Quels bénéfices tirer de la planification des ressources humaines ?

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°579 Novembre 2002Par David COULOT
Par Morand STUDER (X91)

La maî­trise du » Sup­ply Chain Mana­ge­ment » dépasse aujourd’­hui le cadre clas­sique de la fonc­tion logis­tique. Si aupa­ra­vant elle ne pre­nait en compte que la ges­tion des flux phy­siques, elle doit main­te­nant inté­grer la ges­tion des res­sources humaines de l’en­tre­prise. À titre d’exemple, une étude d’a­vril 2002 menée par ECR France évoque la dis­po­ni­bi­li­té des res­sources humaines comme l’une des 13 prin­ci­pales causes d’ab­sence du pro­duit en rayon (rup­ture en linéaire).

Chaque entre­prise cherche à vendre le meilleur pro­duit, au meilleur coût, au bon moment, dans les meilleures condi­tions. Pour cela, elle doit faire preuve en per­ma­nence de réac­ti­vi­té et d’a­dap­ta­tion. La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines est un des moyens d’y par­ve­nir. L’en­tre­prise flexible de demain devra dis­po­ser d’une ges­tion opé­ra­tion­nelle et dyna­mique de son capi­tal humain sou­te­nue par des pro­ces­sus de pla­ni­fi­ca­tion adap­tés à son contexte.

De nombreuses entreprises sont concernées par la planification des ressources humaines

Quel que soit son sec­teur d’ac­ti­vi­té, toute entre­prise dont le poids de sa masse sala­riale repré­sente une part impor­tante de son bud­get doit s’in­té­res­ser à la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines. Elle y trouve des retours sur inves­tis­se­ment quan­ti­ta­tifs ou qua­li­ta­tifs. C’est le cas à la fois des entre­prises aux effec­tifs éle­vés à faible qua­li­fi­ca­tion comme de celles com­po­sées essen­tiel­le­ment de cadres.

Cepen­dant, cer­tains sec­teurs d’ac­ti­vi­té et cer­taines typo­lo­gies d’en­tre­prises sont plus par­ti­cu­liè­re­ment concer­nés par la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines.

  • Les sec­teurs de la dis­tri­bu­tion et des trans­ports sont sou­mis à de fortes varia­tions de la fré­quen­ta­tion des clients au cours de la jour­née, de la semaine et de l’an­née. La pla­ni­fi­ca­tion leur per­met d’a­dap­ter leurs res­sources humaines à leurs besoins et de pal­lier les pro­blèmes de sur­ef­fec­tif et de sous-effec­tif. Les caisses de super­mar­ché sont un exemple par­ti­cu­liè­re­ment élo­quent du pilo­tage des res­sources humaines par le besoin : c’est la mesure des flux des clients à l’en­trée du maga­sin qui déclenche les ouver­tures et les fer­me­tures de caisses.
     
  • Les hôpi­taux sont éga­le­ment sou­mis à des varia­tions de fré­quen­ta­tion mais la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines leur per­met sur­tout de garan­tir aux patients le juste niveau de ser­vice grâce à la pré­sence de l’ef­fec­tif satis­fai­sant aux qua­li­fi­ca­tions requises.
     
  • Les éta­blis­se­ments sco­laires et les orga­nismes de for­ma­tion ont pour leur part des besoins très spé­ci­fiques. La pla­ni­fi­ca­tion est très com­plexe, elle s’in­té­resse simul­ta­né­ment aux pro­fes­seurs, aux salles de for­ma­tion, au maté­riel et aux élèves. Elle sim­pli­fie la construc­tion et la ges­tion des plannings.
     
  • De la même manière, l’in­dus­trie se pré­oc­cupe autant de la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines que de la pla­ni­fi­ca­tion des postes des chaînes de pro­duc­tion. Chaque poste doit être occu­pé par une per­sonne pos­sé­dant la qua­li­fi­ca­tion néces­saire. L’ab­sence d’une com­pé­tence clef peut remettre en cause la consti­tu­tion des dif­fé­rentes équipes et des dif­fé­rents plan­nings. Elle peut même, dans cer­tains cas, avoir des réper­cus­sions éco­no­miques sérieuses.
     
