Consommation électrique en France

Quelle énergie nucléaire pour la France de demain ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°620 Décembre 2006
Par Gérard de LIGNY (43)

Le double besoin

Besoin de vivre

90 % des besoins éner­gé­tiques de la France sont cou­verts aujourd’­hui par le nucléaire et le pétrole-gaz. 

Le double besoin

Besoin de vivre

90 % des besoins éner­gé­tiques de la France sont cou­verts aujourd’­hui par le nucléaire et le pétrole-gaz.
Les cen­trales nucléaires fran­çaises ne font pas par­ler d’elles (sauf quand on les démo­lit) et ne rejettent pas de CO2 dans l’at­mo­sphère. Aucun inci­dent grave n’est inter­ve­nu depuis qua­rante ans. Leurs trois res­pon­sables (EDF, CEA, Fra­ma­tome) ont appris à tra­vailler ensemble, avec un enca­dre­ment et des tech­ni­ciens très compétents. 

À l’in­verse, le pétrole-gaz n’a plus très long­temps à vivre (un petit siècle) et la fac­ture pétro­lière est mon­tée de 70 % en dix-huit mois. Certes le pétrole peut être par­tiel­le­ment relayé par le char­bon (coal to liquid) mais avec une pro­duc­tion record de CO2.

Les éner­gies de rem­pla­ce­ment sont à l’é­tat embryon­naire (sauf l’hy­drau­lique, qui est satu­ré). Leurs coûts sont assu­rés de ne pas des­cendre en des­sous de deux à trois fois le coût des pro­duc­teurs majo­ri­taires actuels (pétro­lier et nucléaire). Et leur volume total ne dépasse jamais au mieux 15 à 20 % des besoins. Elles pas­sionnent les jour­na­listes ; elles vivent à coup de sub­ven­tions et d’a­chats forcés. 

Seules les éco­no­mies d’éner­gie apportent au nucléaire un com­plé­ment substantiel. 

Besoin d’exporter

La France n’a plus dans son cata­logue de pro­duits que quatre à cinq familles de pro­duits qui sont com­pé­ti­tifs dans le monde. Le nucléaire en fait par­tie. Notre pays est même dans ce domaine le pre­mier pro­duc­teur mondial.
La cré­di­bi­li­té du nucléaire fran­çais pro­po­sé à l’é­tran­ger repose sur ce qui a été réa­li­sé sur notre ter­ri­toire. Il faut donc per­sé­vé­rer, et com­plé­men­tai­re­ment expé­ri­men­ter des pro­duits adap­tés aux divers besoins du monde. La France pour­rait mieux faire à l’ex­por­ta­tion, en intro­dui­sant de tels pro­duits dans son catalogue. 

Les objections soulevées par l’énergie nucléaire

1. L’opinion publique

L’éner­gie nucléaire a été révé­lée au grand public par Hiro­shi­ma et Naga­sa­ki. À Dresde et Mag­de­bourg les vic­times ont été aus­si nom­breuses, mais la puis­sance des­truc­trice des « bombes ato­miques », lan­cées par deux avia­teurs soli­taires, a été effa­rante. À cela s’a­joute le mys­tère des rayon­ne­ments invi­sibles et per­sis­tants qui répandent beau­coup de morts lentes. 

Néan­moins peu de gens se sont émus, semble-t-il, que le géné­ral de Gaulle ait consti­tué au CEA une Direc­tion des appli­ca­tions mili­taires, des­ti­née à fabri­quer la bombe ato­mique ; et l’im­plan­ta­tion de centres de recherche sur la bombe à proxi­mi­té de Paris, Dijon et Tours n’a sou­le­vé que peu de contestation. 

La construc­tion des pre­mières cen­trales ato­miques en France et en Bel­gique (1975−1980) n’a pas sou­le­vé d’op­po­si­tion. Certes, peu après sont sur­ve­nus un inci­dent aux États-Unis qui n’a pas fait de vic­times, puis le grave acci­dent de Tcher­no­byl qui en fait envi­ron 200. Les médias et les asso­cia­tions anti­nu­cléaires ont sur­gi aus­si­tôt et ont trou­vé en Tcher­no­byl un argu­ment impa­rable en mul­ti­pliant quel­que­fois par 10 le nombre des victimes. 

La traî­née de poudre de la dés­in­for­ma­tion a per­sua­dé les Euro­péens que le nucléaire c’é­tait l’hor­reur. Chaque ouver­ture d’un nou­veau site de cen­trale élec­trique a don­né lieu à des mani­fes­ta­tions para­ly­santes, au moment même où des ingé­nieurs fran­çais fai­saient déjà tour­ner sans inci­dent les pre­mières cen­trales à eau pres­su­ri­sée, les REP. 

Et il n’y a pas eu en Europe de cam­pagnes de redres­se­ment des infor­ma­tions alar­mistes. L’in­dus­trie nucléaire alle­mande en est morte, l’in­dus­trie ita­lienne a avor­té… Seule la France n’a pas ralen­ti sa marche. Grâce soit ren­due aux pré­si­dents Pom­pi­dou et Gis­card, et aux diri­geants de l’EDF : ils ont ain­si don­né la preuve qu’une auto­ri­té qui ne flotte pas dans sa déci­sion ins­pire confiance à la popu­la­tion et décou­rage les faux pro­phètes. Le sys­tème de gou­ver­ne­ment ayant chan­gé, la contes­ta­tion a repris le des­sus alors qu’il est impé­ra­tif de rem­pla­cer les pre­miers réac­teurs et d’en construire de nouveaux. 

