Transmission d’entreprise familiale : La structure sociétale

Dossier : Les X et le droitMagazine N°625 Mai 2007
Par Christophe PICHARD (85)
Par Bruno PICHARD (82)

Un très grand nombre d’en­tre­prises sont appe­lées à chan­ger de mains dans les pro­chaines années compte tenu de l’âge de leurs diri­geants actuels. Moment clé de la vie d’une entre­prise, la trans­mis­sion est une opé­ra­tion sou­vent très déli­cate à mettre en oeuvre. Le légis­la­teur ne s’y est d’ailleurs pas trom­pé et, depuis plu­sieurs années, dif­fé­rentes lois ont été votées dans le but de faci­li­ter cette trans­mis­sion d’en­tre­prise et de pré­ser­ver en consé­quence un tis­su éco­no­mique per­for­mant et l’emploi cor­res­pon­dant. À ce titre notam­ment, deux lois ont été adop­tées au cours des années 2005–2006 :

  • la loi du 23 juin 2006 n° 2006–728 por­tant réforme des suc­ces­sions et des libéralités,
  • la loi du 2 août 2005 n° 2005–882 en faveur des petites et moyennes entreprises.
     

De nom­breuses dis­po­si­tions ont ain­si été mises en place afin de favo­ri­ser les trans­mis­sions d’en­tre­prises et plus par­ti­cu­liè­re­ment les socié­tés à carac­tère fami­lial. En effet, le légis­la­teur a bien com­pris que la péren­ni­té de ce type d’en­tre­prise pas­sait le plus sou­vent par sa trans­mis­sion au sein de la famille des diri­geants et néces­si­tait la mise en place d’un cadre rela­ti­ve­ment favo­rable. Même si le légis­la­teur a insis­té sur l’as­pect fis­cal, cet aspect n’est qu’une des facettes de l’o­pé­ra­tion et des mesures ont éga­le­ment été prises sur le plan juridique. 

Les caractéristiques du nouvel actionnariat

Au moment de la trans­mis­sion d’une entre­prise fami­liale, la struc­ture de l’ac­tion­na­riat va se trou­ver pro­fon­dé­ment modi­fiée. En effet, de nou­velles caté­go­ries d’ac­tion­naires aux inté­rêts diver­gents vont être ame­nées à coexis­ter. Sché­ma­ti­que­ment, on pour­ra retrou­ver trois prin­ci­pales caté­go­ries d’actionnaires.

  • Les fon­da­teurs : ces action­naires ont construit et déve­lop­pé l’en­tre­prise, ou tout au moins ont lar­ge­ment contri­bué à son déve­lop­pe­ment et ils auront à coeur de voir cette entre­prise, qu’ils consi­dèrent comme leur bien per­son­nel, pour­suivre son déve­lop­pe­ment dans de bonnes conditions.

Dans le cadre de cette étude, on consi­dé­re­ra que les fon­da­teurs n’ont plus voca­tion à exer­cer une acti­vi­té opé­ra­tion­nelle au sein de la socié­té. Tou­te­fois, ils sou­hai­te­ront bien sou­vent conser­ver un droit de regard plus ou moins éten­du sur sa ges­tion, voire être asso­ciés à cer­taines déci­sions, sans avoir la res­pon­sa­bi­li­té de son fonc­tion­ne­ment quo­ti­dien. Ils sou­hai­te­ront donc d’une part béné­fi­cier du fruit de leur tra­vail notam­ment pour jouir de leur retraite (sans doute confor­table et méri­tée) et d’autre part voir la socié­té prospérer.

  • Les action­naires actifs : ces action­naires seront en fait les nou­veaux diri­geants de la socié­té et par­ti­ci­pe­ront acti­ve­ment à sa ges­tion. Au-delà des titres qu’ils détien­dront, ils seront dans la plu­part des cas avant tout ani­més par le sou­ci de pou­voir gérer la socié­té dans les meilleures conditions.

