Se différencier au niveau de la satisfaction des clients

Dossier : Gérer en période de criseMagazine N°638 Octobre 2008
Par Ken TIMSIT (95)
Par Olivier VASSAL

Des socié­tés comme Sou­th­west ou Apple, qui ont su déce­ler des attentes non expri­mées par les consom­ma­teurs, deviennent des modèles de réfé­rence pour les étu­diants des busi­ness schools.

Dis­tin­guer satis­fac­tion, attentes, pro­messes, expérience

Même dans un sec­teur aus­si par­ti­cu­lier que l’as­su­rance, dans lequel les clients ne font l’ex­pé­rience de la pro­messe de leur assu­reur qu’à quelques reprises au cours de leur vie, on constate des taux de rési­lia­tion 1,5 à 2 fois infé­rieurs chez les clients satis­faits du niveau de ser­vice offert par rap­port aux clients insa­tis­faits, et des taux d’é­qui­pe­ment 1,2 à 1,5 supérieurs.

Satis­fac­tion, attentes, pro­messes, expé­rience : autant de notions à dis­tin­guer et entre les­quelles il faut exa­mi­ner les liens. Per­met­tons-nous dès à pré­sent d’é­non­cer un pos­tu­lat cen­tral : » Pour être un cham­pion de la satis­fac­tion du client, il faut répondre à deux défis : celui de la cohé­rence de la pro­messe par rap­port aux attentes ; et celui de la confor­mi­té de l’ex­pé­rience vécue avec les attentes et la promesse. » 

Des attentes diverses

Com­men­çons par une évi­dence : les cri­tères d’a­chat (par exemple prix, réac­ti­vi­té des com­mer­ciaux, atmo­sphère du point de vente) ne sont pas tou­jours les fac­teurs de satis­fac­tion (par exemple fia­bi­li­té, ama­bi­li­té du ser­vice après-vente, rem­pla­ce­ment à neuf en cas de panne). La connais­sance du client est d’au­tant plus dif­fi­cile que ce client est, en fait, mul­tiple : les jeunes couples, les familles et les seniors ont des attentes très dif­fé­rentes en matière de voyage. Les habi­tudes d’a­chat sont de plus en plus contras­tées : on a vu un même consom­ma­teur être adepte du low-cost au super­mar­ché le week-end mais ache­ter du haut de gamme pour ses besoins de maté­riel hi-fi ou de plon­gée. Dans cer­tains domaines, la seg­men­ta­tion client ne peut pas repo­ser seule­ment sur des cri­tères mesu­rables (âge, sexe, caté­go­rie socio­pro­fes­sion­nelle), et des seg­men­ta­tions com­por­te­men­tales sont nécessaires.

Par exemple, avec la démo­cra­ti­sa­tion de l’In­ter­net, l’in­té­rêt pour les ser­vices sur Inter­net dans le sec­teur ban­caire est de moins en moins cor­ré­lé avec l’âge ou le sexe. Des taux d’at­tentes expri­mées de 50 % au sein d’une classe socio­dé­mo­gra­phique peuvent cacher un seg­ment » neto­phile » à 80 % et un autre seg­ment tota­le­ment réfrac­taire à ces services.

L’a­na­lyse des attentes doit éga­le­ment tenir compte de fac­teurs externes au client : les grandes ten­dances socié­tales comme l’in­té­rêt pour l’en­vi­ron­ne­ment, et les enga­ge­ments de ser­vice des concur­rents qui fixent, de fait, des stan­dards de marché. 

Une promesse qui peut revêtir diverses formes

La pro­messe la plus pra­ti­quée, c’est celle des socié­tés qui pra­tiquent les cartes de fidé­li­té et autres miles du voya­geur fré­quent : venez chez nous plus sou­vent, et vous paie­rez moins cher.

Quelques exemples de » moments de vérité »
– Inter­rup­tion de ser­vice ou erreur de fac­tu­ra­tion chez un opé­ra­teur télécom.
– Panne de maté­riel hi-fi néces­si­tant de se rendre au ser­vice après-vente.
– Viande mal cuite ou che­veu dans le plat.
– Vol annu­lé (com­pa­gnie aérienne).
À un niveau plus direc­te­ment lié à la qua­li­té de ser­vice offerte au client, cer­tains se sou­viennent des neuf enga­ge­ments d’EDF-GDF en 1994 : dépan­nage en quatre heures, mise en ser­vice en deux jours… La forme la plus visible de la pro­messe, ce sont alors les enga­ge­ments de ser­vice com­mu­ni­qués explicitement.

