Où est le pouvoir économique ?

Dossier : ExpressionsMagazine N°595 Mai 2004
Par Pierre-René SÉGUIN (X73)

On ne change pas une for­mule qui gagne : l’accueil du minis­tère des Finances à l’amphithéâtre Pierre Men­dès-France de Ber­cy a été une fois encore par­ti­cu­liè­re­ment soi­gné, le pres­ta­taire Regards Inter­na­tio­nal a une nou­velle fois fait preuve de son effi­ca­ci­té, le thème choi­si était de nou­veau par­ti­cu­liè­re­ment per­ti­nent et il a per­mis de nouer des débats dont la viva­ci­té a été remarquée.

Le ministre poly­tech­ni­cien lui-même, Fran­cis MER, nous a encore fait l’honneur de venir conclure la jour­née et le plai­sir de nous invi­ter d’emblée pour l’année pro­chaine, sous les applau­dis­se­ments de l’assistance. Le début de la mati­née a été par­ti­cu­liè­re­ment réus­si, sous l’animation de Nico­las BEYTOUT, direc­teur de la rédac­tion des Échos, qui a su évi­ter tout effet de tun­nel, écueil fré­quent de ce genre de mani­fes­ta­tion. Les trois pré­si­dents d’association d’anciens élèves ont lan­cé le débat.

Rémy PFLIMLIN, pré­sident de l’Association du Groupe HEC et par ailleurs direc­teur géné­ral de France 3, a trou­vé dans la capa­ci­té d’entreprendre un déno­mi­na­teur com­mun aux trois com­mu­nau­tés d’anciens élèves, cha­cune dans son domaine naturel.

Arnaud TEYSSIER, pré­sident de l’Association des anciens élèves de l’ENA et par ailleurs direc­teur du Centre d’études et de pros­pec­tive du minis­tère de l’Intérieur, a mar­qué qu’il ne s’agissait pas d’opposer l’État et l’entreprise, la diver­si­té des lieux et modes de pou­voir se ren­con­trant de part et d’autre ; la répar­ti­tion des rôles en la matière du côté de l’administration est en effet deve­nue com­plexe, comme cela a tou­jours été le cas dans le domaine de l’entreprise.

Pierre-Hen­ri GOURGEON, pré­sident de l’Association des anciens élèves de l’École poly­tech­nique et par ailleurs direc­teur géné­ral du groupe Air France, après avoir rap­pe­lé la place de l’X entre sec­teur public et sec­teur pri­vé, a d’emblée élar­gi le sujet en rap­pe­lant que le fait d’avoir du pou­voir, c’est aus­si avoir d’autant plus de devoirs.


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Avant les tables rondes qui se sont suc­cé­dé au cours de la jour­née, les dis­cus­sions ont été éclai­rées par un dia­logue très fruc­tueux entre Chris­tian de BOISSIEU, pré­sident délé­gué du Conseil d’analyse éco­no­mique du Pre­mier ministre, et Bill ADAMS, pro­fes­seur d’économie à l’Université du Michi­gan, por­teur d’une vision d’outre-Atlantique fort inté­res­sante pour évi­ter de céder à la ten­ta­tion de l’européanocentriste.

Chris­tian de BOISSIEU a d’abord sou­li­gné que la glo­ba­li­sa­tion signi­fiait à la fois une concen­tra­tion et une dis­per­sion du pou­voir éco­no­mique, le pre­mier fac­teur étant trop sou­vent seul rete­nu dans les ana­lyses. Il a four­ni une défi­ni­tion du pou­voir éco­no­mique, ce der­nier pou­vant être appré­hen­dé comme “ le pou­voir de modi­fier l’environnement à son avan­tage ”. Il a ensuite mis en évi­dence que, dans ce mou­ve­ment de mon­dia­li­sa­tion, beau­coup res­tait aux États, qui doivent appor­ter l’élément de régu­la­tion indis­pen­sable au bon fonc­tion­ne­ment de l’économie de mar­ché, mais qui ont aus­si le rôle déter­mi­nant d’apporter un éclai­rage sur l’avenir à par­tir de la recherche – ce qui dans le contexte fran­çais actuel est lourd de signification.