Ils pri­vi­lé­gie­ront l’as­pect opé­ra­tion­nel de la socié­té et sou­hai­te­ront avoir le plus de marge de manoeuvre pos­sible en limi­tant les droits des autres action­naires. D’un point de vue finan­cier, même s’ils seront cer­tai­ne­ment inté­res­sés par la dis­tri­bu­tion de divi­dendes régu­liers, au titre de leurs reve­nus, ils vou­dront pré­ser­ver la tré­so­re­rie de la socié­té et ses capa­ci­tés d’autofinancement.

  • Les action­naires pas­sifs : ces der­niers détien­dront une par­ti­ci­pa­tion dans la socié­té qu’ils auront reçue des action­naires fon­da­teurs lors de la trans­mis­sion de l’en­tre­prise mais ils ne par­ti­ci­pe­ront pas à la ges­tion de celle-ci.

Tout autre sera donc l’in­té­rêt de ces action­naires pas­sifs qui se condui­ront cer­tai­ne­ment beau­coup plus comme de simples inves­tis­seurs finan­ciers : ils pri­vi­lé­gie­ront les dis­tri­bu­tions de divi­dendes ou la valo­ri­sa­tion de la socié­té dans le but d’une plus-value. Dans cette optique, ils auront besoin de béné­fi­cier d’un cer­tain droit de regard, d’in­for­ma­tion et de contrôle, sachant qu’ils ne sou­hai­te­ront pas être impli­qués dans sa ges­tion. Pour conci­lier les inté­rêts de tous, dif­fé­rents outils juri­diques sont à la dis­po­si­tion des actionnaires :

  • la struc­ture socié­tale : le choix d’une forme de socié­té appro­priée per­met­tra de résoudre un cer­tain nombre de dif­fi­cul­tés en tenant compte des inté­rêts de cha­cun. C’est d’ailleurs pour cette rai­son qu’une trans­mis­sion d’en­tre­prise s’ac­com­pagne la plu­part du temps d’un chan­ge­ment de forme et de struc­ture de la socié­té cible ;
  • le pacte d’ac­tion­naire : au-delà de cette struc­ture juri­dique, les action­naires pour­ront envi­sa­ger de conclure entre eux un pacte d’ac­tion­naires des­ti­nés à régir leurs rela­tions de façon har­mo­nieuse au sein de la société ;
  • les actions de pré­fé­rence : un der­nier méca­nisme lié à la struc­ture socié­tale pour­rait être uti­li­sé, à savoir les actions de pré­fé­rence ins­ti­tuées par l’or­don­nance 2004–604 du 24 juin 2004. Ces actions ont été créées par le légis­la­teur en réponse à une attente plus spé­ci­fique des inves­tis­seurs en capi­tal mais ont une voca­tion très générale.
     

Dans le cadre de cet article, nous ana­ly­se­rons les aspects juri­diques liés à la struc­ture socié­tale dans le cadre de la trans­mis­sion de l’en­tre­prise familiale.

À cet égard, les prin­ci­pales struc­tures juri­diques rete­nues dans ce type d’o­pé­ra­tions sont les socié­tés ano­nymes (SA) et les socié­tés par actions sim­pli­fiées (SAS). Nous nous limi­te­rons donc ici aux aspects qui paraissent les plus déter­mi­nants dans le choix d’une struc­ture appropriée.

La société anonyme de type classique

Une forme bien connue

Il s’a­git là de la socié­té ano­nyme la plus connue à savoir la SA à conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, à oppo­ser à la SA à direc­toire et conseil de sur­veillance étu­diée ci-après. Un des pre­miers avan­tages de ce type de struc­ture est sa connais­sance rela­ti­ve­ment répan­due. De ce fait, même les action­naires peu fami­liers du droit auront néan­moins cer­taines connais­sances sur le mode de fonc­tion­ne­ment d’une telle socié­té, ce qui pour­ra faci­li­ter les rela­tions : en par­ti­cu­lier, les action­naires pas­sifs seront moins sus­pi­cieux sur le mode d’or­ga­ni­sa­tion qui aura pu être rete­nu pour trans­mettre le pou­voir au sein de la socié­té. Ils se sen­ti­ront éga­le­ment ras­su­rés par le fait qu’ils auront une idée rela­ti­ve­ment claire des droits dont ils peuvent bénéficier.

