Richard Wagner : Lohengrin

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°627 Septembre 2007Par : K. F. Vogt, S. Kringelborn, W. Meier, DSO Berlin, K. NaganoRédacteur : Marc DARMON (83)

Lohen­grin fait par­tie, avec le Vais­seau Fan­tôme et Tannhäu­ser, des pre­miers opé­ras célèbres de Richard Wag­ner. Le sys­tème de « leit­mo­tiv », ces thèmes atta­chés à des per­son­nages, des objets, des sen­ti­ments ou des évé­ne­ments, qui reviennent tout au long de l’ouvrage, se déve­loppe réel­le­ment pour la pre­mière fois. Lohen­grin est aus­si le pre­mier à dépas­ser les trois heures et demi, for­mat en des­sous duquel Wag­ner ne redes­cen­dra plus (à part natu­rel­le­ment pour l’Or du Rhin, mais qui n’est qu’un « Prologue »).

Comme chaque fois, le livret est réa­li­sé par Wag­ner lui-même d’après une légende nor­dique, celte ou ger­ma­nique. Ici se mélangent la Geste de Garin de Lor­raine (« Lor­raine-Grin ») et le cycle des Che­va­liers du Graal (Lohen­grin est fils de Per­se­val-Par­si­fal apprend-on à la fin de l’acte III ; il est d’ailleurs sai­sis­sant de réa­li­ser que Wag­ner réuti­li­se­ra pour son der­nier opé­ra, Par­si­fal, plus de trente ans plus tard, les thèmes musi­caux du Graal et du Cygne décou­verts dans Lohen­grin).

Il serait trop long de décrire ici l’intrigue, tou­jours com­plexe et pou­vant se lire à plu­sieurs degrés comme les contes de fées, pleine de che­va­le­rie, de mer­veilleux, de ser­ments, secrets et par­jures, de com­plots et jalousie.

Mais on com­pren­dra que l’ouvrage gagne beau­coup à la repré­sen­ta­tion scé­nique, en direct ou en DVD. En effet, cela per­met d’ajouter à la beau­té de la musique la com­pré­hen­sion du livret et la per­cep­tion d’une action très « visuelle » (tour­noi, mou­ve­ments de foules, jeux des conspi­ra­teurs…). Pour tout cela, le film réa­li­sé lors du fes­ti­val de Baden-Baden en juin 2006, avec une dis­tri­bu­tion domi­née par une magni­fique (à tout point de vue) Wal­traud Meier et les forces (chœurs et orchestre) de Kent Naga­no, est idéal. La direc­tion d’orchestre est magni­fique, de la finesse du pré­lude jusqu’aux scènes de com­bat. La mise en scène est très effi­cace. En par­ti­cu­lier le juge­ment d’Elsa de Bra­bant et l’arrivée de son sau­veur, Lohen­grin, sont extrê­me­ment pre­nants. La direc­tion d’acteurs, sou­vent imper­cep­tible dans une salle d’opéra, est ici très mar­quante et réussie.

Bien sûr, nous n’avons pas ici les grands chan­teurs wag­né­riens de l’après-guerre (la pré­ten­due déca­dence du chant wag­né­rien est de toute façon un lieu com­mun depuis plus de cin­quante ans), et nous n’avons pas non plus, à part Wal­traud Meier déjà citée, les plus célèbres des wag­né­riens actuels ; j’avoue d’ailleurs pour ma part un faible pour l’interprétation poi­gnante et abso­lu­ment contre-nature de Lohen­grin par le grand puc­ci­nien qu’est Pla­ci­do Domin­go (sous la direc­tion de sir Georg Sol­ti). Mais cette pro­duc­tion est d’un niveau très supé­rieur à la moyenne de ce que l’on voit dans les grandes mai­sons d’opéra aujourd’hui. Elle est abso­lu­ment recommandable.

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