Les nouvelles technologies de l’information et de la communication au Maroc

Dossier : Le MarocMagazine N°605 Mai 2005
Par Ahmed YACOBI (87)

Introduction

L’a­vè­ne­ment des NTIC (Nou­velles tech­no­lo­gies de l’in­for­ma­tion et de la com­mu­ni­ca­tion) a été per­çu au Maroc depuis très tôt comme une vague à prendre.

Une vague de crois­sance qu’un pays en voie de déve­lop­pe­ment espère sai­sir pour faire face à ses contraintes et mieux répondre aux exi­gences de déve­lop­pe­ment éco­no­mique et social tout en aspi­rant en tant que nation à pou­voir chan­ger d’or­bite de classification.

Mais, comme nous l’a­vait ensei­gné notre pro­fes­seur Bré­zin dans son cours de phy­sique quan­tique, pour pou­voir chan­ger d’or­bite il faut une exci­ta­tion suffisante.

Cette prise de conscience, assez tôt et à dif­fé­rents niveaux de res­pon­sa­bi­li­té, de l’op­por­tu­ni­té que repré­sentent les NTIC, a per­mis au pays de ne pas rater la vague voire de très bien se posi­tion­ner au niveau régio­nal et à un assez bon niveau à l’é­chelle mondiale.

Néan­moins le pro­fit que pou­vait en tirer le pays est loin d’être opti­mi­sé, comme cela a été le cas pour d’autres pays tel que l’Inde par exemple, alors que le Maroc pou­vait pré­sen­ter à l’o­ri­gine des avan­tages com­pa­ra­tifs non négligeables.

Cela serait-il dû à un manque de dyna­misme ou de réac­ti­vi­té ? Ou au fait que les pays anglo-saxons en ont mieux pro­fi­té que les pays fran­co­phones ? Ou à un manque de confiance dans le phé­no­mène, et donc une prise de risque limitée ?

Une chose est sûre c’est que le Maroc n’a pas connu plei­ne­ment la bulle de la nou­velle éco­no­mie dans ses aspects vir­tuels ou réels, ni dans ses aspects posi­tifs tel le ré-engi­nee­ring des struc­tures, ni dans ses aspects néga­tifs tels que ceux qui avaient sui­vi l’é­cla­te­ment de la bulle, ou au moins l’a-t-il connue sur un rayon très limité.

Le Maroc aurait choi­si, pas néces­sai­re­ment d’une manière consciente ou volon­taire, un scé­na­rio ten­dan­ciel. Cette logique du « dou­ce­ment mais sûre­ment » nous a menés vers le Maroc actuel des NTIC : pas de déca­lage par rap­port à l’es­sen­tiel, un Maroc « up to date » dans le secteur.

Mais un Maroc qui ne se dis­tingue pas jus­qu’à pré­sent au niveau mon­dial dans aucun des com­par­ti­ments du sec­teur, sauf peut-être dans des occa­sions assez rares.

Télécommunications

Durant les quatre der­nières années le gou­ver­ne­ment maro­cain don­nait l’im­pres­sion de traî­ner les pieds et de tré­bu­cher quand il s’a­gis­sait du calen­drier de libé­ra­li­sa­tion du sec­teur des télé­coms. Avec les nom­breux reports et ajour­ne­ments, le sec­teur sem­blait opé­rer en pilo­tage sans visi­bi­li­té « To see or not to see ! ».

Avec l’a­vè­ne­ment de l’in­tro­duc­tion en Bourse du prin­ci­pal opé­ra­teur Maroc Tele­com, une « suc­cess sto­ry », dont le pro­ces­sus de pri­va­ti­sa­tion avait com­men­cé bien avant avec la ces­sion en deux temps de 51 % à Viven­di Uni­ver­sal, la cla­ri­fi­ca­tion de l’ho­ri­zon est deve­nue une obli­ga­tion. C’est ain­si que l’A­gence natio­nale de régle­men­ta­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions (ANRT) a ren­du publique une note d’o­rien­ta­tions géné­rales sur le sujet qui s’é­tend de 2005 à 2008. Ce nou­veau calen­drier a été adop­té après le feu vert don­né par le Pre­mier Ministre maro­cain, M. Driss Jet­tou, lors du Conseil d’ad­mi­nis­tra­tion de l’A­gence tenu le 8 novembre 2004 et réaf­fir­mé lors du der­nier conseil tenu le 25 jan­vier 2005.

Dans le docu­ment de base, quatre axes stra­té­giques resur­gissent. Il s’a­git de la refonte de la loi 24–96 qui régle­mente le sec­teur, l’a­dop­tion d’un calen­drier de mise en place d’ac­tions spé­ci­fiques de régu­la­tion, la publi­ca­tion du plan natio­nal des fré­quences et enfin, l’a­dop­tion d’un calen­drier réa­liste de la libé­ra­li­sa­tion du secteur.

Concer­nant ce der­nier point, le Maroc a tou­jours été un lea­der régio­nal de la libé­ra­li­sa­tion du sec­teur des télé­coms. Nous pou­vons citer dans ce cadre les dif­fé­rentes licences octroyées pour la four­ni­ture de ser­vices satel­li­taires tels que les VSAT, les GMPCS, et les réseaux radio à res­sources par­ta­gées « 3RP », sans oublier la deuxième licence GSM.

Le phénomène du mobile

L’in­tro­duc­tion de la concur­rence sur ce mar­ché a créé une nou­velle dyna­mique, avec des cycles de baisse des tarifs fré­quents, une mul­ti­pli­ci­té d’offres et des pro­grammes de fidé­li­sa­tion. Cela a per­mis au mar­ché du mobile de connaître un déve­lop­pe­ment assez sin­gu­lier sur les cinq der­nières années. Le nombre d’a­bon­nés du mobile dou­blait presque en moyenne chaque année, per­met­tant ain­si au Maroc de se posi­tion­ner en tant que lea­der régional.