À cet égard l’intégration des États est pro­ba­ble­ment de deux trains en retard par rap­port à l’intégration des entre­prises, ce qui n’est pas sans poser un pro­blème. Il a enfin sou­li­gné que la res­pon­sa­bi­li­té (accoun­ta­bi­li­ty en anglais, ce qui est plus signi­fi­ca­tif que le terme fran­çais) était la contre­par­tie du pou­voir afin que ledit pou­voir soit légi­time ; de ce point de vue les exemples “ d’imputabilité ” insuf­fi­sante sont nom­breux chez nous, que ce soit à la BCE ou à la direc­tion géné­rale de la concur­rence de l’Union européenne.

Bill ADAMS pour sa part a cité trois exemples de dif­fi­cul­tés dans l’exercice du pou­voir éco­no­mique par le poli­tique, trois exemples très mar­qués par le contexte amé­ri­cain : la catas­tro­phique déré­gu­la­tion de l’électricité en Cali­for­nie ; la fraude pure et simple dans le cas d’Enron ; l’échec d’une res­tau­ra­tion de la concur­rence dans le cas de Micro­soft. Il a esti­mé que l’intervention fédé­rale aux États-Unis a été dans tous ces cas tar­dive et mini­ma­liste, ce qui est inquié­tant et montre une frag­men­ta­tion du pou­voir microé­co­no­mique public là-bas.


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Les tables rondes qui ont sui­vi ont été sys­té­ma­ti­que­ment intro­duites par un ques­tion­ne­ment for­mu­lé par trois étu­diants issus de cha­cune des grandes écoles : cette for­mule a été par­ti­cu­liè­re­ment appré­ciée, en ce qu’elle apporte une impli­ca­tion des écoles elles-mêmes dans l’événement, un vent de fraî­cheur au sein d’un débat mar­qué par l’âge mûr où l’on accède aux réelles res­pon­sa­bi­li­tés et une dyna­mi­sa­tion immé­diate du débat.


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La pre­mière table ronde avait comme sujet le pou­voir des “tiers acteurs”, à savoir ces acteurs autres que les diri­geants d’entreprise et les pou­voirs publics classiques.

PHILIPPE LAGAYETTE, pré­sident de JP Mor­gan en France, a noté la réémer­gence de l’actionnariat dans la ges­tion des entre­prises, alors que depuis des lustres les direc­tions don­naient la prio­ri­té aux négo­cia­tions avec les repré­sen­tants du per­son­nel. À cet égard les entre­prises de cota­tion jouent un rôle essen­tiel pour res­tau­rer la mobi­li­té de l’actionnariat, indis­pen­sable à l’exercice du pou­voir par celui-ci.

Colette NEUVILLE, pré­si­dente de l’Association de défense des action­naires mino­ri­taires (ADAM), a frap­pé par la hau­teur de ses vues. Elle pro­pose de ne pas faire de dis­tinc­tion d’essence entre les petits action­naires et les grands action­naires ; les uns comme les autres consti­tuent un contre-pou­voir essen­tiel face à la direc­tion qui est par nature le lieu d’exercice du pou­voir ; le pro­blème est la démis­sion de l’actionnaire par l’absentéisme et par le jeu des pou­voirs en blanc, ce qui reporte le pou­voir d’arbitrage sur le mar­ché et biaise ces arbi­trages par une approche finan­cière, non plus économique.

Patrick GOUNELLE, pré­sident d’Ernst & Young France et West Europe, a sou­le­vé le pro­blème de la per­ma­nente mise en accu­sa­tion des com­mis­saires aux comptes, qui n’exercent pas un pou­voir mais une res­pon­sa­bi­li­té ; la trans­pa­rence serait en par­tie une illu­sion ; ce dont il s’agit, c’est de res­tau­rer la confiance, concept qui revint plu­sieurs fois dans la journée.

Michel MADELAIN, res­pon­sable de Moody’s pour l’Europe, a rap­pe­lé que le rôle des agences de rating est par essence axé sur le risque finan­cier pour les prê­teurs et non pour les action­naires ; leur déve­lop­pe­ment est lié au recours his­to­ri­que­ment crois­sant aux emprunts plu­tôt qu’aux aug­men­ta­tions de capi­tal ; il se pose à leur égard un pro­blème de contrôle car elles jouent de fac­to un rôle fon­da­men­tal dans le niveau de confiance des marchés.

