Les stratégies de prix du leader

Dossier : Entreprise et managementMagazine N°579 Novembre 2002
Par Jean ESTIN

Les métiers où la part de marché a de la valeur

Dans les métiers où la part de mar­ché a de la valeur, le lea­der a tou­jours inté­rêt à bais­ser ses prix pour concen­trer l’in­dus­trie. Et il est le seul à pou­voir le faire.

Dans ces métiers, par défi­ni­tion, le lea­der a des coûts struc­tu­rel­le­ment plus bas que ceux de ses concur­rents. Toute baisse des prix de sa part en des­sous des coûts com­plets – ou mieux, des coûts cash1 – du ou des concur­rents mar­gi­naux per­met d’é­li­mi­ner ceux-ci et d’aug­men­ter sa part de mar­ché à leurs dépens.

Cette aug­men­ta­tion se tra­duit elle-même en coûts plus bas, ce qui per­met de main­te­nir la ren­ta­bi­li­té tout en croissant.

Il est aisé de démon­trer que toute autre stra­té­gie est sous-opti­male à moyen terme (tableau 2).

Dans toute indus­trie où les effets d’é­chelle sont impor­tants (auto­mo­bile, télé­com­mu­ni­ca­tions, micro­pro­ces­seurs…), la stra­té­gie opti­male pour le lea­der est de concen­trer l’in­dus­trie à son pro­fit. La poli­tique de prix est l’arme abso­lue pour y par­ve­nir. Le lea­der qui ne l’u­ti­lise pas perd son avan­tage struc­tu­rel et se fait dépas­ser à moyen terme.

Tableau 2 – Stra­té­gie du leader

– a –
Les concur­rents baissent leurs prix
 
– b –
Les concur­rents ne suivent pas et réduisent leurs volumes

– 1 –
Le leader
baisse ses prix
– 2 –
Le lea­der ne baisse pas
ses prix et réduit
ses parts de marché
Le lea­der gagne 
(Il est le seul à pou­voir mener la lutte finan­ciè­re­ment à long terme)
Le lea­der perd à long terme
(Son avan­tage struc­tu­rel se réduit à long terme)
Le lea­der gagne 
(L’écart de coûts se creuse)
Le lea­der ne concentre pas l’industrie
(Le risque est éle­vé de voir des pro­duits de sub­sti­tu­tion ou des nou­veaux entrants chan­ger la donne)

 
IBM a ain­si bais­sé ses marges sur les grands sys­tèmes
(main­frame) dès que le mar­ché a été mis en péril par les ser­veurs et l’in­for­ma­tique décen­tra­li­sée. De plus de 70 % au début des années quatre-vingt, la marge brute est tom­bée à envi­ron 25 à 30 % aujourd’­hui mais reste néan­moins éle­vée. Ceci lui a per­mis de limi­ter l’é­ro­sion du mar­ché, d’é­vi­ter la prise de part de mar­ché par de nou­veaux entrants, et de main­te­nir un niveau de ren­ta­bi­li­té satisfaisant.

Plus l’in­dus­trie est en forte crois­sance et plus les baisses de prix peuvent être fortes (les coûts décroissent avec les volumes, d’une part ; le niveau de prix en des­sous des coûts de déve­lop­pe­ment d’un concur­rent mar­gi­nal – voire d’un concur­rent proche – dis­suade les inves­tis­se­ments de celui-ci, d’autre part).

Un exemple est celui de l’in­dus­trie des micro­pro­ces­seurs où année après année, à tra­vers l’a­mé­lio­ra­tion de la puis­sance des puces et la baisse des coûts induits, les prix baissent en moyenne d’en­vi­ron 25 % par an  depuis vingt ans (à puis­sance équi­va­lente) et Intel concentre pro­gres­si­ve­ment l’industrie à son pro­fit tout en main­te­nant des ren­ta­bi­li­tés nettes sur fonds propres de 30 %.