Calendrier de libéralisation

Les ver­tus de la libé­ra­li­sa­tion du mobile ont ren­du le pro­ces­sus irré­ver­sible. La pro­chaine prio­ri­té de la libé­ra­li­sa­tion du fixe sti­mu­le­ra plu­sieurs pro­jets à forte valeur ajou­tée tels que les Centres d’ap­pels, BPO (Busi­ness Pro­cess off­sho­ring), e‑commerce, e‑gov, e‑education, etc.

Pour cela l’ap­proche de libé­ra­li­sa­tion adop­tée par l’au­to­ri­té de régu­la­tion intègre la double conver­gence (fixe/mobile et voix/données) tout en consa­crant la neu­tra­li­té tech­no­lo­gique. Elle vise pour cela la mise en place d’une com­pé­ti­tion entre trois opé­ra­teurs, y com­pris les opé­ra­teurs en place, sur tous les seg­ments des mar­chés fixe et mobile. Ain­si, l’ANRT pré­voit le lan­ce­ment début 2005 de deux nou­velles licences par seg­ment (local, inter­ur­bain, international).

Dans le mobile, le pro­gramme de libé­ra­li­sa­tion pré­voit de lan­cer éven­tuel­le­ment des licences 3G en 2005 après la fin d’une étude pré­li­mi­naire. De même, une troi­sième licence du mobile est pro­gram­mée dès 2007.

En conclu­sion, le calen­drier télé­coms au Maroc est bien char­gé sur les trois pro­chaines années. Du res­pect de ce calen­drier dépen­dra la via­bi­li­té de la stra­té­gie future du sec­teur, et les bases struc­tu­rantes de son déve­lop­pe­ment futur.

Internet au Maroc

Bien que les uti­li­sa­teurs d’In­ter­net au Maroc pour­raient dépas­ser le mil­lion de per­sonnes, le nombre d’a­bon­nés qui est de 93 000 reste très loin du poten­tiel de déve­lop­pe­ment du mar­ché esti­mé à 500 000 abon­nés. C’est ce qui res­sort de la pre­mière étude menée par l’A­gence natio­nale de régle­men­ta­tion des télé­com­mu­ni­ca­tions (www.ANRT.net.ma). Néan­moins une ferme volon­té existe, aus­si bien du côté du gou­ver­ne­ment que de celui de l’ANRT, pour rele­ver ce défi. En effet, après la publi­ca­tion des chiffres très déce­vants en décembre 2003, une réac­tion rapide por­tant prin­ci­pa­le­ment sur la baisse des tarifs Inter­net, sur­tout ceux de l’AD­SL, avait per­mis, rela­ti­ve­ment, de redres­ser la barre. De même, le nou­veau texte com­plé­tant et modi­fiant la loi rela­tive à la Poste et aux Télé­com­mu­ni­ca­tions qui vient d’être pro­mul­guée a trait à l’é­lar­gis­se­ment de la défi­ni­tion de la notion du « Ser­vice uni­ver­sel » (SU) pour y inclure la four­ni­ture des ser­vices à valeur ajou­tée dont Internet.

Cepen­dant, bien que les tarifs res­tent encore chers com­pa­ra­ti­ve­ment à d’autres pays, et qu’ils néces­sitent un nou­veau cycle de baisse, le futur plan d’ac­tion requiert une démarche mul­ti­di­men­sion­nelle pour répondre aux dif­fé­rentes contraintes, et pou­voir mettre en place un modèle éco­no­mique viable pour tous les acteurs du marché.

En effet, déjà en ce qui concerne le coût d’ac­cès, aus­si bien le prix d’ac­qui­si­tion du PC, que celui de la connexion Inter­net, res­tent encore très éle­vés com­pa­rés au reve­nu moyen par habi­tant, qui repré­sente à lui seul une contrainte macroé­co­no­mique non négli­geable. S’a­joute à cela une autre contrainte struc­tu­relle, qui est la fai­blesse du taux d’al­pha­bé­ti­sa­tion de la population.

Les autres contraintes non struc­tu­relles, bien que pré­oc­cu­pantes, peuvent être levées assez rapi­de­ment. Des actions dans ce sens sont d’ailleurs déjà pro­gram­mées comme celles tou­chant aux aspects de la concur­rence et à la libé­ra­li­sa­tion des télé­coms (boucle locale, back­bone (réseau dor­sal), IP internationale).

Un autre constat pré­oc­cu­pant : le conte­nu local dis­po­nible est pauvre que ce soit celui des­ti­né aux citoyens ou aux entre­prises. Par consé­quent, sur ce volet, plu­sieurs actions pro­gram­mées ont tar­dé à émer­ger dont par exemple la e‑administration, le com­merce élec­tro­nique et la géné­ra­li­sa­tion des NTIC dans le sec­teur de l’é­du­ca­tion nationale.

Le Maroc repré­sente aujourd’­hui un chan­tier ouvert pour l’In­ter­net rece­lant un poten­tiel impor­tant de déve­lop­pe­ment et des oppor­tu­ni­tés assez sérieuses.

Avec toutes ces contraintes levées et les oppor­tu­ni­tés sai­sies, le Maroc pour­ra pré­tendre confor­ta­ble­ment et dura­ble­ment à une seconde place afri­caine dans le domaine de l’In­ter­net, et se his­ser ain­si à un clas­se­ment res­pec­table au niveau international.

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