Quand la Chine veut vaincre

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°632 Février 2008Par : Stéphane MARCHAND (80)Rédacteur : Bernard ESAMBERT (54)

Il y a quelques décen­nies quelques bons esprits pré­di­saient le réveil de la Chine. À dire vrai Mao les avait pré­cé­dés en ren­dant ain­si compte de l’ambition de son pays depuis l’arrivée des com­mu­nistes au pou­voir en 1949 : « Notre ter­ri­toire est vaste, notre popu­la­tion nom­breuse, notre posi­tion géo­gra­phique avan­ta­geuse… Il serait into­lé­rable de ne pas nous his­ser au pre­mier rang des nations. »

Trente ans plus tard la Chine a décol­lé avec l’atout de cen­taines de mil­lions de Chi­nois mobi­li­sés en faveur d’une puis­sante crois­sance qui ne donne pas le moindre signe de fai­blesse. L’on grap­pille ici des tech­no­lo­gies, là des usines mais plus pour très long­temps, on com­merce avec le monde entier ; une frac­tion de la popu­la­tion s’enrichit sui­vant ain­si les conseils de Deng Xiao­ping que l’on croi­rait ins­pi­rés de Gui­zot ; d’innom­­bra­bles entre­prises se créent dans les zones spé­ciales aus­si bien que dans les méga­poles ; on recherche fébri­le­ment des matières pre­mières par­tout dans le monde et tout par­ti­cu­liè­re­ment du pétrole en Afrique. La Chine se hâte non plus len­te­ment mais avec fer­veur vers un des­tin émi­nent. Car elle n’est plus seule­ment l’atelier du monde. Avec son poids bien réel elle pos­sède désor­mais ses grandes entre­prises dont de nom­breuses mul­ti­na­tio­nales, des fonds sou­ve­rains, et bien­tôt si ce n’est déjà, avec le ren­fort de cen­taines de mil­liers d’ingénieurs, elle inven­te­ra ses tech­no­lo­gies plu­tôt que de les impor­ter comme le Japon et la Corée du Sud l’ont fait avant elle. Et sur­tout cette « Chine puis­sance » comme la qua­li­fie Sté­phane Mar­chand émerge mili­tai­re­ment et bou­le­verse les équi­libres d’une Asie à la spec­ta­cu­laire réapparition.

Quand la Chine veut vaincre nous en donne une sai­sis­sante des­crip­tion : des­truc­tion de l’un des plus « anciens » satel­lites chi­nois avec un mis­sile balis­tique lan­cé du Sichuan ! envoi d’un Chi­nois dans l’espace, pro­gramme lunaire pour recher­cher de l’hélium 3, déve­lop­pe­ment de mis­siles inter­con­ti­nen­taux, étude d’un porte-avions com­plé­tant une flotte plus impor­tante en ton­nage que la Royal Navy, recherche d’atolls pou­vant ser­vir de bases de lan­ce­ments nucléaires bien avant l’Inde et le Pakistan…

Bien sûr nombre de ces arme­ments et des manœuvres mili­taires ont pour objec­tif le rat­ta­che­ment de Taï­wan à la Grande Chine, paci­fi­que­ment de pré­fé­rence tou­te­fois, d’autant que l’éco­nomie chi­noise est pour une large part contrô­lée par des capi­taux taï­wa­nais, que les liens de cette « autre Chine » avec les Amé­ri­cains sont anciens et étroits, et que de très hauts anciens digni­taires com­mu­nistes font en per­ma­nence et secrè­te­ment la navette entre Pékin et Tai­pei. Cette géos­tra­té­gie de la Chine qui achète mas­si­ve­ment des armes à la Rus­sie, exporte mas­si­ve­ment vers le monde occi­den­tal, construit des dizaines de pay­sages lunaires où s’activent des mil­lions de Chi­nois, dis­pose ou dis­po­se­ra bien­tôt du troi­sième bud­get mili­taire dans le monde, est décrite et décryp­tée dans l’ouvrage de Sté­phane Mar­chand. À par­tir de spec­ta­cu­laires exemples mis en pers­pec­tive dans un style lim­pide, l’auteur nous fait péné­trer dans les secrets de l’Empire du milieu qui, s’il n’a pas encore de vraie puis­sance mili­taire capable de riva­li­ser avec celle des États-Unis, pra­tique la guerre asy­mé­trique qui consiste à mena­cer des actifs mili­taires lourds et oné­reux « à l’aide d’instruments légers et bon mar­ché, mili­taires ou non ».
Bref, un ouvrage à lire impé­ra­ti­ve­ment pour mieux cer­ner les lignes de force du rééqui­li­brage mili­taire à venir entre la Chine et les États-Unis qui bou­le­ver­se­ra la géo­po­li­tique mondiale.

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