Les facettes du transport maritime

Dossier : Les métiers de la merMagazine N°644 Avril 2009
Par Philippe LOUIS-DREYFUS

REPÈRES
Le mot anglais pour « trans­port mari­time » est ship­ping , terme qui recouvre une réa­li­té plus vaste que celle du pur trans­port : c’est un arme­ment, un embar­que­ment et une expédition.
L’armement : il consiste à entre­te­nir et pré­pa­rer son navire, y mettre à bord les vivres, les soutes néces­saires à la traversée.

REPÈRES
Le mot anglais pour « trans­port mari­time » est ship­ping , terme qui recouvre une réa­li­té plus vaste que celle du pur trans­port : c’est un arme­ment, un embar­que­ment et une expédition.
L’armement : il consiste à entre­te­nir et pré­pa­rer son navire, y mettre à bord les vivres, les soutes néces­saires à la traversée.
L’embarquement : le navire est des­ti­né à per­mettre une acti­vi­té néces­sai­re­ment four­nie en mer, un trans­port de mar­chan­dises ou de per­sonnes, des tra­vaux mari­times (forage pétro­lier, étude sis­mique). Ces acti­vi­tés néces­sitent d’embarquer des per­son­nels qua­li­fiés, entraî­nés. L’une des res­pon­sa­bi­li­tés essen­tielles de l’armateur est de for­mer ces équipages.
L’expédition : l’activité mari­time revêt indé­nia­ble­ment un carac­tère aven­tu­reux. La mer est un envi­ron­ne­ment hos­tile à l’homme. Cet envi­ron­ne­ment doit être appri­voi­sé, l’armateur mesure et encadre ces risques. 

Depuis tou­jours, l’homme est au cœur de l’a­ven­ture mari­time. Cette aven­ture est mul­tiple : trans­port de matières pre­mières, de pro­duits finis… Mais aus­si ser­vices indus­triels à haute valeur ajou­tée (pose de câbles, études sis­miques, remor­quages, assis­tance aux pla­te­formes pétro­lières…). Cette diver­si­té impose à l’ar­ma­teur de savoir for­mer en son sein un couple effi­cace entre le bord et la terre.


Un navire vra­quier cape­size [trans­por­teur de char­bons ou de minerais]
 ©Louis Drey­fus armateurs

Des missions très variées

Trans­por­ter des pas­sa­gers modi­fie la rela­tion entre l’armateur et ses clients

L’ac­ti­vi­té de trans­port mari­time repré­sente aujourd’­hui plus de 95 % des mar­chan­dises trans­por­tées dans le monde, en volume. Le trans­port mari­time est le vec­teur pri­vi­lé­gié de la spé­cia­li­sa­tion internationale.

Grâce à l’ac­crois­se­ment for­mi­dable de la taille des navires, les éco­no­mies d’é­chelle ain­si géné­rées per­mettent de trans­por­ter à moindre coût les matières pre­mières ou pro­duits finis sur tous les océans du globe. Trois grands flux se par­tagent ces ton­nages : les vracs secs (essen­tiel­le­ment char­bon vapeur et à coke et mine­rai de fer), les vracs liquides (le pétrole brut repré­sente 85 % de ces volumes) et les conte­neurs dédiés a prio­ri au trans­port des pro­duits finis.

Passagers ou marchandises

Acti­vi­tés hors transport
– Assis­tance à l’off­shore pétro­lier (ravi­tailleurs de pla­te­formes, remor­queurs et rele­veurs d’ancres, navires bases pour plongeurs).
– Trans­port de colis lourds (navires gréés, navires semi-submersibles).
– Tra­vaux sous-marins (pose et enfouis­se­ment de câbles de com­mu­ni­ca­tion ou de puis­sance, d’om­bi­li­caux, de pipe­lines, navires dédiés au dragage).
– Remor­quages de haute mer (pla­te­formes, usines flottantes).
– Pros­pec­tion et recherche sous-marine (navires de recherche sis­mique, océa­no­gra­phiques, de forages pétro­liers ou gaziers).

Le trans­port des pas­sa­gers et du fret rou­lant (qui vont sou­vent de pair : fer­ries, rou­liers) se dis­tingue du trans­port des mar­chan­dises. Le fait de trans­por­ter des pas­sa­gers modi­fie radi­ca­le­ment la rela­tion entre l’ar­ma­teur et ses clients.

