Simulation à N-corps

Nouveaux horizons en astrophysique

Dossier : La PhysiqueMagazine N°721 Janvier 2017
Par Francis BERNARDEAU (85)
Par Catherine DOUGADOS (84)
Par Anne-Marie LAGRANGE (X82)

L’astrophysique a connu récem­ment d’énormes avan­cées, essen­tiel­le­ment dues aux pro­grès tech­niques ins­tru­men­taux ou infor­ma­tiques, téles­copes spa­tiaux, mais aus­si les grands téles­copes au sol. Le pre­mier pro­blème est celui de de la struc­tu­ra­tion de l’U­ni­vers, fluide gru­me­leux en évo­lu­tion dyna­mique. Ensuite on recherche le scé­na­rio des ori­gines. Par ailleurs la recherche des exo­pla­nètes se pour­suit, on en est aujourd’­hui à plus de 3 500 détections.

Les avan­cées de l’astrophysique couvrent des domaines allant de l’Univers loin­tain, aux galaxies, aux étoiles, aux pla­nètes du sys­tème solaire ou aux pla­nètes extra­so­laires, aux petits corps du sys­tème solaire et au milieu interstellaire. 

L’APPORT ESSENTIEL DES TÉLESCOPES SPATIAUX

Les téles­copes spa­tiaux, comme Hubble (NASA/ESA), XMM-New­ton (ESA), Planck (ESA), Her­schel (ESA), Spit­zer (NASA) ont per­mis des obser­va­tions dans des domaines de lon­gueurs d’onde inac­ces­sibles depuis le sol : X, UV, infrarouge. 

Ces ins­tru­ments sondent entre autres l’Univers très loin­tain, l’Univers froid (milieu inter­stel­laire), les étoiles très froides, etc. D’autres téles­copes spa­tiaux effec­tuent des mesures bien plus pré­cises que l’atmosphère ne le per­met depuis le sol : GAIA (ESA) mesure en ce moment la posi­tion de mil­liards d’étoiles avec une pré­ci­sion de quelques micro­se­condes d’angle ; grâce à la pré­ci­sion pho­to­mé­trique des satel­lites Corot (Cnes) et Kepler (NASA), on a pu détec­ter des cen­taines de pla­nètes extra­so­laires, dont cer­taines très peu massives. 

Les mis­sions vers les pla­nètes et comètes du sys­tème solaire ont per­mis de son­der in situ le sol de Titan (Cas­si­ni-Huy­gens), de Mars (Mars Express, Exo­Mars), de la comète 67P/ Chu­ryu­mov-Gera­si­men­ko (Roset­ta, ESA).

REPÈRES

L’astrophysique doit largement son récent développement aux progrès de l’informatique : les nombreuses données collectées ne peuvent être analysées que grâce au formidable développement des moyens de calcul. Ces moyens accrus permettent aussi de réaliser les simulations numériques très lourdes indispensables pour tester des scénarios proposés sur la base des observations.
Là encore, tous les domaines de l’astrophysique sont concernés : évolution de l’Univers, formation des grandes structures, effondrement des nuages moléculaires, formation des étoiles et des planètes, évolution stellaire, etc.

LES GRANDS TÉLESCOPES AU SOL NE SONT PAS EN RESTE

Les très grands téles­copes optiques au sol (10 m de dia­mètre) se sont équi­pés d’instruments aux per­for­mances qui dépassent de plu­sieurs ordres de gran­deur celles des géné­ra­tions précédentes. 

L’utilisation de l’optique adap­ta­tive extrême com­bi­née à des coro­no­graphes (voir plus loin) de nou­velle géné­ra­tion per­met désor­mais de faire l’image de pla­nètes extra­so­laires. Des spec­tro­graphes 3D de nou­velle géné­ra­tion com­bi­nant ima­ge­rie grand champ et spec­tro­sco­pie sondent l’espace en trois dimen­sions (image dans le plan du ciel et dis­tance) simultanément. 

