Le succès de Caltech dépend de la variété de ses ressources

Dossier : Le financement de l'enseignement supérieur et de la rechercheMagazine N°634 Avril 2008
Par Jean-Lou CHAMEAU

REPÈRES
De l’autre côté de l’Atlantique, les finan­ce­ments pro­viennent essen­tiel­le­ment de dons par­ti­cu­liers – bien davan­tage que d’entreprises –, et plus spé­ci­fi­que­ment de quelques dons d’un mon­tant très éle­vé. Ain­si, le don pri­vé le plus impor­tant depuis 1967 est celui de Bill et Melin­da Gates au Gates Mil­le­nium Scho­lars Pro­gram : un mil­liard de dollars.

L’École poly­tech­nique et le Cali­for­nia Ins­ti­tute of Tech­no­lo­gy (Cal­tech) pré­sentent des simi­la­ri­tés impor­tantes. Les plus notables sont une répu­ta­tion d’excellence, une grande sélec­ti­vi­té, une concen­tra­tion impor­tante dans les sciences et tech­niques, et de grandes réus­sites por­tées par leurs pro­fes­seurs et anciens élèves.

Le bud­get du cam­pus est com­po­sé de contrats de recherche (52 %) ; de pres­ta­tions de ser­vices – rési­dences, res­tau­rants, etc. (8 %) ; de frais d’inscriptions (5 %) ; des reve­nus de la dota­tion (15 %) ; et enfin de dons pri­vés annuels (21 %).

Ces chiffres reflètent un mode de fonc­tion­ne­ment dif­fé­rent de celui des uni­ver­si­tés fran­çaises. L’importance de la recherche est indé­niable et fon­da­men­tale au sys­tème uni­ver­si­taire amé­ri­cain. Entre le cam­pus et le JPL, ce sont presque 2 mil­liards de fonds dédiés à la recherche qui sont admi­nis­trés par Cal­tech. Cela explique qu’une par­tie très impor­tante du tra­vail du pré­sident, des mana­gers et des pro­fes­seurs est consa­crée aux rela­tions avec les orga­nismes de recherche et les indus­triels, et à la pré­pa­ra­tion de pro­po­si­tions pour conti­nuer à ali­men­ter ces acti­vi­tés de recherche qui forment la base de l’université.

Des bourses plutôt que des frais d’inscription


Cam­pus de Caltech.

La faible part des frais d’inscription va cer­tai­ne­ment sur­prendre. Même si elle est moins éle­vée que celle d’autres uni­ver­si­tés pri­vées (entre 10 et 20 % pour le MIT ou Stan­ford), elle est assez typique du sys­tème amé­ri­cain et com­pa­rable à celle des grandes uni­ver­si­tés d’État (géné­ra­le­ment entre 5 et 10 %). Cette faible contri­bu­tion au bud­get géné­ral est due à l’importance du nombre de bourses. À Cal­tech, les étu­diants sont en effet admis sans consi­dé­ra­tion de cri­tères finan­ciers, et des bourses leur sont allouées pour leur per­mettre d’intégrer l’université avec cou­ver­ture totale ou par­tielle des frais d’inscription.

Un tiers de dons

Des dons néces­saires pour finan­cer les bourses accor­dées aux étu­diants et pour recru­ter les meilleurs scientifiques

La dif­fé­rence la plus signi­fi­ca­tive avec le modèle fran­çais réside dans l’importance des dons, soit un total de 36 % entre la dota­tion et les dons annuels. Il faut s’assurer que la dota­tion est bien inves­tie et que des efforts sont conti­nuel­le­ment faits pour atti­rer des dons annuels et des dons majeurs per­met­tant d’accroître cette dota­tion. La poli­tique d’investissement est sous la res­pon­sa­bi­li­té du Board of trus­tees (Conseil d’administration) et du pré­sident, avec l’aide d’un staff spé­cia­li­sé. Le pré­sident et les prin­ci­paux res­pon­sables admi­nis­tra­tifs (pro­vost, chefs de dépar­te­ments) sont les acteurs prin­ci­paux du fun­drai­sing, avec l’aide d’une équipe de pro­fes­sion­nels spé­cia­li­sés dans la recherche de dons privés.

En décembre 2007, Cal­tech a ache­vé une cam­pagne de fun­drai­sing por­tant sur un objec­tif de 1,4 mil­liard de dol­lars. C’est un suc­cès sans pareil étant don­né la taille de l’institution (nous n’avons que 20 000 anciens élèves). Lors d’une telle cam­pagne, le pré­sident consacre d’une manière ou d’une autre envi­ron 50 % de son temps au fun­drai­sing. Bien que cette impli­ca­tion soit aujourd’hui moindre, cela reste très rela­tif car le fun­drai­sing ne s’arrête jamais : une ins­ti­tu­tion comme la nôtre est tou­jours en « cam­pagne », qu’elle soit offi­cielle ou non. La règle géné­rale veut que le niveau annuel des dons s’accroisse pen­dant une cam­pagne. À la clô­ture, on espère ain­si dou­bler le mon­tant annuel du début de campagne.

Dans les années qui suivent, le but est de conti­nuer à géné­rer des dons annuels à ce nou­veau niveau de per­for­mance. Très sim­ple­ment, plus vous avez de suc­cès, mieux vous devez faire !

Une organisation de professionnels


Labo­ra­toire Shi­mo­jo (psy­cho­phy­sique).

Ce type d’approche demande de l’énergie, des idées, un sens des rela­tions exté­rieures, mais aus­si une struc­ture de fun­drai­sing impor­tante et de tout pre­mier niveau. Cal­tech a envi­ron 50 employés qui tra­vaillent dans ce domaine sous la direc­tion d’un vice-pré­sident de l’université. Tous les jours, ces pro­fes­sion­nels éta­blissent des rela­tions avec des anciens élèves, entre­prises, fon­da­tions, mécènes, etc. Leur rôle est éga­le­ment d’aider le pré­sident, les chefs de dépar­te­ments et les pro­fes­seurs à pré­sen­ter des pro­po­si­tions auprès de ces dona­teurs poten­tiels. Cela demande beau­coup d’organisation et de savoir-faire.L’excellence et la répu­ta­tion de Cal­tech ne pour­raient être pos­sibles sans le sou­tien finan­cier des dons pri­vés. Ces dons sont éga­le­ment néces­saires pour finan­cer les bourses accor­dées aux étu­diants, et pour recru­ter les meilleurs scien­ti­fiques et ingé­nieurs pour nos pro­grammes de recherche et d’enseignement. Le fun­drai­sing néces­site beau­coup de tra­vail mais le résul­tat en vaut la peine. Les prix Nobel de Cal­tech, le nombre de membres des Natio­nal Aca­de­mies of Science and Engi­nee­ring et le suc­cès de nos diplô­més parlent d’eux-mêmes. 


L’Athénée de Caltech.

Déve­lop­pe­ment du sys­tème « Phoenix ».


Je crois que l’École poly­tech­nique a la pos­si­bi­li­té de déve­lop­per une tra­di­tion de dona­tion pri­vée simi­laire à celle des meilleures uni­ver­si­tés amé­ri­caines. Aux États-Unis, nous uti­li­sons sou­vent l’expression : Suc­cess­ful people want to give to suc­cess­ful organizations.

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