Jean-Claude MAILLY, tout nou­veau secré­taire géné­ral de Force ouvrière, a remar­qué que, s’il existe bien un pou­voir du monde exté­rieur sur les entre­prises, en revanche per­sonne ne semble reven­di­quer ce pou­voir ; il manque des règles ; ce dont on a besoin, c’est de plus de droit, l’appel à l’éthique étant en par­tie un masque pour échap­per au droit lui-même ; le mar­ché a par nature une vue à court terme.

Phi­lippe LAGAYETTE a en quelque sorte appor­té la conclu­sion de la table ronde en appe­lant à la res­tau­ra­tion du pou­voir des action­naires et à l’innovation, seul moyen de créer des emplois : abor­der le pro­blème de l’emploi sous l’angle de la défense de l’emploi est une mau­vaise approche et le déve­lop­pe­ment de la norme pour cela une mau­vaise solution.


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La deuxième table ronde cher­chait à mettre un “ visage ” sur le pou­voir éco­no­mique. Elle était ani­mée par Fran­çois de WITT, un des rares jour­na­listes poly­tech­ni­ciens, notam­ment char­gé d’une chro­nique matu­ti­nale sur France Info.

Fran­çois ROUSSELY, pré­sident d’EDF, a sou­li­gné que, si le pou­voir était sans aucun doute par­ta­gé, la res­pon­sa­bi­li­té, elle, est bien personnalisée…

Chris­tian NOYER, gou­ver­neur de la Banque de France et ancien vice-pré­sident de la BCE, a mar­qué l’ambiguïté du rôle des auto­ri­tés admi­nis­tra­tives indé­pen­dantes, qui doivent pour jouer un rôle sain rendre des comptes ; c’est natu­rel­le­ment devant le Par­le­ment que cela doit avoir lieu. Au pas­sage il a consi­dé­ré que le pro­blème du stock d’or des banques cen­trales est mal posé : c’est en fait un actif moné­taire néces­saire pour leur équi­libre bilan­tiel, cela n’a pas de sens de pré­tendre s’en ser­vir pour régler par ailleurs des pro­blèmes éco­no­miques ou sociaux.

Gilles CARREZ, rap­por­teur géné­ral de la Com­mis­sion des finances à l’Assemblée natio­nale, a per­ti­nem­ment rap­pe­lé que ce pro­blème du stock d’or est en fait sans rap­port avec celui du défi­cit bud­gé­taire, compte tenu des pro­por­tions de ce der­nier (de l’ordre de 10 à 20% des dépenses chaque année depuis une éter­ni­té) ; il ne fau­drait pas que la pos­si­bi­li­té de réa­li­ser le stock masque la néces­si­té de l’effort à four­nir pour réduire le défi­cit struc­tu­rel de fonctionnement.

J. CREYSSEL, direc­teur géné­ral du MEDEF, a sou­li­gné com­bien pour les entre­prises la rela­tion avec les four­nis­seurs était deve­nue aus­si impor­tante que celle avec les clients ; l’environnement glo­bal est déter­mi­nant dans la bonne san­té des entre­prises, notam­ment en ce qui concerne le contexte admi­nis­tra­tif des pays ; de fac­to la rela­tion à l’actionnaire est elle-même en cours de réévaluation.

Michel PRADA, pré­sident de l’AMF, appelle à retrou­ver une logique de “loyau­té” entre les diri­geants d’entreprise et leurs par­te­naires pris au sens géné­ral ; toute infor­ma­tion por­tant à consé­quence pour les cours doit être publiée dès que pos­sible, à l’exception de ce qui met en jeu la sur­vie même de l’entreprise ; mais alors, si secret il y a, ce secret doit être total. Il a, sou­te­nu en ceci autant par Fran­çois ROUSSELY que par Chris­tian NOYER, van­té les mérites de la col­lé­gia­li­té – d’une “ col­lé­gia­li­té conti­nue ”, garante d’impartialité. Il a rap­pe­lé que les auto­ri­tés indé­pen­dantes, et notam­ment la sienne, sont loin d’être dénuées de tout contrôle : notam­ment le juge joue, et joue effec­ti­ve­ment, son rôle de contrôle !

Gilles CARREZ a enfin oeu­vré contre l’oubli trop fré­quent de l’acteur “ col­lec­ti­vi­tés publiques ”, qui doit jouer son rôle pour four­nir les infra­struc­tures, pour assu­rer la redis­tri­bu­tion des richesses, pour mettre en place les inci­ta­tions néces­saires, mais qui ne doit pas être trop puis­sant au risque d’étouffer l’économie. Il a appe­lé à un par­te­na­riat bien compris.