La com­bi­nai­son cohé­rente de la lumière de plu­sieurs téles­copes optiques (inter­fé­ro­mé­trie optique, ESO) nous donne des images de la sur­face de cer­taines étoiles. L’interféromètre radio (sub)millimétrique ALMA (ESO, NSF, Japon, Cana­da) com­po­sé de 66 antennes répar­ties sur 16 km dans le désert d’Atacama nous per­met d’observer le ciel « froid » (nuages inter­stel­laires, disques pro­to­pla­né­taires, galaxies loin­taines, uni­vers jeunes) avec une réso­lu­tion angu­laire inéga­lée à ces lon­gueurs d’onde.

COSMOLOGIE ET GRANDES STRUCTURES DE L’UNIVERS

La ques­tion de la struc­tu­ra­tion de l’Univers com­mence quand, dans les années 1920, les astro­nomes iden­ti­fient les « nébu­leuses » comme autant d’îlots d’étoiles exté­rieurs à notre Voie lac­tée. Très vite, ces astro­nomes et, pour nom­mer le plus fameux d’entre eux, Edwin Hubble, mesurent les spectres de ces « galaxies » et se rendent compte qu’elles ont ten­dance à s’éloigner de nous. 

LE FOND DIFFUS COSMOLOGIQUE

La découverte du fond diffus cosmologique par Penzias et Wilson en 1965 a conduit à un projet scientifique de recherche et de caractérisation des anisotropies de température de ce fond micro-onde pour tester les modèles cosmologiques, qui se poursuit aujourd’hui tant du point de vue théorique qu’observationnel avec l’analyse des résultats du satellite Planck (voir article précédent).

C’est une révo­lu­tion dans notre concep­tion de l’Univers : il n’est plus un champ d’étoiles immuable et sta­tique, mais un fluide gru­me­leux en évo­lu­tion dynamique. 

C’est à Georges Lemaître qu’on doit la mise en équa­tion de cette expan­sion de l’Univers et d’avoir posé les pre­miers jalons d’un domaine de recherche qui nous occupe encore aujourd’hui : com­ment pas­ser d’un Uni­vers qua­si homo­gène à un Uni­vers pré­sen­tant de grands contrastes de den­si­té, ceux que l’on ren­contre dans les amas de galaxies, les galaxies, les étoiles, etc. 

Il s’agit en somme de récon­ci­lier deux visions du monde ; d’inscrire dans un même for­ma­lisme l’espace-temps homo­gène et iso­trope des géo­mètres et celui des den­si­tés et des éner­gies extrêmes des astro­phy­si­ciens. La clé, le méca­nisme d’instabilité gra­vi­ta­tion­nelle, s’appuie sur le jeu croi­sé de la gra­vi­té et des inter­ac­tions matière-rayonnement. 

Beau­coup d’éléments du scé­na­rio nous échappent encore, qu’ils concernent la phy­sique fon­da­men­tale, la dyna­mique non-linéaire ou encore l’astrophysique des objets formés. 

À LA RECHERCHE DU SCÉNARIO DES ORIGINES

Les inves­ti­ga­tions visant à explo­rer les pro­prié­tés des grandes struc­tures de l’Univers s’inscrivent donc dans un vaste pro­jet scien­ti­fique qui vise à éta­blir le scé­na­rio de for­ma­tion et d’évolution de ces struc­tures, la manière dont la matière se répar­tit aux plus grandes échelles de l’Univers en galaxies, amas de galaxies, fila­ments, grands murs, etc. 


Exemple de réa­li­sa­tion de simu­la­tion N‑corps décri­vant les struc­tures de matière noire de l’U­ni­vers. © PROJET HORIZON

Les élé­ments du modèle actuel se sont mis en place à par­tir des années 1980, avec l’identification du méca­nisme d’instabilité gra­vi­ta­tion­nelle comme moteur de la for­ma­tion des grandes struc­tures et la construc­tion théo­rique des modèles dits d’inflation. Cette pre­mière idée a été vali­dée à la fois par le déve­lop­pe­ment des grands rele­vés cos­mo­lo­giques (on pour­ra men­tion­ner SDSS, BOSS) et le déve­lop­pe­ment des simu­la­tions numériques. 

