Simplifier les démarches administratives

Dossier : Politiques publiques: la RGPPMagazine N°647 Septembre 2009
Par Renaud VATINET

Le pro­gramme de mesure et de réduc­tion des charges admi­nis­tra­tives (MRCA) pesant sur les entre­prises s’ar­ti­cule avec la poli­tique de l’U­nion euro­péenne enga­gée dans le cadre de la » stra­té­gie de Lis­bonne » par le Conseil euro­péen de juin 2006. Il vise à amé­lio­rer la com­pé­ti­ti­vi­té des entre­prises par la dimi­nu­tion des charges admi­nis­tra­tives qui pèsent sur elles. Concrè­te­ment, il s’a­git de s’at­ta­quer à tous les fac­teurs d’en­traves, de sim­pli­fier, voire de sup­pri­mer des obli­ga­tions admi­nis­tra­tives tout en pré­ser­vant les poli­tiques publiques. La Direc­tion géné­rale de la moder­ni­sa­tion a ain­si enga­gé en 2006 ce pro­gramme appe­lé MRCA.

Pour chaque caté­go­rie d’usagers, iden­ti­fier et hié­rar­chi­ser les attentes ou besoins prioritaires

Le pro­gramme couvre la période 2008–2011 avec pour ambi­tion d’en­ga­ger des plans de trans­for­ma­tion per­met­tant d’ob­te­nir un allé­ge­ment très signi­fi­ca­tif de la charge admi­nis­tra­tive, repré­sen­tant une éco­no­mie poten­tielle de plu­sieurs mil­liards d’eu­ros par an.

Identification, évaluation et simplification

Un objec­tif prioritaire
Selon une enquête menée par l’ins­ti­tut TNS Sofres pour le compte de la Direc­tion géné­rale de la moder­ni­sa­tion de l’É­tat (DGME), 91 % des Fran­çais inter­ro­gés estiment que les démarches admi­nis­tra­tives en France sont » assez » ou » trop » lourdes et 93 % pensent que la sim­pli­fi­ca­tion devrait être un objec­tif prio­ri­taire. Cer­tains États de l’U­nion euro­péenne ont éva­lué le coût des démarches admi­nis­tra­tives, c’est-à-dire le fait de rem­plir et d’ex­pé­dier dif­fé­rents dos­siers admi­nis­tra­tifs tels que les décla­ra­tions d’ac­ti­vi­té ou les demandes d’au­to­ri­sa­tion ou de sub­ven­tion. Ces charges varient de 3 à 5 % de leur pro­duit inté­rieur brut (PIB). Rap­por­tée au PIB fran­çais, une telle pro­por­tion repré­sen­te­rait plus de 60 mil­liards d’euros.

Le pro­gramme » Mesure et Réduc­tion de la Charge admi­nis­tra­tive » com­porte trois phases. D’a­bord les obli­ga­tions d’in­for­ma­tion les plus signi­fi­ca­tives en termes de charges pour les entre­prises sont iden­ti­fiées, en s’ap­puyant sur les expé­riences des admi­nis­tra­tions et sur les échanges avec les entre­prises. Le coût de l’o­bli­ga­tion d’in­for­ma­tion est ensuite éva­lué ; coût de l’o­bli­ga­tion pour l’en­tre­prise : il s’a­git de déter­mi­ner toutes les tâches réa­li­sées dans le cadre de ces démarches et de leur affec­ter un coût horaire, selon la méthode du coût stan­dard (Stan­dard Cost Model – SCM); coût du trai­te­ment de l’o­bli­ga­tion pour l’ad­mi­nis­tra­tion, c’est-à-dire les moyens humains et maté­riels enga­gés dans l’ins­truc­tion des dos­siers. Enfin, les obli­ga­tions font l’ob­jet d’une » réin­gé­nie­rie » : les équipes d’ex­perts défi­nissent, en col­la­bo­ra­tion avec les minis­tères et les entre­prises, les solu­tions pour sim­pli­fier les démarches et réduire leur coût. Concrè­te­ment, la réduc­tion des charges peut prendre la forme d’une déma­té­ria­li­sa­tion des pro­cé­dures (for­mu­laire en ligne, télé­dé­cla­ra­tion), d’une mutua­li­sa­tion entre admi­nis­tra­tions (par­tage des infor­ma­tions), d’une défi­ni­tion de délai maxi­mal d’ins­truc­tion, voire d’une sup­pres­sion pure et simple de la démarche (obli­ga­tion désuète) : autant d’ou­tils pour nour­rir les plans d’ac­tion, assor­tis d’ob­jec­tifs et de calendriers.

