Ligne nouvelle Paris-Normandie :

Dossier : Le Grand Paris : Les territoires, espaces d‘anticipationMagazine N°676 Juin/Juillet 2012
Par Hubert du MESNIL (69)

« Fai­sons enfin le choix stra­té­gique que nous dicte la géo­gra­phie : Le Havre, c’est le port du Grand Paris et la Seine est l’axe nour­ri­cier autour duquel la métro­pole à voca­tion à s’ordonner. »

La volon­té de don­ner à Paris une façade mari­time impose le rap­pro­che­ment de Paris et du Havre

Le dis­cours du pré­sident de la Répu­blique Nico­las Sar­ko­zy du 29 avril 2009 marque une étape clé dans l’histoire des rela­tions entre Paris et la Nor­man­die. La volon­té de don­ner à Paris une façade mari­time pour la doter de tous les atouts dans la com­pé­ti­tion mon­diale impose le rap­pro­che­ment de Paris et du Havre, et pour y par­ve­nir un grand pro­jet ferroviaire.

C’est d’une cer­taine façon l’acte de nais­sance du pro­jet de LPLN.

REPÈRES
Les chiffres clés du pro­jet de la nou­velle ligne fer­ro­viaire Paris-Nor­man­die (LPLN) : 280 km de ligne nou­velle, plus 90 km de rac­cor­de­ments ; 10 à 12 mil­liards d’euros dont la moi­tié en Nor­man­die, et une vitesse de 250 km/h. Objec­tifs de temps de par­cours : Paris-Rouen en 45 minutes au lieu de 1h08 ; Paris-Le Havre en 1h15 au lieu de 2h02 ; Paris-Caen en 1h15 au lieu de 1h47.

Vision globale

La concep­tion et l’économie du pro­jet pré­sen­té au débat public d’octobre 2011 à février 2012 sont très éloi­gnées du pro­jet ini­tial de ligne à grande vitesse qui se foca­li­sait sur le seul enjeu des gains de temps entre Paris et les régions normandes.

Un pre­mier pro­jet en 1991
Un pro­jet de LGV figu­rait déjà au sché­ma direc­teur des LGV de 1991, mais avec une ren­ta­bi­li­té faible qui a conduit pro­gres­si­ve­ment au cours des années à rame­ner les ambi­tions à des amé­na­ge­ments du réseau exis­tant et à recher­cher des syner­gies avec les pro­jets fran­ci­liens et en par­ti­cu­lier le pro­lon­ge­ment du RER E à l’ouest. Ce tra­vail avait néan­moins per­mis de faire recon­naître la néces­si­té d’investir entre Paris et Mantes et de dou­bler la ligne actuelle, là où coha­bitent dif­fi­ci­le­ment aujourd’hui les cir­cu­la­tions rapides venant de Nor­man­die et les cir­cu­la­tions fran­ci­liennes, pour répondre aux enjeux de capa­ci­té et de régularité.

Il s’agit désor­mais d’un pro­jet glo­bal d’évolution du réseau qui répond à des objec­tifs mul­tiples comme l’amélioration des rela­tions entre les deux régions nor­mandes, la dif­fu­sion des effets du pro­jet à l’ensemble des ter­ri­toires à tra­vers un sys­tème de des­sertes caden­cées et orga­ni­sées autour de nœuds de cor­res­pon­dance per­for­mants à Rouen ou Caen et via une orga­ni­sa­tion har­mo­nieuse des des­sertes natio­nales, régio­nales et périurbaines.

Il offre par ailleurs l’opportunité de faire évo­luer l’organisation des des­sertes fran­ci­liennes (ren­for­ce­ment du futur RER E, évo­lu­tion du RER A, déve­lop­pe­ment du maillage des lignes radiales avec les pro­jets de tan­gen­tielles Nord et Ouest), ce qui consti­tue un moteur puis­sant pour l’utilité éco­no­mique du pro­jet et pour son accep­ta­bi­li­té locale en Île-de France.

Un corridor européen du fret

Le trans­port de fret s’est pro­gres­si­ve­ment impo­sé comme l’un des enjeux majeurs du pro­jet. Il est signi­fi­ca­tif que la réunion publique la plus fré­quen­tée se soit située au Havre à l’occasion de la réunion thé­ma­tique consa­crée au fret, avec plus de 800 per­sonnes. L’axe Paris-Le Havre relie le prin­ci­pal port natio­nal et le plus grand bas­sin de consom­ma­tion. Le mode fer­ro­viaire doit jouer un rôle majeur dans le ren­for­ce­ment du posi­tion­ne­ment des ports du Havre et de Rouen à l’échelle euro­péenne. Son ins­crip­tion dans les cor­ri­dors euro­péens de fret marque la recon­nais­sance du rôle de l’axe Seine, qui est d’une cer­taine façon sym­bo­lique pour le fret fer­ro­viaire national.