Une belle illus­tra­tion en est l’observation de signa­tures du cou­plage gra­vi­ta­tion­nel dans un fluide de pous­sière auto­gra­vi­tant ou encore l’observation des oscil­la­tions dites acous­tiques dans les fluc­tua­tions de den­si­té dans les grands rele­vés cosmologiques. 

De plus, les résul­tats récents obte­nus avec le satel­lite Planck démontrent main­te­nant que les fluc­tua­tions de métrique vues sur la sur­face de der­nière dif­fu­sion (c’est-à-dire la région où a été émis le rayon­ne­ment le plus ancien de l’Univers qui nous par­vient aujourd’hui), à un moment où l’Univers était très jeune, sont bien les pré­cur­seurs des grandes struc­tures de l’Univers local. 

Ces mesures offrent un autre résul­tat fas­ci­nant : ces fluc­tua­tions de métrique n’ont pas pu être obte­nues par un méca­nisme cau­sal. La seule expli­ca­tion aujourd’hui pos­sible invoque un méca­nisme dit d’inflation. Cela reste cepen­dant plus un simple para­digme qu’une théo­rie et notre connais­sance de cette époque pri­mor­diale est encore très parcellaire. 

DE LA MATIÈRE NOIRE ET DE L’ÉNERGIE NOIRE

Le pro­gramme scien­ti­fique entre­pris à la fin des années 1960 n’est donc pas ache­vé. Outre l’identification du méca­nisme à l’origine de la phase infla­tion­naire, deux ingré­dients indis­pen­sables au modèle, la « matière noire » et l’« éner­gie noire » – res­pon­sable de l’accélération tar­dive de l’expansion de l’Univers – n’ont pas été iden­ti­fiés dans le modèle stan­dard de phy­sique des hautes énergies. 

Le pro­blème posé par l’existence d’une éner­gie noire est plus cri­tique et sug­gère des modi­fi­ca­tions plus radi­cales du modèle : une nou­velle forme de la matière ? Une modi­fi­ca­tion de la gra­vi­té ? Essayer d’en savoir davan­tage est l’enjeu de nom­breux déve­lop­pe­ments visant à uti­li­ser les grandes struc­tures de l’Univers comme laboratoire. 

C’est le volet le plus impor­tant du pro­gramme scien­ti­fique du satel­lite Euclid dont le lan­ce­ment est pré­vu en 2020. Nous pour­rons alors peut-être com­prendre la phase d’inflation pri­mor­diale pen­dant laquelle sont nées les fluc­tua­tions de métrique. Le méca­nisme pro­po­sé, et le seul aujourd’hui cor­ro­bo­ré par les obser­va­tions, met en œuvre la théo­rie quan­tique des champs et la rela­ti­vi­té géné­rale dans un régime inédit : l’ensemble des grandes struc­tures de l’Univers serait né des fluc­tua­tions quan­tiques d’un champ sca­laire primordial. 

La por­tée de cette idée est véri­ta­ble­ment révo­lu­tion­naire et, si elle devait être confir­mée par les obser­va­tions futures, bou­le­ver­se­rait notre concep­tion du monde physique. 

