Développement du pôle Paris-Saclay, avec le nouveau centre de recherche-formation d’EDF.

Pourquoi et comment un regroupement de grandes écoles autour de l’X

Dossier : Nouvelles du PlatâlMagazine N°737 Septembre 2018
Par Jean-Lou CHAMEAU

Jean-Lou Cha­meau a remis le 20 juin der­nier son rap­port sur la mis­sion que lui avait confiée le gou­ver­ne­ment sur le regrou­pe­ment des grandes écoles autour de l’X sur le pla­teau de Saclay.
Il nous a confié quelques clés pour com­prendre son approche. 


Déve­lop­pe­ment du pôle Paris-Saclay, avec le nou­veau centre
de recherche-for­ma­tion d’EDF.

Après l’École des arts et métiers en 1976, je suis par­ti faire un mas­ter à Stan­ford, ce qui était moins fré­quent alors que main­te­nant. Je ne me dou­tais pas que j’allais y res­ter et faire car­rière aux États-Unis ! D’ailleurs, mes acti­vi­tés m’ont ensuite conduit vers de nom­breux autres pays : Ara­bie saou­dite, Chine, Sin­ga­pour, et d’autres pays en Asie. Mais cela ne m’a pas empê­ché de res­ter très bran­ché sur ce qui se pas­sait dans le monde uni­ver­si­taire fran­çais, notam­ment en rai­son des nom­breuses coopé­ra­tions qu’avait Cal­tech, que j’ai pré­si­dé pen­dant sept ans, avec les uni­ver­si­tés fran­çaises. J’ai par­ti­ci­pé pen­dant dix ans au conseil d’administration de l’X. J’ai pré­si­dé le comi­té de visite du Hcéres qui a pro­cé­dé il y a trois ans à l’évaluation de l’École poly­tech­nique et de l’ENSTA. J’avais aus­si fait par­tie du jury pour la sélec­tion des pro­jets de l’opération Cam­pus de Valé­rie Pécresse, par­mi les­quels figu­rait le pro­jet de Saclay. C’est dire que je connais assez bien le sujet. C’est sans doute pour­quoi le gou­ver­ne­ment m’a confié cette mis­sion de coor­di­na­tion pour « NewU­ni » (le nom chan­ge­ra sans doute…). L’objectif qui m’était assi­gné était clair : une fois actée la déci­sion du Pré­sident de la Répu­blique de struc­tu­rer le pro­jet Saclay en deux pôles com­plé­men­taires, il s’agissait de pro­po­ser un cadre pour ce regrou­pe­ment du pôle des écoles, en vue de lui assu­rer une visi­bi­li­té internationale. 

Rechercher un impact global

Mon approche a été de struc­tu­rer NewU­ni pour en faire un orga­nisme d’excellence dans le domaine sciences et tech­niques, avec tout de suite la prise en compte de sa contri­bu­tion à l’économie, à la pros­pé­ri­té, la com­pé­ti­ti­vi­té. La ques­tion est : com­ment faire pour que, indé­pen­dam­ment de sa taille, qui peut res­ter modeste, NewU­ni ait un impact glo­bal, à l’exemple d’organismes comme le MIT ou l’EPFL ? Cela veut dire entre autres que NewU­ni devra avoir un mode d’opération flexible et proac­tif, de manière à pou­voir répondre à des oppor­tu­ni­tés nouvelles. 

Ce pro­jet a des atouts : il se construit avec un groupe d’écoles d’ingénieurs, et vrai­sem­bla­ble­ment HEC dont le ral­lie­ment a été annon­cé, qui par­tagent une tra­di­tion d’excellence et des his­toires riches de rela­tion avec le monde exté­rieur, et en par­ti­cu­lier l’industrie.

Le sys­tème uni­ver­si­taire fran­çais est com­pli­qué, sans doute plus que par­tout ailleurs, et encore plus si on y englobe un orga­nisme comme le CNRS. Sa culture est très dif­fé­rente de celle que j’ai pu voir par exemple à Cal­tech, où les ques­tions d’impact sur la socié­té et l’économie sont pre­mières, et où l’évaluation de l’impact de leurs tra­vaux sur le reste du monde est essen­tielle dans la car­rière des ensei­gnants-cher­cheurs. On est aus­si dans des échelles de temps très dif­fé­rentes entre la France et les États-Unis. 

L’X a des atouts exceptionnels

À l’X, je trouve de nom­breux traits com­muns avec ce que j’ai connu aux États-Unis : des étu­diants avec des capa­ci­tés excep­tion­nelles, une for­ma­tion ini­tiale excel­lente, des pro­fes­seurs de tout pre­mier ordre (ce que per­met entre autres l’association de nom­breuses uni­tés de recherche du CNRS), des étu­diants et pro­fes­seurs très inter­na­tio­na­li­sés, et une forte rela­tion au monde éco­no­mique et indus­triel. Si vous allez au MIT, c’est pareil… L’École a beau­coup déve­lop­pé l’esprit d’entreprenariat, et les soft skills asso­ciées ; de même, l’importance prise par l’enseignement par la recherche, sans le limi­ter à ceux qui font des doctorats. 

Il y a encore beau­coup à faire pour que NewU­ni, et plus glo­ba­le­ment le pla­teau de Saclay, devienne un vrai cam­pus. Il faut que cela devienne un lieu de des­ti­na­tion inter­na­tio­na­le­ment connu et recher­ché, et pour cela déve­lop­per tout un envi­ron­ne­ment pro­pice (trans­ports, lieux de vie, de culture, etc.) : com­pa­rez à ce qu’on trouve à Stan­ford ou à l’EPFL ! On n’y est pas encore… 40 ans après l’installation de l’X sur le pla­teau, on n’y trouve tou­jours pas un centre de confé­rences de niveau inter­na­tio­nal (avec des capa­ci­tés hôte­lières, des trans­ports, etc.). 

La taille n’est pas un paramètre essentiel

Avec les pro­jets en cours, on sent qu’il y a une masse cri­tique qui se forme. La taille n’est d’ailleurs pas le pro­blème : Cal­tech est un acteur avec un impact mon­dial, avec seule­ment 2 500 étu­diants ; l’EPFL n’en a qu’environ 10 000 ! 

On peut obte­nir un impact glo­bal sans com­mune mesure avec sa taille. Et ce n’est pas qu’une ques­tion de moyens maté­riels : ain­si, le MIT ou Cal­tech ont un impact impor­tant dans le domaine de la san­té, alors qu’ils ne pos­sèdent pas d’hôpitaux ni d’établissements de san­té. Mais il faut savoir créer des par­te­na­riats utiles et agiles. Il est vrai que, aux États-Unis, c’est beau­coup plus simple : un simple Memo­ran­dum of Unders­tan­ding suf­fit, alors qu’en France les choses deviennent tout de suite beau­coup plus com­pli­quées. Par exemple, dans le rap­pro­che­ment entre HEC et NewU­ni, je pré­co­nise de com­men­cer par défi­nir ce qu’on veut faire ensemble, avant de défi­nir les moda­li­tés d’une nou­velle struc­ture ; il faut être prag­ma­tique. La ten­dance natu­relle en France est mal­heu­reu­se­ment trop sou­vent de faire juste le contraire ! 

Pour me résu­mer, ce pro­jet me paraît sous de bons aus­pices : il y a une très bonne carte à jouer pour les Écoles, qui sont très impli­quées, ain­si que leurs diri­geants ; on peut arri­ver à un orga­nisme doté d’un impact fort sur le reste du monde ; et faire enfin du pla­teau de Saclay une des­ti­na­tion mondiale.

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