Le trans­port n’est pour­tant qu’un aspect des acti­vi­tés néces­sai­re­ment four­nies en mer. Les arma­teurs opèrent ain­si une flotte innom­brable de navires dédiés. Ces acti­vi­tés de trans­port pur ou de ser­vices dédiés à une indus­trie sont très variées. Elles sont pour­tant accom­plies par des hommes qui reçoivent la même for­ma­tion ini­tiale, des hommes qui ont au départ une même vocation.

Une vocation exigeante

Navi­guer au com­merce, c’est faire preuve d’un nombre impor­tant de qua­li­tés, faire face à des contraintes fortes et béné­fi­cier d’un sta­tut avantageux.

Les qua­li­tés requises à la navi­ga­tion sont mul­tiples. On l’a dit, la mer est un envi­ron­ne­ment hos­tile où l’à-peu-près ne par­donne pas. Le sens des res­pon­sa­bi­li­tés, la facul­té d’é­va­luer uti­le­ment les risques, l’ap­ti­tude à l’i­ni­tia­tive sont les clés de fonc­tion­ne­ment d’un bon équi­page. À ces qua­li­tés s’a­joute aus­si, pour cer­tains, l’es­prit de com­man­de­ment. Deve­nir com­man­dant à 30 ans n’est pas rare et il faut à ces jeunes hommes de solides dis­po­si­tions pour gérer un équi­page com­po­sé sou­vent de plu­sieurs natio­na­li­tés. Le tra­vail à la mer est un tra­vail deman­dant concen­tra­tion et assi­dui­té. L’ab­sence de risque, sur­tout en milieu marin, est une uto­pie : l’at­ten­tion doit être per­ma­nente. À cette contrainte s’a­joute celle, de plus en plus pré­gnante aujourd’­hui, de l’é­loi­gne­ment familial.

Former et retenir de nouveaux talents

Un sta­tut attrayant
Pour conser­ver aux emplois embar­qués suf­fi­sam­ment d’at­trait, le sta­tut des marins est deve­nu avan­ta­geux. Les salaires ini­tiaux (à la sor­tie de l’é­cole) sont éle­vés : 40 000 euros annuels en moyenne. On peut deve­nir second capi­taine autour de la tren­taine (58 000 euros annuels) puis pas­ser com­man­dant vers 35 ans (80 000 euros annuels). Par ailleurs ces salaires sont depuis peu, pour les marins au long cours, défis­ca­li­sés puisque acquis en majo­ri­té en dehors des eaux ter­ri­to­riales. Enfin, les temps d’embarquement sont de six mois par an pour les offi­ciers et marins français.

Mal­gré les avan­tages sta­tu­taires offerts, la pénu­rie d’hommes est là : pas­sé 35 ans plus de 70 % des offi­ciers for­més dans les écoles de la marine mar­chande ne naviguent plus.

Pre­mière expli­ca­tion, cette dérive aujourd’­hui qui inquiète tous les pro­fes­sion­nels : les offi­ciers sont de plus en plus sou­vent confron­tés à la » juri­di­ci­sa­tion » de leurs acti­vi­tés. La mul­ti­pli­ca­tion des règles inter­na­tio­nales et mal­heu­reu­se­ment aus­si trop sou­vent régio­nales, le ren­for­ce­ment des contrôles imposent aux offi­ciers une connais­sance tou­jours plus impor­tante des codes, règle­ments, etc.

La mer est un envi­ron­ne­ment hos­tile où l’à‑peu-près ne par­donne pas

Les escales sont de plus en plus sou­vent l’oc­ca­sion de tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives multiples.

Certes, les évo­lu­tions récentes du droit qui visent à ren­for­cer la légis­la­tion, sur­tout dans le but de pro­té­ger notre envi­ron­ne­ment, sont nécessaires.