Une structure codifiée

Cette struc­ture pré­sente éga­le­ment l’a­van­tage d’être extrê­me­ment codi­fiée, ce qui laisse moins de marge à des inter­pré­ta­tions diver­gentes pos­sibles. En revanche, et c’est là un de ses incon­vé­nients majeurs, elle laisse peu de place à l’a­dap­ta­tion des sta­tuts en vue de répondre à des besoins spé­ci­fiques. En d’autres termes, si ce type de struc­ture ne répond pas exac­te­ment aux besoins expri­més, il ne sera pas pos­sible, en prin­cipe, de déro­ger aux règles légales pour les amé­na­ger sauf recours à un pacte extra-sta­tu­taire ou aux actions de préférence.

Un conseil d’administration de taille variable

Le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion peut être com­po­sé de 3 à 18 membres, ce nombre pou­vant être aug­men­té dans cer­tains cas. Cette struc­ture per­met­tra d’as­so­cier dif­fé­rents membres de la famille en leur confé­rant des fonc­tions offi­cielles et le titre d’ad­mi­nis­tra­teur avec les res­pon­sa­bi­li­tés qui y sont asso­ciées. Sur le plan humain, cet aspect n’est pas négli­geable et per­met bien sou­vent d’a­pla­nir cer­taines ten­sions familiales.

Dissociation des fonctions de président et de directeur général

Depuis la loi n° 2001–420 du 15 mai 2001, il est pos­sible de dis­so­cier les fonc­tions de pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion et de direc­teur géné­ral. Aupa­ra­vant, le pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion assu­mait obli­ga­toi­re­ment la direc­tion géné­rale de la société.

Dès lors, l’as­so­cié fon­da­teur qui sou­hai­tait prendre du recul par rap­port à la direc­tion de la socié­té n’a­vait d’autre choix dans ce type de struc­ture que de se reti­rer com­plè­te­ment de la direc­tion et d’être simple admi­nis­tra­teur ou action­naire. Aujourd’­hui ce fon­da­teur peut deve­nir pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sans assu­mer la direc­tion géné­rale de la socié­té. Même si les pou­voirs du pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sont rela­ti­ve­ment limi­tés par rap­port au direc­teur géné­ral, ce titre marque clai­re­ment la place que le fon­da­teur conserve au sein de la socié­té. En par­ti­cu­lier, le pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion orga­nise et dirige les tra­vaux du Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion et veille au bon fonc­tion­ne­ment des organes de la société.

L’organisation de la direction

Direc­teur Général
La direc­tion opé­ra­tion­nelle de la SA est assu­rée par le direc­teur géné­ral qui repré­sente la socié­té dans ses rap­ports avec les tiers : il est inves­ti des pou­voirs les plus éten­dus pour agir en toutes cir­cons­tances au nom de la socié­té dans les limites de l’ob­jet social et des pou­voirs réser­vés aux assem­blées d’ac­tion­naires ou au conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Notons ici que les pou­voirs du direc­teur géné­ral peuvent être limi­tés par les sta­tuts ou par la déci­sion du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion le nom­mant, mais de telles limi­ta­tions sont inop­po­sables aux tiers. Le direc­teur géné­ral dans ce type de socié­té béné­fi­cie­ra donc bien sou­vent de pou­voirs très éten­dus. Une ques­tion récur­rente des action­naires porte sur les condi­tions de révocation :

  • le direc­teur géné­ral peut être révo­qué à tout moment par le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Tou­te­fois si cette révo­ca­tion est déci­dée sans juste motif, elle peut don­ner lieu à des dom­mages et inté­rêts. De plus, il ne faut pas que cette révo­ca­tion inter­vienne dans des condi­tions bru­tales ou vexa­toires ce qui pour­rait don­ner lieu à indem­ni­sa­tion : plus par­ti­cu­liè­re­ment, l’in­té­res­sé doit tou­jours être mis en posi­tion de faire-valoir ses obser­va­tions, préa­la­ble­ment à toute déci­sion du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sur une telle révocation ;
  • tou­te­fois, cette règle ne s’ap­plique pas dans le cas où le direc­teur géné­ral cumule ses fonc­tions avec celles de pré­sident. Dans un tel cas, le pré­sident du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, éga­le­ment direc­teur géné­ral, peut être révo­qué à tout moment, sans juste motif et sans indem­ni­té, sauf si cette révo­ca­tion se fait dans des condi­tions bru­tales ou vexa­toires ou sus­cep­tibles de por­ter atteinte ou sans pos­si­bi­li­té de se défendre, à l’ho­no­ra­bi­li­té du président.
     

