EU Code Week

Les compétences numériques sont la clé pour réussir la transformation numérique

Dossier : L'ingénieur dans la sociétéMagazine N°737 Septembre 2018
Par Christine SIMON

Face aux défis crois­sants qui se posent dans le domaine numé­rique, l’Europe a besoin de déve­lop­per rapi­de­ment les com­pé­tences numé­riques à tous les niveaux, de l’école pri­maire jusqu’à la for­ma­tion pro­fes­sion­nelle conti­nue. Pour que la trans­for­ma­tion numé­rique de l’Europe se déroule dans l’intérêt des citoyens et des entre­prises, la Com­mis­sion euro­péenne a pro­po­sé en juin 2018 le pre­mier pro­gramme pour une Europe numé­rique et envi­sage d’investir 9,2 mil­liards d’euros pour la période 2021–2027.


La Com­mis­sion peut contri­buer à faire connaître la programmation
par des ini­tia­tives ponc­tuelles telles que la EU Code Week ou Semaine du Code. 

En Europe, la stra­té­gie pour un mar­ché unique numé­rique a fait des pro­grès consi­dé­rables au cours des douze der­niers mois. La sup­pres­sion des frais d’itinérance et la por­ta­bi­li­té des conte­nus en ligne font désor­mais par­tie de la vie quo­ti­dienne des Euro­péens. Des règles plus strictes sur la pro­tec­tion des don­nées à carac­tère per­son­nel ont été mises en place. La Jour­née du numé­rique orga­ni­sée par la Com­mis­sion euro­péenne en avril a per­mis de ren­for­cer la coopé­ra­tion en Europe sur des sujets hau­te­ment tech­no­lo­giques et à fort poten­tiel. Elle a vu la signa­ture par 25 pays euro­péens dont la France d’une décla­ra­tion de coopé­ra­tion dans le domaine de l’intelligence artificielle. 

REPÈRES
Avec le terme « spé­cia­liste des tech­no­lo­gies de l’information et de la com­mu­ni­ca­tion (TIC) », il faut com­prendre les tra­vailleurs qui ont la capa­ci­té de déve­lop­per, d’exploiter et de main­te­nir des sys­tèmes TIC, et pour qui les TIC consti­tuent la par­tie prin­ci­pale de leur tra­vail, notam­ment les ingénieurs. 

Pour l’Europe, rester à la pointe de l’innovation

Pour main­te­nir les pays de l’Union euro­péenne à la pointe de l’innovation dans toutes les dimen­sions de l’économie et de la socié­té, il faut inves­tir dans des pro­jets majeurs tels que l’intelligence arti­fi­cielle, le cal­cul haute per­for­mance (HPC), la cyber­sé­cu­ri­té. Ces tech­no­lo­gies sont ame­nées à impré­gner tous les sec­teurs d’activité dans un ave­nir proche, ce qui met en évi­dence le nombre insuf­fi­sant de per­sonnes qua­li­fiées pour déve­lop­per, déployer et uti­li­ser ces tech­no­lo­gies, en par­ti­cu­lier des ingénieurs. 

Des besoins en TIC omniprésents

Au cours des dix der­nières années, 2 mil­lions d’emplois de spé­cia­listes des TIC ont été créés en Europe, et de nou­veaux emplois ont éga­le­ment émer­gé dans les entre­prises de ser­vices du numé­rique qui se déve­loppent autour de ces emplois spé­cia­li­sés. D’ailleurs, on constate que 55 % des spé­cia­listes des TIC tra­vaillent déjà en dehors du sec­teur TIC, et que la plu­part de ces nou­veaux emplois sont éga­le­ment créés en dehors de ce sec­teur, dans des domaines qui font une uti­li­sa­tion inten­sive des TIC telles que l’industrie auto­mo­bile ou la san­té. Mais la demande ne suit pas l’offre. Nous consta­tons dans la majo­ri­té des pays euro­péens un manque de spé­cia­listes des TIC. Actuel­le­ment, le nombre d’offres d’emploi pour des spé­cia­listes des TIC non pour­vues s’élève à 350 000 dans toute l’Europe ce qui pour­rait agir rapi­de­ment comme un frein à la trans­for­ma­tion numé­rique et à la com­pé­ti­ti­vi­té des entreprises. 

