Mathématiques et développement en Afrique

Dossier : L'Afrique centraleMagazine N°565 Mai 2001Par : Docteur Jean DUTERTRE, épidémiologiste et David BÉKOLLÉ, Université de Yaoundé I, Cameroun

Ces » écoles » ras­semblent des mathé­ma­ti­ciens, agro­nomes et méde­cins de la région, dont les pro­fes­seurs Charles-Félix Billong Billong, bio­lo­giste de la facul­té des sciences de Yaoun­dé, et Albert Samé Eko­bo, palu­do­logue et para­si­to­lo­giste de la facul­té de méde­cine de Yaoun­dé, sous les aus­pices du pro­fes­seur Hen­ri Hogbe-Nlend, ancien pro­fes­seur de mathé­ma­tiques à l’u­ni­ver­si­té de Bor­deaux, actuel­le­ment ministre de la Recherche scien­ti­fique et tech­nique du Came­roun, fon­da­teur de l’U­nion mathé­ma­tique africaine.

L’i­dée de ces mathé­ma­ti­ciens est de prou­ver que les mathé­ma­tiques pures » servent à quelque chose » et ils démontrent la marche en mar­chant. Ils sont sou­te­nus par le pro­fes­seur Claude Lobry, direc­teur du CIMPA (Centre inter­na­tio­nal de mathé­ma­tiques pures et appli­quées) et pré­sident de la Com­mis­sion des pays en déve­lop­pe­ment de la Socié­té mathé­ma­tique euro­péenne, et le pro­fes­seur Gau­thier Sal­let, de l’u­ni­ver­si­té de Metz, qui recrutent eux-mêmes quelques méde­cins ou mathé­ma­ti­ciens euro­péens spé­cia­listes des ques­tions envi­sa­gées par les écoles prévues.

Dans son allo­cu­tion d’ou­ver­ture, le Ministre évoque la néces­si­té impé­rieuse pour l’A­frique de se munir de sa propre exper­tise à l’é­gard des stra­té­gies de déve­lop­pe­ment, ain­si que l’in­té­rêt évident qu’il y aurait à sus­ci­ter un pôle de mathé­ma­ti­ciens, la région de l’A­frique cen­trale consti­tuant le niveau le plus sus­cep­tible d’at­teindre la masse cri­tique et donc la pérennité.

Il remarque que les pre­miers Afri­cains for­més dans les uni­ver­si­tés ont été des juristes, des gens de lettres, des méde­cins. À l’A­frique de savoir se munir elle-même du socle rigou­reux de tout savoir – la mathé­ma­tique -, aucune recherche appli­quée ne pou­vant se com­prendre sans le sup­port de la mathé­ma­tique pure. Il sou­haite que ces écoles aient une pos­té­ri­té et annonce qu’il se munit des moyens d’y pourvoir.

Les deux textes ci-après reflètent une idée des échanges qui ont mar­qué la célé­bra­tion, par une cen­taine de par­ti­ci­pants, de » l’An­née mathé­ma­tique mon­diale » à Yaoundé.

Pourquoi l’Afrique a besoin de mathématiciens

La pour­ri­ture brune est une mala­die cryp­to­ga­mique qui attaque les cacaoyères au sud du Came­roun. Nous devons à Michel Ndoum­bè Nkeng, ingé­nieur agro­nome et bio­mé­tri­cien à l’I­RAD (Ins­ti­tut came­rou­nais de recherche en agro­no­mie pour le déve­lop­pe­ment), l’é­non­cé sui­vant : » Quand on com­pare la zone fores­tière (extrême sud du Came­roun) à la zone de tran­si­tion de la forêt à la savane (60 km au nord de Yaoun­dé), on constate que la pour­ri­ture brune attaque plus gra­ve­ment les cacaoyères de la zone fores­tière. Cela est dû à la plu­vio­mé­trie, au cli­mat et à la végé­ta­tion. Pour trai­ter la pour­ri­ture brune, on pul­vé­rise les plan­ta­tions de fongicides.

Si on pou­vait modé­li­ser la pro­pa­ga­tion de la pour­ri­ture brune, on pour­rait déter­mi­ner les doses de fon­gi­cides à asper­ger dans une loca­li­té spé­ci­fique et on réa­li­se­rait des éco­no­mies sub­stan­tielles ; de plus, on pour­rait réduire la résis­tance des germes aux fongicides1. » Cette ques­tion d’a­gro­no­mie devient dès lors un pro­blème de modé­li­sa­tion mathématique.

