Un nouvel eldorado numérique

Dossier : BIG DATAMagazine N°693 Mars 2014
Par Didier KRAINC

Les défis posés par l’explosion des volumes de don­nées (sur­tout non struc­tu­rées, comme la vidéo, le son, les mes­sages) et par leurs trai­te­ments, notam­ment dans des appli­ca­tions ana­ly­tiques, poussent les entre­prises à déployer des tech­no­lo­gies big data.

Une croissance soutenue

L’adoption des big data est lan­cée. Le mar­ché des tech­no­lo­gies big data (envi­ron 190 mil­lions d’euros en 2013) va croître en France à un rythme annuel de 27 % entre 2012 et 2017, pour atteindre 494 mil­lions d’euros.

REPÈRES

Le terme big data est désormais consacré. Il est pourtant réducteur, car il se focalise sur le volume, qui n’en constitue qu’un des aspects, certes fondamental, mais ni nouveau, ni suffisant. On peut le définir comme une nouvelle génération de technologies et d’architectures conçues pour extraire, à un coût accessible, de la valeur de très grands volumes d’une large variété de données, en permettant une capture, une exploration ou une analyse à grande vitesse.
Cette définition est symbolisée par le concept des « 4 V » (volume, valeur, variété et vitesse de traitement des données).

Ce mar­ché est tiré par un « cœur de cible » consti­tué par 9 % des entre­prises pour les­quelles les big data sont au centre des prio­ri­tés. Suit une frange impor­tante d’entreprises (42%) qui inves­tissent, éva­luent, déploient des ini­tia­tives big data sans en faire une prio­ri­té majeure. Ces chiffres sont éle­vés et situent les big data en tête des prio­ri­tés des entre­prises lorsqu’on consi­dère les quatre piliers de trans­for­ma­tion de l’informatique.

L’utilisation décroît avec la taille d’entreprise. Les deux tiers des grandes entre­prises (plus de 1000 sala­riés) s’y seront mises avant la fin de l’année 2014.

La France se situe dans la moyenne euro­péenne, devant l’Allemagne et le Royaume- Uni. Ce sont les pays du Sud (Espagne et Ita­lie) qui pré­sentent les taux de prio­ri­té les plus éle­vés, tant en entre­prises « cœur de cible » qu’en entre­prises suiveuses.

Les services en tête

Par­mi les sec­teurs d’activité, les ser­vices sont en avance dans l’usage des big data avec des taux d’utilisation éle­vés pour tous les outils (entre 33 % et 24 %).

Une priorité absolue pour près d’une entreprise sur dix

L’industrie est en retrait avec des taux d’utilisation encore faibles, excep­té l’usage des nou­veaux modes d’information. Mais un équi­libre devrait s’opérer d’ici la fin de l’année.

Infra­struc­ture, logi­ciels et ser­vices consti­tuent la chaîne tech­no­lo­gique de base.

L’infrastructure com­prend les ser­veurs et les logi­ciels asso­ciés, ache­tés par les entre­prises et les four­nis­seurs de « capa­ci­tés cloud », les sys­tèmes de sto­ckage, l’équipement des réseaux.

Les logi­ciels concernent d’abord les appli­ca­tions spé­ci­fiques à une indus­trie ou à un métier (par exemple, la détec­tion de fraude, l’analyse des flux de « clics » sur le Web, l’optimisation de la logistique).

Ils s’adressent aus­si aux moteurs de recherche uti­li­sés pour le data mining, le text mining, l’analyse rich media (c’est-à-dire des don­nées conte­nant des images, des vidéos, du son), la visua­li­sa­tion des données.

Enfin, ils traitent de la ges­tion et de l’organisation des données.

Les ser­vices couvrent les pres­ta­tions de consul­ting, de BPO (busi­ness pro­cess out­sour­cing) telles que l’externalisation de la ges­tion de la paie, de sup­port et de for­ma­tion rela­tifs à la mise en place de solu­tions big data.

LE MARCHÉ DES BIG DATA
Mar­ché Big Data (M€) 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Ser­veurs
Stockage
Équi­pe­ments réseaux
Cloud
10
9
3
4
13
15
4
6
16
32
6
10
19
50
8
15
22
69
11
23
25
89
13
31
TOTAL INFRASTRUCTURES​ 26 38 64 93 125 158
Logi­ciels de ges­tion des données
Logi­ciels ana­ly­tiques et d’exploration
Logi­ciels applicatifs
15
20
5
20
24
6
26
29
8
34
37
9
44
48
12
58
63
15
Total logiciels​ 40 50 63 80 104 136
Ser­vices 86 102 115 141 166 199
TOTAL 1​52 189 242 314 395 494

Source : IDC France.

Des applications multiples

Beau­coup d’applications big data sont dédiées à l’analyse des don­nées. Mais pas toutes. Cer­taines servent à connec­ter en temps réel des sites Web sur les réseaux sociaux ou les appli­ca­tions de gaming (jeux en réseau).

Les logiciels concernent d’abord les applications spécifiques à un métier

D’autres sont uti­li­sées pour les grands dépôts de conte­nu don­nant accès à des quan­ti­tés mas­sives de docu­ments. Par exemple des appli­ca­tions ana­ly­tiques (data mining, ana­lyse mul­ti­di­men­sion­nelle, visua­li­sa­tion des don­nées, etc.); des opé­ra­tions (fonc­tion­ne­ment d’un site Web, trai­te­ment des com­mandes en ligne); des accès à l’information (recherche d’information, normalisation).