2. Le poids des investissements financiers1

L’in­dus­trie nucléaire est effec­ti­ve­ment une indus­trie très lourde (2,5 à 3 mil­liards d’eu­ros pour un réac­teur de 1 600 MW)2.

L’a­mor­tis­se­ment de l’in­ves­tis­se­ment ini­tial (y com­pris la pré­vi­sion de déman­tè­le­ment) repré­sente 55 % du coût du kWh pro­duit, contre 20 % pour une chau­dière à gaz. Mais au total le kWh est moins cher, donc plus profitable. 

Pour un pro­gramme de 60 tranches de 1 600 MW éta­lées sur trente ans, il faut inves­tir 5 à 6 mil­liards d’eu­ros par an. C’est ce qu’a fait la France entre 1970 et 1990. C’est cher, mais acces­sible et d’une ren­ta­bi­li­té certaine. 

Certes on pour­rait craindre que les inves­tis­seurs finan­ciers avides de gros ren­de­ments à court terme ne soient pas séduits par de tels inves­tis­se­ments. Mais il existe encore des inves­tis­seurs à long terme pour qui la cer­ti­tude d’un bon ren­de­ment finan­cier prime sur le délai. Néan­moins l’in­cer­ti­tude poli­tique sur une longue période jus­ti­fie une assu­rance col­lec­tive à laquelle contri­buent les pou­voirs publics. 

3. Le risque de prolifération permettant des usages militaires

On connaît les pro­duits de base qui per­mettent de fabri­quer de l’éner­gie nucléaire (essen­tiel­le­ment ura­nium et tho­rium). Les pro­duc­tions passent toutes soit par l’en­ri­chis­se­ment d’un élé­ment exis­tant dans la nature (tel que l’u­ra­nium), soit par la pro­duc­tion à par­tir d’un élé­ment qui n’y figure pas (tel que le plu­to­nium). Il convient donc en pre­mier lieu de contrô­ler étroi­te­ment les tech­niques d’en­ri­chis­se­ment car en pous­sant très loin l’en­ri­chis­se­ment de l’u­ra­nium natu­rel jus­qu’à 90 % (contre 3,5 % pour les appli­ca­tions civiles) on obtient de quoi faire des bombes. En outre cer­tains sous-pro­duits des appli­ca­tions civiles, notam­ment ceux qui pro­viennent du retrai­te­ment des com­bus­tibles usés (évo­qués ci-après) sont dan­ge­reux : à défaut d’être explo­sifs ils sont très toxiques et les bombes sales, bien que moins nocives que les bombes bac­té­rio­lo­giques, pour­raient sus­ci­ter un effet de panique très dom­ma­geable à l’a­ve­nir du nucléaire. 

La sub­sti­tu­tion du tho­rium à l’u­ra­nium per­met­trait d’ob­te­nir, par retrai­te­ments suc­ces­sifs des déchets, des pro­duits à moindre durée de vie. Il serait utile d’en faire l’ex­pé­rience de bout en bout afin de ne pas être tri­bu­taires d’une seule matière pre­mière. Mais le pas­sage au tho­rium entraîne des modi­fi­ca­tions très coûteuses. 

4. Le risque d’emballement du réacteur

C’est ce qui s’est pas­sé à Tcher­no­byl : la tem­pé­ra­ture du cœur est mon­tée à un niveau ter­ri­fiant : les com­bus­tibles ont fon­du, la dalle recou­vrant le réac­teur a été sou­le­vée et les pro­duits radio­ac­tifs se sont répan­dus dans la nature.
Les trois manœuvres de sécu­ri­té, indé­pen­dantes l’une de l’autre, per­met­tant d’ar­rê­ter la réac­tion radio­ac­tive ont toutes les trois été défaillantes. Cela résulte d’un vice de concep­tion (per­çu et évi­té en Occi­dent) et d’une suc­ces­sion de fausses manœuvres dues à l’i­nex­pé­rience des opérateurs. 

Dans le nou­veau modèle de réac­teur EPR une qua­trième pro­tec­tion a été intro­duite rédui­sant à 10–7 la pro­ba­bi­li­té de défaillances en cas­cade ; en outre une troi­sième enceinte en acier a été ajou­tée aux enceintes en béton. 

Une solu­tion encore plus sécu­ri­sante a été recher­chée dans les réac­teurs dits hybrides : la réac­tion de fis­sion dans le cœur ne peut se réa­li­ser qu’a­vec injec­tion de neu­trons sup­plé­men­taires issus d’un dis­po­si­tif tout à fait indé­pen­dant. Si un tel réac­teur pou­vait fonc­tion­ner on serait ain­si arri­vé tout près du risque zéro. Mais il y a encore beau­coup à faire pour pré­sen­ter un pro­to­type réa­li­sable indus­triel­le­ment. Les vieux pro­fes­sion­nels du nucléaire sont très sceptiques.

5. Le risque d’a­gres­sion terroriste
Soit de l’ex­té­rieur, par un avion kamikaze. 

Soit de l’in­té­rieur, par dépôt de charge explo­sive puis­sante dans une par­tie sen­sible de l’installation. 