À l’in­verse, plus l’in­dus­trie est mûre et déjà for­te­ment concen­trée, plus les baisses de prix doivent être modu­lées. Il y a en effet une limite à par­tir de laquelle l’ac­crois­se­ment des parts de mar­ché et des effets d’é­chelle rap­porte moins que la baisse des marges.

La tac­tique a donc son impor­tance. La ques­tion est bien sûr de ne pas » surin­ves­tir » en bais­sant les prix, par exemple de 6 à 7 % par an, alors que l’on pour­rait obte­nir le même résul­tat avec des baisses de 3 à 4 %. La dif­fé­rence en termes de ren­ta­bi­li­té, de valeur bour­sière et de cash-flows dis­po­nibles pour finan­cer la crois­sance est signi­fi­ca­tive. Or les bench­marks de prix de mar­ché n’existent pas puisque le prix est jus­te­ment fait par le leader.

Les lea­ders fixent donc sou­vent leurs prix avec une vision » interne « , en fonction :

  • soit de leurs coûts actuels, avec un objec­tif de ren­ta­bi­li­té mini­male supé­rieur au coût du capi­tal ou per­met­tant de finan­cer la crois­sance de l’activité ;
  • soit, de façon plus agres­sive, de leurs coûts poten­tiels à un ou deux ans, en inté­grant des gains de parts de mar­ché et des effets d’é­chelle potentiels.


En fait, le calage ration­nel du niveau de prix opti­mal pour concen­trer l’in­dus­trie devrait dépendre uni­que­ment de deux facteurs :

  • d’une part, du coût des concur­rents mar­gi­naux que l’on sou­haite éli­mi­ner ou dis­sua­der d’in­ves­tir, des coûts de sor­tie de ces concur­rents et des sub­ven­tions pos­sibles au sein de leur por­te­feuille d’activité ;
  • d’autre part, de l’im­por­tance des effets d’é­chelle addi­tion­nels per­mis par les gains de volumes.


Ces élé­ments s’a­na­lysent (ils sont en fait plus sou­vent dis­po­nibles qu’on le croit) et s’arbitrent.

Le niveau de prix résul­tant de cette approche est sou­vent 2 à 3 % supé­rieur, en moyenne, à ce qu’une simple approche à par­tir des coûts du lea­der indi­que­rait, tout en per­met­tant les mêmes résultats.

L’a­na­lyse et la modé­li­sa­tion des coûts et des marges de manœuvre des concur­rents mar­gi­naux – ou plus proches, car il s’a­git autant d’é­li­mi­ner les mar­gi­naux que de dis­sua­der d’in­ves­tir les concur­rents plus dan­ge­reux – sont donc un outil fon­da­men­tal d’op­ti­mi­sa­tion de la poli­tique de prix.

Les métiers où la part de marché a peu de valeur

Dans les métiers où la part de mar­ché a peu de valeur (tex­tile, acier, pro­duc­tion d’élec­tri­ci­té…), la situa­tion est plus com­plexe. Per­sonne n’a inté­rêt à ce que les prix baissent struc­tu­rel­le­ment, puisque per­sonne ne peut échan­ger des baisses de prix contre des baisses struc­tu­relles de coûts (les volumes sup­plé­men­taires n’en­traînent pas néces­sai­re­ment des coûts signi­fi­ca­ti­ve­ment plus faibles).

