Patrouilleur Grébe

Officier de marine

Dossier : Les métiers de la merMagazine N°644 Avril 2009
Par Philippe DURTESTE (58)
Par Claire POTHIER (96)

REPÈRES

REPÈRES
Le Livre blanc de 2008 s’intitule Défense et Sécu­ri­té natio­nale et défi­nit la stra­té­gie de sécu­ri­té natio­nale comme ayant pour objec­tif de parer aux risques ou menaces sus­cep­tibles de por­ter atteinte à la vie de la nation. Il redé­fi­nit les quatre grandes fonc­tions stra­té­giques que sont la pré­ven­tion et la dis­sua­sion d’une part, la pro­tec­tion et l’intervention d’autre part, en notant que c’est la com­bi­nai­son de ces dif­fé­rentes fonc­tions, dans un agen­ce­ment qui doit demeu­rer souple, qui per­met d’assurer la sécu­ri­té natio­nale, tout en intro­dui­sant une nou­velle fonc­tion bap­ti­sée connais­sance-anti­ci­pa­tion, fonc­tion en quelque sorte à la fois trans­verse et pré­li­mi­naire à toutes les autres.


Le patrouilleur de ser­vice public Grèbe

Comme le pré­ci­sait récem­ment l’amiral Pierre-Fran­çois Foris­sier, chef d’état-major de la Marine, lors d’une inter­ven­tion publique aux « Mar­dis de la mer », il serait tout à fait réduc­teur de ne voir dans la marine qu’une « armée de mer », car son carac­tère de marine natio­nale lui confère natu­rel­le­ment une res­pon­sa­bi­li­té, entière ou par­tielle, dans tous les domaines où l’État a besoin d’agir en mer.


Le porte-avion et l’im­por­tance du porte-avions dans la qua­li­té par­ti­cu­lière des rela­tions entre la Marine natio­nale et la Navy (le CVN John C. Sten­nis et le Charles-de ‑Gaulle) pho­to JC Sten­nis media dept

Alors que de pro­fondes réflexions ont été enga­gées pour adap­ter notre outil de défense aux menaces du monde actuel, il est, me sem­blet- il, assez natu­rel, de repla­cer notre marine dans le contexte du der­nier Livre blanc, et d’examiner ain­si, non seule­ment son action aujourd’hui, mais ce que l’on attend d’elle pour demain. Cela nous per­met­tra de consta­ter que son adap­ta­tion conti­nue, et en par­ti­cu­lier celle de ces der­nières années, la met en mesure de répondre aux attentes de notre pays, même si elle doit conti­nuer à uti­li­ser au mieux la poly­va­lence, pour pal­lier quel­que­fois l’absence sur place de moyens stric­te­ment adaptés.

La Marine natio­nale main­tient des navires sur toutes les mers du globe

Le besoin de connais­sance et d’anti­ci­pa­tion cor­res­pond tout à fait au sou­ci du bon offi­cier de quart de navi­guer sur l’avant. C’est pour cela, et depuis fort long­temps, que la marine main­tient des navires sur toutes les mers du globe, à la fois yeux et oreilles, mais aus­si bras armé, prêt à agir.

La pré­ven­tion repose en prio­ri­té sur la veille et la coopé­ra­tion ; à ce titre, la marine, qui est ou qui peut être natu­rel­le­ment en contact direct avec presque tous les pays, pos­sède une posi­tion pri­vi­lé­giée qui lui per­met de ren­sei­gner, de conver­ser, de sur­veiller, et le cas échéant de gesticuler.

Une force stratégique

Un état-major en mer
Pour contri­buer à la réso­lu­tion d’une crise, ou pour par­ti­ci­per à un conflit, la marine peut être ame­née à déployer un groupe aéro­na­val arti­cu­lé autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, et deux groupes amphi­bies orga­ni­sés autour des bâti­ments de pro­jec­tion et de com­man­de­ment Mis­tral et Ton­nerre capables d’accueillir un état­ma­jor inter­ar­mées de conduite de forces.

Il est inutile de rap­pe­ler ici le rôle fon­da­men­tal de la marine dans le domaine de la dis­sua­sion : elle est char­gée d’assurer la per­ma­nence à la mer de la force océa­nique stra­té­gique, garante de la capa­ci­té de frappe en second de la dis­sua­sion. Pour ce faire, elle met en oeuvre quatre SNLE, et uti­lise le concours de sous-marins nucléaires d’attaque, de navires de lutte anti-sous-marine et de chas­seurs de mines pour assu­rer le contrôle des abords du port de sou­tien. En outre, les Rafale embar­qués sur le porte-avions doivent être en mesure de mettre en oeuvre les mis­siles qui consti­tuent une par­tie de la com­po­sante aéroportée.