Le réac­teur EPR a été étu­dié conjoin­te­ment par Fra­ma­tome et Sie­mens en vue de sup­pri­mer ces risques. On a envi­sa­gé toutes sortes d’a­gres­sions depuis l’a­vion de chasse kami­kaze jus­qu’à la bombe per­fo­reuse en grande pro­fon­deur des Amé­ri­cains. Les Fin­lan­dais en ont été satisfaits.

6. Les dif­fi­cul­tés d’exploitation
Ces dif­fi­cul­tés pro­viennent du gros­sis­se­ment des cen­trales de grandes dimen­sions en vue d’é­ta­ler le coût d’in­ves­tis­se­ment sur une grosse production. 

a) Rigidité au niveau de la production

Une cen­trale nucléaire ne peut pas aus­si faci­le­ment être ralen­tie ou accé­lé­rée qu’un groupe élec­tro­gène, mais pas beau­coup moins faci­le­ment qu’une cen­trale tra­di­tion­nelle d’EDF. C’est pour­quoi l’EDF a vou­lu inter­con­nec­ter toutes ses cen­trales mal­gré le sur­coût de la dis­tri­bu­tion qui en résulte. Ces exi­gences ont été satis­faites et l’op­tion prise sur l’in­ter­con­nexion ne peut pas être remise en cause. 

b) malgré la déséconomie d’échelle pour les petites centrales

La faible den­si­té démo­gra­phique de cer­taines régions et l’élec­tri­fi­ca­tion des îles loin­taines (Antilles, Réunion…) inter­dit l’ins­tal­la­tion d’une cen­trale nucléaire de grande puis­sance, selon le type que l’on maî­trise aujourd’hui. 

D’où la mul­ti­pli­ca­tion de bureaux d’é­tudes cen­trés sur des modèles de cen­trales à 100 MW (au lieu de 1 000), mais sans moyens finan­ciers suf­fi­sants. Leur but est de per­mettre l’ou­ver­ture de l’offre à de nom­breux pays en voie de déve­lop­pe­ment, avec un mode de finan­ce­ment appro­prié. Le pro­blème a été réso­lu pour les sous-marins et les porte-avions, mais à des coûts pro­hi­bi­tifs incon­ce­vables pour une cen­trale électrique. 


Varia­tions men­suelles de la consom­ma­tion élec­trique en France (base 100 pour la moyenne annuelle 1990)
D’après l’Observatoire de l’Énergie


7. Inca­pa­ci­té à four­nir de l’éner­gie embar­quable et stockable
Ce pro­blème n’est pas spé­ci­fique des cen­trales nucléaires, mais de toutes les cen­trales élec­triques en général. 

Les trans­por­teurs rou­tiers, flu­viaux et aériens ne peuvent pas se relier à un réseau élec­trique ; de même les groupes élec­tro­gènes uti­li­sés sur chan­tiers ou dans des ter­ri­toires isolés. 

Deux types de solu­tions pas très satis­fai­santes aujourd’hui :
. les bat­te­ries d’ac­cu­mu­la­teurs, longue durée et légères,
. la pro­duc­tion d’hy­dro­gène par élec­tro­lyse de l’eau, ou par des piles à combustible. 

La pre­mière solu­tion est déjà pra­ti­quée pour des trans­ports n’exi­geant pas des retours fré­quents à des rechar­geurs de bat­te­rie : une auto­no­mie de 300 kilo­mètres et un réseau de dis­tri­bu­teurs de bat­te­ries de rechange tous les 50 km seraient néces­saires, avec des bat­te­ries d’ac­cu­mu­la­teurs ne dépas­sant pas 80 à 200 kg selon le type de véhi­cule. C’est ce der­nier point qui est le plus difficile. 

La deuxième solu­tion pré­sente des dif­fi­cul­tés plus grandes, du fait du coût de l’élec­tro­lyse (ou de la pile à com­bus­tible) et du poids des contai­ners embar­quables. Les bilans éco­no­mique et éner­gé­tique sont mauvais. 

Par rap­port au coal to liquid l’élec­tri­ci­té n’est pas pro­pice aux trans­ports autres que ferroviaires. 

8. Perspectives d’épuisement des matières premières

Pour l’u­ra­nium extrait des gise­ments ter­restres cette pers­pec­tive ne dépasse pas deux cents ans, dans l’hy­po­thèse d’un dou­ble­ment de la consom­ma­tion par siècle. 

Pour l’u­ra­nium, comme pour le tho­rium, extrait des océans, la pers­pec­tive est théo­ri­que­ment illi­mi­tée mais les pre­miers essais montrent que c’est au moins dix fois plus coû­teux que l’u­ra­nium ter­restre. Par contre dans les réac­teurs à neu­trons rapides (type Super­phé­nix) les consom­ma­tions sont réduites de 90 % et le délai d’é­pui­se­ment dépasse mille ans. En outre l’ex­ploi­ta­tion des res­sources ter­restres de mine­rai radio­ac­tif est encore très incomplète. 

