DVD a tétralogie de Wagner, Scala de Milan, Daniel Barenboïm

WAGNER : La Tétralogie

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°714 Avril 2016Par : Teatro Alla Scala, Milan, direction Daniel BarenboïmRédacteur : Marc DARMON (83)Editeur : Sept DVD ou quatre Blu-Ray Arthaus 10759/10750

Il n’est pas cou­rant, à part à Bay­reuth, qu’une scène d’opéra pro­duise les quatre opé­ras de la Tétra­lo­gie de Wag­ner dans une même sai­son, avec le même chef et une mise en scène, des décors et des cos­tumes cohérents.

L’Opéra de Paris s’y était ris­qué il y a quelques années. C’est aus­si une ini­tia­tive prise à la Sca­la de Milan en 2010, qui nous est pro­po­sée désor­mais en DVD et Blu-Ray.

La Tétra­lo­gie est natu­rel­le­ment un monu­ment de l’histoire de la musique.

Dans cet ensemble de quatre opé­ras, Wag­ner pousse à son maxi­mum pen­dant seize heures les élé­ments du sys­tème qu’il a créé : orches­tra­tion révo­lu­tion­naire, spec­tacle total inté­grant musique, texte, décors et mise en scène, mélo­die conti­nue autour de thèmes musi­caux (leit­mo­tiv) atta­chés aux per­son­nages, objets, et sen­ti­ments, et tout cela sur un livret écrit par le com­po­si­teur tiré d’anciennes légendes germaniques.

La taille de cette rubrique ne per­met pas de résu­mer sans cari­ca­tu­rer l’intrigue des quatre opé­ras que forme le cycle de L’Anneau du Nibe­lung, le Ring, que sont L’Or du Rhin, La Wal­ky­rie, Sieg­fried et Le Cré­pus­cule des dieux. Le monde recréé par Wag­ner à par­tir des mytho­lo­gies nor­diques et ger­ma­niques, avec ses dieux affai­blis (Odin-Wotan, Thor- Don­ner, Loki-Loge, etc.), ses hommes vils, ses héros extrêmes, offre de nom­breux niveaux de lecture.

On conseille, pour pas­ser un bon moment et en connaître le mini­mum, d’écouter l’excellente syn­thèse faite avec vrai­ment beau­coup d’humour en huit minutes sur You­tube (pour la trou­ver, goo­glez « You­tube Tétra­lo­gie simple »).

Il n’existe pas de Ring idéal. Lors des pre­mières repré­sen­ta­tions du cycle à Bay­reuth dans la mise en scène de Patrice Ché­reau pour le cen­te­naire en 1976 (Bou­lez à la direc­tion), les spé­cia­listes crièrent au scan­dale. Cinq ans plus tard, c’était deve­nu un classique.

La vidéo existe et fait réfé­rence en DVD, mais dans une image de qua­li­té très datée. Et avec une dis­tri­bu­tion, la meilleure qui puisse se faire à l’époque, mais plu­sieurs niveaux en des­sous de ce qui fut l’âge d’or du chant wag­né­rien (pour sim­pli­fier, 1930–1965), et infé­rieure au niveau d’aujourd’hui.

Plus proche de nous, le Ring joué à Bay­reuth depuis 2013, diri­gé par Kirill Petren­ko (futur direc­teur de la Phil­har­mo­nie de Ber­lin), est consi­dé­ré comme le meilleur depuis long­temps. Mais il n’est pas publié en vidéo.

Ce cycle de la Sca­la don­né en 2010 nous per­met d’entendre les grands chan­teurs wag­né­riens des pre­mières années du XXIe siècle : Wal­traud Meier (for­mi­dable en Sie­glinde et en Wal­traute, son homo­nyme), Irene Theo­rin, Nina Stemme (magni­fique Wal­ky­rie), René Pape.

La mise en scène très recher­chée, peut-être trop, est moins lisible que les mises en scène pure­ment théâ­trales comme celles désor­mais célèbres de Patrice Ché­reau ou H. Kup­fer. Notam­ment, on peut regret­ter l’idée dans L’Or du Rhin de dou­bler les per­son­nages sur scène par des dan­seurs de bal­let ou des per­son­nages en ombres chi­noises, par­fois les deux.

L’idée est très forte : l’action que l’on voit n’est cen­sée être com­prise dans sa com­plexi­té qu’en com­pre­nant la situa­tion décrite par la musique (les leit­mo­tiv), les émo­tions des dan­seurs de bal­let et les pos­tures des ombres chi­noises. Intel­li­gent, mais sans doute too much.

La mise en scène est plus « simple » et acces­sible dans La Wal­ky­rie et Sieg­fried, mais elle est à nou­veau sou­vent déran­geante dans Le Cré­pus­cule des dieux (mal­gré une astuce assez forte : après la des­truc­tion des dieux et du Wal­hal­la, la lumière dans la salle éclaire les spec­ta­teurs pen­dant les der­nières minutes : place aux hommes).

Mais l’image en haute défi­ni­tion est très belle. Notam­ment, on se réjouit d’avoir de nom­breuses camé­ras dans la fosse d’orchestre, per­met­tant de beaux plans sur Baren­boïm et les ins­tru­men­tistes. L’orchestre de la Sca­la est magni­fique, et supé­rieu­re­ment enre­gis­tré : cer­tains pas­sages orches­traux (la marche funèbre par exemple) sont même incroyables.

Baren­boïm et son orchestre très four­ni (six harpes dans Sieg­fried) sont lar­ge­ment ova­tion­nés, c’est mérité.

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