Le secteur de la forêt et du bois

Dossier : Le boisMagazine N°578 Octobre 2002Par Anne BARILLON
Par Christian BARTHOD
Par Jean-Luc PEYRON (76)

Le bois, un produit universellement utilisé, à la source d’un commerce mondial actif

Le bois demeure un pro­duit essen­tiel qui se récolte, s’é­change et s’u­ti­lise par­tout dans le monde. Ain­si, en 2000, la récolte mon­diale a été de 1 765 mil­lions de m3 (Mm3) de bois de feu et 1 585 Mm³ de bois ronds indus­triels. L’u­sage comme com­bus­tible reste pré­pon­dé­rant sur le conti­nent afri­cain et en Asie (80 %), il est mino­ri­taire en Europe et en Amé­rique du Nord.

Les échanges inter­na­tio­naux de bois et déri­vés, bien que pro­duits pon­dé­reux, sont très actifs. Esti­mé à 132 mil­liards de dol­lars en 1998, le mar­ché du bois et des pro­duits déri­vés (sciages, pan­neaux, pâtes, papiers et car­tons) repré­sente envi­ron 3 % du com­merce mon­dial pour 2 % du PIB mondial.

À côté du Cana­da et des USA, tra­di­tion­nel­le­ment four­nis­seurs de bois et sciages rési­neux sur le mar­ché mon­dial, on note­ra l’é­mer­gence de nou­veaux pays pro­duc­teurs comme le Bré­sil, le Chi­li et la Nou­velle-Zélande. Les plus gros impor­ta­teurs de bois ronds et de sciages sont le Japon et la Chine.

Avec une récolte d’en­vi­ron 50 Mm3, la France est au sein de l’U­nion euro­péenne le 4e pro­duc­teur de bois ronds, der­rière la Suède, la Fin­lande et l’Al­le­magne, mais le 1er pro­duc­teur de bois feuillus. Elle occupe éga­le­ment le 4e rang pour la pro­duc­tion de sciages, le 2e pour celle de pan­neaux et celle des pâtes et le 4e rang euro­péen pour la pro­duc­tion de papiers et cartons.

Sur ces seg­ments, la France occupe les rangs de 10e ou de 11e pro­duc­teur mon­dial. Elle est le 9e pays consom­ma­teur de bois et pro­duits déri­vés et son défi­cit de la balance du com­merce exté­rieur reste éle­vé : 3,5 mil­liards d’eu­ros en 2001, très majo­ri­tai­re­ment dû aux sec­teurs des pâtes, papiers et car­tons (1,7 mil­liard d’eu­ros ensemble) et de l’a­meu­ble­ment (1 mil­liard d’euros).

L’horizon européen avec une prévision de croissance des besoins en bois et fibres

Si le mar­ché du bois est de plus en plus mon­dia­li­sé et s’il convient de prê­ter la plus grande impor­tance à l’é­mer­gence de l’A­mé­rique du Sud et de la Nou­velle-Zélande dans les flux inter­na­tio­naux, l’ho­ri­zon le plus immé­diat de la filière forêt-bois fran­çaise reste le conti­nent euro­péen, et c’est d’a­bord sur le mar­ché de l’U­nion euro­péenne que doit s’ap­pré­cier sa compétitivité.

L’é­tude de la Com­mis­sion éco­no­mique pour l’Eu­rope des Nations unies et de l’Or­ga­ni­sa­tion des Nations unies pour l’a­li­men­ta­tion et l’a­gri­cul­ture (FAO)1 pré­voit, dans les deux scé­na­rios de base rete­nus, qu’au niveau du conti­nent euro­péen (hors Rus­sie, Ukraine et Bié­lo­rus­sie) les besoins en pro­duits déri­vés du bois conti­nue­ront de croître jus­qu’en 2020, au moins à un rythme voi­sin de celui du PIB.

Selon les experts, ces pré­vi­sions condui­raient en 2020 à une récolte supé­rieure de 90 Mm3 à celle de 1990 (qui était de 380 Mm3), à un fort déve­lop­pe­ment de l’u­ti­li­sa­tion des fibres recy­clées (vieux papiers et déchets) jus­qu’au maxi­mum tech­nique et à un accrois­se­ment net des impor­ta­tions européennes.

Le taux de cou­ver­ture des besoins en bois et en fibres par la récolte euro­péenne qui était de 70 % en 1990 chu­te­rait à envi­ron 55 % en 2020.

Dans ce contexte, même si la grande incon­nue reste le niveau de mise en valeur des for­mi­dables res­sources de la Fédé­ra­tion de Rus­sie (près de la moi­tié du volume sur pied mon­dial des forêts tem­pé­rées et boréales), le poten­tiel de pro­duc­tion fores­tière de la France, qui est en forte crois­sance, pour­rait être davan­tage sol­li­ci­té. Les uni­tés indus­trielles de trans­for­ma­tion implan­tées en France en tire­ront par­ti dans la mesure où pour­ront être dès main­te­nant sur­mon­tés un cer­tain nombre de dif­fi­cul­tés et han­di­caps qui obèrent leur com­pé­ti­ti­vi­té et freinent les déci­sions de moder­ni­sa­tion et d’investissement.

Passerelle en bois à Nantes, Architecte : SEVE de Nantes.ffff
Pas­se­relle à Nantes, Loire-Atlan­tique. Archi­tecte : SEVE de Nantes.