Voi­ci les mathé­ma­ti­ciens (sta­tis­ti­ciens et modé­li­sa­teurs notam­ment) inter­pel­lés dans un pro­blème impor­tant lié au déve­lop­pe­ment. Nous ren­voyons à l’ar­ticle et à l’en­ca­dré sui­vants pour d’autres illus­tra­tions de l’im­por­tance de la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique dans la lutte contre notre » mala­die sociale « , le palu­disme, et dans le contrôle de son évolution.

Il y a plus de trente ans, des voix auto­ri­sées se sont éle­vées pour pro­cla­mer l’u­ni­té des mathé­ma­tiques, et deman­der de par­ler plu­tôt de » la mathé­ma­tique « . En fait, il se trouve que la théo­rie de la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique emprunte à tous les domaines des mathé­ma­tiques, confir­mant l’u­ni­té de celles-ci.

Ain­si, il serait vain d’im­plan­ter en Afrique une école doc­to­rale (a for­tio­ri, une maî­trise d’in­gé­nie­rie mathé­ma­tique) ne com­por­tant que des sta­tis­tiques et de la modé­li­sa­tion mathé­ma­tique, dont le but serait de résoudre des pro­blèmes liés au déve­lop­pe­ment, si elle ne jouxte pas d’autres écoles de mathé­ma­tiques pures et appli­quées. Il faut encore le répé­ter : » Il n’y a pas d’un côté, les utiles, les mathé­ma­ti­ciens appli­qués, et de l’autre, les inutiles, les mathé­ma­ti­ciens purs ; ce qu’il faut pro­mou­voir, avec le concours de la coopé­ra­tion inter­na­tio­nale, ce sont de bonnes mathématiques. »

En Afrique, nous admi­rons le par­cours scien­ti­fique du pro­fes­seur Yves Meyer, de l’A­ca­dé­mie fran­çaise des sciences2, qui, après avoir excel­lé pen­dant des années dans les mathé­ma­tiques répu­tées pures (ana­lyse dure, théo­rie des inté­grales sin­gu­lières et très sin­gu­lières), est deve­nu un maître incon­tes­té des mathé­ma­tiques appli­quées (ana­lyse numé­rique), suite à son éla­bo­ra­tion de la théo­rie mathé­ma­tique des onde­lettes, reprise d’une pra­tique des ingé­nieurs en recherche pétro­lière. De cette théo­rie sont ensuite issues de nom­breuses appli­ca­tions au trai­te­ment du signal et de l’image.

Cer­tains pour­raient nous rétor­quer que cet exemple n’est pas pro­bant, parce que l’en­ra­ci­ne­ment de la tra­di­tion scien­ti­fique et le niveau de tech­no­lo­gie sont faibles sous nos lati­tudes. Nous leur répon­drons sim­ple­ment que nous vou­lons être du train actuel de la » mon­dia­li­sa­tion « , de la » glo­ba­li­sa­tion « . Sur­tout, nous répé­te­rons ce que nous écri­vions déjà en 1998 dans notre pro­jet de créa­tion d’un Centre régio­nal de mathé­ma­tiques en Afrique cen­trale : » Le degré de déve­lop­pe­ment d’un pays se mesure en très grande par­tie à sa maî­trise des sciences fon­da­men­tales et des tech­no­lo­gies, et ce cri­tère est tel­le­ment impla­cable que la pré­sence d’é­normes richesses dans son sous-sol ne modi­fie pas consi­dé­ra­ble­ment le clas­se­ment d’un pays (pré­do­mi­nance de l’or gris sur l’or noir, l’or vert, l’or jaune…).

