Atelier idéation à l'École polytechnique

Un accélérateur de la transformation des services publics

Dossier : Open innovationMagazine N°722 Février 2017
Par Danielle BOURLANGE (79)
Par Kristof de MEULDER

L’open inno­va­tion inté­resse l’ad­mi­nis­tra­tion pour défi­nir avec ses béné­fi­caires la façon dont elle peut mieux les ser­vir. Les échanges entre la socié­té civile et l’ad­mi­nis­tra­tion, qui se connaissent mal, sont favo­ri­sés par la mise à dis­po­si­tion d’es­paces phy­siques de ren­contres neutres. Pour assu­rer le suc­cès dans la durée il faut bien mettre en valeur les apports des com­mu­nau­tés externes. 

Une foule de curieux se presse devant les portes du PROTO204, la pla­te­forme d’innovation col­la­bo­ra­tive de l’Université Paris-Saclay. La Gen­dar­me­rie natio­nale a don­né ren­dez-vous à quatre-vingts étu­diants pour un ate­lier d’idéation1 inédit autour d’une Web app de géo­lo­ca­li­sa­tion des vic­times en mon­tagne conçue par un gendarme. 

“ L’innovation gagne à se nourrir du partage d’expériences et de la confrontation des idées ”

Pour ces futurs infor­ma­ti­ciens, juristes, ingé­nieurs, etc., il s’agit d’une pre­mière ren­contre avec une admi­nis­tra­tion davan­tage connue pour ses mis­sions de secours et de main­tien de la sécu­ri­té que pour sa capa­ci­té d’innovation.

D’abord per­plexes, les par­ti­ci­pants se sont vite sen­tis à l’aise dans ce cadre bien­veillant du PROTO204 pour ima­gi­ner de nou­veaux usages et fonc­tion­na­li­tés de la Web app. 

Cette ren­contre inédite pro­cède de l’idée que l’innovation gagne à se nour­rir du par­tage d’expériences et de la confron­ta­tion des idées et des talents et s’inscrit dans une véri­table démarche d’innovation ouverte. 

REPÈRES

L’open innovation est généralement reconnue comme un amplificateur et un accélérateur d’innovation.
Cette promesse dont le secteur privé s’est déjà largement saisi intéresse de plus en plus le management public qui explore le potentiel des différentes dimensions de l’innovation ouverte et en particulier, parmi celles-ci, l’apport de communautés externes (agents publics d’autres entités, usagers, étudiants, entreprises, experts, etc.) dans les démarches d’innovation au sein des administrations.

 
DES PROJETS NOVATEURS POUR LA BNF

Des ini­tia­tives tou­jours plus nom­breuses voient le jour à l’instar de celles de la Biblio­thèque natio­nale de France (BNF). L’institution a ain­si lan­cé une poli­tique d’innovation ouverte qui s’appuie à la fois sur l’écoute des agents et des usa­gers et la col­la­bo­ra­tion avec des tiers, entre­prises, par­ties pre­nantes, etc. 

Elle a notam­ment mené avec une grande école de desi­gn indus­triel, l’ENSCI, une réflexion sur l’accueil des publics. Par ailleurs, la BNF a adhé­ré à la pla­te­forme d’innovation ouverte « Ideas Labo­ra­to­ry » héber­gée par le CEA en vue d’expérimenter des pro­jets nova­teurs pour conce­voir la biblio­thèque de demain. 

Cette dyna­mique d’innovation plus par­ti­ci­pa­tive s’est aus­si tra­duite en novembre der­nier lors de la semaine de l’innovation publique par l’organisation par la BNF d’un hacka­thon sur les res­sources de sa biblio­thèque numé­rique Gal­li­ca durant lequel une cen­taine de par­ti­ci­pants ont ima­gi­né de nou­veaux usages des col­lec­tions et de nou­veaux ser­vices numériques. 

DE NOUVEAUX ESPACES DE CRÉATIVITÉ

L’implication de com­mu­nau­tés externes dans les pro­ces­sus d’innovation ouverte au sein d’entités publiques et la capa­ci­té à fédé­rer leur créa­ti­vi­té peuvent être gran­de­ment favo­ri­sées par la mise à dis­po­si­tion d’espaces phy­siques de ren­contre appe­lés com­mu­né­ment « tiers-lieux ». 

“ Il est essentiel d’entretenir l’intérêt et l’engagement des communautés par des résultats concrets et visibles ”

Ces espaces per­mettent de déca­drer dans le temps et l’espace la réflexion dans un lieu neutre où la bien­veillance entre par­ti­ci­pants est de mise et où l’expression est plus libre car pou­vant s’affranchir, le temps des échanges, des codes tra­di­tion­nels de l’organisation.

Ces tiers-lieux se déve­loppent par exemple beau­coup dans les grandes entre­prises et les uni­ver­si­tés sous des déno­mi­na­tions diverses telles que fablabs, open labs, living labs… Quelle que soit leur déno­mi­na­tion, ces espaces ont en com­mun un socle de valeurs qui sont la convi­via­li­té, la créa­ti­vi­té et la porosité. 

Par poro­si­té, il faut entendre la pos­si­bi­li­té offerte par une struc­ture d’accueillir des par­ties pre­nantes externes dans un lieu neutre, tout en lais­sant l’opportunité d’en res­treindre l’accès en fonc­tion de la nature des tra­vaux conduits. 