Écouter les usagers

En phase amont, pour le choix des axes prio­ri­taires d’in­ter­ven­tion, la DGME a enri­chi son approche par la créa­tion en son sein, en 2008, d’un ser­vice Inno­va­tion dont la mis­sion est d’i­den­ti­fier et de hié­rar­chi­ser, pour chaque caté­go­rie d’u­sa­gers (dont les entre­prises), les attentes ou besoins prio­ri­taires. L’ar­ti­cu­la­tion de la démarche MRCA avec ces tra­vaux et avec le recen­se­ment des obli­ga­tions d’in­for­ma­tions réa­li­sé anté­rieu­re­ment per­met­tra de ren­for­cer la per­ti­nence d’en­semble de la démarche.

Pour les par­ti­cu­liers, les démarches admi­nis­tra­tives res­sen­ties comme les plus com­pli­quées sont liées à des moments par­ti­cu­liè­re­ment dif­fi­ciles de la vie per­son­nelle : le han­di­cap, l’a­gres­sion, le décès d’un proche, ou encore la perte ou le vol de papiers d’i­den­ti­té. Les prin­ci­pales dif­fi­cul­tés ren­con­trées sont la lon­gueur des délais, l’i­nu­ti­li­té et la com­plexi­té de cer­taines pro­cé­dures ain­si que la dif­fi­cul­té d’en­trer en contact avec l’administration.

Une lourdeur injustifiée

L’en­vol de la pla­te­forme net-entreprise
La sim­pli­fi­ca­tion des décla­ra­tions sociales est le chan­tier le plus avan­cé, comme le prouve le suc­cès de la pla­te­forme net-entreprise.fr déve­lop­pée par le Grou­pe­ment d’in­té­rêt public – Moder­ni­sa­tion des décla­ra­tions sociales (GIP MDS) : une entre­prise sur trois est ins­crite au ser­vice, plus de 10 mil­lions de télé­dé­cla­ra­tions ont été effec­tués sur la pla­te­forme en 2008.

Pour les entre­prises, les démarches les plus com­plexes sont la créa­tion et la ces­sion d’en­tre­prises, la demande de finan­ce­ment public et la mise aux normes environnementales.

Pour les asso­cia­tions, cer­taines demandes d’a­gré­ment appa­raissent com­plexes. Plus que la lon­gueur des délais ou la dif­fi­cul­té d’i­den­ti­fier le bon inter­lo­cu­teur, les asso­cia­tions reprochent plu­tôt à l’ad­mi­nis­tra­tion un manque de conseil et une lour­deur per­çue comme injustifiée.

Pour les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, la prin­ci­pale dif­fi­cul­té ren­con­trée réside avant tout dans la lon­gueur des délais, sui­vie par la dif­fi­cul­té de contac­ter et de trans­mettre les infor­ma­tions aux ser­vices de l’É­tat. La ges­tion des conten­tieux avec la pré­fec­ture, l’é­ta­blis­se­ment de papiers d’i­den­ti­té et la ges­tion des auto­ri­sa­tions d’ur­ba­nisme figurent par­mi les démarches jugées les plus compliquées.

Le développement des téléservices

Cette démarche de sim­pli­fi­ca­tion est éga­le­ment à l’o­ri­gine de nom­breuses réformes : la décla­ra­tion des impôts par télé­phone, la sup­pres­sion de la décla­ra­tion de res­sources aux CAF, la sup­pres­sion de la taxe d’ap­pren­tis­sage etc.