MATIÈRE NOIRE

On connaît déjà l’existence de matière noire sous forme de neutrinos – mais en nombre insuffisant pour rendre compte des observations — et la détection de nouvelles particules de matière noire est peut-être imminente, que ce soit par détection directe, indirecte ou auprès des accélérateurs de particules comme le LHC.
Étoile HL TauriÉtoile HD 135344B.
Image de gauche : image à 1,3 mm obtenue avec l’interféromètre ALMA du disque autour de l’étoile HL Tauri située à environ 450 années-lumière dans la constellation du Taureau. La résolution de cette image est de 5 fois la distance Terre-Soleil (= 5 unités astronomiques ou ua). La taille du disque de HL Tau est de 3 fois la distance Neptune-Soleil.
Image de droite : image obtenue avec SPHERE/VLT dans l’infrarouge proche du disque autour de l’étoile HD 135344B. La lumière de l’étoile centrale a été supprimée. Deux bras spiraux sont clairement détectés. L’extension radiale du disque est environ de 100 ua soit 3 fois la distance Neptune-Soleil.
© ALMA (ESO / NAOJ / NRAO) / ESO, T. STOLKER ET AL.

DISQUES ET FORMATION DES PLANÈTES

Com­prendre le pro­ces­sus de for­ma­tion des étoiles et de leur cor­tège pla­né­taire consti­tue l’un des grands enjeux de l’astrophysique. Une étoile telle que notre Soleil se forme par contrac­tion gra­vi­ta­tion­nelle d’un nuage de gaz inter­stel­laire froid et dense. Lors de cet effon­dre­ment, par conser­va­tion du moment angu­laire ini­tial, une par­tie de la matière forme un disque en rota­tion képlé­rienne autour d’une conden­sa­tion cen­trale, la pro­toé­toile en formation. 

Dans ce disque, dit pro­to­pla­né­taire, des grains de pous­sières micro­sco­piques vont pro­gres­si­ve­ment se coa­gu­ler pour for­mer des pla­né­té­si­maux (corps solides de taille kilo­mé­trique, consti­tuant les briques de base de la for­ma­tion des pla­nètes tel­lu­riques et des noyaux solides des pla­nètes géantes) et éven­tuel­le­ment des cœurs planétaires. 

DISQUES PROTOPLANÉTAIRES

Les premières images des disques protoplanétaires ont été obtenues ˆ la fin des années 1990 avec le télescope spatial Hubble et les premières générations d’interféromètres millimétriques comme celui situé sur le plateau de Bure dans le Dévoluy.

Ces cœurs pla­né­taires, lorsqu’ils sont assez mas­sifs, peuvent atti­rer suf­fi­sam­ment de gaz pour for­mer une pla­nète géante. Bien que ce scé­na­rio ait été pro­po­sé dès la fin du XVIIIe siècle, entre autres par Pierre-Simon de Laplace, pour la for­ma­tion de notre propre sys­tème solaire, les dif­fé­rentes étapes de ce pro­ces­sus sont encore lar­ge­ment incomprises. 

L’observation directe des disques pro­to­pla­né­taires est cru­ciale pour pro­gres­ser sur ces ques­tions. Tou­te­fois, ce n’est pas chose aisée. La rai­son en est leur très petite taille angu­laire sur le ciel : typi­que­ment moins d’une seconde d’arc (= 13 600 deg.) à la dis­tance des régions les plus proches de for­ma­tion d’étoiles.

À LA CHASSE AUX PROTOPLANÈTES

Même avec le téles­cope spa­tial, les images obte­nues res­taient floues et ne four­nis­saient pas beau­coup de détails. Il a fal­lu attendre encore près de deux décen­nies pour lever enfin le voile sur les détails de la for­ma­tion pla­né­taire dans ces disques. 

Deux ins­tru­ments sont en train de révo­lu­tion­ner ce domaine de recherche : le grand inter­fé­ro­mètre mil­li­mé­trique inter­na­tio­nal ALMA et dans le domaine optique/ infa­rouge proche la camé­ra chas­seuse de pla­nètes SPHERE du Very Large Teles­cope (VLT), tous deux situés au nord du Chi­li dans le désert d’Atacama à l’observatoire de l’European Sou­thern Obser­va­to­ry (ESO).

UNE IMAGE DE LA FORMATION DE NOTRE SYSTÈME SOLAIRE ?