L’intervention reste la fonc­tion la plus clas­sique ; c’est elle qui fait appel au volet « armée de mer » de notre marine.

On note­ra que 80% de la popu­la­tion mon­diale se trouve à la por­tée des moyens d’action du porte-avions opé­rant en haute mer, c’est-à-dire dans les eaux inter­na­tio­nales, ce qui fait du porte-avions un moyen souple uti­li­sable en toute indé­pen­dance. On ne dira jamais assez, par ailleurs, l’importance du porte-avions dans la qua­li­té par­ti­cu­lière des rela­tions entre la Marine natio­nale et la Navy.

Les eaux territoriales


Le La Pérouse dérou­tant un vra­quier Bal­tic Tra­der sur­pris en train de déga­zer au large de Brest

Une atten­tion toute par­ti­cu­lière est don­née, dans le Livre blanc, à la fonc­tion pro­tec­tion du ter­ri­toire natio­nal et de sa popu­la­tion. Lorsque l’on parle de ter­ri­toire natio­nal, on a sou­vent ten­dance à oublier que celui-ci com­prend les eaux ter­ri­to­riales, et encore plus qu’une sou­ve­rai­ne­té par­tielle s’étend sur toute la Zone éco­no­mique exclu­sive (ZEE) qui, elle, se pro­longe jusqu’à 200 milles nau­tiques des côtes. La France en pos­sède 11 mil­lions de km2, ce qui la place au deuxième rang mon­dial, juste et, de peu, après les États-Unis, et au sixième rang mon­dial au regard des sur­faces sur les­quelles l’État exerce une sou­ve­rai­ne­té au moins par­tielle. Si l’on ajoute le fait que la majeure par­tie de nos appro­vi­sion­ne­ments arrive par voie de mer, on com­prend com­bien le rôle de la Marine natio­nale y est fondamental.

La « Sau­ve­garde mari­time », dont la défi­ni­tion récente résulte direc­te­ment de l’évolution du monde, s’est mise en place pro­gres­si­ve­ment depuis 2003, et son concept a été refor­ma­li­sé très récem­ment, en 2007. Contrôle des approches, exer­cice de la sou­ve­rai­ne­té natio­nale relèvent en tout ou par­tie de la « sau­ve­garde maritime ».

La France pos­sède le détroit inter­na­tio­nal le plus fré­quen­té au monde, celui du Pas-de-Calais

Il s’agit d’un véri­table conti­nuum qui va de l’emploi de chas­seurs de mines et des séma­phores aux abords de nos côtes, à la sur­veillance exer­cée à proxi­mi­té de côtes étran­gères par­fois loin­taines des­ti­née à iden­ti­fier et à contrer les tra­fics illi­cites et l’immigration clan­des­tine, en pas­sant par le contrôle des zones éco­no­miques exclu­sives, la lutte contre le ter­ro­risme et la sécu­ri­sa­tion des voies de communication.

La sau­ve­garde mari­time regroupe en mer des mis­sions de défense et le sou­tien à l’action civile de l’État, et se maté­ria­lise par la défense mari­time, c’est-à-dire la défense du ter­ri­toire à par­tir de la mer, la défense des droits sou­ve­rains de l’État en mer, la maî­trise des risques liés à l’espace maritime.

Les intérêts français

Ain­si, au-delà des mis­sions stric­te­ment mili­taires, la Marine natio­nale assure une pré­sence per­ma­nente dans les zones où se trouvent des inté­rêts fran­çais. Dans ce cadre, ses bâti­ments et ses aéro­nefs mêlent les actions de l’État en mer, qu’elles soient à carac­tère civil ou à carac­tère mili­taire. Relèvent ain­si de la sau­ve­garde mari­time la sur­veillance mari­time (contrôle naval, lutte anti­ter­ro­riste, pira­te­rie), la lutte contre les acti­vi­tés illi­cites (pêche, drogue, immi­gra­tion illé­gale, pira­te­rie), la sau­ve­garde des per­sonnes et des biens, la pro­tec­tion de l’environnement, la lutte contre la pol­lu­tion (recherche des infrac­tions et lutte contre leurs consé­quences avec des moyens propres et des moyens affrétés).