9. Conclusion sur la production nucléaire avec les moyens actuels

Aucun obs­tacle ne pour­rait jus­ti­fier une limi­ta­tion de la construc­tion de nou­veaux réac­teurs de type EPR. Bien enten­du on espère que d’i­ci cin­quante ans on sor­ti­ra un modèle nou­veau de réac­teur ayant des per­for­mances supé­rieures, notam­ment dans trois domaines : le ren­de­ment éner­gé­tique, le risque de pro­li­fé­ra­tion et le volume des déchets ; mais dans qua­rante ans le moment sera presque venu de rem­pla­cer les pre­miers EPR construits au début du XXIe siècle. Quant au pro­blème de sécu­ri­té on peut le consi­dé­rer déjà comme réso­lu tech­ni­que­ment… (mais pas dans l’es­prit des uti­li­sa­teurs !). Seul demeure le pro­blème de la pro­duc­tion de car­bu­rant liquide aux consom­ma­teurs ambu­lants, l’élec­tri­ci­té en géné­ral devant être encore long­temps une voie coû­teuse mal­gré son avan­tage éco­lo­gique. Reste le pro­blème des petites cen­trales, de l’ordre de 100 MW, ain­si que le pro­blème conjoint, et peut-être inso­luble, du sto­ckage de l’énergie. 

Le problème des déchets

N. B. : ce pro­blème impor­tant néces­si­te­rait des éclair­cis­se­ments rela­ti­ve­ment longs qui seront don­nés ulté­rieu­re­ment par La Jaune et la Rouge.

Le Monde annonce en mars 2006 que le sol fran­çais est déjà cou­vert par « un mil­lion de mètres cubes de déchets nucléaires ». 

En fait, d’a­près l’AN­DRA, chaque cen­trale de 1 000 MW laisse, chaque année, 3,3 m³ de déchets très toxiques et de longue durée (soit 92 % des déchets les plus toxiques), ce qui depuis la pre­mière cen­trale de 1978 repré­sente envi­ron 3 500 m³. 3 Ce cubage sera mul­ti­plié par 5 d’i­ci 2050 (soit un cube de 20 m d’arrête). 

À cela s’a­joutent des déchets de diverses ori­gines, beau­coup plus volu­mi­neux, qui contiennent 8 % de la radio­ac­ti­vi­té, et une grande masse de déchets inertes. 

Ces don­nées numé­riques sont four­nies pour situer l’am­pleur du pro­blème, et expli­quer pour­quoi la recherche est concen­trée sur la pre­mière caté­go­rie de déchets, de loin la plus dan­ge­reuse. Trois types de solu­tions – évi­de­ments cumu­lables – sont à l’é­tude depuis 1970, avec des résul­tats très positifs : 

1) trou­ver un pro­cé­dé de fabri­ca­tion qui ne génère pas de déchets dan­ge­reux ou beau­coup moins,
2) retrai­ter ces déchets de telle façon qu’ils soient par­tiel­le­ment réutilisés,
3) enfouir les par­ties inuti­li­sables le plus pro­fon­dé­ment pos­sible dans une roche qui ne risque pas de dégra­der les contai­ners et de faci­li­ter les infiltrations. 

1. C’est ce qu’on attend de la réac­tion de fusion et, avant cette échéance loin­taine, de pro­cé­dés et de com­bus­tibles nou­veaux (en prio­ri­té : la surgénération). 

2. C’est ce qui se fait à La Hague avec la pro­duc­tion de com­bus­tible MOX qui récu­père une par­tie du plu­to­nium, (mais il en reste plus de la moitié). 

3. C’est la solu­tion la moins glo­rieuse mais la plus acces­sible ; les essais et les mesures qui ont été faits à plus de 500 mètres de pro­fon­deur ont mon­tré que même si des dégra­da­tions et des infil­tra­tions se pro­duisent, cela ne concer­ne­rait que des pro­duits ayant per­du une part impor­tante de leur radioactivité. 

Il en résulte que les pro­blèmes des déchets ont des solu­tions en cours de mise au point, les obs­tacles les plus dif­fi­ciles tech­ni­que­ment parais­sant déjà franchis. 

Mais les déchets n’ont pas fini de faire peur parce qu’ils réunissent toutes les com­po­santes de l’ef­froi : le poi­son invi­sible, silen­cieux, mor­tel et qua­si éter­nel. En outre, la preuve expé­ri­men­tale de l’ef­fi­ca­ci­té des pro­tec­tions est impos­sible. Le qui­dam est pri­son­nier du « dire de l’ex­pert » et même si les experts convergent à 99 %, qui nous dit que ce n’est pas le 100e qui a raison ? 

Et pour­tant… le dan­ger est-il aus­si grave que ce qu’on se raconte ? La molé­cule radio­ac­tive qui risque de s’é­va­der de sa pri­son et de pol­luer quelques kilo­mètres car­rés est-elle aus­si dan­ge­reuse que les virus et les bac­té­ries tout aus­si silen­cieux qui conti­nuent à faire des mil­lions de morts dans le monde.Il ne faut pas se lais­ser pié­ger par le prin­cipe du risque zéro. 

Quels types de production retenir ?

Grosses centrales ou petites centrales ?

Com­men­çons par dire que nous ne savons construire, au moins en France, que de grosses cen­trales (de 900 à 1 700 MW). Il existe aus­si des réac­teurs de sous-marins et de porte-avions, mais leurs prix de revient sont rédhi­bi­toires pour les uti­li­sa­tions civiles. En outre, nous avons dû épou­ser la poli­tique d’in­ter­con­nexion uni­ver­selle de notre réseau élec­trique mal­gré la majo­ra­tion du coût de dis­tri­bu­tion qu’elle a entraînée. 

