Réussir et maîtriser l’immigration

Dossier : La démographie déséquilibréeMagazine N°639 Novembre 2008Par Maxime TANDONNET

L’im­mi­gra­tion est un phé­no­mène en forte aug­men­ta­tion à l’é­chelle pla­né­taire. D’a­près les Nations unies, le nombre total des migrants dans le monde est pas­sé de 100 mil­lions en 1980 à 200 mil­lions en 2005. Dans les vingt années à venir ce chiffre est appe­lé à dou­bler de nouveau.

REPÈRES
Les mou­ve­ments de popu­la­tions prennent des formes diverses. Les migra­tions à des fins d’é­tudes consti­tuent une source essen­tielle des mou­ve­ments Sud-Nord, en par­ti­cu­lier vers les États-Unis et le Royaume-Uni. L’im­mi­gra­tion à des fins de tra­vail aug­mente dans la plu­part des pays de l’OCDE. L’im­mi­gra­tion sur motif fami­lial – rejoindre son conjoint ou ses parents – repré­sente plus de 50 % des flux migra­toires dans de nom­breux pays.

La question de l’immigration illégale

L’aug­men­ta­tion des flux migra­toires, notam­ment en Europe occi­den­tale, s’ex­plique aus­si par un phé­no­mène en hausse depuis la fin des années 1990 :

Les notions d’immigration et d’identité natio­nale sont liées

l’im­mi­gra­tion illé­gale sui­vie ou non de régu­la­ri­sa­tions. Les migrants s’ins­tallent illé­ga­le­ment dans un pays de des­ti­na­tion. Sou­vent ils sont entrés régu­liè­re­ment au moyen d’un visa de court séjour de moins de trois mois mais ils sont res­tés sur le ter­ri­toire du pays de des­ti­na­tion après l’ex­pi­ra­tion de la date de ce visa. Dans d’autres cas, ils ont fran­chi clan­des­ti­ne­ment la fron­tière. Plu­sieurs cen­taines de mil­liers de migrants clan­des­tins ont été régu­la­ri­sés en Ita­lie, en Espagne, en Grèce depuis une dizaine d’an­nées mais aus­si dans d’autres pays européens.

Une immigration régulée

Certes, l’im­mi­gra­tion, régu­lée, orga­ni­sée, peut être néces­saire aux équi­libres pla­né­taires. Le pre­mier inté­rêt de l’ac­cueil des migrants est éco­no­mique. Un lien a été consta­té entre les flux migra­toires et la croissance.

Un renou­vel­le­ment natu­rel en France
La France, dont le solde migra­toire est géné­ra­le­ment éva­lué aux alen­tours de 100 000 migrants sup­plé­men­taires chaque année, a l’im­mense avan­tage de béné­fi­cier d’un renou­vel­le­ment natu­rel de sa popu­la­tion grâce au taux de fécon­di­té de deux enfants par femme.

L’im­mi­gra­tion joue sur l’offre, en pro­cu­rant aux entre­prises une main-d’oeuvre par­fois qua­li­fiée et sur la demande à tra­vers l’aug­men­ta­tion de la consommation

Le second est d’ordre démo­gra­phique. Il s’est expri­mé dans le cadre du célèbre rap­port de la divi­sion des popu­la­tions de l’O­NU le 20 mars 2000, pré­co­ni­sant l’ac­cueil sur le conti­nent euro­péen de migrants avant 2050 dans l’ob­jec­tif de main­te­nir stable le niveau de la popu­la­tion active. On peut voir en l’im­mi­gra­tion un moyen d’empêcher le déclin démo­gra­phique de l’Eu­rope. Le taux de fécon­di­té moyen de l’Eu­rope avoi­sine 1,5 enfant par femme, ne per­met­tant pas un renou­vel­le­ment des géné­ra­tions. Cer­tains pays d’Eu­rope affichent des taux de 1,2 ou 1,3.

À ce rythme, l’Eu­rope serait condam­née à voir sa popu­la­tion dimi­nuer dans les décen­nies à venir en l’ab­sence d’immigration.

« Depuis qu’il y a des fron­tières, les hommes les fran­chissent pour visi­ter les pays étran­gers mais aus­si pour y vivre et y tra­vailler. L’histoire nous enseigne que les migra­tions amé­liorent le sort de ceux qui s’exilent mais aus­si font avan­cer l’humanité tout entière. »
KOFI ANNAN,
ancien secré­taire géné­ral des Nations unies

Des conséquences déstabilisatrices

Il existe un lien sta­tis­tique entre les migra­tions et le taux de crois­sance aux États-Unis

Les bien­faits de l’im­mi­gra­tion sur le plan démo­gra­phique ou éco­no­mique ne sont pour­tant pas auto­ma­tiques. En véri­té, la migra­tion peut avoir un impact salu­taire comme elle peut avoir des consé­quences désta­bi­li­sa­trices. Tout dépend de la manière dont le pro­ces­sus d’a­dap­ta­tion, d’in­ser­tion des immi­grés se réa­lise. L’ab­sence d’une inté­gra­tion réus­sie des popu­la­tions migrantes entraîne un risque de frag­men­ta­tion de la société.