D’autres appli­ca­tions sont déployées en sup­port des pro­ces­sus de cer­tains métiers. Par exemple le CRM (ges­tion de la rela­tion clients); la sup­ply chain, l’administration (finance, res­sources humaines, juri­dique, etc.) ; la recherche et le déve­lop­pe­ment ; l’efficacité du sys­tème d’information ; la ges­tion des risques.

La moitié des entreprises françaises bientôt équipées

Des évo­lu­tions mar­quantes per­mettent d’anticiper un déve­lop­pe­ment impor­tant du marché.

Du transport à la santé

Dans l’industrie, de multiples applications verticales sont couvertes par les big data. Citons, par exemple, l’optimisation de la logistique dans le transport ; l’optimisation des prix de vente, d’achat, de la fidélité dans le commerce ; la gestion de la propriété intellectuelle dans les médias et les loisirs ; l’exploitation des ressources naturelles, la gestion de la distribution dans les utilities (eau, électricité, etc.) ; la gestion des garanties dans l’industrie manufacturière ; l’évaluation prédictive des dommages dans le secteur des assurances ; la détection des fraudes dans l’industrie bancaire ; le traitement des pathologies, la recherche dans le domaine de la santé.

Ain­si, une part signi­fi­ca­tive (21 %) des entre­prises fran­çaises (de plus de 50 sala­riés) offre d’ores et déjà un accès big data à leurs employés. La dyna­mique est éle­vée : 37% des entre­prises ont un pro­jet en cours. En tenant compte de ces pro­jets en cours, les big data devraient équi­per près de la moi­tié des entre­prises fran­çaises d’ici deux à trois ans. À ce compte, la crois­sance moyenne des nou­veaux venus aux big data se situe­ra aux alen­tours de 50 % par an.

Les entre­prises de ser­vices (banque, finance, uti­li­ties, télé­com­mu­ni­ca­tion) et l’industrie sont les pre­miers uti­li­sa­teurs. Le com­merce est loin derrière.

Les nou­velles solu­tions pour l’infrastructure et ses appli­ca­tions se dif­fusent donc progressivement.

On per­çoit aujourd’hui des dif­fé­rences d’approches sec­to­rielles, mais un équi­libre devrait s’opérer d’ici la fin de l’année pour conduire aux mêmes niveaux d’utilisation des outils quel que soit le secteur.

Les entre­prises qui ont déployé des big data ont d’abord inves­ti dans de nou­velles tech­no­lo­gies de sto­ckage et dans des solu­tions de data­wa­re­house (entre­pôts de don­nées) accélérées.

Le marketing en retrait

Un des fac­teurs de suc­cès des big data vient de la grande diver­si­té des outils dis­po­nibles, en par­ti­cu­lier les nou­veaux modes d’information, les tech­no­lo­gies d’analyses et les méthodes d’analyses.

L’éducation des DSI (direc­tions infor­ma­tiques) n’est plus à faire : elles per­çoivent clai­re­ment le poten­tiel et les carac­té­ris­tiques sym­bo­li­sées par le concept des « 4 V » : le volume, la valeur, la varié­té des don­nées et la vitesse de trai­te­ment des données.

Des différences d’approches sectorielles

Cepen­dant des freins sub­sistent : la ques­tion du finan­ce­ment est une pré­oc­cu­pa­tion majeure. Beau­coup de spé­cia­listes expriment la dif­fi­cul­té à éva­luer les coûts réels des big data pour construire un modèle de retour sur investissement.

On s’attendrait à ce que ce soit sur­tout les direc­tions mar­ke­ting qui se mobi­lisent. L’analyse en temps réel des don­nées des consom­ma­teurs en situa­tion de mobi­li­té ou des infor­ma­tions pré­cises four­nies par les cap­teurs des objets connec­tés, tout cela ouvre des pers­pec­tives for­mi­dables au mar­ke­ting de proxi­mi­té, au mar­ke­ting one-to-one et aux offres ciblées au plus juste.

Les objec­tifs sont d’optimiser les offres, de réduire le churn (le taux d’attrition, cor­ré­lé au taux de fidé­li­té des clients) et de mener des cam­pagnes ultra­per­son­na­li­sées. L’utilisation pour du push sur le Web (recom­man­da­tions per­son­na­li­sées en ligne, ges­tion de l’e‑réputation) vient en second.

Dans la réa­li­té, une majo­ri­té des direc­teurs mar­ke­ting connaissent encore mal (cer­tains même pas du tout) le concept et ses domaines d’utilisation pos­sibles. Mais de gros efforts de com­mu­ni­ca­tion sont en cours pour les convaincre de l’intérêt des big data.

ÉVOLUTION DU MARCHÉ
Source : IDC France

Trois exemples d’effets escomptés

Finance : rationalisation du post-trading (*) permettant d’obtenir unicité des données, vitesse de reporting réglementaire ; baisse du coût par événement.
Distribution : gestion des assortiments ; réévaluation de la stratégie de sourcing ; optimisation de la fidélité.
Utilities : multiplication de la fréquence de collecte ; nouveaux critères de segmentation.
______________________
(*) Beaucoup de transactions se font rapidement de trader à trader, en temps réel, souvent par téléphone ou par échange de messages ; une fois que la transaction est faite, il s’agit de la clarifier, d’en préciser rigoureusement les termes, d’en fixer le montant exact en fonction des cours, de vérifier sa faisabilité réglementaire, etc.

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