En effet, en l’ab­sence d’une acti­vi­té de recherche per­for­mante, il est incon­ce­vable d’es­pé­rer des solu­tions à des pro­blèmes liés au déve­lop­pe­ment éco­no­mique et social. » Un peu plus loin dans le même texte, nous écri­vions : » En rai­son du coût finan­cier rela­ti­ve­ment peu éle­vé de la for­ma­tion des mathé­ma­ti­ciens, il est dif­fi­cile de jus­ti­fier que l’A­frique demeure en situa­tion d’ex­clue dans le domaine des sciences fon­da­men­tales aussi. »

Nous allons plus loin ; nous décla­rons que l’A­frique doit se lan­cer dans la bataille éco­no­mique mon­diale de fabri­ca­tion de logi­ciels. Dans ce but, il est incon­tes­table qu’il faut sans délai pro­mou­voir et déve­lop­per l’é­cole mathé­ma­tique africaine…

David Békollé
Université de Yaoundé I, Cameroun

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1. Table ronde de l’é­cole » Sta­tis­tique appli­quée à l’a­gro­no­mie « , célé­bra­tion de l’An­née mathé­ma­tique mon­diale 2000, Yaoun­dé, 28 août‑1er sep­tembre 2000.
2. Yves Meyer a été élu à l’A­ca­dé­mie des sciences dans la sec­tion des sciences mécaniques.

Un modèle mathématique pour le paludisme

Ronald Ross, au sujet du palu­disme, écrit en 1911 : » Affir­mer qu’une mala­die est sous la dépen­dance de cer­tains fac­teurs sert à bien peu de choses, à moins qu’il ne soit pos­sible d’é­va­luer l’in­fluence de cha­cun des fac­teurs sur le résul­tat final. »

Com­ment se pré­sente, actuel­le­ment, la lutte contre le palu­disme en Afrique au sud du Saha­ra ? D’un point de vue pure­ment éco­no­mique, trai­ter des malades à l’aide de médi­ca­ments pro­duits en Occi­dent est une gageure. Le genre de vie n’est pas en cause, c’est le seul niveau de vie qui inter­vient ici. Com­pa­rés aux prix des ali­ments et loge­ments, qui sont à la por­tée des ménages, les médi­ca­ments impor­tés sont abo­mi­na­ble­ment chers et, sauf excep­tions, inac­ces­sibles. En Occi­dent, une capi­ta­li­sa­tion de res­sources ancienne et suf­fi­sante auto­rise un modèle de pro­tec­tion sani­taire libé­ral et individuel.

En Afrique il y a d’autres prio­ri­tés et dans le domaine médi­cal la pré­ven­tion offre d’é­vi­dence un meilleur rap­port coût-effi­ca­ci­té. Si l’hô­pi­tal reste indis­pen­sable pour les urgences en milieu urbain, en revanche les grands pro­blèmes de san­té publique, ruraux sur­tout, exigent des cam­pagnes de masse. Ain­si ont été trai­tées la mala­die du som­meil, la lèpre, la fièvre jaune, la variole, l’on­cho­cer­cose. Pour­quoi, alors, les pro­grammes et pro­jets » inter­na­tio­naux » d’é­ra­di­ca­tion du palu­disme ont-ils abou­ti, après qua­rante ans d’ef­forts, à un résul­tat nul ?

C’est que le palu­disme inter­tro­pi­cal afri­cain pose un pro­blème d’un tout autre ordre de gran­deur. Le palu­disme à plas­mo­dium vivax accable la terre entière, mais on lui sur­vit. En Afrique sévit le palu­disme à plas­mo­dium fal­ci­pa­rum qui est un tueur. On sait qu’une popu­la­tion d’o­ri­gine euro­péenne s’est implan­tée dans les deux Amé­riques, en Aus­tra­lie (l’A­sie por­tait déjà une popu­la­tion dense) mais jamais en Afrique sub­sa­ha­rienne. His­to­ri­que­ment le fal­ci­pa­rum a inter­dit tout éta­blis­se­ment euro­péen durable et, ce fai­sant, a conser­vé l’A­frique à sa popu­la­tion d’origine.

À l’ex­cep­tion de l’A­frique du Sud ? Non, il n’y a pas de fal­ci­pa­rum en Afrique du Sud. Ceci s’est fait au prix d’une effroyable mor­ta­li­té infan­tile (encore de l’ordre de 20 %) mais la popu­la­tion afri­caine a pu se munir d’une immu­ni­té natu­relle, en quelques mil­liers ou dizaines de mil­liers d’an­nées. Il est main­te­nant de sa res­pon­sa­bi­li­té de se défaire de son ter­rible » pro­tec­teur « . L’A­frique dis­pose de bio­lo­gistes et de méde­cins com­pé­tents, mais on sait que la démarche pure­ment médi­cale a échoué.