Pro­mou­voir les valeurs
Pour main­te­nir son uni­té dans un contexte de forte immi­gra­tion, une socié­té doit croire suf­fi­sam­ment en ses propres valeurs et avoir la force d’en pro­mou­voir le res­pect auprès de cer­taines popu­la­tions issues de l’im­mi­gra­tion : par exemple l’é­ga­li­té abso­lue entre les hommes et les femmes, le droit des enfants à l’é­du­ca­tion, le res­pect de l’in­té­gri­té phy­sique et de la pro­prié­té d’autrui.

Les États ont mis en œuvre des poli­tiques volon­ta­ristes d’in­té­gra­tion, des­ti­nées à lut­ter contre les phé­no­mènes de frag­men­ta­tion de la société.

Ces poli­tiques reposent sur un sys­tème de contrat : le migrant s’en­gage à apprendre la langue du pays d’ac­cueil et à res­pec­ter ses lois et ses valeurs. C’est une démarche essen­tielle. Elle vise à per­mettre l’in­té­gra­tion du migrant au sens de son adap­ta­tion à la vie sociale du pays d’ac­cueil, à son mar­ché du tra­vail, ses institutions.

La réus­site de ce pro­ces­sus dépend du dyna­misme d’une socié­té, de sa capa­ci­té d’en­traî­ne­ment et de mobi­li­sa­tion vers un des­sein com­mun. Plus une nation est unie, ras­sem­blée autour d’un des­tin, d’un objec­tif, d’un but col­lec­tif et plus l’in­té­gra­tion des migrants et de leurs enfants a des chances de se réa­li­ser favo­ra­ble­ment. C’est pour­quoi les notions d’im­mi­gra­tion et d’i­den­ti­té natio­nale sont liées. L’a­bou­tis­se­ment d’un par­cours migra­toire réus­si, c’est l’al­lé­geance du migrant et de ses des­cen­dants à l’i­den­ti­té natio­nale du pays d’accueil. 

Maîtriser l’immigration

Le concept d’im­mi­gra­tion zéro est irréa­liste dans un monde ouvert. Cepen­dant, la maî­trise de l’im­mi­gra­tion et le contrôle des fron­tières sont des enjeux fon­da­men­taux pour l’a­ve­nir des États.

Auto­ri­ser avant l’en­trée sur le territoire
Le gou­ver­ne­ment du pays de des­ti­na­tion doit pou­voir déci­der qui et dans quelle condi­tion est auto­ri­sé à s’ins­tal­ler sur son ter­ri­toire. Le visa de long séjour attri­bué avant l’en­trée du migrant sur le ter­ri­toire de l’É­tat d’ac­cueil est l’acte par lequel un État auto­rise une per­sonne à venir rési­der sur son sol. C’est pour­quoi les régu­la­ri­sa­tions de migrants clan­des­tins, sauf excep­tion liée par exemple à des consi­dé­ra­tions huma­ni­taires, ne consti­tuent pas un mode conve­nable de ges­tion de l’immigration.

Il incombe donc au pou­voir poli­tique de déter­mi­ner le nombre de migrants qu’un pays est prêt à accueillir et selon quelles moda­li­tés. La règle fon­da­men­tale de toute poli­tique migra­toire consiste à orga­ni­ser le nombre des entrées de migrants en fonc­tion de la capa­ci­té du pays d’ac­cueil à les rece­voir digne­ment en leur pro­cu­rant un tra­vail, un loge­ment, l’ac­cès aux ser­vices publics de l’é­du­ca­tion ou de la santé.

Tel est le sens des réformes qui sont inter­ve­nues en France en 2003, 2006 et 2007 et de la créa­tion du minis­tère de l’Im­mi­gra­tion, de l’In­té­gra­tion, de l’I­den­ti­té natio­nale et du Déve­lop­pe­ment soli­daire, char­gé d’as­su­rer le pilo­tage de la poli­tique fran­çaise de l’im­mi­gra­tion. Le Pacte euro­péen pour l’im­mi­gra­tion approu­vé par les vingt-sept chefs d’É­tat et de Gou­ver­ne­ment au Conseil euro­péen des 15 et 16 octobre 2008 vise à uni­fier les poli­tiques migra­toires des États membres autour d’une poli­tique com­mune sur la base de ces quelques principes.

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