  • Les entre­prises en réseau dont les sites sont dis­per­sés sur des zones géo­gra­phiques limi­tées (Île-de-France) uti­lisent la pla­ni­fi­ca­tion mul­ti­sites pour mieux tirer par­ti de leurs res­sources. La pla­ni­fi­ca­tion leur per­met de recou­rir au per­son­nel des sites en sur­ef­fec­tif pour ren­for­cer les sites en sous-effec­tif : échanges de per­son­nels entre points de vente ou entre sites de pro­duc­tion. Dans ce cas de figure, une pla­ni­fi­ca­tion mul­ti­sites suf­fi­sam­ment pré­coce per­met de tirer plei­ne­ment pro­fit des mou­ve­ments de per­son­nel tout en garan­tis­sant la paix sociale.


La pla­ni­fi­ca­tion des RH se base sur une ges­tion opé­ra­tion­nelle efficace.

Les bénéfices de la planification des ressources humaines sont importants et parfois insoupçonnés

La performance opérationnelle

La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines regroupe des pro­ces­sus opé­ra­tion­nels gérés par les opé­ra­tion­nels, pour les opé­ra­tion­nels. Ce sont des pro­ces­sus ité­ra­tifs (annuel, tri­mes­triel, heb­do­ma­daire, jour­na­lier) sur dif­fé­rents hori­zons (année, semaine, jour) selon dif­fé­rentes mailles (semaines, jours, heures, quarts d’heures). Ces pro­ces­sus suivent des objec­tifs dif­fé­rents mais com­plé­men­taires (bud­get, prêt de per­son­nel, recru­te­ment, appel aux inté­ri­maires…) qui contri­buent tous à la réa­li­sa­tion de la pro­duc­ti­vi­té cible.

La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines est un outil de pilo­tage et d’aide à la déci­sion, qui per­met d’an­ti­ci­per et d’a­jus­ter les actions cor­rec­trices à entre­prendre pour atteindre les objec­tifs de l’en­tre­prise. Ain­si, elle limite les risques de rup­ture (arrêt des chaînes de pro­duc­tion, rup­ture des pro­duits en linéaire, satu­ra­tion des centres d’appel…).

Par ailleurs, elle pousse les mana­gers à s’im­pli­quer dans la ges­tion de leurs équipes. Elle leur four­nit une meilleure visi­bi­li­té sur les écarts à venir entre les besoins de leurs ser­vices et la dis­po­ni­bi­li­té de leurs équipes ain­si que sur les solu­tions pour réduire ces écarts : meilleure pla­ni­fi­ca­tion des congés, prêts de per­son­nel, formation…

La qualité de service

La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines contri­bue à une élé­va­tion de la qua­li­té de ser­vice à tra­vers le pilo­tage conco­mi­tant des dis­po­ni­bi­li­tés et des com­pé­tences des ressources.

Grâce à la pla­ni­fi­ca­tion, les effec­tifs peuvent être judi­cieu­se­ment ren­for­cés pen­dant les périodes de forte acti­vi­té grâce à des res­sources libé­rées au cours des périodes de faible acti­vi­té. Dans le sec­teur de la dis­tri­bu­tion, les points de vente ren­forcent leurs effec­tifs durant les périodes de forte fré­quen­ta­tion : périodes de fêtes, fins de semaines, pauses déjeu­ners, fer­me­tures des bureaux. Les acti­vi­tés de back office sans rap­port avec la vente sont posi­tion­nées pen­dant les périodes de faible acti­vi­té. Ces amé­na­ge­ments per­mettent de garan­tir l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des linéaires, un meilleur accueil des clients, plus de conseils, moins de files d’at­tente aux caisses…

En outre, la pla­ni­fi­ca­tion garan­tit le niveau de com­pé­tence glo­bal des équipes en période de forte acti­vi­té comme en période de faible acti­vi­té. Chaque res­source est pla­ni­fiée selon ses com­pé­tences. Dans l’in­dus­trie, chaque poste est géré selon un plan­ning d’af­fec­ta­tion pré­cis. Les plan­nings des sala­riés et les affec­ta­tions des postes sont ajus­tés en fonc­tion des plans de charge à moyen terme et des plans de pro­duc­tion à court terme afin de garan­tir l’exé­cu­tion des com­mandes en temps et en heure et d’as­su­rer des taux de ser­vices optimums.

