Les prépas, un humanisme

Dossier : Les prépasMagazine N°703 Mars 2015
Par Michel BERRY (63)
Par Pierre LASZLO

Que dire de neuf sur les pré­pas scien­ti­fiques, vu les contro­verses dont elles sont l’objet depuis leur ori­gine ? Périodes de bagne, moyens de repro­duc­tion sociale, lieux d’un indi­vi­dua­lisme for­ce­né, classes où enseignent des pro­fes­seurs au sta­tut pri­vi­lé­gié, sin­gu­la­ri­té incom­pré­hen­sible à des étrangers.

Pour­quoi ce sys­tème a‑t-il donc résis­té à ces attaques répétées ?

Cela tient bien sûr au lien des grandes écoles : bien des écoles sont convain­cues que la dis­pa­ri­tion des pré­pas entraî­ne­rait leur déclin, voire leur dis­pa­ri­tion. Mais il est un autre fac­teur déci­sif : l’attachement des pro­fes­seurs et des élèves aux pré­pas, atta­che­ment qui se tra­duit par une impli­ca­tion extrême, et des rela­tions indi­vi­duelles nour­ries avec les élèves, qu’ils sou­tiennent, ras­surent, aiguillonnent.

“ Les camaraderies les plus fidèles viennent souvent des années de prépa ”

Et les élèves, pour­quoi aime­raient-ils le bagne, à l’âge où l’on est sen­sible à bien d’autres ten­ta­tions que celle de l’école ? Les pré­pas sélec­tion­ne­raient-elles les maso­chistes, les matheux invé­té­rés et quelques ambi­tieux ? Cela ne cadre pas avec ce que nous avons obser­vé dans notre rôle d’enseignants.

Nous avons été frap­pés par l’ouverture d’esprit des élèves, leur goût pour des acti­vi­tés col­lec­tives, et la pré­sence de vrais talents lit­té­raires par­mi eux – le tau­pin n’est ni bor­né ni misan­thrope. Les cama­ra­de­ries les plus fidèles, les ami­tiés durables, viennent sou­vent des années de taupe, et les anciens disent sou­vent que les années de pré­pa sont celles qui ont le plus mar­qué leur formation.

Il est aus­si un élé­ment déci­sif. Les concours, clés de l’élitisme répu­bli­cain, ont été mis en place après la Révo­lu­tion pour attri­buer des res­pon­sa­bi­li­tés aux per­sonnes selon leurs mérites et non plus selon leurs quar­tiers de noblesse. Pour atteindre ce rêve, le sys­tème des pré­pas est par­fai­te­ment logique, et même sa hiérarchie.

Le sys­tème des pré­pas fait du reste recette, au point de se déve­lop­per contre vents et marées : le nombre d’élèves a presque dou­blé en qua­rante ans. Entrer en pré­pa aujourd’hui, c’est prendre la meilleure garan­tie d’un emploi inté­res­sant. Il y a en effet autant de places dans les écoles d’ingénieurs que d’élèves en prépa.

Alors, que dire de nou­veau sur les pré­pas ? Cela nous fut très clair : il fal­lait par­ler du vécu. Aller au contact des faits pou­vait uti­le­ment mettre à l’épreuve les idées reçues. Mais il y a une rai­son plus impor­tante encore : cela per­met­trait de com­prendre pour­quoi le sys­tème des pré­pas sus­cite un tel attachement.

Ce dos­sier donne donc la parole aux acteurs. S’il fal­lait résu­mer en un mot l’impression que nous reti­rons de cette enquête, c’est celui d’humanisme. Les constats auraient été sem­blables pour les filières com­mer­ciales ou bio.

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