Seniors et bénévoles, une vie après la vie

Dossier : Fondations et AssociationsMagazine N°636 Juin/Juillet 2008
Par Thierry CHAMBOLLE (59)

Bri­gitte rentre du Viêt Nam où elle a pas­sé six mois à l’é­cole Hoa Sua située dans la ban­lieue sud de Hanoi. Cette école des arts ména­gers a été fon­dée en 1994 par une Fran­çaise et six Viet­na­miennes pour la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle de jeunes défa­vo­ri­sés. Bri­gitte, pro­fes­seur de cou­ture retrai­tée, a effec­tué dans le dépar­te­ment » cou­ture et bro­de­rie » une mis­sion d’ap­pui à l’ad­mi­nis­tra­tion du dépar­te­ment, de for­ma­tion des pro­fes­seurs et de mar­ke­ting-publi­ci­té pour la bou­tique de vente des pro­duc­tions. La sec­tion » cou­ture » où s’est dérou­lée sa mis­sion com­por­tait 49 élèves (han­di­ca­pés moteurs ou mal­en­ten­dants) accom­pa­gnés par huit pro­fes­seurs dont deux mal­en­ten­dants et une han­di­ca­pée moteur.

REPÈRES
Des pro­grammes ori­gi­naux comme Agi­route ont pour objec­tif de lut­ter contre l’exclusion en faci­li­tant l’accès des jeunes en dif­fi­cul­té au per­mis de conduire et en aidant les seniors à res­ter en bonne forme de conduite.

Alain L. et Alain M. sont doc­teurs en méde­cine. Ils ont exer­cé la chi­rur­gie géné­rale et diges­tive. Ils reviennent de Mada­gas­car où ils ont assu­ré une for­ma­tion des chi­rur­giens de l’hô­pi­tal Andra­no­ma­dio d’Ant­si­ra­bé à la pra­tique de la coe­lio­sco­pie, pen­dant trois semaines.

Un retrai­té ne peut pas se pré­sen­ter en concur­rent d’un actif

Jean-Pierre revient de Mau­ri­ta­nie. Il a par­ti­ci­pé à la récep­tion des tra­vaux du bar­rage de N’Dieo dans le sud-est de ce pays. Ce bar­rage, finan­cé par l’As­so­cia­tion des migrants de Mau­ri­ta­nie, l’U­nion euro­péenne et d’autres dona­teurs et le péri­mètre d’ir­ri­ga­tion asso­cié ont per­mis aux vil­la­geois de pas­ser d’une situa­tion de pénu­rie ali­men­taire chro­nique à des pré­oc­cu­pa­tions com­mer­ciales de vente des excé­dents (fruits, légumes, céréales…). Ancien ingé­nieur, il a par­ti­ci­pé à la concep­tion du pro­jet, la recherche des finan­ce­ments, l’exé­cu­tion avec le concours de bureaux d’é­tudes et d’en­tre­prises locales. Qu’est-ce qui réunit Bri­gitte, Jean-Pierre et les deux Alain ? Ils sont tous les quatre membres de l’As­so­cia­tion géné­rale des inter­ve­nants retrai­tés, une des asso­cia­tions fran­çaises agis­sant de façon béné­vole pour la coopé­ra­tion et le développement.

Aider les pays en voie de développement

Une concur­rence cordiale 
Les diverses asso­cia­tions de retrai­tés béné­voles se concur­rencent théo­ri­que­ment. En pra­tique, cha­cune dis­pose de ter­rains d’ac­ti­vi­té de pré­di­lec­tion ou s’a­dresse à des pro­fils plus ou moins spécialisés.
Il n’est d’ailleurs pas rare qu’un même expert béné­vole soit adhé­rent de plu­sieurs asso­cia­tions, ou qu’un même » client » fasse appel à des experts de plu­sieurs asso­cia­tions qui tra­vaillent ensuite en équipe.
Les quatre asso­cia­tions fran­çaises les plus connues dans les milieux d’in­gé­nieurs (AGI­Rabcd, ECTI, EGEE, OTECI) se concertent régu­liè­re­ment au sein de :
 » Seniors experts fran­çais « , 15, ave­nue de Ségur 75007 Paris
tél. : 01 47 05 57 71
seniors.experts.francais@libertysurf.fr
 
Au niveau euro­péen, les prin­ci­pales asso­cia­tions sont membres de CESES, » Confe­de­ra­tion of Euro­pean Senior Expert Ser­vices » qui regroupe 25 orga­ni­sa­tions de 17 pays, soit 25 000 experts bénévoles.
info@ceses.net

Les diverses asso­cia­tions de retrai­tés béné­voles ont été créées il y a quelques dizaines d’an­nées au moment où se déve­lop­pait le régime de pré­re­traite auquel se rési­gnaient dif­fi­ci­le­ment nombre de pro­fes­sion­nels et alors que les pays en déve­lop­pe­ment ren­con­traient d’im­menses dif­fi­cul­tés pour amé­lio­rer le niveau de vie de leur popu­la­tion. À l’aide aux pays du tiers-monde est venue s’a­jou­ter au fil des ans une aide à d’autres pays des divers conti­nents, puis à ceux d’Eu­rope cen­trale et orien­tale. Tout en demeu­rant prio­ri­taires, ces actions ont été pro­gres­si­ve­ment com­plé­tées par une aide au tis­su natio­nal, notam­ment de petites et de moyennes entreprises. 