L’urgence de la formation des Européens

Ces com­pé­tences numé­riques manquent déjà dans de nom­breux sec­teurs car 90 % des emplois, du plus com­plexe au plus simple, néces­sitent cer­taines com­pé­tences numé­riques. L’Indice rela­tif à l’économie et à la socié­té numé­riques (DESI), publié chaque année par la Com­mis­sion euro­péenne, montre que 35 % de la popu­la­tion active n’a pas les com­pé­tences numé­riques élé­men­taires requises dans la plu­part des emplois. Force est de consta­ter que les écarts de com­pé­tences ain­si que leur inadé­qua­tion à la demande sur le mar­ché du tra­vail ne dimi­nuent pas, au contraire 40 % des entre­prises disent avoir des dif­fi­cul­tés à recru­ter des per­sonnes ayant les com­pé­tences requises. 

Une Coalition contre le manque de compétences numériques

Fin 2016, la Com­mis­sion euro­péenne a lan­cé la Coa­li­tion pour les com­pé­tences numé­riques et les emplois, qui ras­semble les États membres, des entre­prises, des par­te­naires sociaux, des orga­ni­sa­tions à but non lucra­tif et des pres­ta­taires de ser­vices édu­ca­tifs. La Coa­li­tion aborde les besoins selon quatre grands groupes cibles : les com­pé­tences pour per­mettre à tous les citoyens d’être actifs dans la socié­té numé­rique ; les com­pé­tences pour la main‑d’œuvre, per­mettre le per­fec­tion­ne­ment des tra­vailleurs et deman­deurs d’emploi ; com­pé­tences pour les spé­cia­listes des TIC ; et enfin les com­pé­tences dans l’éducation.

Une action conjointe avec les entreprises

Les orga­ni­sa­tions et entre­prises qui agissent pour déve­lop­per les com­pé­tences numé­riques, une fois qu’elles deviennent membres de la Coa­li­tion, sont encou­ra­gées à s’engager à offrir des actions pour pro­mou­voir les com­pé­tences numé­riques (for­ma­tions, stages), des actions de sen­si­bi­li­sa­tion au numé­rique ou à la cyber­sé­cu­ri­té, le déve­lop­pe­ment de cours en ligne, etc. En avril 2018, la Coa­li­tion comp­tait 100 orga­ni­sa­tions et entre­prises enga­gées à offrir ce type d’activités, dont les acti­vi­tés peuvent être consul­tées en ligne. En agré­geant toutes ces actions, nous esti­mons que les acti­vi­tés de la Coa­li­tion ont déjà atteint plu­sieurs mil­lions de citoyens avec près de 4 mil­lions de for­ma­tions aux com­pé­tences numé­riques offertes en ligne ou en pré­sen­tiel ; plus d’un mil­lion de cer­ti­fi­ca­tions, et plus de 4 500 évé­ne­ments d’information et de sen­si­bi­li­sa­tion qui ont tou­ché plus d’un mil­lion de citoyens à tra­vers l’Europe.

Des coalitions nationales

La Coa­li­tion a éga­le­ment pour objec­tif de créer des coa­li­tions natio­nales dans chaque pays euro­péen pour répondre aux besoins en fonc­tion de la situa­tion dans chaque pays et au plus près des acteurs concer­nés. La Coa­li­tion fran­çaise French digi­tal skills and jobs coa­li­tion a été mise en place fin 2017 par le MEDEF avec pour objec­tif d’identifier et pro­mou­voir les ini­tia­tives et bonnes pra­tiques exis­tantes sur le ter­ri­toire fran­çais et de fédé­rer les acteurs locaux et natio­naux qui peuvent ini­tier et mener à bien des actions en faveur du déve­lop­pe­ment des com­pé­tences numé­riques en France. 

