L’Invitation au château

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°540 Décembre 1998Par : ANOUILH, mise en scène de J.-C. Brialy, avec Hélène Duc, André Falcon, Nicolas Vaude et d’autres.Rédacteur : Philippe OBLIN (46)

Il y a tou­jours un grand charme à écou­ter, et regar­der, de bons comé­diens jouer Anouilh. Ce fut le cas cet été, où Jean-Claude Bria­ly et son fes­ti­val d’Anjou nous auront enchan­tés avec L’Invitation au château.

Je suis de ceux qui pensent que le bon théâtre doit tou­jours réser­ver une part à la fée­rie. La scène est un lieu d’irréalité, et n’a pas à redou­ter de s’affirmer telle ; quoi de plus irréel que les comé­dies de Sha­kes­peare, les farces de Molière ou cer­taines des tra­gé­dies bien éche­ve­lées de Cor­neille, qui tant émer­veillaient Bra­sillach ? L’extravagance des situa­tions, pous­sée jusqu’à l’invraisemblable, voire le far­fe­lu, est le théâtre même, à condi­tion pour­tant que les dia­logues, jaillis­se­ment d’humour ou de poé­sie selon le genre, demeurent ancrés dans le naturel.

Pour avoir sai­si cette loi uni­ver­selle du théâtre, et s’y être plié avec le res­pect que donne la maî­trise d’un métier – quel qu’il soit d’ailleurs – Anouilh est, à mon sens, l’un des plus grands dra­ma­turges de l’histoire du théâtre.

Le sujet de L’Invitation au châ­teau n’a ni queue ni tête, mais peu importe du moment que l’œil, l’oreille et l’esprit y trouvent leur compte. Ils l’y trouvent et, en l’occurrence, la mise en scène de M. Bria­ly ajou­tait à la fas­ci­na­tion par son natu­rel et son exquise fidé­li­té au texte.

M. Nico­las Vaude inter­pré­tait les jumeaux Horace et Fré­dé­ric, pas­sant du cynisme du pre­mier à la can­deur timide du second avec tant d’aisance que c’en était une fête.

M. André Fal­con nous don­nait un finan­cier désa­bu­sé, las de gagner des mil­lions, d’avoir mal au foie, de ne boire que de l’eau, de ne man­ger que des nouilles sans beurre, mais ébloui de ren­con­trer, pour la pre­mière fois de sa car­rière, une ingé­nue – ravis­sante d’ailleurs – qui n’aime pas l’argent et déchire les billets de banque, à la res­pec­tueuse stu­pé­fac­tion d’un maître d’hôtel si bien sty­lé que, de sa vie, il n’a osé s’asseoir dans un fau­teuil de salon.

Le reste de la dis­tri­bu­tion était à l’avenant, sans aucune fai­blesse ni fausse note.

De l’excellent théâtre. Si la pièce est reprise cet hiver, sur une scène pari­sienne ou ailleurs, comme ce fut le cas pour le Châ­teau en Suède du fes­ti­val d’Anjou 1997, je ne man­que­rai pas de vous le signa­ler, pour que vous y cou­riez. Vous y trou­ve­rez en effet bien du contentement

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