Les clients bougent ? Nous bougeons les concepts

Dossier : L'automobileMagazine N°557 Septembre 2000
Par Georges DOUIN (64)

Pour le construc­teur, le grand chal­lenge du XXIe siècle est de par­ve­nir à enri­chir cette inno­va­tion pure­ment tech­nique par des rup­tures concep­tuelles, qui touchent à l’ar­chi­tec­ture de la voi­ture. Cette muta­tion, sur un mar­ché euro­péen où le rap­port avec l’au­to­mo­bile est très mature, avec en corol­laire une grande ouver­ture des clien­tèles, sera de plus en plus valo­ri­sée par les indi­vi­dus qui y ver­ront la signa­ture » intel­lec­tuelle » de la marque.

Renault a été pré­cur­seur dans cette démarche. Notre his­toire contem­po­raine tra­duit cette stra­té­gie d’in­no­va­tion concep­tuelle des­ti­née à nous dif­fé­ren­cier de nos concur­rents pour gagner des parts de mar­ché. Pour défi­nir cette stra­té­gie de gamme inno­vante, nous par­tons du client, et nous essayons de com­prendre com­ment il va évo­luer, dans son mode de vie, dans ses valeurs, et dans son rap­port à l’au­to­mo­bile. L’a­na­lyse pros­pec­tive fine des clien­tèles nous per­met de nour­rir cette démarche d’in­no­va­tion et d’an­ti­ci­per les besoins dans le domaine automobile.

Dessin d'enfant pour un aménagement intérieur de véhicule automobile
Les enfants ont été consul­tés pour la défi­ni­tion de l’aménagement inté­rieur de Scé­nic.

La gamme monospace : une success-story née de l’analyse socioculturelle

Pour déve­lop­per la gamme mono­space nous avons d’a­bord obser­vé les grandes évo­lu­tions socio­cul­tu­relles des vingt-cinq der­nières années sur les grands mar­chés d’Eu­rope occi­den­tale. Le phé­no­mène le plus mar­quant a été le pas­sage des valeurs col­lec­tives des années 70 issues de Mai 68 à l’in­di­vi­dua­lisme, les valeurs de réus­site dans les années 80.

Ce recen­trage de l’in­di­vi­du sur lui-même, ses réseaux (famille, amis) et sur ses valeurs, s’est tra­duit dans notre domaine par l’é­mer­gence du besoin de dif­fé­ren­cia­tion. » Je sou­haite une voi­ture qui me res­semble, je n’ac­cepte plus de m’i­den­ti­fier à la masse… « . Cette évo­lu­tion, sen­sible dès la fin des années 80, s’est tra­duite par un chan­ge­ment pro­fond de la signi­fi­ca­tion de l’ob­jet auto­mo­bile. La voi­ture est deve­nue l’ex­pres­sion du style de vie plu­tôt que du sta­tut et du rang social.

L’ob­ser­va­tion de ces muta­tions socio­cul­tu­relles et leur inten­si­té ont fait naître l’i­dée de pro­po­ser quelque chose de neuf d’a­bord en haut de gamme avec l’Espace, puis en bas de gamme avec Twin­go et enfin en milieu de gamme avec Scé­nic. Sur ce der­nier seg­ment il exis­tait une forte attente de dif­fé­ren­cia­tion, avec une offre jus­qu’a­lors clas­sique et conformiste.

SEGMENTS DES VÉHICULES, ÉMERGENTS EN EUROPE OCCIDENTALE

Scénic : ouvrir les clientèles à l’innovation et à la modernité

Les études de clien­tèles démon­traient leur ouver­ture crois­sante. On dis­tin­guait clai­re­ment une clien­tèle en fort déve­lop­pe­ment tour­née vers le mou­ve­ment, les valeurs d’é­pa­nouis­se­ment per­son­nel, donc vers l’in­no­va­tion, l’in­tel­li­gence automobile.

Le client de Scé­nic porte une atten­tion par­ti­cu­lière aux autres, à ceux qui vont par­ta­ger, avec lui, la vie dans la voi­ture. La per­sonne qui roule en mono­space prend en compte le bien-être de ceux qui vont faire le voyage avec elle. C’est la pos­si­bi­li­té de conver­ser, de regar­der les autres, de bou­ger à l’in­té­rieur de la voi­ture, tout en per­met­tant à cha­cun d’a­voir son uni­vers à soi.

Une grande atten­tion est por­tée à ces pas­sa­gers pri­vi­lé­giés que sont les enfants, qui vivront le voyage dans la voiture.

Une » déberlinisation » du marché

En Europe, cette ouver­ture crois­sante des clien­tèles s’est tra­duite par la baisse sen­sible de la part des ber­lines tra­di­tion­nelles. Elles repré­sen­te­ront 55 % du mar­ché en 2005 contre 70 % aujourd’­hui (85 % en 1990). Cette déber­li­ni­sa­tion s’ef­fec­tue au pro­fit des breaks, des 4X4 et des mono­spaces de milieu de gamme et de gamme supérieure.

Ces pro­duits nou­veaux, alter­na­tive à la ber­line clas­sique, sont plé­bis­ci­tés et consti­tuent désor­mais les seg­ments por­teurs en Europe. Renault, lar­ge­ment pré­cur­seur sur ces nou­veaux seg­ments, a la volon­té d’y ren­for­cer son offre.