Depuis 1970 nous avons fabri­qué des réac­teurs à eau pres­su­ri­sée (REP), ini­tia­le­ment conçus par les Amé­ri­cains, mais très amé­lio­rés par les Fran­çais. Ces réac­teurs ont très bien fonc­tion­né sans un seul acci­dent de per­son­nel depuis 1978 mais ils sont gour­mands en ura­nium et pro­duc­teurs de plu­to­nium, pro­duit très toxique et pou­vant concou­rir après un nou­veau trai­te­ment à la fabri­ca­tion de bombes atomiques. 

Nous avons alors étu­dié et construit dans les années 1970–1980 un réac­teur (Super­phé­nix) très nova­teur, qui n’a­vait pas ces incon­vé­nients (il en avait quelques autres) et il nous aurait don­né une géné­ra­tion d’a­vance sur les Amé­ri­cains. Mais il a sus­ci­té une levée de bou­cliers des mou­ve­ments anti­nu­cléaires et il a été sacri­fié sur l’au­tel de « l’al­ter­nance politique ». 

Nous avons alors dû nous rabattre sur un réac­teur du même prin­cipe que le REP (l’E­PR), com­por­tant des sécu­ri­tés sup­plé­men­taires, peut-être inutiles mais répon­dant à la han­tise des écologistes. 

Nous avons donc conçu de nou­velles grosses cen­trales (EPR) proches des REP donc très sûres, mais avec les mêmes incon­vé­nients du côté ura­nium et plu­to­nium. Deux construc­tions témoins (l’une en France, l’autre en Fin­lande) sont en cours et com­men­ce­ront à fonc­tion­ner en 2010. 

Le rem­pla­ce­ment des pré­cé­dentes cen­trales PWR pour­ra donc com­men­cer en 2011. Plu­sieurs pays étran­gers, qui ont déjà construit des PWR, se sont décla­rés inté­res­sés par l’E­PR. Mais il est peu pro­bable que les gros mar­chés (exemple : Chine) s’y intéressent. 

Par ailleurs les besoins de tous les pays – ceux qui n’ont pas un réseau connec­té et ceux qui sont iso­lés (sur une île ou dans la steppe) – risquent de ne pas s’y inté­res­ser beau­coup non plus. 

Il y a déjà une demande des pays à faible den­si­té de popu­la­tion pour une réno­va­tion de leurs médiocres sources d’éner­gie (l’a­ni­mal de trait, la lampe à pétrole, le groupe élec­tro­gène…) et des pays régio­na­li­sés où chaque région doit pro­duire son énergie. 

La Jaune et la Rouge fera le point dans quelques mois sur « les réac­teurs de poche » qui seraient un moyen de déve­lop­pe­ment pour les pays en voie de déve­lop­pe­ment et contri­bue­raient à l’in­ver­sion des migrations. 

Uranium ou thorium ?

Ces deux matières pre­mières n’ont pas encore fait l’ob­jet de recen­se­ment des réserves comme on l’a fait pour les matières fos­siles ; mais à ce jour les réserves connues ne sont pas consi­dé­rables, (cent à deux cents ans de consom­ma­tion si celle-ci se déve­loppe for­te­ment). Certes, on pour­ra tou­jours trou­ver de l’u­ra­nium et du tho­rium très abon­dants dans l’eau de mer ; mais il sera beau­coup plus intel­li­gent de mul­ti­plier les sur­gé­né­ra­teurs qui peuvent décu­pler la durée de vie de l’éner­gie nucléaire et sup­pri­mer la dif­fu­sion du plu­to­nium dans les pays qui le convoitent pour fabri­quer des bombes ato­miques. C’est la per­for­mance que réa­li­sait Super­phé­nix ; il fau­dra bien reve­nir à quelque chose d’é­qui­valent. Aujourd’­hui la qua­si-tota­li­té des cen­trales nucléaires du monde marchent à l’u­ra­nium, et le pas­sage au tho­rium serait une opé­ra­tion très coû­teuse ; pour­tant le tho­rium a l’a­van­tage, même sans sur­gé­né­ra­tion, de lais­ser des déchets à plus faible radio­ac­ti­vi­té. Quant aux sur­gé­né­ra­teurs il y en a qui fonc­tionnent déjà au Japon sans faire par­ler d’eux. 

Quels coûts ?

Le prix de revient de l’élec­tri­ci­té d’o­ri­gine nucléaire est actuel­le­ment le plus faible de toutes les autres filières, avec une com­po­si­tion très différente : 

. le com­bus­tible ne consti­tue que 20 % du total (contre 70 % pour une chau­dière à gaz),
. l’a­mor­tis­se­ment de la cen­trale entre pour 65 % (contre 20 % pour une chau­dière à gaz)4.

En effet, un réac­teur nucléaire de 1 500 MW coûte 2,5 à 3 mil­liards d’eu­ros, et le pro­lon­ge­ment de la durée de vie du réac­teur est très pro­fi­table ; la fabri­ca­tion en série de réac­teurs iden­tiques est éga­le­ment très payante. C’est ce que les Fran­çais ont réa­li­sé pour le modèle PWR et qu’ils sou­hai­te­raient répé­ter pour le nou­veau réac­teur (EPR) dont le coût ini­tial est déjà infé­rieur de 10 % à celui du PWR. 