L’entretien du climat social

Pour les direc­tions des res­sources humaines, la pla­ni­fi­ca­tion est l’op­por­tu­ni­té de limi­ter les recours aux contrats pré­caires. C’est aus­si l’oc­ca­sion d’im­pli­quer les mana­gers dans la ges­tion des res­sources humaines et de ren­for­cer leur rôle de ges­tion­naire RH.

Des méthodes et des pro­ces­sus adé­quats sou­te­nus par un sys­tème d’in­for­ma­tion appro­prié faci­litent la prise en compte des sou­haits et des contraintes per­son­nelles des sala­riés. Ils per­mettent une meilleure équi­té des horaires de tra­vail et un affi­chage pré­coce des plan­nings horaires. La pla­ni­fi­ca­tion est un moyen de pas­ser d’une ges­tion réac­tive à très court terme à une ges­tion proac­tive à moyen terme ; ce qui se tra­duit par moins de modi­fi­ca­tion des plannings.

Tous ces élé­ments sont autant de fac­teurs qui concourent à une plus grande satis­fac­tion des sala­riés. Pour ces dif­fé­rentes rai­sons, la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines contri­bue à entre­te­nir le cli­mat social.


Les béné­fices de la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines sont impor­tants et par­fois insoupçonnés

La performance administrative

La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines est aus­si un levier de pro­duc­ti­vi­té admi­nis­tra­tive. Elle sim­pli­fie la ges­tion des congés trop sou­vent menée a pos­te­rio­ri et garan­tit le sui­vi des soldes de congés. Elle allège la charge de tra­vail de ges­tion des temps en four­nis­sant des horaires de tra­vail théo­riques plus réa­listes limi­tant ain­si les écarts de poin­tage. De ce fait, elle contri­bue à garan­tir la qua­li­té de la paie. Enfin, elle ren­force la com­mu­ni­ca­tion entre les ser­vices RH et les opérationnels.

De plus, la pla­ni­fi­ca­tion joue un rôle cen­tral dans les pro­ces­sus RH. Elle peut être per­çue comme un moyen de gui­der la ges­tion des com­pé­tences, la for­ma­tion, le recru­te­ment, la ges­tion des postes et la ges­tion des car­rières. Elle per­met d’an­ti­ci­per les actions à entre­prendre sur ces dif­fé­rents thèmes. Idéa­le­ment, elle pour­rait être uti­li­sée par les direc­tions des res­sources humaines dans la coor­di­na­tion de ces dif­fé­rentes actions.

Le respect de la loi et des accords d’entreprise

La pla­ni­fi­ca­tion est aus­si l’oc­ca­sion pour les direc­tions des res­sources humaines de garan­tir le res­pect de la loi et des accords d’en­tre­prise. Dans cette optique, beau­coup d’en­tre­prises se sont récem­ment équi­pées de sys­tèmes de ges­tion des temps et des acti­vi­tés. Cepen­dant, ces sys­tèmes enre­gistrent les temps et les acti­vi­tés réa­li­sés. Ils constatent les écarts vis-à-vis des règles légales et des accords d’en­tre­prise a pos­te­rio­ri sans pou­voir les pré­ve­nir. La pla­ni­fi­ca­tion a l’a­van­tage de s’in­té­res­ser au futur. Elle iden­ti­fie ces écarts par avance et per­met d’an­ti­ci­per des mesures à entre­prendre pour les éviter.

L’entretien des compétences dans l’entreprise et le développement de la polyvalence

Paral­lè­le­ment à la ges­tion des temps de tra­vail, la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines gère les affec­ta­tions des sala­riés aux postes et aux acti­vi­tés ce qui faci­lite et garan­tit la poly­va­lence et l’en­tre­tien des com­pé­tences dans l’entreprise.

De plus, la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines offre une meilleure visi­bi­li­té des besoins et per­met d’an­ti­ci­per des for­ma­tions indi­vi­duelles et d’o­rien­ter les plans de for­ma­tion en fonc­tion des besoins plu­tôt qu’en fonc­tion des habi­tudes des mana­gers et des sou­haits des salariés.

