Une fiscalité innovante pour mieux innover

Dossier : Fiscalité : les nouvelles formulesMagazine N°687 Septembre 2013
Par Philippe LAURIER

Il fut un temps où des contri­buables exi­geaient d’acquitter plus d’impôt : le suf­frage cen­si­taire de Louis-Phi­lippe et les us minis­té­riels inci­taient le per­cep­teur à mino­rer le reve­nu des oppo­sants poli­tiques, pour leur dénier le droit de vote. Ce volon­ta­riat n’est plus, et l’heure est aux réformes pour payer moins ou payer mieux.

Ces inno­va­tions touchent l’impôt sur la for­tune, la consom­ma­tion – ou le gas­pillage. La fis­ca­li­té est affaire de contraires, mais des pion­niers, dont Mau­rice Allais et Mau­rice Lau­ré, ont su mettre de la logique dans un sys­tème dont l’opacité est calculée.

« L’ardente obli­ga­tion » est de mettre notre appa­reil fis­cal au ser­vice d’une sor­tie de crise par le haut, en favo­ri­sant les rup­tures tech­no­lo­giques. La fis­ca­li­té des périodes d’après-guerre a sou­te­nu l’investissement (dans l’appareil de pro­duc­tion et le loge­ment). Celle de l’après-crise sou­tien­dra l’innovation, source de cet inves­tis­se­ment. La France est bien pla­cée avec le Cré­dit impôt recherche et pour­rait pous­ser son avan­tage pour deve­nir un des labo­ra­toires de la planète.

Nos inven­teurs indé­pen­dants sont régu­liè­re­ment loués. Or, même si le dépôt d’un bre­vet coûte peu en soi, le sta­tut des inven­teurs est un des moins enviables du Code des impôts, au point d’espérer l’apparition d’un sta­tut de microen­tre­pre­neur innovant.

Nos jeunes pousses peinent sou­vent à trou­ver un second souffle, et sont ache­tées par des mul­ti­na­tio­nales étran­gères. Or notre fis­ca­li­té sur le capi­tal-risque mène à cette issue : adop­tion d’horizons de court-moyen terme, infé­rieurs à une décen­nie, faveur don­née à la plus-value, donc au réflexe de revente. Pour for­ger une logique patri­mo­niale de durée et sta­bi­li­té, que n’a‑t-on repris la loi sur les oeuvres d’art, exo­né­rées d’ISF et pro­gres­si­ve­ment sur la plus-value, et dont le méca­nisme d’évaluation lors d’un héri­tage abou­tit à une taxa­tion minime ?

L’innovation fis­cale ne peut res­ter un art du court terme, et doit « inven­ter » du temps et des res­sources pour les créateurs.

Phi­lippe LAURIER a tenu à faire paraître dans l’e­JR l’en­ca­dré sui­vant de Jean CHARBONNIER

Inté­grer l’inventeur dans le pay­sage fis­cal fran­çais, pour mieux sou­te­nir l’innovation

Ce sont les PME et les struc­tures inno­vantes indi­vi­duelles qui sont aujourd’hui la source de l’emploi. De telles inno­va­tions sont tou­te­fois dif­fi­ciles à com­mer­cia­li­ser pour ces struc­tures dont les moyens sont modestes, d’autant que la durée de vie des pro­duits (leur cycle de vie) s’avère de plus en plus courte.

Pour un inven­teur indé­pen­dant, espé­rer vendre à autrui une inno­va­tion qui soit sim­ple­ment au stade du bre­vet est qua­si uto­pique : il convient de l’aider en lui don­nant par un moyen fis­cal le temps néces­saire pour la tes­ter et en prou­ver le poten­tiel aux yeux de par­te­naires futurs. Afin ensuite de la com­mer­cia­li­ser dans de meilleures condi­tions entre­pre­neu­riales, direc­te­ment ou indirectement.

Pour cet inven­teur indi­vi­duel, créer d’emblée son entre­prise est sou­vent rédhi­bi­toire car com­pli­qué, et sur­tout trop oné­reux. En effet, on lui impose un dou­ble­ment des charges sociales : sur son acti­vi­té prin­ci­pale, et en tant qu’entrepreneur. Le point mort moyen d’une telle entre­prise est de l’ordre de 30 000 €. Au-des­sous elle perd de l’argent.

Pour­quoi dès lors le taxer et le contrô­ler dès les phases amont de son action créa­trice ? Une solu­tion rési­de­rait dans la créa­tion d’un sta­tut de Micro Entre­pre­neur Inno­vant, dont les grandes lignes peuvent être ain­si résumées :

  • Etre Inven­teur Indépendant ;
  • K bis gratuit ;
  • Fis­ca­le­ment : ini­tia­le­ment aucune taxe de 0 à 37500 € de CA, puis 15% de taxe sur les 37 500 € sui­vants (soit de 37 500 à 75 000 € de Chiffre d’affaires) ;
  • Comp­ta­bi­li­té sim­pli­fiée décla­ra­tive, avec cahier recettes-dépenses.

Ce dis­po­si­tif lui per­met­trait de tes­ter son inven­tion avant de s’engager plus lour­de­ment dans la créa­tion par exemple d’une SARL. Elle per­met­trait éga­le­ment à cet inno­va­teur de vali­der ses hypo­thèses tech­no­lo­giques ou com­mer­ciales avant de devoir impli­quer son patri­moine personnel.

Jean CHARBONNIER, Vice Pré­sident de l’A.I.C.T.
(Asso­cia­tion des Inven­teurs et Créa­teurs de Touraine)

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