En termes de sta­bi­li­té, la posi­tion de direc­teur géné­ral pour­ra donc s’a­vé­rer plus ou moins confor­table notam­ment en fonc­tion de la durée ini­tia­le­ment fixée pour son man­dat et en fonc­tion d’un éven­tuel cumul de ses fonc­tions avec celles de président.

Direc­teur géné­ral délégué


La Bourse de Paris.

Le direc­teur géné­ral peut être assis­té par un ou plu­sieurs direc­teurs géné­raux délé­gués, nom­més par le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sur pro­po­si­tion du direc­teur géné­ral. Ce pou­voir de pro­po­si­tion appar­tient au direc­teur géné­ral et à lui seul et ne sau­rait être exer­cé par le pré­sident ou un administrateur.

Après sa nomi­na­tion, la révo­ca­tion du direc­teur géné­ral délé­gué doit être déci­dée par le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion sur la pro­po­si­tion du direc­teur géné­ral. On peut donc se retrou­ver dans une situa­tion où le direc­teur géné­ral, après avoir pro­po­sé la nomi­na­tion d’un direc­teur géné­ral délé­gué, sou­haite le révo­quer, sans obte­nir l’ac­cord du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion auquel cas le direc­teur géné­ral délé­gué reste en place. À l’in­verse, le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion pour­rait sou­hai­ter révo­quer le direc­teur géné­ral délé­gué mais le direc­teur géné­ral refu­sant de faire une telle pro­po­si­tion, le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion ne pour­rait alors pas prendre une telle décision.

Si la révo­ca­tion du direc­teur géné­ral délé­gué est déci­dée sans juste motif, elle peut don­ner lieu à des dom­mages et inté­rêts. De la même façon, il ne faut pas que cette révo­ca­tion inter­vienne dans des condi­tions vexatoires. 

La société anonyme à directoire et conseil de surveillance

Le mode d’or­ga­ni­sa­tion de cette struc­ture moins connue s’ar­ti­cule autour de deux organes :

  • le directoire,
  • le conseil de surveillance.

Un organe de direction collégiale et égalitaire

Le direc­toire est com­po­sé de deux à cinq membres, action­naires ou non. Ce nombre peut être por­té à sept pour les socié­tés cotées ou encore rame­né à 1 si le capi­tal social est infé­rieur à 150 000 euros.

Le direc­toire consti­tue un organe de direc­tion col­lé­giale et ses déci­sions doivent être prises par l’en­semble des membres du direc­toire. Plus pré­ci­sé­ment, les actes indi­vi­duels de chaque membre du direc­toire sont répu­tés avoir été accom­plis col­lé­gia­le­ment et engagent donc le direc­toire dans son ensemble.

Cette orga­ni­sa­tion col­lé­giale dif­fère de la SA à conseil d’ad­mi­nis­tra­tion dans laquelle peut n’être nom­mé qu’un seul direc­teur général.

Un tel organe aura l’a­van­tage de faire par­ti­ci­per à la ges­tion de la socié­té plu­sieurs membres de la famille sur un pied d’é­ga­li­té. En revanche dans la SA clas­sique à conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, le direc­teur géné­ral a un rôle pré­do­mi­nant puisque c’est sur sa pro­po­si­tion que sont nom­més d’é­ven­tuels direc­teurs géné­raux délé­gués : en d’autres termes, même s’il n’a pas un pou­voir de nomi­na­tion des direc­teurs géné­raux délé­gués, il a néan­moins un droit de veto sur leur désignation.

