Rose Dieng (75), la première Africaine

Dossier : ExpressionsMagazine N°642 Février 2009Par : Gérard GIRAUDON directeur du centre INRIA Sophia-Antipolis — Méditerranée et Bernard LARROUTUROU (77) ancien président-directeur général de l’INRIA

Après un par­cours brillant au lycée de Dakar (Séné­gal) – cou­ron­né par le pre­mier prix au concours géné­ral séné­ga­lais non seule­ment en mathé­ma­tiques, mais aus­si en fran­çais et en latin ! – Rose Dieng entre à l’É­cole poly­tech­nique en 1976. Diplô­mée de l’É­cole natio­nale nupé­rieure des Télé­com­mu­ni­ca­tions, elle fait ensuite une thèse en infor­ma­tique à l’U­ni­ver­si­té Paris Sud et intègre en 1985 l’é­quipe de Pierre Haren (73) à l’IN­RIA Sophia-Anti­po­lis, où elle res­te­ra jus­qu’en 2008.

L’acquisition des connaissances

Elle est coau­teur du logi­ciel SMECI, un géné­ra­teur de sys­tèmes experts, qui a ensuite été com­mer­cia­li­sé avec suc­cès par la socié­té Ilog à par­tir de 1988. Ses recherches, d’a­bord cen­trées sur les expli­ca­tions dans les sys­tèmes experts, s’o­rientent ensuite vers les ques­tions tou­chant à l’ac­qui­si­tion des connais­sances. Sur ce thème, elle crée en 1992 l’é­quipe-pro­jet INRIA nom­mée ACACIA : il fal­lait déjà faire preuve de beau­coup de per­son­na­li­té pour deve­nir la deuxième femme diri­geant un pro­jet INRIA et pour s’im­po­ser dans le domaine de l’in­tel­li­gence arti­fi­cielle qui avait alors moins bonne presse que les sujets plus théo­riques et formalisés !

Rose fait par­tie des pre­miers cher­cheurs qui com­prennent l’importance du Web comme moyen pri­vi­lé­gié de dif­fu­sion des connaissances

Rapi­de­ment, les tra­vaux menés sur l’ac­qui­si­tion de connais­sances à par­tir de mul­tiples sources d’ex­per­tise (experts et docu­ments) valent à Rose et à son équipe une très belle recon­nais­sance inter­na­tio­nale. À par­tir de 1995, Rose fait par­tie des pre­miers cher­cheurs qui com­prennent l’im­por­tance du Web comme moyen pri­vi­lé­gié de dif­fu­sion des connais­sances, puis celle du lan­gage XML. Dès lors, elle fait par­tie des cher­cheurs qui font réfé­rence dans le domaine du » Web séman­tique « , c’est-à-dire des tech­no­lo­gies qui visent à rendre le conte­nu des res­sources de la Toile acces­sible et uti­li­sable par les pro­grammes et agents logi­ciels, grâce à un sys­tème de » méta­don­nées » formelles.

Les tra­vaux de son équipe se foca­lisent sur l’aide à la construc­tion de ser­veurs de connais­sances, et sur­tout de mémoires d’en­tre­prises en vue de per­mettre à des grands groupes indus­triels de maté­ria­li­ser et indexer leurs connais­sances afin d’en amé­lio­rer l’ac­cès, le par­tage, et la réuti­li­sa­tion, voire de per­mettre la créa­tion de nou­velles connaissances.

Le prix Irène Joliot-Curie

Vision­naire, tenace et enga­gée, Rose a donc su depuis plus de dix ans faire par­tie de ces pion­niers qui ont explo­ré et éten­du les poten­tia­li­tés du Web. Dyna­mi­sées par de très nom­breuses col­la­bo­ra­tions indus­trielles et aca­dé­miques, les recherches de Rose et de son équipe se sont notam­ment concré­ti­sées par un ouvrage col­lec­tif de syn­thèse, réfé­rence réédi­tée à plu­sieurs reprises ces der­nières années, et par un moteur de recherche per­met­tant de trai­ter des res­sources dans le cadre du Web séman­tique, pour des scé­na­rios très variés (mémoire de pro­jet, mémoire d’ex­pé­riences, aide à la veille tech­no­lo­gique, etc.). Le tout forme un ensemble de tra­vaux plu­ri­dis­ci­pli­naires très impres­sion­nant, s’ap­puyant sur des démarches allant des fon­de­ments théo­riques de l’in­for­ma­tique jus­qu’aux apports du trai­te­ment de la langue natu­relle, et qui fut récom­pen­sé par le prix Irène Joliot-Curie que Rose reçut en 2005.

Une meneuse d’équipe

Mais Rose nous laisse bien plus que le sou­ve­nir de son œuvre scien­ti­fique. Meneuse d’é­quipe hors pair, frap­pant tous ceux qui l’ap­pro­chaient par son écoute et sa géné­ro­si­té, elle était pro­fon­dé­ment enga­gée dans des domaines aus­si divers que l’a­ni­ma­tion de la com­mu­nau­té scien­ti­fique natio­nale et inter­na­tio­nale, des œuvres cari­ta­tives au Séné­gal, ou la sen­si­bi­li­sa­tion des jeunes, notam­ment des jeunes filles, à l’in­té­rêt des études scien­ti­fiques. Nous sommes des cen­taines qui conser­ve­ront tou­jours le sou­ve­nir de sa géné­ro­si­té, de son sou­rire si tendre et de son rire si joyeux…

par Gérard GIRAUDON directeur du centre INRIA Sophia-Antipolis — Méditerranée
et Bernard LARROUTUROU (77) ancien président-directeur général de l’INRIA

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