Quelques noms connus

Les asso­cia­tions les plus connues dans le milieu des anciens élèves de grandes écoles ou d’u­ni­ver­si­tés sont AGI­Rabcd, ECTI et EGEE. On peut citer éga­le­ment OTECI, de créa­tion plus récente. Elles comptent au total envi­ron dix mille » experts » retrai­tés (voir enca­drés). Elles se dis­tinguent plus par­ti­cu­liè­re­ment par l’o­ri­gine des adhé­rents, la coop­ta­tion étant une forme répan­due de » recru­te­ment « . Par exemple, chez AGI­Rabcd, un tiers est issu de l’en­sei­gne­ment, un peu plus d’une moi­tié de l’en­tre­prise. Chez ECTI, on compte plus de la moi­tié d’an­ciens élèves d’é­coles d’in­gé­nieurs. L’ac­ti­vi­té est aus­si orien­tée plus par­ti­cu­liè­re­ment vers cer­tains sec­teurs, par exemple études et recherche, pro­duc­tion, chez ECTI ; aide à la per­sonne ou sup­port des petites et moyennes entre­prises chez EGEE ; sou­tien sco­laire et lutte contre l’illet­trisme pour AGIR. 

Une déontologie très stricte

AGI­Rabcd
Asso­cia­tion géné­rale des inter­ve­nants retrai­tés – Action de béné­voles pour la coopé­ra­tion et le développement
8, rue Ambroise Tho­mas, 75009 Paris
01 47 70 18 90
agirabcd@agirabcd.org
ECTI
101–109, ave­nue Jean Jaurès
92300 Levallois-Perret
Pro­fes­sion­nels seniors bénévoles
01 41 40 36 00

accueil@ecti.vsf.org
Envi­ron 3 000 experts, réseau natio­nal et inter­na­tio­nal (40 pays), créée en 1974 sous le nom « Échanges et consul­ta­tions tech­niques internationaux ».

EGEE
Entente des géné­ra­tions pour l’emploi et l’entreprise
15, ave­nue de Ségur, 75007 Paris
01 47 05 57 71

contact@egee.asso.fr
Envi­ron 2 500 conseillers béné­voles, 150 points de contacts en France, créée en 1997 à l’initiative de la Caisse des dépôts et consignations

OTECI
Office tech­nique d’études et de coopé­ra­tions internationales
10, rue du Havre, 75009 Paris
01 56 02 63 02
oteci@oteci.asso.fr
500 experts.

Comme leur qua­li­fi­ca­tif de béné­vole l’indique, les retrai­tés ne sont pas rému­né­rés, mais seule­ment défrayés par le « client » de leurs frais de trans­port ou d’hébergement. La pres­ta­tion n’est donc pas gra­tuite. Elle est payée, soit par le mon­tant glo­bal de l’adhésion à l’association (modu­lé géné­ra­le­ment en fonc­tion de la taille de l’adhérent), soit par une par­ti­ci­pa­tion aux frais de la « mis­sion » considérée.

Il n’en demeure pas moins que l’appel à des retrai­tés béné­voles est sen­si­ble­ment moins coû­teux que l’appel à des pres­ta­taires employant des col­la­bo­ra­teurs en acti­vi­té. Se pose donc le pro­blème déon­to­lo­gique de savoir quelles mis­sions accep­ter. Un retrai­té ne peut évi­dem­ment pas se pré­sen­ter en concur­rent d’un actif. En géné­ral, les asso­cia­tions de retrai­tés béné­voles réservent les pres­ta­tions de leurs membres à des mis­sions ponc­tuelles, de courte durée et fai­sant appel à une com­pé­tence très spé­ci­fique. Sont éga­le­ment aidées les orga­ni­sa­tions dont les moyens sont très faibles (asso­cia­tions, par exemple) et qui ne pour­raient s’offrir le luxe d’une socié­té de conseil. En conclu­sion, deux consta­ta­tions d’évidence. Il y a beau­coup à faire en France et pas assez d’adhérents pour s’y atte­ler. Par­tout, les délé- gués dépar­te­men­taux recherchent de nou­veaux adhé­rents. L’activité à l’international pour­rait être aisé­ment déve­lop­pée si la Coopé­ra­tion fran­çaise pre­nait en consi­dé­ra­tion les pos­si­bi­li­tés d’intervention des seniors, comme savent le faire les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni pour ne citer que ceux-là.

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