Quelques exemples d’actions menées dans le cadre de la « sauvegarde maritime »

La recru­des­cence des actes de piraterie
La pira­te­rie mérite un com­men­taire par­ti­cu­lier, à la fois parce qu’elle a connu, ces der­nières années, une crois­sance sans pré­cé­dent, et parce qu’elle consti­tue un réel dan­ger pour la sécu­ri­té de nos appro­vi­sion­ne­ments. « Les pirates uti­lisent les failles de la légis­la­tion et de la régle­men­ta­tion qui font que la mer est un espace de liber­té assez peu régu­lé. Il serait cepen­dant dom­mage de remettre en cause ce prin­cipe de liber­té des mers. En revanche, une meilleure régu­la­tion serait la bien­ve­nue… Mais, les pirates sont des délin­quants qui visent le pro­fit maxi­mum avec le risque mini­mum. Il faut donc faire en sorte que la pira­te­rie rap­porte moins et devienne très ris­quée1. »

Lutte anti­pol­lu­tion : le 27 jan­vier 2007, le vra­quier Bal­tic Tra­der, sur­pris en train de déga­zer au large de Brest, est arrai­son­né et dérou­té par le La Pérouse.

Assis­tance et sau­ve­tage : mal­me­né par une tem­pête, un convoi se trou­vait à 35 km à l’ouest du Finis­tère quand, à 4h20, le câble entre le remor­queur Leto­jan­ni et la barge qu’il convoyait a cédé. Au terme d’une manoeuvre acro­ba­tique, les marins du remor­queur Abeille Bour­bon sont par­ve­nus à prendre en laisse la barge de 96 m qui, secouée par des vagues de 10 m, mena­çait de s’échouer sur l’île de Batz.

Opé­ra­tion de police des pêches en Guyane : l’opération « Tas­ser­gal » s’est dérou­lée en octobre-novembre 2007 ; elle avait pour but de contraindre les embar­ca­tions de pêches (tapouilles) bré­si­liennes à res­pec­ter, dans la zone éco­no­mique guya­naise, la régle­men­ta­tion. L‘emploi de la force a été néces­saire pour arrai­son­ner et dérou­ter une dizaine de « tapouilles » brésiliennes.

Opé­ra­tion Nau­ti­lus 08 : le patrouilleur Ara­go a par­ti­ci­pé, durant plu­sieurs semaines, à une opé­ra­tion de sur­veillance et de contrôle des migra­tions clan­des­tines vers l’Europe et par­ti­cu­liè­re­ment vers l’Italie. Au cours de cette opé­ra­tion, l’Ara­go a repê­ché 6 corps sans vie au sud de Malte et conduit 277 migrants sur Lampedusa.

Lutte contre le ter­ro­risme : du 24 février au 9 juin 2006, le groupe aéro­na­val a été déployé en océan Indien, accom­pa­gné de la fré­gate bri­tan­nique HMS Lan­cas­ter. Consti­tuée autour du porte-avions Charles-de-Gaulle, la Task Force 473 a été enga­gée en sou­tien des forces coa­li­sées de l’opération « Endu­ring Free­dom » et de la Force inter­na­tio­nale d’assistance pour la sécu­ri­té en Afgha­nis­tan (FIAS).

Dans le cadre d’Enduring Free­dom, les bâti­ments du groupe aéro­na­val ont contri­bué à la sur­veillance mari­time de la mer d’Arabie, afin de dis­sua­der et d’empêcher les mou­ve­ments de groupes ter­ro­ristes et les tra­fics illicites.

Lutte contre la pira­te­rie : la fré­gate Cour­bet en patrouille au nord-est de la Soma­lie, dans le cadre de l’opération Endu­ring Free­dom, a por­té assis­tance, le 27 jan­vier 2006 au matin, à un bâti­ment de com­merce vic­time d’une attaque de pirates, le car­go Osman Mete, bat­tant pavillon turc, en tran­sit entre Dur­ban et la Tur­quie, a été atta­qué par une embar­ca­tion rapide de pirates armés d’un lance-roquettes et d’armes auto­ma­tiques. Les pirates ont ouvert le feu sur la pas­se­relle du car­go turc. Le car­go a émis un appel de détresse qui a été reçu par la fré­gate Cour­bet en patrouille dans la zone. L’intervention coor­don­née de la fré­gate et de son héli­co­ptère Pan­ther a per­mis de mettre en fuite les assaillants.

