S’engager résolument dans la transition énergétique

Dossier : Réchauffement climatiqueMagazine N°709 Novembre 2015
Par Gérard MESTRALLET (68)

Le diag­nos­tic scien­ti­fique syn­thé­ti­sé par le GIEC affirme que l’humanité a mis en route un chan­ge­ment à grande échelle de notre sys­tème cli­ma­tique, dont les effets com­mencent à être visibles.

« Je par­tage tout à fait ce diag­nos­tic », affirme Gérard Mes­tral­let (68), pré­sident-direc­teur géné­ral d’Engie. « Je suis abso­lu­ment convain­cu que le réchauf­fe­ment de la pla­nète peut conduire à une catas­trophe et endom­ma­ger dura­ble­ment l’équilibre à la sur­face du globe. La lutte contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique est un des défis majeurs qui s’imposent aujourd’hui à l’humanité.

« Ces convic­tions, je les porte à titre per­son­nel, mais éga­le­ment en tant que P‑DG d’un groupe qui place la pré­ser­va­tion de l’environnement au cœur de sa stratégie.

« Nous sui­vons acti­ve­ment les négo­cia­tions cli­ma­tiques inter­na­tio­nales et sou­te­nons la néces­si­té d’un accord mon­dial équi­table pour limi­ter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à 2 °C à l’horizon 2050. »

Une boussole du climat

« J’ai por­té au niveau inter­na­tio­nal l’idée d’une géné­ra­li­sa­tion du prix du car­bone en m’exprimant au som­met des chefs d’État à New York lors de la Cli­mate Week de sep­tembre, puis au niveau euro­péen dans le cadre du Groupe Magritte, qui réunit les diri­geants des onze prin­ci­paux éner­gé­ti­ciens européens.

“ Il est plus que temps d’assumer nos responsabilités envers les générations futures ”

Je sou­tiens main­te­nant l’instauration de cette “bous­sole du cli­mat”, que serait un prix car­bone mon­dial, au sein du Busi­ness Dia­logue, une ins­tance nou­velle qui réunit repré­sen­tants de gou­ver­ne­ment et chefs d’entreprise, en amont de la COP 21, et que j’ai l’honneur de coanimer.

« Dans un monde qui souffre chaque jour un peu plus des consé­quences de l’accélération des per­tur­ba­tions cli­ma­tiques, il est plus que temps d’assumer nos res­pon­sa­bi­li­tés envers les géné­ra­tions futures et de nous enga­ger avec audace dans la lutte contre le réchauf­fe­ment climatique. »

Un mix énergétique diversifié

« Dans un scé­na­rio de rup­ture de type 2 °C maxi­mum, les émis­sions de gaz à effet de serre devraient être dras­ti­que­ment réduites au niveau mon­dial, ce qui néces­si­te­rait des chan­ge­ments radi­caux de la part de tous les acteurs.

C’est une évo­lu­tion contrai­gnante et ambi­tieuse que nous appe­lons de nos vœux et à laquelle, de ce fait, nous nous pré­pa­rons acti­ve­ment depuis de nom­breuses années.

Ain­si, pour maî­tri­ser notre influence sur le cli­mat, tout en répon­dant à la crois­sance constante des besoins mon­diaux en éner­gie, nous déve­lop­pons un mix éner­gé­tique diver­si­fié, favo­ri­sant la crois­sance des éner­gies renou­ve­lables et don­nant une place impor­tante au gaz, qui est une carte maî­tresse de la décar­bo­ni­sa­tion de nos économies.

Le groupe conçoit aus­si des solu­tions d’efficacité éner­gé­tique déployées en interne et auprès de ses clients. « Nous sommes donc mobi­li­sés pour anti­ci­per la concré­ti­sa­tion du scé­na­rio 2 °C maxi­mum et avons pour ambi­tion d’être le lea­der de la tran­si­tion éner­gé­tique en Europe et l’énergéticien de réfé­rence dans les pays à forte croissance. »

DES OBJECTIFS AMBITIEUX

Engie, leader de l’éolien terrestre et du solaire en France et premier fournisseur d’efficacité énergétique dans le monde, est mobilisé pour apporter à tous ses clients une énergie moins carbonée, plus fiable, plus flexible et plus intelligente.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, nous nous sommes fixé des objectifs ambitieux, à savoir un doublement de notre capacité en énergies renouvelables d’ici 2025 en Europe, une réduction de 10 % des émissions spécifiques de CO2, dues à l’activité de production d’électricité, entre 2012 et 2020, et un accroissement de 40 % de la part de notre chiffre d’affaires issu des activités d’efficacité énergétique entre 2013 et 2018.
En 2014, nous avons également émis 2,5 milliards d’euros de green bonds pour financer des investissements dans les renouvelables et l’efficacité énergétique.

Désastre écologique et catastrophe économique

« Les entre­prises ont com­pris qu’un désastre éco­lo­gique entraî­ne­rait une catas­trophe éco­no­mique ; c’est pour cela qu’elles s’engagent pour limi­ter leurs effets sur l’environnement et qu’elles réclament un accord de long terme.