<td class=« rte­cen­ter » « = » »> 94%* 

(TWh) TOTAL NUCLÉAIRE FOSSILES HYDRAULIQUES
Consom­ma­tion + export  465 + 70 
Production  535  417 (78%) 53 (10%) 66 (12%)
Capa­ci­té de production  850  552  229  70 
Taux d’utilisation 63%  75%  23% 
* Pen­dant les pointes de consommation. 

Quel programme nucléaire électrique pour la France ?

Quelle urgence ?

Regar­dons d’a­bord les chiffres de 2002 en France pour l’éner­gie élec­trique en TWh (voir tableau). 


IRIS (Inter­na­tio­nal Reac­tor Inno­va­tive and Secure) est un exemple de « petit réac­teur » (www.irisreactor.org)

Les par­ti­sans de « ne pas se pres­ser » font obser­ver que, en sup­pri­mant l’ex­por­ta­tion d’élec­tri­ci­té et en deman­dant aux cen­trales à com­bus­tibles fos­siles d’ab­sor­ber les fluc­tua­tions de la consom­ma­tion, on pour­rait faire mon­ter le taux d’u­ti­li­sa­tion des réac­teurs nucléaires à 90 % (comme aux États-Unis) et la capa­ci­té de pro­duc­tion totale de 20 %. Cela per­met­trait, affirment-ils, de faire face aux besoins fran­çais avec le parc de réac­teurs actuel jus­qu’en 2012… d’au­tant plus que les plus anciens de nos réac­teurs REP actuels n’at­tein­dront l’âge de la retraite (40 ans) qu’en 2018. À cette date, espèrent-ils, des réac­teurs plus per­for­mants que l’E­PR seront disponibles. 

Cette argu­men­ta­tion n’est pas tout à fait sans valeur mais elle est contes­table sur les points suivants : 

compte tenu de l’é­tat actuel de l’o­pi­nion publique et du délai de mise au point d’un nou­veau modèle de réac­teur la sou­dure avec le parc actuel ne serait pas assurée,
 pour la plu­part les par­ti­sans d’at­tendre espèrent en fait que le retard se trans­for­me­ra en abandon,
 la relance des cen­trales à com­bus­tibles fos­siles coû­te­rait cher,
• l’ar­rêt de l’ex­por­ta­tion détrui­rait la confiance dans le pou­voir de la France de por­ter secours à ses voi­sins impru­dem­ment « sor­tis du nucléaire ». 

Par consé­quent, tout en nous réser­vant la pos­si­bi­li­té d’ap­por­ter des amé­lio­ra­tions à notre réac­teur EPR lorsque nous en aurons mis en route une pre­mière série (une dizaine), il sera urgent de lan­cer cette pre­mière série dès que les deux pro­to­types en cours de mon­tage auront été tes­tés (envi­ron 2012). 

Et si, dans vingt-cinq ans, un nou­veau modèle de réac­teur impose sa supé­rio­ri­té à l’E­PR nous sau­rons chan­ger notre fusil d’épaule. 

Combien de réacteurs devrons-nous construire ?

Si nous limi­tons notre hori­zon à 2050 ce sera prio­ri­tai­re­ment le rem­pla­ce­ment du poten­tiel actuel qui doit nous pré­oc­cu­per. Le modèle choi­si, compte tenu de l’op­tion prise en France de l’in­ter­con­nexion, est plus puis­sant d’en­vi­ron 30 % aux réac­teurs en ser­vice ; et le nombre d’u­ni­tés pas­se­ra de 58 à 40, en espé­rant que, du fait de l’a­mé­lio­ra­tion du taux d’u­ti­li­sa­tion (de 75 à 90 %), il sera pos­sible de faire face à l’ex­ten­sion des besoins fran­çais et de l’exportation.
Cette sup­po­si­tion est peut-être opti­miste mais elle cadre avec celle de la DGEMP5 et avec l’es­ti­ma­tion qui figure dans l’ar­ticle de Jean-Noël Her­man dans le numé­ro d’oc­tobre de La Jaune et la Rouge.

Nous devons viser la construc­tion de 40 grosses cen­trales (EPR ou modèle équi­valent) en trente ans, soit envi­ron trois tous les deux ans. Au-delà, nos pro­nos­tics actuels sont très ouverts mais, sauf effon­dre­ment éco­no­mique de l’Eu­rope, orien­tés à la hausse. 

À cela s’a­joutent les réac­teurs de petit for­mat dont nous par­le­rons ultérieurement. 

Quel financement ?

Le coût d’un réac­teur de 1 500 MW étant esti­mé à 2,5 mil­liards d’eu­ros il fau­dra 4 à 5 mil­liards d’eu­ros par an.
C’est moins que le pre­mier pro­gramme de 50 REP, et le mar­ché finan­cier est plus riche6. Pour dire cela, nous nous appuyons sur trois arguments : 

a) EDF a encais­sé les sur­amor­tis­se­ments du pre­mier pro­gramme (cal­cu­lé pour vingt-cinq ans et pro­lon­gé de quinze ans) ; 

b) EDF ne s’est enga­gée sur la sta­bi­li­té de son prix de vente que jus­qu’en 2010, alors que les prix des pays concur­rents auront beau­coup mon­té ; les marges vont s’ac­croître sensiblement ; 

c) les inves­tis­seurs finan­ciers, ayant fait une bonne affaire avec les pro­grammes des années 1975 à 2000, seront moti­vés pour le nou­veau pro­gramme. Une réserve : l’U­nion euro­péenne doit don­ner son accord pour une garan­tie de l’É­tat fran­çais en cas de risques poli­tiques mondiaux. 