L’image spec­ta­cu­laire du disque autour de l’étoile jeune HL Tau­ri obte­nue avec l’interféromètre ALMA en 2014 a dévoi­lé pour la pre­mière fois à quoi pou­vait res­sem­bler notre propre sys­tème solaire il y a plus de 4 mil­liards d’années, lors de sa formation. 

Une planète extrasolaire, HD 95098
Image d’une pla­nète extra­so­laire, HD 95098 b, obte­nue dans le proche infra­rouge, avec l’instrument NAOS sur le Very Large Teles­cope de l’ESO. La pla­nète indi­quée par une flèche fait envi­ron 5 fois la masse de Jupi­ter et orbite à 60 uni­tés astro­no­miques de son étoile. L’étoile située au centre de l’image (mar­qué d’une croix) est cachée. © RAMEAU / ESO

Cette image trace l’émission ther­mique des grains de pous­sière de taille mil­li­mé­trique et révèle une série d’anneaux concen­triques brillants sépa­rés par des sillons sombres. Les cal­culs hydro­dy­na­miques pré­di­saient l’existence de tels sillons creu­sés dans le disque de gaz par une pla­nète rela­ti­ve­ment mas­sive lors de sa révo­lu­tion autour de l’étoile centrale. 

L’image ALMA de HL Tau­ri a four­ni une confir­ma­tion écla­tante que de telles struc­tures existent bien. Elle a aus­si révé­lé que la for­ma­tion de pla­nètes démarre sans doute bien plus tôt qu’il n’avait été envi­sa­gé précédemment. 

L’étoile HL Tau­ri est en effet âgée d’à peine un mil­lion d’années, une échelle de temps très courte, selon les modèles actuels, pour for­mer des pla­nètes mas­sives. Des sys­tèmes d’anneaux et de sillons simi­laires ont main­te­nant été détec­tés dans une demi-dou­zaine de disques. 

Les images SPHERE et ALMA ont éga­le­ment révé­lé une varié­té inat­ten­due de struc­tures, par­mi les­quelles des bras spi­raux et asy­mé­tries, qui sont aus­si très pro­ba­ble­ment le résul­tat de la for­ma­tion de corps planétaires. 

L’image obte­nue par l’instrument SPHERE du disque autour de l’étoile HD 135344B dévoile la struc­ture de ce disque avec une finesse de détails jamais atteinte jusque-là. Le disque de cette étoile montre une cavi­té cen­trale et deux bras spi­raux qui peuvent s’expliquer par la pré­sence d’une ou plu­sieurs pro­to­pla­nètes mas­sives, futures pla­nètes géantes sem­blables à Jupiter. 

Les obser­va­tions spec­ta­cu­laires issues des ins­tru­ments SPHERE et ALMA com­mencent à nous révé­ler la manière dont les pla­nètes sculptent les disques dans les­quels elles se forment. La détec­tion directe de ces pla­nètes en for­ma­tion va consti­tuer un enjeu impor­tant pour les années à venir. 

LES PLANÈTES EXTRASOLAIRES : AUTRES MONDES ?

La décou­verte dans les années 1990 des pre­mières pla­nètes en orbite autour d’étoiles autres que le Soleil, les pla­nètes extra­so­laires, a sus­ci­té un pro­fond inté­rêt dans la com­mu­nau­té scien­ti­fique et bien au-delà. L’existence d’autres « Mondes » avait été certes envi­sa­gée, ima­gi­née depuis plu­sieurs siècles, mais ces pla­nètes extra­so­laires, ou exo­pla­nètes, res­taient hors de por­tée de nos moyens de détection. 

Une fois prou­vée l’existence de ces exo­pla­nètes, on pou­vait désor­mais les étu­dier afin d’explorer leur diver­si­té éven­tuelle, de com­prendre leurs méca­nismes de for­ma­tion et d’évolution, et l’on pou­vait espé­rer cher­cher un jour des signes de vie sur cer­taines d’entre elles. 