Or il y a mieux à faire : c’est d’a­gir à la racine du mal. Pour cela il faut connaître les » points faibles » du mor­ti­fère fal­ci­pa­rum et par points faibles on entend deux idées.

  • Mathé­ma­tique : la ter­rible sta­bi­li­té du palu­disme, mal­gré des dizaines d’an­nées de lutte, montre qu’il y a bien lieu d’i­den­ti­fier avant tout un point faible, éven­tuel » col » autour du » cirque » cen­tral d’un espace de repré­sen­ta­tion, celui de la solu­tion ana­ly­tique du pro­blème. Actuel­le­ment, l’en­dé­mie est au fond du cirque, l’é­qui­libre est stable, elle y revient inexo­ra­ble­ment, quelque effort qu’on fasse pour l’en tirer. Existe-t-il un col, ou plu­sieurs, quelle est la voie opti­male pour fran­chir le meilleur ? Nul ne sait.
     
  • Éco­no­mique : ces points faibles sont ceux qui ont le meilleur rap­port coût-effi­ca­ci­té. Par exemple, la lutte contre des vec­teurs. On use d’in­sec­ti­cides, de mous­ti­quaires ; on prend des mesures envi­ron­ne­men­tales à l’é­gard des végé­taux ou points d’eau ; ou domi­ci­liaires, mode d’ha­bi­tat, horaires, et ain­si de suite.
    On en trou­ve­rait dix autres, par exemple l’in­tro­duc­tion de popu­la­tions d’in­sectes sté­riles, ou d’in­sectes au sex ratio géné­ti­que­ment dés­équi­li­bré (ceci dit en dehors de toute mesure médi­cale pro­pre­ment dite, pro­phy­laxie ou vac­cin hypo­thé­tique, et qu’il fau­dra pour­tant inté­grer et chif­frer). On n’ou­blie pas les retom­bées : la lutte contre l’on­cho­cer­cose a coû­té cher, mais elle a ren­du à l’ex­ploi­ta­tion d’im­menses terres cultivables.


    Rien n’est alors meilleur qu’un modèle auquel on demande d’a­bord de bien repro­duire la réa­li­té obser­vée, même au prix d’hy­po­thèses non encore expli­quées, mais fonc­tion­nelles et éprou­vées. On peut dès lors l’u­ti­li­ser comme un modèle pré­vi­sion­nel. Ce modèle, on sait qu’on l’a­mé­lio­re­ra au fur et à mesure de l’ex­pé­rience. De ce jeu des hypo­thèses de lutte, on attend le choix de la meilleure stratégie.

    Voi­là pour­quoi l’A­frique a besoin de mathé­ma­ti­ciens, sta­tis­ti­ciens, pro­ba­bi­listes, modé­li­sa­teurs et auto­ma­ti­ciens. Ses choix stra­té­giques ne peuvent pas être confiés à des experts étran­gers. Et ce, à plus d’un titre, car la méde­cine n’est pas seule concer­née : l’é­le­vage, l’a­gri­cul­ture, la pro­tec­tion de la faune sau­vage, la recherche de cer­tains miné­raux uti­lisent des méthodes sem­blables. Ain­si une uto­pie devient pro­jet, puis un pro­jet réa­li­té : l’a­ve­nir dépend de cette option.