Le codage pour tous dès l’école primaire

La moder­ni­sa­tion des sys­tèmes édu­ca­tifs est cru­ciale pour per­mettre de mieux pré­pa­rer les jeunes à l’évolution du mar­ché du tra­vail dans une socié­té numé­rique, mais cela reste une com­pé­tence de la res­pon­sa­bi­li­té des États membres. Néan­moins, la Com­mis­sion peut contri­buer à faire connaître la pro­gram­ma­tion y com­pris dans les écoles par des ini­tia­tives ponc­tuelles telles que la EU Code Week ou Semaine du Code. Cet évé­ne­ment annuel aura lieu cette année du 6 au 21 octobre. Il s’agit d’un mou­ve­ment popu­laire et ani­mé par des béné­voles qui a pour but de faire connaître la pro­gram­ma­tion aux jeunes comme aux adultes, mais c’est éga­le­ment l’occasion de démys­ti­fier la pro­gram­ma­tion pour que, pro­gres­si­ve­ment, elle puisse faire par­tie des com­pé­tences de base néces­saires à chacun. 

La Semaine du Code dans les écoles
Le but est d’organiser des ate­liers pour décou­vrir le code et la pro­gram­ma­tion qui s’adressent à la fois aux éco­liers et aux enseignants. 
Un ou plu­sieurs ambas­sa­deurs de la Semaine du Code coor­donnent l’initiative dans leur pays, mais chaque école peut organiser
son propre évé­ne­ment et l’ajouter à la carte dis­po­nible sur le site de l’événement. 
La Com­mis­sion euro­péenne encou­rage la par­ti­ci­pa­tion du plus grand nombre d’écoles à cette ini­tia­tive et vise une par­ti­ci­pa­tion de 50 % des écoles en Europe à la Code Week d’ici 2020.
http://codeweek.eu

Cap sur la formation qualifiée

En atten­dant que les com­pé­tences numé­riques fassent par­tie du cur­sus sco­laire et compte tenu de l’urgence, la Com­mis­sion a lan­cé un pro­jet pilote, le Digi­tal Oppor­tu­ni­ty Trai­nee­ships, qui vise à per­mettre à un plus grand nombre de jeunes d’acquérir des com­pé­tences numé­riques avan­cées et aider les entre­prises à pour­voir des postes vacants avec des can­di­dats qua­li­fiés. Il s’adresse aux étu­diants et aux diplô­més récents pro­ve­nant de toutes les facul­tés et leur donne l’opportunité d’élargir l’éventail de leurs com­pé­tences en effec­tuant un stage de for­ma­tion en entre­prise. Cette ini­tia­tive met l’accent sur les com­pé­tences numé­riques avan­cées très deman­dées sur le mar­ché du tra­vail telles que la cyber­sé­cu­ri­té, le big data ana­ly­sis ou encore l’intelligence arti­fi­cielle. Le pro­jet pilote peut offrir jusqu’à 6 000 stages à l’étranger pour la période allant de 2018 à 2020. L’objectif est à la fois de sen­si­bi­li­ser les par­ti­ci­pants à l’importance des com­pé­tences numé­riques et d’attirer davan­tage d’étudiants vers ces filières pour pal­lier le manque de spé­cia­listes et d’ingénieurs en TIC. Cette ini­tia­tive pilote est finan­cée par le pro­gramme euro­péen de recherche et d’innovation Hori­zon 2020 et mise en œuvre par le pro­gramme Eras­mus +, qui envoie les jeunes effec­tuer un stage dans une entre­prise d’un pays d’Europe dif­fé­rent du leur pour leur per­mettre d’acquérir une expé­rience de tra­vail pré­cieuse. Ces stages sont acces­sibles aux étu­diants de toutes les dis­ci­plines dési­reux de déve­lop­per leurs com­pé­tences numériques. 