En octobre 2008, neuf pirates soma­liens ont été cap­tu­rés par la Marine natio­nale au large (100 milles nau­tiques) des côtes soma­liennes ; à bord de leurs embar­ca­tions ont été décou­verts de l’armement indi­vi­duel et anti­char ain­si que du maté­riel d’abordage.


Inter­ven­tion de la fré­gate Cour­bet pour la mise en fuite des assaillants d’un cargo
pho­to marine nationale

Les failles de la réglementation

Le ter­ro­risme mari­time pré­sente, avec la pira­te­rie, le point com­mun d’utiliser les failles de la régle­men­ta­tion inter­na­tio­nale. Celle-ci s’appuie sur la conven­tion de Mon­te­go Bay qui, éta­blie au temps de la guerre froide, crée les zones éco­no­miques exclu­sives, met un peu d’ordre dans la taille des eaux ter­ri­to­riales et régle­mente la cir­cu­la­tion des navires de com­bat, en lais­sant aux grandes marines, alliées objec­tives, la libre cir­cu­la­tion interocéanique.

Les mis­sions de sau­ve­garde mari­time repré­sentent, chaque année, un poten­tiel d’environ 7000 jours de mer et 5000 heures de vol

Fort peu de contraintes pèsent sur les navires non mili­taires qu’utilisent jus­te­ment tant les pirates que les ter­ro­ristes. Mais les choses sont en train de bou­ger, car déjà, face à l’explosion des actes de pira­te­rie au large de la corne d’Afrique, l’ONU a déjà auto­ri­sé les marines mili­taires à inter­ve­nir, avec l’accord du gou­ver­ne­ment soma­lien, dans les eaux ter­ri­to­riales du pays. La réponse à la diver­si­té des mis­sions décou­lant de la sau­ve­garde mari­time est four­nie par la poly­va­lence des moyens de la marine dont l’activité s’inscrit en coor­di­na­tion avec l’action des autres admi­nis­tra­tions et celle d’acteurs pri­vés, pour assu­rer un usage licite des mers et y four­nir sûre­té et sécurité.


Groupe amphi­bie d’in­ter­ven­tion avec le BPC Ton­nerre pho­to marine nationale/Franck Seurot

La sau­ve­garde mari­time est assu­rée par une « pos­ture per­ma­nente » concer­nant tous les espaces mari­times et d’une den­si­té évi­dem­ment plus forte au voi­si­nage immé­diat des approches euro­péennes et françaises.

Pour les mis­sions stric­te­ment de défense, leur défi­ni­tion et leur conduite relèvent du Chef d’état-major des armées (CEMA), dont le bras armé est le com­man­dant de zone mari­time, contrô­leur opérationnel.

Le préfet maritime

Pour les actions civiles de l’État en mer, la chaîne de com­man­de­ment est pla­cée sous l’autorité du Pre­mier ministre, dont le bras armé est, en métro­pole, le pré­fet mari­time. En 1800, Napo­léon Bona­parte crée, par une loi, le corps des pré­fets de dépar­te­ment ; quatre jours plus tard, il crée les pré­fets mari­times, par décret pris en Conseil d’État, avec un texte repre­nant les mêmes termes que ceux de la loi rela­tive aux pré­fets de département.

Le com­man­dant de zone mari­time et le pré­fet mari­time sont un seul et même personnage

Le pré­fet mari­time est char­gé « de la sûre­té des ports, de la pro­tec­tion des côtes, de l’inspection de la rade et des bâti­ments qui y sont mouillés ».

En 1928 s’y ajoutent des pou­voirs de police, sur la côte et la rade et les pêches, ain­si que la pro­tec­tion du cabotage.

Bien qu’en 1930 la police des pêches soit pas­sée à l’Inscription mari­time deve­nue depuis « Affaires mari­times », le rôle et les pou­voirs du pré­fet mari­time n’ont ces­sé de se ren­for­cer : d’abord char­gé de coor­don­ner les moyens de toutes les admi­nis­tra­tions sus­cep­tibles d’opérer en mer en cas d’urgence dans cer­tains domaines en 1972, s’y ajoute en 1978 la coor­di­na­tion des opé­ra­tions lors d’accidents, et enfin, en 2004, la coor­di­na­tion au quo­ti­dien pour ce qui touche à l’action de l’État en mer.