Le cli­mat est déjà une don­née impor­tante pour notre acti­vi­té. La demande d’énergie, et en par­ti­cu­lier celle de gaz pour le chauf­fage des bâti­ments, est direc­te­ment liée au cli­mat et aux températures.

La pro­duc­tion d’énergie est aus­si extrê­me­ment sen­sible aux condi­tions météo­ro­lo­giques : ain­si, la dis­po­ni­bi­li­té en eau est un élé­ment clef de la pro­duc­tion hydro­élec­trique ou du refroi­dis­se­ment de nos cen­trales ther­miques. Il est donc essen­tiel pour nous d’évaluer les effets du chan­ge­ment cli­ma­tique sur nos acti­vi­tés pour amé­lio­rer leur rési­lience face aux risques climatiques.

Pour illus­tra­tion, le groupe a mené récem­ment une éva­lua­tion du stress hydrique pour ses ins­tal­la­tions “éner­gie” com­plé­tée d’une ana­lyse locale du risque. »

Un défi international, local et sectoriel

« L’adaptation au chan­ge­ment cli­ma­tique est un vrai défi inter­na­tio­nal, local et sec­to­riel. Tous les sec­teurs seront en effet tou­chés par les consé­quences du réchauf­fe­ment cli­ma­tique, plus ou moins dra­ma­ti­que­ment et rapi­de­ment selon leur loca­li­sa­tion et la nature de leurs activités.

“ Nous avons enclenché une profonde transformation de notre modèle d’entreprise ”

Plei­ne­ment conscient de cette réa­li­té pro­téi­forme, Engie ren­force son ancrage auprès des ter­ri­toires pour mieux appré­hen­der leurs spé­ci­fi­ci­tés locales et appor­ter à cha­cun de ses clients des solu­tions per­for­mantes et inno­vantes qui répondent à leurs enjeux, tout en res­pec­tant l’environnement. »

Choisir le meilleur chemin

« Pour deve­nir un véri­table archi­tecte éner­gé­tique des ter­ri­toires, nous avons enclen­ché une pro­fonde trans­for­ma­tion de notre modèle d’entreprise, qui bas­cule le centre de gra­vi­té du groupe vers des enti­tés opé­ra­tion­nelles géographiques.

Cela nous per­met­tra de deve­nir un groupe mul­ti­lo­cal, plus réac­tif et inno­vant, qui aide cha­cun de ses clients à choi­sir le meilleur che­min vers un sys­tème éner­gé­tique décar­bo­né, digi­ta­li­sé et décentralisé. »

Un marché mondial du carbone

LUTTER CONTRE LES ÎLOTS DE CHALEUR

Notre filiale Climespace est leader international dans les réseaux de froid urbain, qui constituent l’un des moyens les plus innovants de répondre aux enjeux de la concentration urbaine et de la lutte contre les îlots de chaleur.
Par rapport à une solution individuelle de climatisation, ils permettent d’atteindre des améliorations significatives en matière d’efficacité énergétique (+ 50 %), de diminution des émissions de gaz à effet de serre (– 90 %), tout en réduisant la consommation d’eau (– 65 %).
Le réseau de froid parisien fait ainsi bénéficier la ville de Paris d’un véritable outil de lutte contre le dérèglement climatique et d’une solution énergétique à la fois écologique, innovante et cohérente avec les enjeux d’aménagement durable d’une capitale mondiale.

Qu’est-ce qu’il sor­ti­ra de la COP 21 ? « Nous tra­vaillons, reprend Gérard Mes­tral­let, pour que cette ren­contre per­mette la mise en place d’un accord mon­dial pour limi­ter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique, qui doit s’articuler autour d’une géné­ra­li­sa­tion des prix du car­bone, en pri­vi­lé­giant le recours à un mar­ché mondial.

« Cet accord doit per­mettre aux pays de pour­suivre leur déve­lop­pe­ment éco­no­mique, tout en les encou­ra­geant à prendre part équi­ta­ble­ment à l’effort glo­bal de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre. Les entre­prises ont impé­ra­ti­ve­ment besoin de visi­bi­li­té et d’un accord cohé­rent de long terme pour défi­nir leurs prio­ri­tés et orien­ter mas­si­ve­ment et dura­ble­ment leurs choix en faveur des solu­tions peu émet­trices de CO2.

« Pour répondre aux besoins d’une éco­no­mie bas car­bone, il est impé­ra­tif d’accroître le volume des finan­ce­ments pri­vés ciblés vers des inves­tis­se­ments res­pec­tueux du cli­mat et donc de réorien­ter une par­tie de l’investissement mon­dial. Les inves­tis­seurs ont pour cela besoin d’un cadre régle­men­taire stable et le finan­ce­ment consti­tue un élé­ment cen­tral des négo­cia­tions cli­ma­tiques en cours.