Mobiliser les entreprises pour sensibiliser les étudiants aux compétences numériques

La Com­mis­sion euro­péenne sou­haite mobi­li­ser les entre­prises qui sont nom­breuses à avoir du mal à trou­ver des per­sonnes ayant les com­pé­tences numé­riques recher­chées mais qui n’ont pas néces­sai­re­ment les res­sources ou le temps pour orga­ni­ser des pro­grammes de stages par leurs propres moyens. Elles peuvent se lan­cer dans cette expé­rience pilote et offrir des places de stages à publier sur les pla­te­formes euro­péennes en ligne Drop’pin@EURES ou Eras­mu­sIn­tern ou à dif­fu­ser par le biais de contacts directs avec le ser­vice des car­rières ou des rela­tions inter­na­tio­nales des uni­ver­si­tés de leur région. Les étu­diants et les jeunes diplô­més peuvent pos­tu­ler à des stages selon les pro­cé­dures éta­blies par leur uni­ver­si­té pour les stages Eras­mus +. Une fois en stage, les can­di­dats rete­nus pour­ront déve­lop­per leurs com­pé­tences numé­riques dans le déve­lop­pe­ment d’applications et de logi­ciels, la cyber­sé­cu­ri­té, l’analyse de don­nées, l’intelligence arti­fi­cielle ou encore le mar­ke­ting digi­tal. Les étu­diants rece­vront une allo­ca­tion moyenne de 500 euros par mois par l’intermédiaire de l’initiative pilote, le mon­tant exact dépen­dant du pays d’origine et du pays d’accueil.

Com­pé­tences TIC France 
(source : Indice rela­tif à l’économie et à la socié­té numé­riques DESI).
21,4 diplô­més dans les matières scien­ti­fiques pour 1 000 habi­tants âgés de 20 à 29 ans.
Moyenne euro­péenne de 19,1 pour 1 000.
57 % des indi­vi­dus âgés de 16 à 74 ans pos­sèdent au moins des com­pé­tences numé­riques élémentaires.
https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/scoreboard/france

Un capital français à faire fructifier

Pour suivre l’état d’avancement de l’Europe numé­rique, la Com­mis­sion publie chaque année l’Indice rela­tif à l’économie et à la socié­té numé­riques (DESI) qui montre les pro­grès réa­li­sés par chaque État membre en matière de trans­for­ma­tion numé­rique. Dans l’édition 2018, la France se classe 18e par­mi les 28 États membres de l’UE. Mais dans la dimen­sion capi­tal humain, elle se place en 11e posi­tion. La France compte notam­ment une forte pro­por­tion de diplô­més de l’enseignement supé­rieur – y com­pris les ingé­nieurs – en sciences, mathé­ma­tiques, infor­ma­tique, ingé­nie­rie, pro­duc­tion et construc­tion (STEM) pour 1 000 habi­tants âgés de 20 à 29 ans. Elle a éga­le­ment obte­nu de bons résul­tats en matière de com­pé­tences numé­riques élé­men­taires. Mal­gré cela, les entre­prises fran­çaises ren­contrent des dif­fi­cul­tés pour recru­ter des spé­cia­listes des TIC. En effet 42 % des entre­prises de plus de 10 sala­riés en dehors du sec­teur finan­cier ayant essayé de recru­ter des spé­cia­listes en TIC ont signa­lé des dif­fi­cul­tés à pour­voir les postes vacants en 2017. Mais, les entre­prises fran­çaises s’en sortent un peu mieux que la moyenne euro­péenne qui fait état de 48 % des entre­prises ayant ren­con­tré ces difficultés. 

Vers une Europe numérique

La Com­mis­sion euro­péenne a pro­po­sé en juin der­nier de créer le tout pre­mier pro­gramme pour une Europe numé­rique et d’investir 9,2 mil­liards d’euros afin d’aligner le pro­chain bud­get à long terme de l’UE, pour la période 2021–2027, sur les défis crois­sants qui se posent dans le domaine numé­rique. Cette pro­po­si­tion inclut un mon­tant de 700 mil­lions d’euros des­ti­né à l’acquisition des com­pé­tences numé­riques avan­cées néces­saires pour accé­der aux tech­no­lo­gies numé­riques les plus récentes et les utiliser. 


Res­sources

https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/desi

https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/digital-skills-jobs-coalition

http://pledgeviewer.eu/

http://www.french-digital-coalition.fr/

https://ec.europa.eu/digital-single-market/en/digital-opportunity-traineeships-boosting-digital-skills-job

https://ec.europa.eu/eures/public/opportunities

https://erasmusintern.org/

http://europa.eu/rapid/press-release_IP-18–4043_fr.htm

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