Pour ces clien­tèles, l’au­to­mo­bile doit à nou­veau créer l’é­mo­tion, sinon elle risque de sor­tir de leur sys­tème de valeurs (et donc de leur com­por­te­ment d’a­chat…). La voi­ture s’im­pose désor­mais comme un moyen d’ex­pres­sion de soi, par sa forme, par son style, la concep­tion de son habi­tacle et les pres­ta­tions qu’elle offre. Breaks, cou­pés, 4X4…, cette évo­lu­tion vers la recherche de nou­veaux concepts est un mou­ve­ment de fond, qui touche en prio­ri­té les clien­tèles du haut de gamme.

De nouvelles clientèles non conformistes

Le produit automobile AVANTIME
Pro­duit Avan­time© P. SAUTELET

Ces clien­tèles non confor­mistes dans leur mode de vie et leurs attentes auto­mo­biles se déve­loppent au sein de la socié­té euro­péenne. Même les marques emblé­ma­tiques de luxe et de la culture fran­çaise (Vuit­ton, Cha­nel, YSL) prennent leurs dis­tances avec le clas­si­cisme et innovent dans leurs pro­duits et leur communication.

Ces » nou­velles clien­tèles » ont évo­lué car la socié­té euro­péenne a elle-même pro­fon­dé­ment chan­gé en quinze ans : chute du mur de Ber­lin et avec lui du sys­tème com­mu­niste, inté­gra­tion des mino­ri­tés, métis­sage cultu­rel, recom­po­si­tion du pay­sage social, révo­lu­tion des tech­no­lo­gies de la com­mu­ni­ca­tion, malaise des ban­lieues, mon­tée de la vio­lence, etc.

L’ex­pres­sion du sta­tut social existe tou­jours, mais il n’est plus la norme de réfé­rence unique. L’au­to­mo­bile devient, notam­ment en Alle­magne, mais aus­si en France, en Grande-Bre­tagne et en Ita­lie, le sup­port d’ex­pres­sion d’un mode de vie davan­tage axé sur les loi­sirs. Cette muta­tion inter­vient dans une socié­té où le rap­port au tra­vail prend ses dis­tances et où la recherche de dif­fé­ren­cia­tion est de plus en plus importante.

Ces indi­vi­dus sont bien inté­grés dans leur époque mais ne sou­haitent pas se confor­mer à la norme sociale domi­nante. Leur capi­tal cultu­rel, éle­vé, intègre aus­si bien l’ex­pres­sion clas­sique de la culture que son expres­sion contem­po­raine. Cos­mo­po­lites, ils sont ouverts à d’autres cultures et d’autres modes de vie.

Les nouvelles aspirations en haut de gamme

Ces clients, de plus en plus, sou­haitent affir­mer leur dif­fé­rence en pro­je­tant dans leur voi­ture leur choix de vie, leur style de vie. Ils recherchent des valeurs de dyna­misme, de moder­ni­té. Ils sont tour­nés vers les loi­sirs et le » bel objet » auto­mo­bile, l’in­no­va­tion et une pointe de spor­ti­vi­té. Ils attendent le » coup de foudre » pour un desi­gn et un concept tota­le­ment nou­veau. Actuel­le­ment pos­ses­seurs de ber­lines ; de cou­pés clas­siques voire de breaks haut de gamme, ils recherchent une voi­ture à forte per­son­na­li­té, mais habi­table, qui per­mette de » par­tir loin » en empor­tant des objets de loi­sirs et des bagages.

Le concept Avan­time, pre­mière pro­po­si­tion à cette clien­tèle non-confor­miste, ouvre la voie. Vision auda­cieuse du cou­pé haut de gamme, ce pro­duit asso­cie à la spor­ti­vi­té et au plai­sir de conduite de l’u­ni­vers des cou­pés des valeurs inha­bi­tuelles : sur­élé­va­tion du poste de conduite, visi­bi­li­té pano­ra­mique, lumi­no­si­té, confort. Avan­time répond à cette demande crois­sante pour plus de plai­sir auto­mo­bile, de poly­va­lence d’u­sage dans un concept très éloi­gné du véhi­cule clas­sique, » ran­gé » et conventionnel.

Avan­time consti­tue la pre­mière étape du renou­veau de Renault en haut de gamme. Mais le champ de recherche sur ces pro­duits est large.

La ber­line haut de gamme, valo­ri­sée par un nou­veau desi­gn et un espace inté­rieur vrai­ment convi­vial, per­met­tant d’af­fir­mer une nou­velle forme de sta­tut sans osten­ta­tion. Il faut la » réinventer « .

Le mono­space, bien sûr, mais avec un desi­gn qui évo­lue, qui dis­tingue la forme de la fonc­tion, comme l’Es­pace a su déjà si bien le faire.

Le SUV (Sport Uti­li­ty Vehicle)de haut de gamme, comme le pré­fi­gure le concept Koléos, pré­sen­té au der­nier Salon de Genève, alter­na­tive aux breaks et aux mono­spaces, qui répond au sou­hait d’o­ri­gi­na­li­té, de poly­va­lence ville, route, off-road.

La clien­tèle que nous visons est prête à s’é­man­ci­per du trois volumes clas­sique, emblé­ma­tique de la norme sociale auto­mo­bile, mais elle reste atta­chée aux valeurs fon­da­men­tales du haut de gamme comme le confort, la sécu­ri­té et l’ex­cel­lence mécanique.

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