Des gares accessibles et commodes

Nou­velles gares
À Rouen, une gare nou­velle, située sur la rive gauche de la Seine, per­met­tra de cumu­ler les avan­tages de la cen­tra­li­té urbaine et de la capa­ci­té à consti­tuer un puis­sant hub régio­nal de trans­port col­lec­tif. L’idée d’une gare nou­velle sur le site de Nan­terre-La Folie répond aux mêmes moti­va­tions avec une connexion per­for­mante aux lignes A et E du RER, ain­si qu’au futur métro auto­ma­tique, tout en assu­rant l’accès au pôle de La Défense.

Les gares et plus glo­ba­le­ment l’intermodalité consti­tuent un autre enjeu majeur. Alors que les temps de par­cours fer­ro­viaires entre les grandes villes nor­mandes et Paris sont rela­ti­ve­ment faibles, il est impor­tant d’optimiser pour le voya­geur l’ensemble de son par­cours porte à porte afin qu’il ne perde pas ailleurs les pré­cieuses minutes gagnées grâce à la ligne nou­velle. L’accès aux gares et la ges­tion des flux à l’intérieur de celles-ci sont donc déter­mi­nants. Le choix des gares exis­tantes est glo­ba­le­ment privilégié.

Travailler à diverses échelles

Dans le cadre du Grand Paris, le pro­jet de Ligne nou­velle Paris-Nor­man­die est aty­pique. Il élar­git le Grand Paris à des ter­ri­toires plus vastes et offre une oppor­tu­ni­té de déve­lop­pe­ment à ces der­niers. Il répond tout autant à des enjeux de trans­port qu’à des enjeux d’aménagement du ter­ri­toire, depuis l’insertion de l’axe Seine dans une logique euro­péenne et mon­diale jusqu’à l’organisation du quar­tier des gares dans les villes desservies.

S’adapter au territoire
Il faut inno­ver pour trou­ver des solu­tions fer­ro­viaires adap­tées aux carac­té­ris­tiques du ter­ri­toire. Sur les dis­tances à par­cou­rir, une vitesse de 250 km/h est suf­fi­sante pour atteindre les objec­tifs rete­nus. L’ensemble des réfé­ren­tiels doit donc être revi­si­té : maté­riel, mode de des­serte, répar­ti­tion de la charge de finan­ce­ment, etc.

La capa­ci­té à créer des syner­gies entre ces enjeux de trans­port et d’aménagement, tout en pre­nant en compte très en amont les enjeux du finan­ce­ment et de créa­tion de valeur, repré­sente un exer­cice dif­fi­cile, exi­geant et inno­vant. C’est la condi­tion pour qu’un pro­jet glo­bal, cohé­rent et par­ta­gé puisse émer­ger, en fai­sant en sorte que les éner­gies s’additionnent au lieu de se neu­tra­li­ser et que les pro­jets de ter­ri­toire et de trans­port se ren­forcent mutuellement.

Cela implique un tra­vail à plu­sieurs échelles avec les par­te­naires appro­priés, avec la néces­si­té d’entretenir et de renou­ve­ler une vision du pro­jet glo­bal à l’échelle de l’axe Seine, tout en tra­vaillant à l’échelle locale avec les partenaires.

Intégrer l’aménagement local

Ce pro­jet élar­git le Grand Paris à des ter­ri­toires plus vastes

Pour faire de ce pro­jet un pro­jet moderne, les bases sont mises en place : un cadre de gou­ver­nance avec le récent décret de créa­tion d’une Confé­rence pour le déve­lop­pe­ment de la Val­lée de la Seine ; les pers­pec­tives de finan­ce­ment ; les carac­té­ris­tiques prin­ci­pales du pro­jet et les attentes des acteurs expri­mées lors du débat public, syn­thé­ti­sées dans la déci­sion de pour­suivre le pro­jet, prise par le conseil d’administration de RFF le 5 avril 2012.

L’articulation des réflexions à l’échelle des pro­jets de lignes nou­velles fer­ro­viaires d’une part, de l’aménagement local d’autre part, est la clé de la réus­site du pro­jet et de son inté­gra­tion, de sa dura­bi­li­té et de son acceptabilité.

Don­ner davan­tage de sens au pro­jet fer­ro­viaire et l’inscrire dans une pers­pec­tive ter­ri­to­riale forte et mobi­li­sa­trice pour les acteurs du ter­ri­toire : un défi à rele­ver qui peut être une source d’inspiration pour d’autres pro­jets et d’autres territoires.

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