À un niveau plus direc­te­ment lié à la qua­li­té de ser­vice offerte au client, cer­tains se sou­viennent des neuf enga­ge­ments d’EDF-GDF en 1994 : dépan­nage en quatre heures, mise en ser­vice en deux jours… La forme la plus visible de la pro­messe, ce sont alors les enga­ge­ments de ser­vice com­mu­ni­qués explicitement.

Mais, avant même de com­mu­ni­quer sur des enga­ge­ments, c’est la marque qui est déjà por­teuse de pro­messes. Des marques comme Sofi­tel, Ikea ou McDo­nald’s sont spon­ta­né­ment asso­ciées dans l’es­prit de leurs clients à cer­tains stan­dards de service.

Pour cer­taines marques asso­ciées à des signa­tures (« zéro tra­cas, zéro bla­bla « , » faire du ciel le plus bel endroit de la terre « , » le contrat de confiance »), l’en­jeu va consis­ter à décli­ner ces slo­gans en pro­messes concrètes tout au long du par­cours client. – Livrai­son non conforme (VPC). 

Attention aux promesses non crédibles

Cer­taines démarches peuvent per­mettre de cré­di­bi­li­ser une pro­messe : com­pen­sa­tion finan­cière ou en nature en cas de non-satis­fac­tion (LCL, Ibis), réfé­rences à des normes recon­nues (ISO), mais, en tout état de cause, atten­tion aux pro­messes non cré­dibles ! Ain­si des socié­tés qui reven­diquent 97 % de taux de satis­fac­tion (qu’elles mesurent elles-mêmes), des agences de voyage qui pro­mettent des séjours para­di­siaques pour moins de 100 euros, ou des entre­prises de livrai­son de piz­zas à domi­cile qui pro­mettent à la fois une livrai­son en trente minutes et la garan­tie du res­pect du code de la route par les livreurs. 

L’expérience se forge dans les moments difficiles

La satis­fac­tion se forge aux moments de véri­té du par­cours client.

Les attentes ne sont pas tou­jours clai­re­ment exprimées

Ces moments de véri­té sont des moments struc­tu­rants tels que l’en­trée en maga­sin, l’es­sayage, ou le pas­sage en caisse, mais peuvent aus­si être ceux où quelque chose ne se passe pas comme pré­vu. Le client mesu­re­ra alors la soli­di­té de la pro­messe à l’aune des mesures prises par l’en­tre­prise pour réta­blir le niveau de ser­vice attendu.

Lorsque l’on décrit l’ex­pé­rience, atten­tion à ne pas la can­ton­ner à ses dimen­sions mesu­rables, fonc­tion­nelles : les aspects émo­tion­nels ne doivent pas être sous-esti­més. Au-delà de leurs fonc­tion­na­li­tés, des pro­duits comme l’i­Phone ou les machines Nes­pres­so (et l’u­ni­vers de bou­tiques qui va avec) portent avec eux un conte­nu iden­ti­taire fort pour leurs pro­prié­taires. Les sen­ti­ments ain­si sus­ci­tés sont éga­le­ment fac­teurs de satisfaction.

Des pro­jets d’en­tre­prise tour­nés vers la satis­fac­tion des clients
La chaîne bri­tan­nique de grande dis­tri­bu­tion Asda est connue pour des inno­va­tions comme la brol­ley patrol (s’il pleut, un employé vous accom­pagne jus­qu’à votre voi­ture avec un para­pluie) et le jump lead ser­vice (si la bat­te­rie de votre voi­ture est vide, le gérant vous dépanne avec la sienne). Mais la trans­for­ma­tion de cette entre­prise, en un modèle de ser­vice client, ne s’est pas faite en un jour.
Le pro­jet d’en­tre­prise de Asda s’est éta­lé sur près d’une dizaine d’an­nées et a conduit à la mise en place d’une mul­ti­tude de mesures telles que : les entre­tiens de recru­te­ment grou­pés (pour tes­ter les qua­li­tés humaines) ; les inci­ta­tions finan­cières pour les gérants de maga­sins qui réduisent le taux de rota­tion des employés et l’ab­sen­téisme ; un bonus pour tous les employés du maga­sin, basé sur la per­for­mance de ventes ; la réa­li­sa­tion régu­lière d’un baro­mètre du moral des employés ; la règle consis­tant à dire bon­jour à tout client se trou­vant à moins de trois mètres d’un employé ; et les visites fré­quentes de maga­sins par le pré­sident-direc­teur général.
Un autre exemple est la banque aus­tra­lienne ANZ, qui en deux ans a réus­si à aug­men­ter la pro­duc­ti­vi­té de ses conseillers clien­tèle de 30 % et à gagner 10 points de satis­fac­tion client. Cet exploit a notam­ment néces­si­té la trans­for­ma­tion com­plète de l’ar­chi­tec­ture des agences ban­caires et du rôle des col­la­bo­ra­teurs : par exemple, le res­pon­sable d’a­gence occupe un gui­chet d’ac­cueil pla­cé au centre de l’a­gence et oriente les clients ; un col­la­bo­ra­teur gère les queues et aide les clients à uti­li­ser les gui­chets auto­ma­tiques en cas d’af­fluence ; et si cer­tains postes sont débor­dés et d’autres libres, les col­la­bo­ra­teurs sont repo­si­tion­nés immédiatement.