Le rôle accru du conseil de surveillance

Le conseil de sur­veillance doit être com­po­sé de 3 membres au moins et 18 au plus, ce nombre pou­vant être aug­men­té dans cer­tains cas par­ti­cu­liers. Ils sont nom­més par l’as­sem­blée géné­rale des action­naires. Confor­mé­ment aux dis­po­si­tions de l’ar­ticle L.225–68 ali­néa 1 du code de com­merce, le conseil de sur­veillance exerce un contrôle per­ma­nent de la ges­tion du direc­toire. À ce titre, il peut à tout moment opé­rer les véri­fi­ca­tions et contrôles qu’il juge oppor­tuns et se faire com­mu­ni­quer les docu­ments qu’il estime néces­saires à l’ac­com­plis­se­ment de sa mission.

Dans la SA de type clas­sique, le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion déter­mine les orien­ta­tions de la socié­té et veille à leur mise en oeuvre. Il peut éga­le­ment se sai­sir de toutes ques­tions inté­res­sant la bonne marche de la socié­té. En théo­rie, le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion semble donc dis­po­ser de pou­voirs plus impor­tants que le conseil de sur­veillance. Tou­te­fois, en pra­tique, il n’y a pas d’o­bli­ga­tion légale de réunir le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion régu­liè­re­ment contrai­re­ment au conseil de sur­veillance et il ne se réunit sou­vent que une ou deux fois par an. De plus, il a un rôle limi­té dans la ges­tion de l’en­tre­prise puisque c’est bien le direc­teur géné­ral qui met en oeuvre la ges­tion au quo­ti­dien dans le cadre de la repré­sen­ta­tion de la socié­té à l’é­gard des tiers.

Même si le sta­tut du conseil de sur­veillance dans la SA à direc­toire s’ins­pire lar­ge­ment du rôle du conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, il dis­pose en pra­tique de pou­voirs de contrôle plus importants :

  • le direc­toire doit pré­sen­ter au conseil de sur­veillance un rap­port sur la marche de la socié­té au moins une fois par trimestre ;
  • dans les trois mois à comp­ter de la clô­ture de chaque exer­cice, le direc­toire doit com­mu­ni­quer les comptes annuels de la socié­té au conseil de sur­veillance pour lui per­mettre d’exer­cer son contrôle ;
  • le conseil de sur­veillance doit éga­le­ment avoir com­mu­ni­ca­tion des docu­ments pré­vi­sion­nels et de ges­tion de la société.
     

Signa­lons pour finir une dis­po­si­tion légale sus­cep­tible d’in­té­res­ser les action­naires d’une entre­prise fami­liale. En effet, dans une SA à direc­toire et conseil de sur­veillance, les ventes d’im­meubles par nature ain­si que les ces­sions totales ou par­tielles de par­ti­ci­pa­tion doivent faire l’ob­jet d’une auto­ri­sa­tion du conseil de sur­veillance (article L.225–68 ali­néa 2 du code de commerce). 

La société par actions simplifiée

Ini­tia­le­ment, ce type de socié­té ne pou­vait avoir pour action­naires que des socié­tés ayant un capi­tal d’au moins 1 500 000 francs. Depuis la loi du 12 juillet 1999, l’u­ti­li­sa­tion de la SAS est désor­mais ouverte à toutes per­sonnes phy­siques ou morales. Le nombre de consti­tu­tions de SAS a alors explo­sé et la SAS riva­lise avec la SA car elle pré­sente de nom­breux avantages.

Une structure simple et modulable

En termes d’or­ga­ni­sa­tion, cette socié­té est par­ti­cu­liè­re­ment souple puisque, aux termes de l’ar­ticle L.227–5 du code de com­merce : » Les sta­tuts fixent les condi­tions dans les­quelles la socié­té est diri­gée. » L’ar­ticle L.227–6 pré­cise : » La socié­té est repré­sen­tée à l’é­gard des tiers par un pré­sident dési­gné dans les condi­tions pré­vues par les sta­tuts. Le pré­sident est inves­ti des pou­voirs les plus éten­dus pour agir en toutes cir­cons­tances au nom de la socié­té dans la limite de l’ob­jet social. »

Depuis la loi du 1er août 2003, cet article a été com­plé­té ain­si qu’il suit : » Les sta­tuts peuvent pré­voir les condi­tions dans les­quelles une ou plu­sieurs per­sonnes autres que le pré­sident por­tant le titre de direc­teur géné­ral ou de direc­teur géné­ral délé­gué peuvent exer­cer des pou­voirs confiés à ce der­nier par le pré­sent article.

