Prévenir le décrochage scolaire

Dossier : SolidaritéMagazine N°705 Mai 2015
Par Jean-Marie PETITCLERC (71)

Si, à dix-huit ans, lors de mon entrée à l’X, vous m’aviez deman­dé ce qui, à mes yeux, consti­tuait la clé de ma réus­site, je vous aurais répon­du sans hési­ter : « J’ai la chance d’être intel­li­gent et j’ai bien tra­vaillé ! » Nico­las, dix ans, que j’accompagnais sur le plan sco­laire dans le cadre des acti­vi­tés sociales de la Kès, me fit décou­vrir qu’il en était tout autrement.

“ Ne pas avoir la tête bien pleine, mais être capable d’y faire le vide pour pouvoir apprendre ”

Si j’ai bien réus­si, c’est parce qu’à son âge, lorsque mon père me dépo­sait à l’école le matin, je savais qu’à la sor­tie ma mère m’attendrait pour le goû­ter et que mon père ne tar­de­rait pas à ren­trer du tra­vail le soir.

Com­plè­te­ment ras­su­ré de ce côté-là, je pou­vais concen­trer toute mon atten­tion aux conte­nus de l’enseignement dis­pen­sé par mes maîtres.

REPÈRES

Notre institution scolaire, pourtant l’une des plus coûteuses au monde en termes de pourcentage du PIB consacré à l’éducation, ne sait pas faire face au problême du lien existant entre réussite scolaire et appartenance à une classe sociale. Sur les 750 000 jeunes qui sortent chaque année, 150 000 quittent l’école, pourtant obligatoire jusqu’à 16 ans, sans aucune qualification, dont plus de 70 000 ne maîtrisent pas les apprentissages fondamentaux, et ils appartiennent pour la très grande majorité aux classes sociales les plus défavorisées.
Et pourtant, trente années de présence dans les quartiers sensibles ont fait découvrir que la proportion de génies scientifiques était la même qu’ailleurs.

Être rassuré pour pouvoir se concentrer

Lorsque Nico­las par­tait à l’école, son père, qui avait déjà bu, avait giflé sa mère et mena­cé son petit frère qui hur­lait. Toute la jour­née, il se deman­dait : « Dans quel état vais-je les retrou­ver ce soir ? »

Rejoindre l’enfant dans le cadre de l’accompagnement éducatif.

Aus­si intel­li­gent que je l’étais à son âge, ani­mé de la même volon­té de bien tra­vailler, il était inca­pable de se concen­trer en classe tant sa situa­tion fami­liale le préoccupait.

Je décou­vrais, grâce à lui, que pour réus­sir à l’école il ne fal­lait pas avoir la tête bien pleine, mais être capable de faire le vide dans sa tête pour pou­voir apprendre.

Et il fau­drait ajou­ter un mot sur ses copains qui, en échec comme lui, au lieu de l’encourager, ne ces­saient de lui dire qu’il y avait des choses bien plus inté­res­santes à faire à son âge que le tra­vail scolaire.

Une approche globale qui porte ses fruits

Vou­loir pré­ve­nir de manière effi­cace le décro­chage sco­laire néces­site d’intervenir auprès de l’enfant, à l’école, mais aus­si dans sa famille, si sou­vent sujet de pré­oc­cu­pa­tion pour lui, et dans la cité, auprès de ses copains. Seule cette approche glo­bale peut per­mettre à l’enfant de réin­ves­tir le champ de sa scolarité.

Telle est l’approche déve­lop­pée par le Val­doc­co, asso­cia­tion de pré­ven­tion que j’ai fon­dée en 1995 sur la dalle d’Argenteuil, un quar­tier qui avait été trau­ma­ti­sé par la vio­lence des émeutes urbaines du début des années 1990, asso­cia­tion éga­le­ment implan­tée aujourd’hui sur le Grand Lyon (en par­ti­cu­lier à Vaulx-en- Velin), à Lille et à Nice.

Il s’agit de rejoindre l’enfant, l’adolescent, au milieu de ses copains grâce à des ani­ma­tions de rue ; avec ses cama­rades de classe dans le cadre de l’accompagnement édu­ca­tif et sco­laire ; et dans sa famille grâce à notre ser­vice de média­tion fami­liale. Et une telle approche glo­bale porte ses fruits.

L’association fête cette année ses vingt ans, et je me réjouis de la col­la­bo­ra­tion avec l’École poly­tech­nique qui, chaque année depuis l’origine, envoie cinq jeunes cama­rades y effec­tuer leur ser­vice civil.

Seule une approche globale permet à l’enfant de réinvestir sa scolarité.
Seule une approche glo­bale per­met à l’enfant de réin­ves­tir sa scolarité.

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