    Ana­to­mie du modèle
    Le pre­mier des modèles épi­dé­mio­lo­giques est celui de McDo­nald, 1957, dont la valeur his­to­rique est incon­tour­nable. Avec nos nota­tions : N est la popu­la­tion humaine dont G le nombre d’in­fes­tants pour le mous­tique, b le coef­fi­cient de récep­ti­vi­té de l’homme qui reste infes­té j jours, a est la fré­quence des repas de sang par mous­tique et par jour, m l’ef­fec­tif rela­tif des mous­tiques (par homme), q est la mor­ta­li­té quo­ti­dienne du mous­tique, n le nombre de jours avant la migra­tion des germes du palu­disme dans les glandes salivaires.
    McDo­nald cal­cule alors le nombre de mous­tiques infes­tés I = (maG) / (a (G/N) + q) puis le taux de repro­duc­tion du palu­disme R0 qui serait une esti­ma­tion du nombre de cas atten­dus l’an­née sui­vante, pour un cas obser­vé l’an­née en cours, soit, le poten­tiel évo­lu­tif de l’endémie :
    R0 = jma2b (1‑I/mN) e-qn/q
    Or ce taux de repro­duc­tion du palu­disme a été peu uti­li­sé réel­le­ment car le cal­cul conduit par­tout à des nombres supé­rieurs à cent (plus de cent cas l’an pro­chain pour un cas cette année) ce qui n’est pas réa­liste. Ce R0 a l’in­con­vé­nient d’être pure­ment ento­mo­lo­gique. En effet N et G sont obser­vés et N n’in­ter­vient qu’en rela­tion avec m ; de plus j et b sont trop sim­plistes et n’in­té­ressent ici que le mous­tique qui prend un second repas. Il y a un para­doxe à faire abs­trac­tion de la dyna­mique du palu­disme chez l’homme dans l’é­tude de l’endémie.
    Notre modèle (Ann. soc. belge méd. trop. 1976, 56, 3, 127–141), avant tout didac­tique, est encore très simple, mais il prend en compte autant les fac­teurs médi­caux qu’en­to­mo­lo­giques. C’est un modèle dis­cret à com­par­ti­ments. Les boîtes concernent les sujets récep­tifs, infes­tés, les accès palustres, les immu­ni­tés acquises, etc. Chaque incré­men­ta­tion men­suelle appelle des équa­tions en dif­fé­rences finies qui font pas­ser des sujets de boîte en boîte. Notre modèle com­porte 6 com­par­ti­ments et 13 for­mules de tran­si­tion. Au centre du dis­po­si­tif aurait dû inter­ve­nir la loi de Pois­son pour l’in­ci­dence des nou­veaux cas (impli­cite pour McDo­nald) mais il est alors impos­sible d’a­jus­ter obser­va­tions et mesures.
    L’im­por­tance de la sen­si­bi­li­té (ou réci­pro­que­ment : de la résis­tance natu­relle) de la popu­la­tion afri­caine au fal­ci­pa­rum nous a paru évi­dente. Res­tait à lui don­ner une forme mathé­ma­tique. Nous avons pen­sé à une loi gam­ma d’Eu­ler avec ses deux para­mètres b et k d’é­chelle et de forme. Un para­mètre k < 1 conduit à une dis­tri­bu­tion de sen­si­bi­li­té très asy­mé­trique à gauche, k = 1 mène à l’ex­po­nen­tielle décrois­sante, pour k > 1 la dis­tri­bu­tion devient log-nor­male d’a­bord, nor­male enfin pour k = 5 et plus. De fait, cette loi per­met un ajus­te­ment facile. Autre avan­tage, si le risque moyen est dis­tri­bué dans la popu­la­tion selon une loi gam­ma de moyenne h et de variance v il résulte que la dis­tri­bu­tion des infec­tions dans la popu­la­tion suit une loi bino­miale néga­tive (loi de Pas­cal) de moyenne h et de variance h + v.
    Dans la loi de Pois­son la variance est égale à la moyenne h, dans la bino­miale néga­tive elle est plus grande, et la dif­fé­rence est la variance de la dis­tri­bu­tion du risque dans la popu­la­tion d’o­ri­gine. Les para­mètres ont un sens iden­ti­fié, c’est impor­tant. Notre for­mule de trans­mis­sion devient, avec i l’in­ci­dence de la mala­die pour trente jours, S l’ef­fec­tif des insectes infec­tants, k le para­mètre d’échelle :
    i = 1- (1 + abS/Nk)-30k
    Un choix unique de para­mètres b et k per­met un ajus­te­ment réa­liste et robuste des obser­va­tions de malades et des mesures ento­mo­lo­giques sur deux ordres de gran­deur, de i = 0,005 à i = 0,50 au même lieu, sur douze mois, dans la zone pilote de Bobo-Dioulasso.
    Nous avons pu actua­li­ser de cette façon le R0 déjà cité qui devient, en pre­nant R le com­par­ti­ment des récep­tifs : (Rj/G) k Log (1 + (abS/N)/k). Notre cal­cul conduit alors à une valeur moyenne annuelle de 1, com­pa­tible avec la fla­grante sta­bi­li­té du palu­disme dans cette même région.

    Docteur Jean Dutertre, épidémiologiste

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