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La troi­sième table ronde abor­dait la ques­tion du par­tage du pou­voir éco­no­mique, de l’échelon local au niveau mondial.

Oda SCHEIBELHUBER, secré­taire d’État du Land de Hesse en Alle­magne, a pré­sen­té l’importance des Län­der en Alle­magne pour l’enracinement iden­ti­taire du citoyen ; le fédé­ra­lisme pro­voque certes un alour­dis­se­ment dans le fonc­tion­ne­ment du jeu démo­cra­tique, mais il apporte des béné­fices consi­dé­rables en matière de com­pé­ti­tion éco­no­mique ; l’important est que les répar­ti­tions de com­pé­tence entre les dif­fé­rents niveaux ter­ri­to­riaux soient bien claires. N. THERY, direc­teur du cabi­net de Pas­cal LAMY, com­mis­saire euro­péen qui était rete­nu à Bruxelles, a fait l’éloge de la sub­si­dia­ri­té en tant que posi­tion­ne­ment au meilleur niveau d’efficacité pour chaque com­pé­tence ; il a esti­mé que l’OMC était un bon exemple d’efficacité et que son défaut de légi­ti­mi­té dans l’opinion était un para­doxe dom­ma­geable ; la démarche prag­ma­tique de construc­tion euro­péenne est un exemple louable dont l’émergence d’une gou­ver­nance mon­diale, que l’on recherche sans cesse en vain, pour­rait s’inspirer.

Ber­nard KOUCHNER, que l’on n’a pas besoin de pré­sen­ter, a argu­men­té par sa vaste expé­rience sur l’impatience des acteurs locaux qui sont deman­deurs d’une meilleure coor­di­na­tion inter­na­tio­nale ; il a cité en exemple ce qui s’est pas­sé dans le domaine de la san­té en matière de Sida, où sous la pres­sion de ces acteurs locaux on est arri­vé à un par­tage finan­cier plus équi­table par le biais des médi­ca­ments géné­riques ; il peut y avoir une glo­ba­li­sa­tion posi­tive dans notre monde !

Bozi­dar DJELIC, encore tout récem­ment ministre des finances de la Répu­blique de Ser­bie, a rap­pe­lé aux Euro­péens bla­sés quel miracle était la construc­tion de l’Union euro­péenne, dans la démo­cra­tie et dans la crois­sance éco­no­mique conci­liées ; il a par ailleurs appe­lé, avec une ardeur bien­ve­nue pour émous­tiller une atten­tion pos­si­ble­ment émous­sée à la suite du repas, à une plus grande ouver­ture de cette Europe et à un peu plus d’efforts finan­ciers afin de contrer les risques d’une mon­tée natio­na­liste dans les pays de la péri­phé­rie euro­péenne en rai­son des pro­blèmes d’emploi. S’est ensui­vie une dis­cus­sion fort ani­mée sur les mérites et les dom­mages de l’ingérence inter­na­tio­nale, où il a appe­lé à consti­tuer un contre-pou­voir pour balan­cer cette ingé­rence huma­ni­taire qui, avec les meilleures inten­tions du monde, peut avoir des effets dra­ma­ti­que­ment contreproductifs.

F. JOUVEN, qui repré­sen­tait le direc­teur géné­ral de la Caisse des dépôts et consi­gna­tions, s’est féli­ci­té de ce que la coopé­ra­tion intro­dui­sait de fait un cer­tain ordre de gou­ver­nance dans le monde.


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La qua­trième et der­nière table ronde s’interrogeait sur les limites d’une régu­la­tion du pou­voir éco­no­mique et elle était ani­mée par Érik IZRAELEWICZ, rédac­teur en chef édi­to­ria­liste des Échos. Cette table ronde a été par­ti­cu­liè­re­ment dyna­mique et appré­ciée par l’auditoire. On peut en rete­nir notam­ment les points suivants.

Pas­cal CLÉMENT, pré­sident de la Com­mis­sion des lois de l’Assemblée natio­nale, a rap­pe­lé que les États-Unis eux­mêmes dans leur libé­ra­lisme ne croient pas à la néces­si­té d’une liber­té totale des mar­chés, l’économie ne suf­fit pas, encore faut-il s’y sen­tir bien et donc il y a besoin de règles pour que le mar­ché fonctionne.

