L’humanité face au changement climatique

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°654 Avril 2010Par : Robert DAUTRAY (49) et Jacques LESOURNE (48)Rédacteur : Bernard ESAMBERT (54)Editeur : Editions Odile Jacob - 2009

Voi­ci la bible du réchauf­fe­ment cli­ma­tique et de l’emprunte éco­no­mique et tech­no­lo­gique de l’humanité sur le globe. Et il sera dif­fi­cile de trou­ver ailleurs autant d’informations scien­ti­fiques sur ces deux thèmes et sur l’interaction entre les chan­ge­ments cli­ma­tiques et le vivant tout au long de l’histoire de la Terre.

On apprend dans l’ouvrage prin­ci­pal et les nom­breux appen­dices, notes et glos­saire qui l’enchâssent, que la tem­pé­ra­ture de notre pla­nète, après avoir for­te­ment et bru­ta­le­ment varié dans les temps géo­lo­giques, s’est sta­bi­li­sée depuis une dizaine de mil­liers d’années. Elle s’accroît depuis 1800 en par­faite cor­ré­la­tion avec le taux de gaz car­bo­nique dans l’atmosphère.

La crois­sance de CO2 pré­cède celle de la tem­pé­ra­ture, la vapeur d’eau joue un rôle plus impor­tant que les autres gaz à effet de serre dans l’opacification de la Terre mais sa for­ma­tion accom­pagne celle du gaz car­bo­nique, les taches solaires ne sont pour rien dans le réchauf­fe­ment déjà consta­té depuis plu­sieurs décennies.

Scénarios possibles

Couverture du livre : L'humanité face au changement climatiqueAprès avoir résu­mé et dis­cu­té l’éventail des scé­na­rios pos­sibles, dont celui médian qui chiffre l’augmentation de tem­pé­ra­ture en 2030 à envi­ron 2 à 3 °C, les auteurs passent en revue le sys­tème éner­gé­tique et ses acteurs, la poli­tique des grandes régions du monde face à cette menace. Ils vont d’une Europe ayant accep­té les enga­ge­ments de Kyo­to jusqu’aux réserves des pays émer­gents qu’on peut plus faci­le­ment com­prendre tant le besoin d’une crois­sance sou­te­nue est vital pour eux. Sont aus­si évo­qués le niveau des océans (22 à 80 cm d’élévation d’ici la fin du siècle), le cycle de l’eau douce (3,9 mil­liards de per­sonnes vivant bien­tôt dans des régions de fort stress hydrique), les conflits pour le sol, les évé­ne­ments cli­ma­tiques extrêmes.

Qu’attendre des tech­no­lo­gies éner­gé­tiques ? Mal­gré la pro­fu­sion des recherches scien­ti­fiques et tech­no­lo­gi­que­sen cours, la modi­fi­ca­tion des com­po­santes du bilan éner­gé­tique mon­dial sera lente et pro­gres­sive et il faut impé­ra­ti­ve­ment recher­cherdes éco­no­mies d’énergie.

Quatre périodes

Sur le calen­drier de la tran­si­tion, un cha­pitre décom­pose le siècle en quatre périodes suc­ces­sives : 2008−2010,2020−2030, 2030–2050, au-delà de 2050, le milieu du siècle pou­vant débou­cher aus­si bien sur un pro­blème à moi­tié réso­lu que sur le choc d’un retard néces­si­tant quelques décen­nies sup­plé­men­taires d’effort.

Compte tenu des vitesses d’adaptation des socié­tés humaines, et sur­tout de mise en oeuvre du pro­grès tech­no­lo­gique, les auteurs ne nous cachent pas que c’est plu­tôt lors de la pre­mière moi­tié du XXIIe siècle que l’humanité devrait arri­ver à inver­ser l’évolution des tem­pé­ra­tures. D’ici là, l’adaptation des com­por­te­ments et les dépla­ce­ments géo­gra­phiques ryth­me­ront la vie de nos enfants et petits-enfants qui pour­ront avoir à faire face à des crises géo­po­li­tiques et sociales de grande ampleur.

Quant à la France qui ne compte que pour 1% de la popu­la­tion mon­diale, mais qui se veut éclai­reur de pointe d’un monde débous­so­lé, son pre­mier sou­ci doit être de confor­ter ses atouts dans le domaine nucléaire en réglant les pro­blèmes res­tants (déchets, accent sur la surrégénération,réduction de la menace de pro­li­fé­ra­tion), de se pré­oc­cu­per des pro­blèmes de l’eau douce, de faire du vol­taïque et des maté­riaux un pro­jet natio­nal. Ain­si pour­rait-elle défri­cher uti­le­ment le champ de la grande tran­si­tion du XXIe siècle.

Mal­gré ce cha­pitre final sur le rôle­po­si­tif dévo­lu à un Hexa­gone qui doit ense­men­cer l’Union euro­péenne, l’ouvrage ne pèche pas par excès d’optimisme.

Avancer résolument

Encore un livre de pro­phètes de mal­heur recher­chant un public avide de se faire peur dira-t-on. Rien n’est plus éloi­gné de la véri­té, tant les auteurs sont des scien­ti­fiques de haute volée.

Robert Dau­tray, membre de l’Académie des sciences a été Haut-Com­mis­saire à l’énergie ato­mique et c’est grâce à ses connais­sances en matière deda­ta­tion radio­ac­tive et de pro­por­tions iso­to­piques qu’il a pu véri­fier et mesu­rer les évo­lu­tions de la tem­pé­ra­ture depuis le Cam­brien et se livrer à uncer­tain nombre de cal­culs sur le trans­fert radia­tif lié au rayon­ne­ment du Soleil1 nous parvenant.

Jacques Lesourne, ancien pré­sident de l’Association fran­çaise de science éco­no­mique, ancien direc­teur du jour­nal Le Monde et auteur de plu­sieurs ouvrages éco­no­miques, fait auto­ri­té dans l’économie et la pros­pec­tive et on ne peut le soup­çon­ner davan­tage de s’aventurer dans l’à peu-près et le spectaculaire.

Alors que faire ? Avan­cer réso­lu­ment sur le che­min d’un Copen­hague mar­quant cette fois une tan­gible soli­da­ri­té pla­né­taire sur la trans­for­ma­tion de notre sys­tème éner­gé­tique sous tous ses aspects (il y a du tra­vail pour les poly­tech­ni­ciens !) et espé­rer que dans l’espace de liber­té des pré­vi­sions les mieux argu­men­tées, le pire ne sera pas au rendez-vous.

1. Il faut lire en par­ti­cu­lier, dans l’une des annexes, l’extraordinaire récit des ava­tars d’un pho­ton d’origine solaire dans la troposphère

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