L’atout de la synergie


Prise en laisse d’un convoi par le remor­queur Abeille Bour­bon pho­to marine nationale/Daniel Ferrelec

Pour rem­plir sa mis­sion de coor­don­na­teur de l’action de l’État en mer (AEM), le pré­fet mari­time ne dis­pose d’aucun moyen en propre. C’est le minis­tère de la Défense qui four­nit les moyens hau­tu­riers, aériens et côtiers per­met­tant de main­te­nir la « pos­ture de sau­ve­garde mari­time », ain­si que les remor­queurs de haute mer, les bâti­ments anti­pol­lu­tion et les héli­co­ptères de sauvetage.

C’est le minis­tère des Finances qui, avec la sec­tion « garde-côtes » des douanes, four­nit des moyens aériens et nau­tiques de sur­veillance des façades mari­times et des pol­lu­tions en mer.

C’est le minis­tère char­gé des Trans­ports qui four­nit et arme les Centres régio­naux opé­ra­tion­nels de sur­veillance et de sau­ve­tage (CROSS), ain­si que les vedettes de sur­veillance des pêches.

Enfin, c’est la Socié­té natio­nale de sau­ve­tage en mer (SNSM), orga­nisme de droit pri­vé, qui four­nit et arme, avec du per­son­nel béné­vole, les vedettes de sau­ve­tage qui assurent 60% des sau­ve­tages en mer.

Chaque admi­nis­tra­tion agit dans son domaine de com­pé­tence, avec ses moyens propres, et c’est la syner­gie qui en résulte qui consti­tue l’atout prin­ci­pal du système.

Cette orga­ni­sa­tion par­ti­cu­lière n’est pas le fait du hasard : pour des rai­sons de coût et d’efficacité, la France avait pré­fé­ré ren­for­cer un sys­tème ori­gi­nal repo­sant sur une mutua­li­sa­tion de moyens, plu­tôt que de créer un corps de « garde-côtes ». Ce choix a été confir­mé récem­ment dans l’avis expri­mé sur le Livre vert des­ti­né à défi­nir une poli­tique mari­time inté­grée de l’Union euro­péenne, par l’Académie de marine, qui avait été offi­ciel­le­ment sol­li­ci­tée : « La France dis­pose de longue date… d’une orga­ni­sa­tion rele­vant du Pre­mier ministre qui donne aux pré­fets mari­times la res­pon­sa­bi­li­té de la coor­di­na­tion des dif­fé­rentes admi­nis­tra­tions qui concourent à l’action de l’État en mer. Cette orga­ni­sa­tion qui donne satis­fac­tion et qui est sans nul doute la plus économique…»

Ce qui importe, ce n’est pas tant qu’existe un corps de « garde-côtes », c’est que la fonc­tion « garde-côtes » soit assu­rée conve­na­ble­ment, et elle l’est.

L’imprévu à tout moment

Le métier de marin d’État a beau­coup chan­gé. Si l’époque des grandes décou­vertes, où l’on par­tait sans savoir vers quelle terre on se diri­geait ni ce que l’on pour­rait y trou­ver, est depuis long­temps révo­lue, la mer demeure un espace d’aventure, où l’imprévu peut sur­ve­nir à tout moment. Le marin qui quitte le port, relié en per­ma­nence aux centres de com­man­de­ment par les moyens de com­mu­ni­ca­tions spa­tiaux, peut à tout moment se voir attri­buer une nou­velle mis­sion, assis­tance à un navire en dif­fi­cul­té ou à une popu­la­tion vic­time d’une catas­trophe natu­relle, relo­ca­li­sa­tion et iden­ti­fi­ca­tion d’un dan­ger pour la navi­ga­tion, inter­cep­tion d’un pol­lueur ou d’un tra­fi­quant, inter­ven­tion pour un navire détour­né par des pirates, éva­cua­tion de res­sor­tis­sants mena­cés par une crise locale.

Mais une constante demeure : le navire de la Marine natio­nale emporte avec lui un mor­ceau de France, et donc rien de ce qui touche à l’un quel­conque des inté­rêts de l’État ne sau­rait lui être indif­fé­rent. Cela était vrai du temps de la Marine royale, cela l’est encore, sinon plus aujourd’hui.

1. Ami­ral Pierre-Fran­çois FORISSIER, chef d’état-major de la Marine, Les Échos, 2 décembre 2008.

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