Tableau 4 – Stra­té­gie du leader

– a –
Les concur­rents baissent leurs prix
 
– b –
Les concur­rents ne baissent pas leurs prix et réduisent leurs volumes

– 1 –
Le leader
baisse ses prix
– 2 –
Le lea­der réduit
ses volumes
Tout le monde perd
(Les marges baissent)
Pas de gains struc­tu­rels pour les concurrents ;
dépend des conta­gions à la baisse pour le leader
Pas de gains struc­tu­rels pour les concurrents ;
dépend des conta­gions à la baisse pour le leader
Tout le monde gagne
(Les marges remontent)


Dans ces métiers, les coûts dépendent davan­tage du taux de rem­plis­sage des capa­ci­tés, des coûts des fac­teurs, des tech­no­lo­gies uti­li­sées… et non de l’é­chelle de pro­duc­tion. Le lea­der n’y a pas d’a­van­tage struc­tu­rel. Les dif­fé­rences de coûts entre acteurs sont faibles. Un petit concur­rent asia­tique avec des coûts de fac­teurs faibles et une usine, soit amor­tie, soit avec une tech­no­lo­gie plus moderne, peut même y obte­nir des coûts plus com­pé­ti­tifs que les grands lea­ders implan­tés dans les pays indus­triels à haut coûts de fac­teurs. (Ain­si les » mini-mil­ls  » et de nou­veaux petits acié­ristes ont, il y a trente ans, mis à mal les grands opé­ra­teurs éta­blis aux USA. Ils sont aujourd’­hui, à leur tour, mena­cés par les pro­duc­teurs asia­tiques qui pro­fitent de coûts de fac­teurs plus favo­rables.)

Le lea­der n’a donc jamais inté­rêt à bais­ser les prix pour conqué­rir des parts de mar­ché. Celles-ci ne seront pas trans­for­mées en coûts plus com­pé­ti­tifs et ses marges seront donc dégra­dées. La struc­ture de l’in­dus­trie ne sera pas non plus amé­lio­rée parce que deux ou trois concur­rents mar­gi­naux auront dis­pa­ru. La courbe d’offre risque de n’en être que plus plate et le prix d’é­qui­libre sur le mar­ché encore plus proche du coût du leader.

À l’in­verse, le lea­der a‑t-il inté­rêt à dimi­nuer ses volumes pour faire aug­men­ter le prix du mar­ché, et ses marges ?

Deux exemples illus­trent les dif­fé­rences signi­fi­ca­tives qui peuvent exis­ter entre les dyna­miques de prix de dif­fé­rentes industries :
• à fort effet d’échelle et forte crois­sance, d’une part ;
• à faibles effets d’échelle et faible crois­sance, d’autre part.

Évo­lu­tion du prix des D‑RAM (en dol­lars constants)

Évolution du prix des D-RAM (en dollars constants)Dans l’industrie des semi-conduc­teurs, les prix à puis­sances com­pa­rables baissent en moyenne d’environ 23 % par an, depuis vingt-cinq ans, en dol­lars constants (hors inflation).

Évo­lu­tion du prix de l’aluminium pri­maire USA (en dol­lars constants)

Évolution du prix de l’aluminium primaire USA (en dollars constants)

Dans l’aluminium, les prix ont bais­sé d’environ 2 % par an sur trente ans en mon­naie constante. L’ampleur des cycles de prix est d’environ 100 % (entre le point haut et le point bas, sur une période de dix ans) et est plus grande que la baisse de prix ten­dan­cielle sur la même période.

Dans ces deux indus­tries, dont les crois­sances, les effets d’échelle, les baisses de coûts et les dyna­miques concur­ren­tielles sont dif­fé­rents, les stra­té­gies de prix seront bien sûr différentes.

Il faut d’a­bord que son pou­voir de mar­ché soit suf­fi­sant (il faut qu’il ait une part de mar­ché impor­tante dont la varia­tion soit sus­cep­tible de peser sur l’é­qui­libre offre demande) ; que la pente de la courbe d’offre soit suf­fi­sante pour entraî­ner des coûts plus éle­vés sur les volumes mar­gi­naux ; que les coûts de déve­lop­pe­ment de nou­veaux entrants poten­tiels soient suf­fi­sam­ment éle­vés pour qu’il n’y ait pas une menace per­ma­nente de nou­velles capa­ci­tés ou de sub­sti­tu­tion tech­no­lo­gique ; enfin il vaut mieux que les grands concur­rents immé­diats mènent la même poli­tique et par­tagent le coût de restruc­tu­ra­tion des capa­ci­tés de l’in­dus­trie. Sinon ils béné­fi­cie­ront des aug­men­ta­tions de prix résul­tant de la poli­tique de réduc­tion de volumes ini­tiée par le lea­der, sans devoir consen­tir les inves­tis­se­ments de restruc­tu­ra­tion correspondants.