Les pro­jets de sim­pli­fi­ca­tion des démarches admi­nis­tra­tives peuvent émer­ger des dis­po­si­tifs pré­sen­tés pré­cé­dem­ment, mais peuvent éga­le­ment être à l’i­ni­tia­tive des minis­tères, des col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales ou d’autres acteurs publics. Ain­si, depuis les années 2000, l’ad­mi­nis­tra­tion a pris conscience du poten­tiel de sim­pli­fi­ca­tion offert par les nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion, et a per­mis de déve­lop­per les téléservices.

Le por­tail inter­ad­mi­nis­tra­tif « www.service-public.fr » a reçu près de 50 mil­lions de visi­teurs en 2008

La sim­pli­fi­ca­tion des démarches pour les par­ti­cu­liers a fait un bon en avant depuis 2004 avec la mise en place du por­tail inter­ad­mi­nis­tra­tif www.service-public.fr (près de 50 mil­lions de visi­teurs en 2008) et plus récem­ment la mise en place du gui­chet per­son­nel des démarches en ligne mon.service-public.fr ouvert à par­tir de décembre 2008. Dans le cadre du pro­gramme » Ma démarche en ligne « , la DGME a pour objec­tif d’ac­croître signi­fi­ca­ti­ve­ment dans les trois pro­chaines années l’offre de ser­vices en ligne.

La sim­pli­fi­ca­tion des démarches des can­di­dats aux appels d’offres publics se concré­tise avec la mise en place de pla­te­formes déma­té­ria­li­sées : www.marches-publics.gouv.fr ou www.e‑bourgogne.fr

Pion­nier en matière de sim­pli­fi­ca­tion, le GIP MDS tra­vaille actuel­le­ment à la créa­tion d’une Décla­ra­tion sociale nomi­na­tive qui se sub­sti­tue­rait à la grande majo­ri­té des décla­ra­tions sociales, en étant géné­rée direc­te­ment à par­tir du logi­ciel de paie.

Les démarches des asso­cia­tions ont été éga­le­ment gran­de­ment sim­pli­fiées avec la mise en place d’une pla­te­forme de sub­ven­tions en ligne qui connaît un véri­table suc­cès : plus de 5 000 asso­cia­tions ou por­teurs de pro­jets ins­crits, près de 500 ser­vices admi­nis­tra­tifs finan­ceurs adhé­rents, plus de 13 000 dos­siers ins­truits, 102 mil­lions d’eu­ros de sub­ven­tions sol­li­ci­tées. Pour répondre aux objec­tifs de qua­li­té de ser­vice, l’ad­mi­nis­tra­tion a réaf­fir­mé le besoin de sim­pli­fier les démarches admi­nis­tra­tives des par­ti­cu­liers, des entre­prises, des col­lec­ti­vi­tés et des associations.

Un coup d’accélérateur

Ain­si, la RGPP a per­mis de don­ner un coup d’ac­cé­lé­ra­teur aux pro­jets de télé­dé­cla­ra­tion et aux pro­grammes visant à iden­ti­fier les démarches lourdes et coûteuses.

Pour autant, jus­qu’à pré­sent, si la sim­pli­fi­ca­tion des démarches admi­nis­tra­tives s’est tra­duite par le déve­lop­pe­ment des ser­vices uti­li­sant les nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion, elle n’a pas réso­lu la ques­tion de l’in­fla­tion régle­men­taire. La sim­pli­fi­ca­tion de la légis­la­tion consti­tue­rait réso­lu­ment le grand chan­tier de sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive, mais outre la relec­ture des régle­men­ta­tions exis­tantes, il fau­drait que les mesures d’im­pact sur le coût pour les entre­prises soient menées préa­la­ble­ment aux débats d’exa­men des textes de loi.

Ineum
Ineum Consul­ting est une socié­té de conseil en stra­té­gie, orga­ni­sa­tion et sys­tèmes d’information. Ineum Consul­ting assiste ses clients dans la réa­li­sa­tion de leurs choix stra­té­giques, opé­ra­tion­nels et technologiques.
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