» Ain­si, en adop­tant la forme de SAS, les asso­ciés d’une entre­prise fami­liale vont pou­voir créer des sta­tuts sur mesure.

Les limites des statuts spécifiques

Tou­te­fois, il faut bien être conscient des limites de cet avan­tage qui peuvent même se trans­for­mer en incon­vé­nient dans cer­tains cas. En effet, en pre­mier lieu, dans la mesure où le fonc­tion­ne­ment de la SAS va dépendre en grande par­tie des sta­tuts, les risques d’in­ter­pré­ta­tion diver­gente liés à la rédac­tion rete­nue seront beau­coup plus impor­tants que pour une socié­té ano­nyme. En effet, rap­pe­lons que dans une socié­té ano­nyme, le fonc­tion­ne­ment est extrê­me­ment régle­men­té, tant par les textes que par la nom­breuse juris­pru­dence qui s’ap­plique de la même façon à l’en­semble des SA. À l’in­verse, chaque SAS est un cas par­ti­cu­lier qui aura ses propres sta­tuts et la juris­pru­dence appli­cable à cer­taines SAS ne sera sans doute pas trans­po­sable aux autres SAS compte tenu des rédac­tions sta­tu­taires spécifiques.

Par ailleurs, au-delà de cette éven­tuelle insé­cu­ri­té juri­dique, le fait que le fonc­tion­ne­ment dépende avant tout des sta­tuts pour­rait sus­ci­ter des inter­ro­ga­tions venant de cer­tains asso­ciés pas­sifs qui ne sont pas for­cé­ment fami­liers des ques­tions juri­diques : en d’autres termes, ils pour­raient s’in­quié­ter du recours à une forme de socié­té moins connue que la SA.

Une organisation personnalisée de la direction

Le seul impé­ra­tif légal pour une SAS est la dési­gna­tion d’un pré­sident pour repré­sen­ter la socié­té. Il appar­tient alors aux action­naires de défi­nir les autres organes qu’ils sou­haitent mettre en place dans la SAS. Ain­si, les action­naires pour­ront déci­der d’é­ta­blir des organes se rap­pro­chant par exemple de la SA, comme un conseil de sur­veillance ou un conseil d’ad­mi­nis­tra­tion, tout en leur attri­buant des mis­sions spé­ci­fiques. Ou au contraire de nou­veaux comi­tés pour­ront être mis en place comme des comi­tés d’o­rien­ta­tion ou de direc­tion. Une des dif­fi­cul­tés pour la mise en place de ces dif­fé­rents organes sera de défi­nir clai­re­ment leurs pou­voirs, leurs pré­ro­ga­tives et leurs responsabilités.

Il fau­dra aus­si évi­ter de rendre trop com­plexe la ges­tion de la socié­té par la créa­tion de mul­tiples organes.

Par ailleurs, il appar­tien­dra aux sta­tuts de défi­nir le mode de fonc­tion­ne­ment de ces organes qui pour­ra être lar­ge­ment sim­pli­fié par rap­port aux règles appli­cables aux SA. Notam­ment les règles rela­tives aux convo­ca­tions, réunions, quo­rum, majo­ri­té, pour­ront être adap­tées en fonc­tion des besoins et ces règles pour­ront d’ailleurs, selon les situa­tions, être soit sim­pli­fiées, soit ren­for­cées selon l’ob­jet recherché.

Cette struc­ture per­met­tra donc d’im­pli­quer les dif­fé­rents membres de la famille à la direc­tion ou au contrôle de la ges­tion et de leur attri­buer des droits et rôles spécifiques.