On voit l’i­né­luc­table dyna­mique des indus­tries sans effets d’é­chelle dans le tableau 4 ci-des­sous. Tout le monde a inté­rêt à gérer les volumes de façon à opti­mi­ser les prix. Mais seuls le lea­der et ses grands concur­rents, lors­qu’ils repré­sentent iso­lé­ment ou conjoin­te­ment une part de mar­ché signi­fi­ca­tive, ont le pou­voir d’in­fluen­cer ces prix. À l’ex­trême, cette dyna­mique pro­duit des car­tels tran­si­toires voire des rup­tures dans l’offre (comme dans l’élec­tri­ci­té au prin­temps 2001 en Californie).

On com­prend éga­le­ment, et à l’in­verse, pour­quoi cette situa­tion opti­male pour les acteurs tarde sou­vent à se pro­duire lorsque l’in­dus­trie subit un choc (déré­gu­la­tion, baisse de la demande, aug­men­ta­tions signi­fi­ca­tives de capa­ci­tés…). Les coûts dépendent for­te­ment des taux de rem­plis­sage dans ces indus­tries. Les stra­té­gies de réac­tion à court terme des acteurs conduisent donc sou­vent à des spi­rales de prix à la baisse (sans effet struc­tu­rel sur le rem­plis­sage des capa­ci­tés tant que l’é­qui­libre glo­bal offre demande n’est pas réa­li­sé) avant de se reca­ler sur des stra­té­gies opti­males de long terme (réajus­te­ment des volumes).

Ain­si, dans le trans­port aérien, la déré­gu­la­tion et les sur­ca­pa­ci­tés des années 1990–1994 ont entraî­né des chutes de prix géné­ra­li­sées allant jus­qu’à 40 % et condui­sant à des ren­ta­bi­li­tés sur capi­taux propres néga­tives de – 5 % à – 50 % pour les grandes com­pa­gnies aériennes amé­ri­caines et euro­péennes (à l’ex­cep­tion de Bri­tish Air­ways), tous les acteurs essayant vai­ne­ment de rem­plir leurs capa­ci­tés en bais­sant les prix. Les prix sont remon­tés de façon seg­men­tée jus­qu’à plus de 50 %, dans les années 1995–2000, grâce à l’a­jus­te­ment des capa­ci­tés et à la forte crois­sance du trans­port aérien, entraî­nant des ren­ta­bi­li­tés sur fonds propres de + 10 % à + 40 % sur la période.

La crise éco­no­mique récente (2001) entraîne à nou­veau une forte sur­ca­pa­ci­té, mais à la dif­fé­rence du début des années quatre-vingt-dix, les com­pa­gnies aériennes semblent cette fois choi­sir d’op­ti­mi­ser rapi­de­ment leurs capa­ci­tés (les avions sont sto­ckés dans le Neva­da) plu­tôt que de bra­der leurs prix.

Dans cette situa­tion éga­le­ment, en termes tac­tiques, l’im­por­tant est de ne pas caler ses prix uni­que­ment sur ses coûts de pro­duc­tion (et sur­tout pas sur les coûts de pro­duc­tion variables, sauf pour des tac­tiques de très court terme). Comme dans le cas pré­cé­dent, il n’y a pas non plus de » mar­ché » ser­vant de bench­mark.

Le calage ration­nel des prix doit inté­grer les élé­ments “ externes ” (struc­ture concur­ren­tielle, coûts des concur­rents…) et non seule­ment “ internes ” (coûts de lea­der aujourd’hui ou demain).