« Il serait sou­hai­table que l’accord de Paris intègre la mise en place de méca­nismes de finan­ce­ment adap­tés, et le rôle du Green Cli­mate Fund et des banques mul­ti­la­té­rales de déve­lop­pe­ment est à cet égard primordial. »

Le risque de la balkanisation

« Si les gou­ver­ne­ments ne s’entendent pas pour construire un cadre géné­ral pour le long terme, comme ce fut le cas en 2009 à la confé­rence de Copen­hague, nous assis­te­rons à une bal­ka­ni­sa­tion des poli­tiques cli­ma­tiques, et ce sera un très mau­vais signal envoyé aux entreprises.

“ Les entreprises semblent aller plus vite que les gouvernements ”

« Néan­moins, comme celles-ci contri­buent à plus de 70 % des inves­tis­se­ments mon­diaux de pré­ven­tion et de limi­ta­tion du chan­ge­ment cli­ma­tique, il sera impor­tant que l’initiative pri­vée pour­suive ses enga­ge­ments finan­ciers, tech­no­lo­giques et humains.

« « De nom­breuses entre­prises se sont déjà mobi­li­sées pour agir à leur échelle et pro­po­ser des solu­tions concrètes de lutte contre le dérè­gle­ment cli­ma­tique et ses effets. À l’occasion de la COP 21, toutes les solu­tions auda­cieuses et durables déve­lop­pées pour rele­ver les défis éner­gé­tiques et envi­ron­ne­men­taux pour­ront être par­ta­gées entre les dif­fé­rents acteurs.

« Dans cet objec­tif, Engie s’est allié au Comi­té 21 et au Club France Déve­lop­pe­ment durable dans le cadre du pro­gramme d’actions Solu­tions COP 21. »

Responsabilités communes

« La tran­si­tion éner­gé­tique est visible par­tout mais l’ampleur et le rythme de sa mise en œuvre varient for­te­ment d’un ter­ri­toire à l’autre. La plu­part des États sont en effet convain­cus de la néces­si­té de consom­mer moins et mieux, mais leurs enjeux de com­pé­ti­ti­vi­té, leurs ambi­tions, leurs res­sources, leurs moyens et le che­min qu’ils ont à par­cou­rir pour y par­ve­nir dif­fèrent fortement.

« La répar­ti­tion des efforts et l’application du prin­cipe des res­pon­sa­bi­li­tés com­munes mais dif­fé­ren­ciées sont de réels points d’achoppement dans les négo­cia­tions cli­ma­tiques internationales.

« Les dif­fé­rentes régions du monde peinent à se mettre d’accord sur des objec­tifs com­muns, des moda­li­tés de mise en œuvre et la défi­ni­tion des contri­bu­tions pré­cises de chaque pays. »

Exemplarité

« Un prix mon­dial unique pour le car­bone encou­ra­ge­rait la mise en place de poli­tiques cli­ma­tiques ambi­tieuses et celle de méca­nismes de soli­da­ri­té envers les pays en développement.

Pro­po­ser des solu­tions concrètes de lutte contre le dérè­gle­ment climatique

Si les gou­ver­ne­ments ne sont pas tous mûrs pour cela à l’heure actuelle, l’urgence d’agir contre les effets du chan­ge­ment cli­ma­tique est bien réelle.

« Il faut sou­li­gner que nous vivons une situa­tion raris­sime où les entre­prises demandent à payer pour les consé­quences de leurs acti­vi­tés sur l’environnement, où elles semblent avan­cer plus vite que les gouvernements.

« Nous atten­dons main­te­nant des États une réci­pro­ci­té d’exemplarité. Ces pro­grès à l’échelle des entre­prises et des États, même s’ils sont cir­cons­crits dans le temps et l’espace, seront des mes­sages forts qui encou­ra­ge­ront les autres régions du monde à rejoindre notre dyna­mique vertueuse. »

Et le rôle de l’X ? « Dans un monde de plus en plus com­plexe, il faut saluer la per­ti­nence et la qua­li­té de la for­ma­tion plu­ri­dis­ci­pli­naire de l’X, qui est sa prin­ci­pale dif­fé­rence avec les autres écoles d’ingénieurs », conclut Gérard Mestrallet.

« Via ses ensei­gne­ments et ses labo­ra­toires de recherche, notre École a depuis long­temps acquis une exper­tise inter­na­tio­nale sur un grand nombre de pro­blé­ma­tiques environnementales.

« L’approche spé­ci­fique des poly­tech­ni­ciens, per­mise par leur large assise scien­ti­fique, leur ouver­ture d’esprit et leur adap­ta­bi­li­té, sera de plus en plus néces­saire pour répondre aux défis actuels et à venir de la société. »

Centrale photovoltaïque
Cen­trale pho­to­vol­taïque de Cur­bans – Alpes de Haute-Provence.

Centrale de production de froid (Société Climespace) au Palais de Tokyo
Cen­trale de pro­duc­tion de froid (Socié­té Cli­mes­pace) au Palais de Tokyo 

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