UN SUCCÈS CROISSANT

Ces lieux, véri­tables car­re­fours d’échange de connais­sance et d’idées, inté­ressent de plus en plus la sphère publique en par­ti­cu­lier pour y mettre en œuvre de nou­veaux for­mats d’innovation plus ouverts et col­la­bo­ra­tifs, tels que les ate­liers d’idéation, les hacka­thons, les chal­lenges de pro­to­ty­pages ou de desi­gn thin­king, etc. 

Ces nou­veaux for­mats per­mettent à la fois de renou­ve­ler les approches et d’impliquer plus lar­ge­ment la socié­té civile, et en par­ti­cu­lier les étu­diants, dans les pro­jets d’innovation. L’atelier d’idéation au PROTO204 orga­ni­sé par la Gen­dar­me­rie natio­nale en est un par­fait exemple. 

Le suc­cès de cette pre­mière ini­tia­tive a convain­cu la Gen­dar­me­rie de don­ner une suite à cette séquence d’idéation avec l’organisation d’un hacka­thon pour déve­lop­per de nou­velles fonc­tion­na­li­tés autour de la Web app de géolocalisation. 

Cet évé­ne­ment a mobi­li­sé durant près de trois jours des étu­diants (avec notam­ment le concours de l’École poly­tech­nique et de l’ENSTA) qui ont pu faire preuve de leurs savoirs, tout en béné­fi­ciant des conseils avi­sés de professionnels. 

Cet hacka­thon2 a consti­tué une for­mi­dable occa­sion de ren­contres humaines qui contri­buent aus­si à une image de l’administration plus proche des citoyens et plus ouverte. 

UNE DYNAMIQUE À ENTRETENIR

Si ces nou­veaux for­mats d’innovation plus col­la­bo­ra­tifs ont fait aujourd’hui preuve de leur inté­rêt, l’enjeu est d’entretenir la dyna­mique dans la durée, en par­ti­cu­lier en construi­sant des liens durables, et donc équi­tables, avec ces com­mu­nau­tés externes qui contri­buent géné­ra­le­ment sur une base volontaire. 


Ate­lier idéa­tion ouverte autour d’une Web app de géo­lo­ca­li­sa­tion pour le secours en montagne.

Cela passe néces­sai­re­ment par une réelle recon­nais­sance de leurs contri­bu­tions. La ques­tion se pose en par­ti­cu­lier pour les étu­diants qui consacrent du temps à des pro­jets d’innovation au ser­vice de l’intérêt géné­ral dans des tiers-lieux. 

L’APIE a lan­cé une réflexion sur ce sujet avec des éta­blis­se­ments d’enseignement supé­rieur, le fablab de l’École poly­tech­nique et des administrations. 

Ce tra­vail a abou­ti à une ébauche de grille de valo­ri­sa­tion des savoirs acquis dans les tiers-lieux (en crea­tive com­mons), qui iden­ti­fie notam­ment les contri­bu­tions en termes de savoir-être, de savoir-vivre, de savoir-faire et de savoir trans­mettre3.

UN POTENTIEL À OPTIMISER

Outre cette recon­nais­sance, il est éga­le­ment essen­tiel d’entretenir l’intérêt et l’engagement des com­mu­nau­tés par des résul­tats concrets et visibles. Pour évi­ter les effets décep­tifs il faut en par­ti­cu­lier d’emblée pen­ser aux suites pos­sibles dès qu’on envi­sage un évé­ne­ment fai­sant appel à une contri­bu­tion volon­taire de la part de tiers. 

Aujourd’hui, la recon­nais­sance de la valeur des apports des com­mu­nau­tés externes au pro­fit de l’innovation dans le sec­teur public est lar­ge­ment acquise. 

L’enjeu est de favo­ri­ser la pleine expres­sion de ce poten­tiel et l’inscription durable de ces nou­velles approches col­la­bo­ra­tives dans les stra­té­gies d’innovation des per­sonnes publiques en évi­tant les écueils qui pour­raient contra­rier la dyna­mique à l’œuvre.

____________________________________
1. https://github.com/InnovMetierEtat/Atelier-Ideation-GeolocOptinAdhoc
2. Hacka­thon orga­ni­sé avec le sou­tien de l’Agence du patri­moine imma­té­riel de l’État (APIE) : https://github.com/InnovMetierEtat/HackGend
3. https://github.com/InnovMetierEtat/Savoirs/blob/master/Parcours5.pdf

Commentaire

Ajouter un commentaire

Do-Khacrépondre
16 février 2017 à 9 h 19 min

Inno­va­tion utile à la Gendarmerie

Bon­jour, voi­ci quelques com­plé­ments sur App de géo­lo­ca­li­sa­tion des per­sonnes per­dues en mon­tagne sur Vos­ges­Ma­tin, 31 octobre 2016 ; 

Vosges : des per­sonnes per­dues retrou­vées grâce à « Gend­loc » en forêt de Cleurie
http://www.vosgesmatin.fr/edition-de-remiremont/2016/10/31/vosges-des-personnes-perdues-retrouvees-grace-a-gendloc-en-foret-de-cleurie

La capa­ci­té d’in­no­va­tion de la Gen­dar­me­rie, sur L’es­sor de la Gen­dar­me­rie Natio­nale , 24 mars 2016
Les Mac Gyver de la Gen­dar­me­rie place Beauvau,
http://lessor.org/les-macgyver-de-la-gendarmerie-place-beauvau/

Bra­vo à nos gen­darmes pour ces inno­va­tions utiles 

Cordialement
Tru Do-Khac

Répondre