Jacques NIKONOFF, pré­sident d’ATTAC, a intro­duit dans le débat une ardeur contri­buant à ali­men­ter la dis­cus­sion grâce au carac­tère hété­ro­doxe de ses vues par rap­port à la majo­ri­té des inter­ve­nants et semble-t-il de la salle… Il a rap­pe­lé com­bien la déré­gu­la­tion avait contri­bué à créer la vague de fraudes de la fin du siècle der­nier et il a sou­hai­té la réa­li­sa­tion du pro­gramme du Conseil natio­nal de la Résis­tance, dont on fête le soixan­tième anni­ver­saire, pour éli­mi­ner les féo­da­li­tés éco­no­miques, cela grâce à des moyens qui appa­raissent à beau­coup comme une régres­sion his­to­rique, mais dont il estime la res­tau­ra­tion par­tielle néces­saire dans le cadre de la mon­dia­li­sa­tion actuelle.

Michel GODET, pro­fes­seur au CNAM, s’est deman­dé si les consi­dé­ra­tions appli­quées habi­tuel­le­ment à l’économie en géné­ral ne devaient pas aus­si être appli­quées aux ser­vices réga­liens eux-mêmes, par une réin­tro­duc­tion de la concurrence.

Pierre-Hen­ri GOURGEON, reve­nu sur la scène en tant que chef d’entreprise, a esti­mé que, contrai­re­ment à ce qu’insinuent cer­tains esprits taquins, ce n’étaient pas les règles qui favo­ri­saient Air-France mais bien Air-France qui avait su s’adapter aux mêmes règles appli­quées à tous les autres.

Jacques NIKONOFF a déplo­ré la révo­lu­tion appor­tée par les fonds de pen­sion dans l’actionnariat des entre­prises ; il a appe­lé à les rem­pla­cer par des action­naires publics donc stables, pro­vo­quant une cer­taine agi­ta­tion dans le public…

Pierre-Hen­ri GOURGEON a objec­té qu’il ne fal­lait pas confondre les hedge funds, qui jouent à six mois, et les fonds de pen­sion, qui eux ont une vision à long terme et inves­tissent typi­que­ment à cinq ans ; les seconds lui semblent avoir au contraire ren­for­cé l’approche patri­mo­niale dans la ges­tion des entre­prises et notam­ment intro­duit un sou­ci éthique qu’on doit sans aucun doute por­ter à leur crédit.

Pas­cal CLÉMENT a en quelque sorte appor­té la conclu­sion à la dis­cus­sion en esti­mant que les règles de gou­ver­nance des entre­prises seraient for­cé­ment mon­diales, de fac­to, comme les entre­prises elles-mêmes sont mon­diales ; c’est là que la norme et le mar­ché se rejoignent.


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Fran­cis MER, le ministre qui nous accueillait, a comme l’année der­nière conclu la jour­née avec la clar­té directe qui le carac­té­rise. La mon­dia­li­sa­tion est per­çue néga­ti­ve­ment car on l’envisage sous un angle sta­tique ; en réa­li­té la mon­dia­li­sa­tion fait des heu­reux, à com­men­cer par les nom­breuses popu­la­tions qui y trouvent un meilleur niveau de vie notam­ment dans les pays émer­gents ; il ne fau­drait pas par égoïsme oublier cet aspect des choses. Il n’existe certes pas une iden­ti­fi­ca­tion étroite du pou­voir éco­no­mique : l’État est moins que jamais seul sur le cré­neau de la régu­la­tion, on assiste par ailleurs à un trans­fert du pou­voir de la direc­tion des entre­prises vers le consom­ma­teur. Deux maîtres mots résument la solu­tion pour le monde éco­no­mique fran­çais : le mana­ge­ment et la gou­ver­nance. Il s’agit de rendre visibles les repères pour res­tau­rer la confiance, mot clé que nous avions déjà trou­vé en intro­duc­tion de cette jour­née. La régu­la­tion a en par­tie rem­pla­cé la régle­men­ta­tion. Il n’en reste pas moins que la pro­duc­tion n’est pas une fin en soi : l’entreprise doit inté­grer des fina­li­tés morales, socié­tales, envi­ron­ne­men­tales, et l’État est là pour l’y aider.

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