Défi n° 1 : définir une promesse cohérente avec les attentes

Une com­pré­hen­sion fine des attentes est un préa­lable à la défi­ni­tion de la pro­messe. Par exemple, en France au début des années 2000, le sec­teur de la grande dis­tri­bu­tion a été le théâtre de ten­ta­tives de la part de plu­sieurs acteurs de se dif­fé­ren­cier autre­ment que par le prix. Rayons exo­tiques, ser­vices » plus » et com­mandes par Inter­net cor­res­pon­daient aux attentes de cer­tains clients mais ont détour­né cer­tains acteurs de leur lea­der­ship sur les prix, avec au final des pertes de parts de mar­ché. Le retour aux » enga­ge­ments sur les prix « , que la plu­part ont opé­ré depuis, montre l’im­por­tance de la cohé­rence entre la pro­messe et les attentes.

Cela ne veut pas dire que les attentes sont tou­jours clai­re­ment expri­mées : Sou­th­west, la pre­mière com­pa­gnie low-cost du monde, a inven­té une nou­velle manière d’of­frir le trans­port aérien et ain­si répon­du à des besoins jusque-là non iden­ti­fiés comme tels. 

Défi n° 2 : garantir la conformité de l’expérience vécue avec les attentes et la promesse

C’est le défi de l’exé­cu­tion, sans doute le plus dif­fi­cile à maîtriser.

La mise en oeuvre de la pro­messe ne repose pas seule­ment sur l’entreprise

Com­ment se posi­tion­ner comme une banque de la rela­tion dans la durée alors que dans cer­taines zones les conseillers clien­tèle peuvent chan­ger d’emploi tous les douze mois ? Com­ment garan­tir 1 000 sou­rires par jour lorsque l’on est une chaîne de res­tau­ra­tion ? Com­ment ins­tau­rer la coopé­ra­tion entre direc­teurs asso­ciés d’un cabi­net de conseil pour appor­ter des exper­tises com­plé­men­taires aux clients ?

La mise en oeuvre d’une pro­messe est indis­so­ciable d’un pro­jet d’en­tre­prise comme l’illustre l’encadré.

Le res­pect des enga­ge­ments de ser­vice peut éga­le­ment exi­ger une modi­fi­ca­tion stra­té­gique du péri­mètre de l’en­tre­prise. Ain­si, l’ap­pa­ri­tion de la pro­messe » lunettes en 1 heure » chez les grandes chaînes d’op­ti­ciens a conduit ces der­nières à inter­na­li­ser des acti­vi­tés habi­tuel­le­ment prises en charge par les labo­ra­toires de pres­crip­tion, qui en Europe sont habi­tuel­le­ment des centres de fabri­ca­tion indé­pen­dants ou déte­nus par les fabri­cants de verres optiques. 

Partenaires et prestataires

Enfin, dans de nom­breux sec­teurs, la mise en oeuvre de la pro­messe repose non seule­ment sur l’en­tre­prise, mais sur ses par­te­naires, four­nis­seurs ou pres­ta­taires. Dans le sec­teur de l’as­su­rance, c’est le cas avec les cour­tiers qui pour cer­tains gèrent les sinistres, ou avec les garages qui réparent les voi­tures. Dans le sec­teur auto­mo­bile, c’est le cas avec les conces­sion­naires indé­pen­dants. Des entre­prises comme Peu­geot ont ain­si été ame­nées à mettre en place de véri­tables pro­grammes de ges­tion du chan­ge­ment auprès de leurs conces­sion­naires. Elles ont for­ma­li­sé leurs stan­dards de marque et remis à plat la rému­né­ra­tion de leurs par­te­naires afin de don­ner une place plus impor­tante à la qua­li­té de ser­vice et au res­pect de la marque.

Poster un commentaire