Souvenirs d’un ancien

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°677 Septembre 2012Par : Georges LACROIX (43).

« Je fai­sais par­tie de la pro­mo 42- 43 b, le b cor­res­pon­dant aux élèves des pro­mos 42 (qui avaient pas­sé une année aux chan­tiers de jeu­nesse) et 43 ayant moins de vingt ans, les plus âgés étant sou­mis en prin­cipe au STO. L’École leur avait for­te­ment sug­gé­ré de ne pas se pré­sen­ter dans les usines Mes­ser­sch­mitt en leur signi­fiant que s’ils res­taient dans le maquis, per­sonne n’irait les y chercher.

« Nous étions donc seuls à l’École, cette pre­mière année 1943–1944 et regrou­pés en équipes de 10 à 12, tra­vaillant dans la même thurne, dor­mant dans le même casert, man­geant à la même table. Nous n’étions pas à plaindre, à une époque où les Fran­çais cre­vaient de faim, nous étions nour­ris conve­na­ble­ment même si ce n’était pas très copieux. Pour tout vous dire, je ne me sou­viens plus de ce que nous avions dans notre assiette.

« C’était dif­fé­rent à la Libé­ra­tion et pen­dant la période qui a sui­vi. Nous étions quelques-uns à n’avoir pas pu ren­trer chez nous suite au débar­que­ment en Nor­man­die puis en Pro­vence. Nous étions donc 25 ou 30 élèves, héber­gés par l’École. Je me sou­viens très bien de cette époque car l’École pos­sé­dait un camion à gazo­gène avec Aus­weiss que l’intendant avait envoyé juste der­rière le front, au risque de se faire mitrailler, et qui avait rap­por­té cochons, pommes de terre et beurre, dont le Magnan avait rem­pli les réfri­gé­ra­teurs de l’École. Nous étions ain­si nour­ris sans grande varié­té mais en bonne quan­ti­té de pommes de terre frites au beurre et de porc.

« Pour amé­lio­rer cet ordi­naire et nous pro­cu­rer du pain, nous démon­tions les écha­fau­dages du pavillon Joffre alors en réfec­tion et échan­gions avec le bou­lan­ger le bois ain­si récol­té contre du pain.

« En pre­mière année, nous n’avions pas de vin, du moins je n’en ai pas le souvenir.

« En deuxième année (1944−1945) notre pro­mo 42–43 b fut scin­dée en deux, une moi­tié alla à l’École spé­ciale mili­taire de Cher­chell, l’autre – dont j’étais – s’engagea comme volon­taire dans la Pre­mière Armée fran­çaise (dans les armes savantes). Nous fûmes accueillis par nos anciens, encore nom­breux à cette époque par­mi les offi­ciers. Hor­mis le tra­vail, très inté­res­sant, puisque nous expé­ri­men­tions de nou­veaux maté­riels, la nour­ri­ture, c’était la nour­ri­ture mili­taire, très abon­dante mais très pauvre en fibres, si bien que j’eus quelques ennuis digestifs.

« En troi­sième année (1945−1946), de nou­veau à l’École, l’alimentation mili­taire se pour­sui­vit sans grands chan­ge­ments, avec en ce qui me concer­na, les mêmes inconvénients. »

Le Magnan à l'Ecole polytechnique en 1943

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