Une réglementation spécifique aux associés

Au-delà des règles qui pour­ront être mises en place pour la direc­tion de la socié­té, la SAS pré­sente éga­le­ment l’a­van­tage de » léga­li­ser » cer­taines dis­po­si­tions au niveau des asso­ciés. En effet, dans le cadre d’une socié­té fami­liale, la struc­ture de l’ac­tion­na­riat est une ques­tion essen­tielle et l’en­semble des asso­ciés auront à coeur de pré­ser­ver cette struc­ture, ou tout au moins de contrô­ler son évolution.

Dans le cadre d’une SA, bien sou­vent ce type de dis­po­si­tion figure dans un pacte d’ac­tion­naires. La régle­men­ta­tion appli­cable aux SAS auto­rise toute une série de dis­po­si­tions par­ti­cu­lières sta­tu­taires, ce qui per­met d’é­vi­ter d’a­voir recours à de tels pactes extra­s­ta­tu­taires, pour autant que de telles dis­po­si­tions ne néces­sitent pas une cer­taine confi­den­tia­li­té. Ain­si, il est pos­sible d’in­té­grer dans les sta­tuts des dis­po­si­tions spé­ci­fi­que­ment auto­ri­sées par la loi et notamment :

  • des clauses d’i­na­lié­na­bi­li­té, à la seule condi­tion qu’elles n’ex­cèdent pas dix ans,
  • des clauses d’ex­clu­sion d’as­so­ciés dans cer­taines conditions.

Conclusion

La trans­mis­sion d’une entre­prise fami­liale par les diri­geants fon­da­teurs aux membres de leur famille sera sans doute l’une des opé­ra­tions les plus impor­tantes tant sur le plan stra­té­gique que sur le plan affec­tif. Ils auront donc par­ti­cu­liè­re­ment à coeur de réus­sir cette trans­mis­sion, pour assu­rer la péren­ni­té de leur entre­prise d’une part, et d’autre part pour faci­li­ter l’at­tri­bu­tion à leurs héri­tiers d’une par­tie de leur patri­moine dans les meilleures conditions.

Si la trans­mis­sion d’une entre­prise est déjà en elle-même une opé­ra­tion rela­ti­ve­ment com­plexe, elle prend une dimen­sion par­ti­cu­lière lorsque cette trans­mis­sion se fait au sein du cercle fami­lial. Ain­si, la trans­mis­sion du pou­voir et la trans­mis­sion du capi­tal devront bien sou­vent être dis­so­ciées pour tenir compte des situa­tions per­son­nelles de cha­cun des membres de la famille, ce qui ren­dra cet exer­cice plus difficile.

Mais au-delà des aspects juri­diques, finan­ciers, fis­caux et sociaux qui néces­si­te­ront d’être étu­diés au cas par cas, les diri­geants devront éga­le­ment tenir compte du cri­tère » affec­tif » et des rap­ports exis­tants au sein de la famille. C’est bien sou­vent cette der­nière dimen­sion qui sera la plus déli­cate à gérer.

Notam­ment, si la trans­mis­sion ne fait pas l’ob­jet d’une péda­go­gie détaillée vis-à-vis de tous les membres de la famille, cer­tains membres pour­ront expri­mer des réti­cences face à des choix qui ne leur donnent pas une place suf­fi­sam­ment impor­tante dans la nou­velle orga­ni­sa­tion, et ce même si finan­ciè­re­ment ils sont trai­tés de la même façon.

En défi­ni­tive, une trans­mis­sion réus­sie est une trans­mis­sion bien pré­pa­rée. Pour cela il faut du temps :

  • d’une part pour répar­tir les pou­voirs entre les dif­fé­rents membres de la famille,
  • d’autre part pour mettre en place les struc­tures appro­priées, éven­tuel­le­ment en plu­sieurs étapes.
     

Chaque trans­mis­sion d’en­tre­prise fami­liale est une opé­ra­tion spé­ci­fique répon­dant à des besoins et à des contraintes par­ti­cu­lières : en d’autres termes, cha­cune d’elles néces­site une solu­tion per­son­na­li­sée s’ins­cri­vant dans un cadre glo­bal et familial.

On ne peut donc que recom­man­der aux diri­geants d’en­tre­prise de s’y atte­ler suf­fi­sam­ment tôt pour rele­ver ce défi.

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