La réduction des coûts

La pla­ni­fi­ca­tion per­met de limi­ter la masse sala­riale grâce à un meilleur emploi du capi­tal humain de l’en­tre­prise. C’est l’oc­ca­sion de tirer par­ti des pos­si­bi­li­tés offertes par la modu­la­tion tout en satis­fai­sant les sou­haits des sala­riés, inté­grés dans les sys­tèmes de pla­ni­fi­ca­tion. C’est le moyen de dimi­nuer les volumes d’heures sup­plé­men­taires en limi­tant les périodes de sous-effec­tif et l’op­por­tu­ni­té de réduire l’in­té­rim en limi­tant les périodes de sureffectif.

C’est aus­si le moyen de réduire les coûts indi­rects grâce à la réduc­tion de la durée des tâches de pla­ni­fi­ca­tion par les mana­gers et des charges de tra­vail de ges­tion par les direc­tions des res­sources humaines (paie et ges­tion du personnel).

La mise en place de pro­ces­sus, méthodes et sys­tèmes d’in­for­ma­tions de pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines est l’oc­ca­sion de ratio­na­li­ser les pra­tiques sou­vent gui­dées par les habitudes.

C’est l’oc­ca­sion de géné­ra­li­ser les meilleures méthodes de ges­tion et de mana­ge­ment des res­sources humaines à l’en­semble de l’entreprise.

De plus, la pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines per­met des révi­sions bud­gé­taires plus fiables ce qui faci­lite le pilo­tage de l’entreprise.

La réussite de la planification des ressources humaines passe par un projet cohérent

Les ser­vices les plus concer­nés par une meilleure pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines sont les direc­tions opé­ra­tion­nelles, la direc­tion des res­sources humaines et le contrôle de ges­tion. Les direc­tions opé­ra­tion­nelles s’y inté­ressent en pre­mier lieu pour le pilo­tage de leurs acti­vi­tés. Pour le contrôle de ges­tion, c’est d’a­bord un moyen de réduire les coûts. Mais la direc­tion des res­sources humaines l’u­ti­lise avant tout pour impli­quer les mana­gers dans la ges­tion des hommes et garan­tir le res­pect de la loi et des accords d’entreprise.

Dans les faits, la grande majo­ri­té des pro­jets sont ini­tiés et conduits par les direc­tions des res­sources humaines en l’ab­sence des opé­ra­tion­nels alors qu’ils sont ensuite res­pon­sables des plan­nings. Lorsque les pro­jets sont menés par le contrôle de ges­tion ou les direc­tions opé­ra­tion­nelles, la direc­tion des res­sources humaines est tou­jours impli­quée du fait des impacts ulté­rieurs sur tous les sala­riés de l’entreprise.

Il faut évi­ter l’é­cueil d’une ges­tion » par l’ou­til » consis­tant à prendre le pro­jet par le seul angle du sys­tème d’in­for­ma­tion. De même, il n’existe pas de solu­tion stan­dard appli­cable à n’im­porte quelle entre­prise : les besoins, les pro­ces­sus, les popu­la­tions sont dif­fé­rents et néces­sitent autant d’ap­proches personnalisées.

La réus­site du pro­jet passe par une réflexion stra­té­gique amont sur les objec­tifs, le péri­mètre, l’or­ga­ni­sa­tion cible et les moyens d’y par­ve­nir. Pour cumu­ler le recul et les com­pé­tences néces­saires, une aide exté­rieure spé­cia­li­sée est géné­ra­le­ment nécessaire.

La pla­ni­fi­ca­tion des res­sources humaines vise à faire du capi­tal humain un levier de per­for­mance et de pro­duc­ti­vi­té. En dis­po­sant de la bonne per­sonne, au bon endroit, au bon moment et au meilleur coût, l’en­tre­prise peut amé­lio­rer sa réac­ti­vi­té, sa per­for­mance et sa pro­duc­ti­vi­té sans pour autant aug­men­ter ses coûts.

Hier centre de coûts, les res­sources humaines de l’en­tre­prise repré­sentent aujourd’­hui un des élé­ments clefs de com­pé­ti­ti­vi­té des entreprises. 

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