LES PLANÈTES DE PETITE TAILLE SERAIENT LES PLUS NOMBREUSES

Les pre­mières pla­nètes extra­so­laires détec­tées étaient des pla­nètes géantes gazeuses. Ces pla­nètes mas­sives et volu­mi­neuses sont en effet plus faciles à détec­ter que les pla­nètes tel­lu­riques (rocheuses), bien moins mas­sives et plus petites. Depuis, la sen­si­bi­li­té amé­lio­rée des ins­tru­ments au sol et la mise en ser­vice de téles­copes spa­tiaux comme Corot et Kepler ont per­mis de décou­vrir des pla­nètes de masses de plus en plus faibles, et fina­le­ment, des pla­nètes telluriques. 

Ces pla­nètes de petite masse se révèlent bien plus fré­quentes que les géantes. On estime aujourd’hui qu’environ 10 % des étoiles de type solaire abri­te­raient une pla­nète géante, alors que 100 % pour­raient abri­ter au moins une pla­nète de type tellurique. 

DÉTECTION INDIRECTE

La plupart des 3 500 détections faites à ce jour reposent sur des méthodes indirectes, dans lesquelles l’exoplanète n’est pas vue, mais sa présence est inférée de l’étude de l’étoile autour de laquelle elle tourne. Il s‘agit par exemple de l’étude des variations temporelles de la luminosité de l’étoile (phénomène d’éclipse quand la planète passe entre l’étoile et l’observateur), ou encore de l’étude des variations de la vitesse de l’étoile par rapport à un observateur terrestre.

Les pre­mières pla­nètes détec­tées se trou­vaient sur des orbites très proches de leur Soleil. 51 Pegase b, décou­verte en 1995, se situe à seule­ment 0,05 ua de son étoile, c’est-à-dire à un ving­tième de la dis­tance sépa­rant la Terre du Soleil. Elle tourne donc en 4 jours seule­ment autour de son étoile, à com­pa­rer aux 365 jours pour la Terre et 12 ans pour Jupi­ter autour du Soleil. 51 Pegase b est deve­nue le pro­to­type d’une nou­velle classe d’exoplanètes, appe­lées les « Jupi­ters chauds » (la tem­pé­ra­ture de leur atmo­sphère excé­dant 1 000 degrés). 

Pour expli­quer l’existence de tels monstres, on a pro­po­sé que ces géantes s’étaient, comme les géantes du sys­tème solaire, for­mées loin de leur étoile (à quelques uni­tés astro­no­miques) et avaient migré vers l’étoile à la suite d’interactions avec le disque pro­to­pla­né­taire dans lequel elles se sont formées. 

D’autres obser­va­tions ont révé­lé des classes de pla­nètes sans équi­valent dans le sys­tème solaire : des « super-Terres », pla­nètes tel­lu­riques de masses plus grandes que la Terre, des « pla­nètes océans ». Aus­si, on a décou­vert des pla­nètes évo­luant sur des tra­jec­toires inat­ten­dues : orbites incli­nées par rap­port à l’écliptique, orbites rétrogrades. 

Cela indique que les pla­nètes, une fois for­mées, ont subi des inter­ac­tions avec leur envi­ron­ne­ment (disque pro­to­pla­né­taire, autres pla­nètes) sus­cep­tibles de modi­fier gran­de­ment leur orbite. 

Les tech­niques de détec­tion indi­rectes souffrent tou­te­fois d’une limi­ta­tion impor­tante : elles ne peuvent détec­ter que des pla­nètes rela­ti­ve­ment proches de leur étoile, car les varia­tions – pério­diques – étu­diées ont des périodes égales à la période de rota­tion de la pla­nète. La période aug­men­tant for­te­ment avec la dis­tance de la pla­nète (loi de Kepler), il fau­drait une ou plu­sieurs décen­nies pour détec­ter des pla­nètes sem­blables à Jupi­ter, Saturne, Ura­nus, Neptune. 