Dans l’exemple ci-des­sous (mine­rais non fer­reux), le lea­der a calé ses prix de façon à cou­vrir ses coûts du capi­tal et finan­cer sa crois­sance. Un prix supé­rieur de 8% per­met­trait tout autant l’éviction des concur­rents mar­gi­naux tout en aug­men­tant les résul­tats. Enjeu annuel : un manque à gagner de 83 mil­lions d’euros de résul­tat avant impôts.

Mine­rais non ferreux

Le calage sur les coûts des concur­rents mar­gi­naux (en coûts com­plets ou en coûts cash, à taux de rem­plis­sage par­tiel ou total) est donc là aus­si la clé. Il n’empêche pas les mou­ve­ments tac­tiques à la hausse ou à la baisse sur des clients spé­ci­fiques et des périodes tran­si­toires, mais per­met d’en­ca­drer l’ac­tion des forces com­mer­ciales, de limi­ter les conta­gions à la baisse (sur­tout en période de réces­sion) et d’op­ti­mi­ser les marges de façon significative.

Dans les mar­chés en forte crois­sance, les prix pour­ront se caler sur les coûts com­plets des concur­rents mar­gi­naux ou sur ceux des nou­velles capa­ci­tés à bâtir, si ceux-ci sont supé­rieurs. Dans les mar­chés à matu­ri­té (voire en réces­sion), ou en sur­ca­pa­ci­té, ils se base­ront davan­tage sur les coûts cash des concur­rents marginaux.

Les métiers où la part de marché a peu de valeur et où l’industrie est fragmentée

Dans les métiers où la part de mar­ché a peu de valeur, et où, de plus, le lea­der a des parts de mar­ché faibles en pour­cen­tage de l’en­semble du mar­ché (moins de 5 à 10 %) la situa­tion est sans ambi­guï­té. Le lea­der n’a en mains ni le levier des coûts (il n’y a pas ou plus de dif­fé­rences struc­tu­relles entre concur­rents), ni celui des prix (il n’y a pas de pou­voir de mar­ché). Il ne peut que subir les évo­lu­tions des prix de mar­ché. (C’est d’ailleurs la seule situa­tion où un tel mar­ché » imma­nent » existe.)

Aucun grand groupe ne peut créer dura­ble­ment de la valeur dans de tels mar­chés et en l’ab­sence de ces deux leviers. Il n’y a pas de stra­té­gie de prix » utile « .

Qu’en conclure ?

Dimi­nuer les prix et les coûts de façon struc­tu­relle et conti­nue est la seule stra­té­gie gagnante à long terme pour une entre­prise lea­der dans des métiers à fort effet d’é­chelle.

Pour­quoi l’alignement par le lea­der de ses prix sur ses coûts (plus marges) n’est-il pas une stra­té­gie opti­male ? Parce que l’effet d’échelle à tra­vers une indus­trie n’est pas le même que l’effet d’échelle pour un concur­rent don­né. La rai­son en est que les dif­fé­rents moyens de pro­duc­tion ont des âges dif­fé­rents, uti­lisent des tech­no­lo­gies dif­fé­rentes et ont des coûts de fac­teurs différents.

Par exemple, la pente de l’effet d’échelle pour un lea­der, inves­tis­sant aujourd’hui dans des tech­no­lo­gies nou­velles, et de façon opti­mi­sée, est sou­vent plus forte que la pente de l’effet d’échelle moyen de l’industrie (dans le cas contraire, les ren­de­ments d’échelle deviennent décroissants).

Dans le cas de figure ci-des­sus, le lea­der peut éli­mi­ner rapi­de­ment les concur­rents mar­gi­naux avec des baisses de prix faibles, car les effets d’échelle ne sont pas dis­tri­bués à tra­vers l’industrie de façon homo­thé­tique. Une baisse des prix plus impor­tante, en fonc­tion de ses propres coûts décrois­sants, est un inves­tis­se­ment inutile

Gérer ses prix (et ses marges) de façon opti­mi­sée en rédui­sant au besoin ses volumes et en » gérant » au plus fin l’en­trée de nou­veaux concur­rents ou la sor­tie de concur­rents mar­gi­naux est la seule stra­té­gie créa­trice de valeur pour un lea­der dans une indus­trie à faibles effets d’é­chelle.

