus­si pleine, ce grand spor­tif, pas­sion­né de voile, a mani­fes­té, face à une ter­rible mala­die qui ne lui lais­sait aucun espoir, une équa­ni­mi­té, un cou­rage et une déter­mi­na­tion exem­plaires ; il a accep­té de suivre une thé­ra­pie ciblée avec l’équipe médi­cale, pour faire avan­cer la recherche.

Il laisse à ses cama­rades de la com­mu­nau­té poly­tech­ni­cienne, à laquelle il demeu­ra toute sa vie pro­fon­dé­ment atta­ché, le sou­ve­nir d’un homme géné­reux, pétillant d’intelligence et de créa­ti­vi­té, et d’une grande fidé­li­té en amitié.

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