La mer n’est plus, comme elle l’a été pen­dant des mil­lé­naires, res nul­lius, la chose qui n’ap­par­tient à per­sonne et dont per­sonne ne se sou­cie. Il est donc urgent :
– de rééqui­li­brer les res­pon­sa­bi­li­tés : l’ar­ma­teur reste in fine le don­neur d’ordre et le for­ma­teur de ses équi­pages. S’il est dif­fi­cile d’i­den­ti­fier cer­tains arma­teurs (rai­son sou­vent invo­quée pour condam­ner les membres d’é­qui­page) c’est plu­tôt cette opa­ci­té qu’il faut direc­te­ment combattre ;
– de ne pas oublier le carac­tère intrin­sè­que­ment dan­ge­reux et ris­qué de la navi­ga­tion mari­time (et de ne pas ana­ly­ser ces risques à l’aune des risques de pol­lu­tion ter­restre infi­ni­ment plus maîtrisables).

De nouvelles écoles de la marine marchande

Des boucs émis­saires commodes
Les com­man­dants, seconds capi­taines et chefs sont sou­vent consi­dé­rés comme des boucs émis­saires d’une pol­lu­tion mari­time. Il est tout à fait scan­da­leux de voir, ces hommes empri­son­nés pré­ven­ti­ve­ment, voire condam­nés sans preuves, pour cal­mer la vin­dicte popu­laire comme cela vient d’être le cas en Corée du Sud. Le Hebei Spi­rit, pétro­lier char­gé de 260 000 tonnes de brut, était à l’ancre au large de la Corée du Sud quand une barge qui avait rom­pu ses amarres l’a heur­té. La res­pon­sa­bi­li­té de l’é­qui­page du navire n’au­rait jamais dû être évo­quée. Pour­tant le com­man­dant et le chef méca­ni­cien ont été condam­nés à des peines de pri­son ferme.

Autre voie pour faire face à cette pénu­rie : réfor­mer les éta­blis­se­ments qui forment aujourd’­hui nos offi­ciers, les écoles de la marine mar­chande. Le secré­taire d’É­tat aux trans­ports, M. Domi­nique Bus­se­reau, a ain­si lan­cé une réforme qui a pour objec­tif de concen­trer les moyens mis à la dis­po­si­tion des écoles afin de béné­fi­cier de simu­la­teurs modernes ; et d’a­mé­lio­rer les salaires des pro­fes­seurs pour atti­rer plus d’of­fi­ciers encore en acti­vi­té dans cette voie de la trans­mis­sion des savoirs.

Ces deux objec­tifs sont capi­taux. La simu­la­tion est un outil extra­or­di­naire pour entraî­ner les équi­pages aux tâches très spé­cia­li­sées que sont la ges­tion de la tem­pé­ra­ture des cuves d’un métha­nier, le tra­vail sur la plage arrière d’un remor­queur rele­veur d’ancre, la maî­trise de la posi­tion d’un navire au mètre près par force 6… La simu­la­tion ne peut rem­pla­cer la pra­tique (notam­ment à la machine) mais elle est un outil for­mi­dable d’ap­pren­tis­sage des savoirs spécialisés.

L’importance de la pratique

Assu­rer la trans­mis­sion du savoir par des pro­fes­sion­nels de l’en­sei­gne­ment, mais aus­si par des offi­ciers en acti­vi­té qui peuvent appor­ter toute leur récente expé­rience serait un pro­grès utile vers l’a­mé­lio­ra­tion de la qua­li­té des acquis. Notam­ment, comme on l’a vu plus haut, dans le domaine du droit mari­time, de la pra­tique des tra­cas­se­ries admi­nis­tra­tives, de la ges­tion des inter­ve­nants lors des escales, qui sont des domaines où la pra­tique est au moins aus­si impor­tante que la connais­sance académique.

Arma­teurs et équipages
La prin­ci­pale res­pon­sa­bi­li­té de l’ar­ma­teur reste de for­mer ses équi­pages et d’en­tre­te­nir ses navires. Cette for­ma­tion des équi­pages doit être une acti­vi­té per­ma­nente. Grâce à une flotte très diver­si­fiée, un arma­teur comme LDA peut pro­po­ser aux offi­ciers de chan­ger de spé­cia­li­sa­tion : cela apporte de l’in­té­rêt par la remise en cause des acquis et cela per­met de bri­ser la rou­tine. Cela passe aus­si par une grande atten­tion por­tée non seule­ment à la for­ma­tion, mais éga­le­ment aux consi­dé­ra­tions sociales : l’homme est l’une des plus grandes richesses de l’entreprise.

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