D’où viendra la volonté de s’engager ?

La super­ré­fé­rence que consti­tue la réus­site du pre­mier pro­gramme ne suf­fit pas. 

Le temps n’est plus où nos gou­ver­ne­ments avaient une auto­ri­té réga­lienne sur le pays. « L’i­vresse démo­cra­tique » dénon­cée par Alain Minc les a mis sous le contrôle de l’o­pi­nion publique. Et celle-ci est encou­ra­gée par les dif­fu­seurs d’é­mo­tions para­ly­santes (Hiro­shi­ma, Tcher­no­byl) et garde l’é­pou­vante de la radio­ac­ti­vi­té « éter­nel­le­ment mortelle ». 

Face à cette défor­ma­tion de l’o­pi­nion, les par­ti­sans du nucléaire (qui consti­tuent la majo­ri­té des gens ins­truits) réagissent fai­ble­ment. Ils dis­cutent entre eux sur des options tech­niques non fon­da­men­tales et oublient que la véri­té ne s’im­pose pas uni­que­ment par des démons­tra­tions scientifiques. 

Le nucléaire a une pente à remon­ter ; par contre il ne peut uti­li­ser que des moyens loyaux. Mais ses nom­breux et émi­nents par­ti­sans se sont tenus sur une posi­tion défen­sive. Ils n’ont pas enva­hi l’é­cran de télé­vi­sion pour dire que l’Eu­rope allait dans le mur, que les géné­ra­tions qui vont nous suivre seront sacri­fiées et que la France per­dra sa supré­ma­tie mon­diale dans un domaine majeur. Ont-ils même ouvert leurs portes aux éco­lo­gistes non poli­ti­sés (tels que le groupe « Sau­vons le cli­mat ») qui ont com­pris que l’éner­gie nucléaire est la seule éner­gie propre ? Qu’at­tendent-ils pour ouvrir les portes de leurs usines et de leurs labo­ra­toires aux enfants des écoles et aux asso­cia­tions huma­ni­taires de leur voisinage ? 

L’an­ni­ver­saire du drame de Tcher­no­byl vient de faire l’ob­jet d’une publi­ci­té consi­dé­rable ; mais les réus­sites contem­po­raines de Fes­sen­heim et du Bugey n’ont pas été évoquées. 

C’est un plan de com­mu­ni­ca­tion de plu­sieurs cen­taines de mil­lions d’eu­ros par an qu’il faut consa­crer au déblo­cage psy­cho­lo­gique de nos com­pa­triotes. Après quoi un réfé­ren­dum mon­tre­ra, il faut l’es­pé­rer, que la France a retrou­vé le che­min du « Oui ». 

Comment préparer l’avenir au-delà de 2050 ?

Il faut, au moins pour les grosses cen­trales, une qua­ran­taine d’an­nées pour maî­tri­ser au stade indus­triel un nou­veau pro­cé­dé de pro­duc­tion d’énergie. 

Le lan­ce­ment des construc­tions de gros réac­teurs (EPR et autres) ne nous dis­pense donc pas de pré­pa­rer de nou­velles géné­ra­tions nucléaires. Dès aujourd’­hui les cer­veaux sont mobi­li­sés. D’a­bord aux USA dont le dés­in­té­rêt pour Kyo­to ne doit pas faire illu­sion, (une dizaine de centres d’é­tudes sur l’éner­gie sont lar­ge­ment sub­ven­tion­nés), mais aus­si dans tous les pays qui ont déjà trem­pé dans le nucléaire : Rus­sie, Japon, Cana­da… Il y a deux ans le Forum « Géné­ra­tion IV » a réuni une dizaine de pays et a dis­tri­bué entre eux les domaines de recherche et les objec­tifs à atteindre. Depuis lors l’éner­gie de fusion a été attri­buée à la France (ITER) et au Japon avec de très larges délais. 

Six concepts de centrales
Géné­ra­tion IV : six concepts en rup­ture à l’étude


À notre avis le Forum s’est insuf­fi­sam­ment tour­né vers les « réac­teurs de poche », adap­tés aux petits péri­mètres de dis­tri­bu­tion et s’est cen­tré sur l’ac­crois­se­ment des per­for­mances des grosses cen­trales en fai­sant une large place aux pré­ju­gés de l’o­pi­nion publique sur la sécu­ri­té. D’une façon plus géné­rale il semble ne pas avoir don­né prio­ri­té au confi­ne­ment des pro­duits uti­li­sables militairement. 