L’imagerie des pla­nètes per­met, en théo­rie, d’observer des pla­nètes éloi­gnées de leur étoile. Mais voir une pla­nète juste à côté de son étoile, qui est des mil­lions ou des mil­liards de fois plus brillante, est par­ti­cu­liè­re­ment difficile. 

Ce n’est que depuis 2004 que des exo­pla­nètes ont été ima­gées, grâce à des tech­niques com­plexes uti­li­sant d’une part la cor­rec­tion en temps réel des défor­ma­tions des tra­jec­toires des rayons lumi­neux se pro­dui­sant lors de tra­ver­sée de l’atmosphère, et d’autre part des coro­no­graphes, dis­po­si­tifs optiques occul­tant la lumière pro­ve­nant d’un objet situé sur l’axe optique du sys­tème, de manière à voir l’environnement de cet objet. 

Les pla­nètes ima­gées direc­te­ment ont, elles aus­si, révé­lé des pro­prié­tés inat­ten­dues : elles peuvent être très mas­sives, jusqu’à plus de dix fois la masse de Jupi­ter ; elles peuvent tour­ner très loin de leur étoile, à plu­sieurs cen­taines ou même mil­liers d’unités astronomiques. 

Cela a conduit à envi­sa­ger l’existence de méca­nismes phy­siques de for­ma­tion des sys­tèmes pla­né­taires alter­na­tifs au méca­nisme qui a don­né lieu, pense-t-on, au sys­tème solaire et sans doute à la plu­part des sys­tèmes détec­tés par les méthodes indirectes. 

Ain­si, les obser­va­tions au cours de ces der­nières années de recherche ont révé­lé une diver­si­té que nul astro­nome n’aurait soup­çon­née. Diver­si­té dans les archi­tec­tures des sys­tèmes pla­né­taires extra­so­laires, dans les pro­prié­tés des exo­pla­nètes (pro­prié­tés orbi­tales, atmo­sphé­riques), et dans leurs méca­nismes de for­ma­tion et d’évolution.

Nous sommes cepen­dant encore loin sans doute d’en avoir explo­ré les limites, et les décen­nies à venir seront cer­tai­ne­ment aus­si pas­sion­nantes et riches en sur­prises que les pré­cé­dentes. À la clé, cer­tai­ne­ment une meilleure com­pré­hen­sion des ori­gines des sys­tèmes pla­né­taires, et peut-être des indi­ca­tions sur l’existence de la vie sur une ou quelques très loin­taines jumelles de la Terre. 

La diversité des systèmes planétaires extrasolaires
Illus­tra­tion de la diver­si­té des sys­tèmes pla­né­taires extra­so­laires détec­tés par le satel­lite Kepler. Le satel­lite mesure la lumière en pro­ve­nance de mil­liers d’étoiles et détecte des baisses de lumières stel­laires dues à des occul­ta­tions par­tielles par d’éventuelles pla­nètes pas­sant entre les étoiles et l’observateur. © NASA

En SAVOIR PLUS

Le fond dif­fus cos­mo­lo­gique vu par Planck
www.planck.fr
http://www.euclid-ec.org

Liens vers les com­mu­ni­qués de presse de l’ESO et ALMA :
http://www.eso.org/public/france/news/eso1640/
http://www.almaobservatory.org/en/press-room/press-releases/771-revolutionary-alma-image-reveals-planetary-genesis

Les exo­pla­nètes
A.M. Lagrange & P. Léna, Ency­clo­pé­die Universalis
http://exoplanet.eu/

Vue d’artiste des planètes du système solaire
Vue d’artiste des pla­nètes du sys­tème solaire, avec près du Soleil, Mer­cure, Venus, la Terre, Mars, puis au-delà de la cein­ture d’astéroides, Jupi­ter, Saturne, Ura­nus, Neptune.

Poster un commentaire