Sor­tir du seg­ment d’ac­ti­vi­té est la seule stra­té­gie créa­trice de valeur dans cer­taines indus­tries trop frag­men­tées (il n’y a pas de stra­té­gie de prix » utile »).

Ces trois stra­té­gies sont appa­rem­ment simples et struc­tu­rel­le­ment dif­fé­rentes. Nom­breux sont pour­tant les lea­ders appli­quant une stra­té­gie struc­tu­rel­le­ment inadap­tée à leur acti­vi­té. Ils en payent le prix à moyen terme, en baisse de parts de mar­ché et de com­pé­ti­ti­vi­té struc­tu­relle, ou en rentabilité.

Cha­cune d’entre elles est valable quelle que soit la conjonc­ture éco­no­mique ! Le calage du prix doit bien sûr être adap­té à la situa­tion de crois­sance ou de réces­sion, mais la stra­té­gie géné­rique ne change pas.

Les deux pre­mières sont com­plexes à décli­ner et à opti­mi­ser, dans la mesure où les vrais lea­ders, par leur propre stra­té­gie, fixent d’une cer­taine façon le prix du mar­ché et ne peuvent donc s’y réfé­rer. Or, un surin­ves­tis­se­ment de 2 % en prix » trop bas » en moyenne repré­sente sou­vent 4 à 5 % en dif­fé­rence sur le ROCE et 6 à 8 % sur le ROE !

Par rap­port à cet enjeu majeur, il est frap­pant de consta­ter la dif­fé­rence de sophis­ti­ca­tion au sein de grands groupes entre les approches d’op­ti­mi­sa­tion ou de réduc­tion des coûts, d’une part, et les approches de calage et d’op­ti­mi­sa­tion des prix, d’autre part.

Les grands groupes réduisent de façon dras­tique et sys­té­ma­tique leurs coûts (ana­lyses de la valeur ; réduc­tions des sur­ef­fec­tifs ; reen­gi­nee­ring des pro­ces­sus ; ratio­na­li­sa­tions indus­trielles ; délo­ca­li­sa­tions ; opti­mi­sa­tions sur les achats…).

Les opti­mi­sa­tions des prix à court ou à long terme sont au contraire loin d’être aus­si sys­té­ma­tiques. Elles s’ap­puient sou­vent et sim­ple­ment sur les modé­li­sa­tions comp­tables du contrôle de ges­tion ou les intui­tions fortes des com­mer­ciaux confron­tés à leur vision ins­tan­ta­née du » marché « .

Or, des outils ana­ly­tiques existent per­met­tant de cadrer ration­nel­le­ment les enjeux et les stra­té­gies de prix, voire de pré­dire les évo­lu­tions à moyen terme. Les prix s’op­ti­misent de façon aus­si fine et ration­nelle que les coûts. Et la valeur se crée autant par une opti­mi­sa­tion de 5 % sur les prix que de 10 % sur les coûts (et d’au­tant plus que la pre­mière influe­ra struc­tu­rel­le­ment sur la deuxième).

Dans le cas contraire, on réduit de moi­tié le poten­tiel d’a­mé­lio­ra­tion des résul­tats. depuis vingt ans (à puis­sance équi­va­lente) et Intel concentre pro­gres­si­ve­ment l’in­dus­trie à son pro­fit tout en main­te­nant des ren­ta­bi­li­tés nettes sur fonds propres de 30 %

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1.
Tous les coûts qui entraînent un débours réel en tré­so­re­rie, c’est-à-dire hors dota­tions aux amor­tis­se­ments et aux provisions.

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