Néan­moins il est inté­res­sant de pré­sen­ter les six axes d’é­tude qui ont été rete­nus pour la géné­ra­tion IV (c’est-à-dire au-delà des REP et des EPR) : 

a) le réac­teur à gaz à très haute tem­pé­ra­ture cou­plé à un sys­tème de pro­duc­tion d’hy­dro­gène, (les Fran­çais ne sont pas par­tants mais cette for­mule s’ac­com­mode de petites cen­trales à moins de 300 MW), 

b) le réac­teur rapide à gaz, le com­bus­tible étant fait de maté­riaux réfrac­taires (le CEA y croit), 

c) les réac­teurs rapides (RNR) (au sodium pour Super­phé­nix) qui coû­te­ront moins cher aujourd’­hui et seront plus sécu­ri­sés (la France, la Rus­sie et le Japon sont sur les rangs), 

d) le réac­teur rapide au plomb (RRP), de plus petite puis­sance et trans­por­table (les Russes ont une bonne expé­rience de ce type de solu­tion et rêvent de doter leurs ports de l’O­céan arc­tique de tels géné­ra­teurs de puis­sance électrique), 

e) le réac­teur à eau super­cri­tique (RES) qui cumu­le­ra un grand nombre de difficultés, 

f) le réac­teur à sels fon­dus (RSF), basé sur le cyclage ura­nium-tho­rium, que les Amé­ri­cains ont étu­diés dès 1970, mais dont les opé­ra­tions sont com­plexes, et qui est gour­mand en thorium. 

Ces divers types de solu­tion doivent res­pec­ter un ordre de suc­ces­sion chro­no­lo­gique : par exemple les EPR pro­duisent du plu­to­nium néces­saire aux ENR7, et ces der­nières pro­duisent de l’U 233 dont ont besoin les RSF. 

Outre ces six types de réac­teurs sélec­tion­nés offi­ciel­le­ment, nous pen­sons qu’il faut don­ner sa chance à la coopé­ra­tion France-Rus­sie-Suisse (grâce au CERN) pour l’ex­pé­ri­men­ta­tion d’un réac­teur au plomb-bis­muth com­bi­né avec une nou­velle tech­no­lo­gie du retrai­te­ment des déchets. Ce réac­teur étant de petite puis­sance (100 MW), la Chine pro­met de finan­cer le pro­to­type8.

Que sor­ti­ra-t-il de ces ententes inter­na­tio­nales, sou­dées par un forum à cadence annuelle (ou semes­trielle) ? Vrai­sem­bla­ble­ment une col­la­bo­ra­tion loyale et fer­tile jus­qu’aux pre­miers essais du pro­to­type. Si ces essais sont encou­ra­geants il y aura évi­dem­ment une course à la récolte des fruits. Mais des alliances par­tielles se consti­tue­ront et de vraies soli­da­ri­tés entre deux ou trois par­te­naires naîtront. 

Conclusion générale sur l’énergie nucléaire

La domes­ti­ca­tion de l’éner­gie nucléaire est le plus grand pro­grès réa­li­sé par l’Hu­ma­ni­té depuis plu­sieurs siècles pour sur­mon­ter son impuis­sance, sans pour autant mal­trai­ter son envi­ron­ne­ment, au contraire. 

En France, d’i­ci la fin du XXIe siècle, elle pro­gres­se­ra quant au prix de revient, à l’é­co­no­mie de matières pre­mières et – espé­rons-le – à la miniaturisation. 

Les mala­dies de jeu­nesse qui ont accom­pa­gné son émer­gence, aus­si regret­tables soient-elles, paraî­tront minimes par rap­port au sur­clas­se­ment des moyens tra­di­tion­nels pour domi­ner la nature (moyens en cours d’é­pui­se­ment). Aus­si loin­taine que sera la maî­trise de l’éner­gie de fusion nous sommes cer­tains que la sou­dure pour­ra être assurée. 

Au niveau mon­dial, si l’on par­vient à étendre les avan­tages de cette éner­gie à l’en­semble de tous les pays, le monde pren­dra un nou­veau visage. L’i­dée de « sor­tir du nucléaire » devien­dra impen­sable à tous nos petits-enfants. 

Le risque à évi­ter coûte que coûte est qu’au lieu de se déployer par­mi les vivants, l’éner­gie nucléaire se concentre pour pro­vo­quer la mort. L’ob­jec­tif majeur que doivent se don­ner les scien­ti­fiques est de dres­ser une bar­rière infran­chis­sable entre le nucléaire civil et le nucléaire militaire. 

Moyen­nant quoi, les tech­niques suf­fi­ront-elles ? Il faut aus­si, en paral­lèle, sup­pri­mer les rai­sons de s’entre-tuer entre com­mu­nau­tés de toutes condi­tions ; la pro­cla­ma­tion empha­tique de la soli­da­ri­té mon­diale dont on nous rebat les oreilles n’y suf­fi­ra pas.

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1. Pour les objec­tions sou­le­vées par l’éner­gie nucléaire de 2 à 8 voir les tra­vaux de Nife­ne­cker (55), Bobin (55), Bacher (52).
2. Petit lexique : M = méga (106) G = giga (109) T = téra (1012).
3. Les chiffres rela­tifs aux déchets émanent de l’AN­DRA et ont été com­mu­ni­qués à X‑Environnement par Pierre Bois­son (55), ingé­nieur géné­ral des Mines.
4. Voir Socié­té fran­çaise de Phy­sique Réflexions sur l’E­PR (2004) page 2. Il s’a­git ici de moyennes entre le régime de marche maxi­mum (7 000 heures par an) et le régime mini­mum (2 000 heures par an).
5. Direc­tion géné­rale de l’Éner­gie et des Matières premières.
6. (C’est la volon­té des déci­deurs qui est plus faible.)
7. Voir le remar­quable article d’É­li­sa­beth Huf­fert dans La Jaune et la Rouge de sep­tembre 2004.
8. Consul­ter Bou­nine-Caba­lé (44) 01.34.86.79.78.

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