Une ressource abondante et diversifiée

La res­source en bois du conti­nent euro­péen (hors Rus­sie, Ukraine et Bié­lo­rus­sie) est de 25 000 Mm3 de bois sur pied. Au sein de l’U­nion euro­péenne, elle se répar­tit pour 90 % du volume entre six pays : Alle­magne, France et Suède (3 000 Mm3 cha­cune), Fin­lande (2 000 Mm3), Autriche et Ita­lie (plus de 1 000 Mm3 cha­cune). La France fait donc incon­tes­ta­ble­ment par­tie des pays euro­péens dont le poten­tiel pour l’in­dus­trie du bois est le plus élevé.

Avec un taux de boi­se­ment de 28 %, la France se situe dans la moyenne euro­péenne, à peu près au même niveau que l’Al­le­magne, mais très en deçà de la Fin­lande et de la Suède (plus de 65 %), ou de l’Au­triche (un peu moins de 50 %), pour ne citer que les grands pays expor­ta­teurs de bois de l’U­nion euro­péenne. Mais à l’é­chelle des bas­sins d’ap­pro­vi­sion­ne­ment des grandes indus­tries du bois, le taux de boi­se­ment du quart nord-est de la France et de cer­taines zones du Mas­sif cen­tral est com­pris entre 30 et 55 %, et celui du mas­sif aqui­tain entre 40 et 65 %. La grande dia­go­nale fores­tière fran­çaise qui va des Vosges à l’A­qui­taine fait par­tie des zones euro­péennes a prio­ri inté­res­santes pour l’im­plan­ta­tion d’in­dus­tries du bois compétitives.

Depuis 1989, l’af­fai­blis­se­ment de la consom­ma­tion de bois feuillus en Europe, déjà amor­cé depuis plus de cin­quante ans, s’est encore accé­lé­ré, avec une chute de 21 % en sept ans. La part net­te­ment domi­nante des feuillus dans la forêt fran­çaise (63 % des sur­faces, 61 % des volumes sur pied et 55 % de l’ac­crois­se­ment bio­lo­gique), si elle est un atout pour le » bois d’œuvre » (bois en grumes pour le sciage, le tran­chage et le dérou­lage), n’en est pas un pour le » bois d’in­dus­trie » (et de tri­tu­ra­tion, pour les pan­neaux de fibres et de par­ti­cules, les pâtes à papier et les poteaux).

Même si la diver­si­té des espèces d’arbres est très forte en France, avec 136 essences pou­vant être ren­con­trées assez fré­quem­ment en forêt, huit d’entre elles (chênes rouvre et pédon­cu­lé, hêtre, peu­plier, sapin, épi­céa, pin mari­time et pin syl­vestre) four­nissent à elles seules 90 % des grumes récoltées.

Sur le total euro­péen des accrois­se­ments bio­lo­giques (677 Mm3 par an), la France pèse pour un peu moins de 14 %, supé­rieure à l’Al­le­magne, à la Suède et à la Fin­lande. Concer­nant l’ac­crois­se­ment bio­lo­gique par hec­tare, la France, l’Al­le­magne, l’Au­triche et l’Ir­lande béné­fi­cient a prio­ri d’un réel avan­tage com­pé­ti­tif pour la pro­duc­tion de bois rési­neux, notam­ment par rap­port aux pays nor­diques, dès lors que les qua­li­tés pro­duites peuvent trou­ver leur marché.

L’im­por­tance des plan­ta­tions effec­tuées depuis cin­quante ans donne actuel­le­ment à la France une situa­tion pri­vi­lé­giée en Europe, avec une res­source récol­table de plus en plus abon­dante, un palier devant être atteint entre 2020 et 2030.

Une offre de bois en pleine croissance, malgré des handicaps

Avec 4 mil­lions de pro­prié­tés fores­tières, la France compte 52 % des effec­tifs de l’U­nion euro­péenne, sec­teurs public et pri­vé inclus, ce qui rend dif­fi­cile l’or­ga­ni­sa­tion d’une offre struc­tu­rée. Néan­moins seule­ment 213 000 pro­prié­tés (dont 202 000 pri­vées) pos­sé­dant cha­cune au moins 10 ha de forêts pèsent ensemble 10,1 Mha. En se limi­tant aux pro­prié­tés de plus de 50 hec­tares, la France compte 7,3 Mha de forêts (sur­face moyenne de 206 ha), l’Al­le­magne 7,7 Mha (sur­face moyenne de 72 ha), la Fin­lande 6,2 Mha (sur­face moyenne de 103 ha), mais la Suède 19,3 Mha (sur­face moyenne de 307 ha).

Un pro­prié­taire n’est pas néces­sai­re­ment un ven­deur régu­lier de bois, inté­gré dans une logique éco­no­mique d’ap­pro­vi­sion­ne­ment sécu­ri­sé des indus­tries. La situa­tion fran­çaise est très dif­fé­rente de celle de la Suède, de la Fin­lande ou même du Por­tu­gal, où res­pec­ti­ve­ment 37 %, 8 % et 7 % des forêts sont sous le contrôle direct de grands groupes indus­triels. En France, les quelques études socio­lo­giques dis­po­nibles montrent toute l’im­por­tance de la dimen­sion patri­mo­niale de la pro­prié­té dans les déci­sions de ges­tion, confor­tée d’ailleurs par une fis­ca­li­té pri­vi­lé­giant la conser­va­tion du patrimoine.

En l’ab­sence de struc­tures col­lec­tives puis­santes et maî­tri­sées par les pro­prié­taires fores­tiers, l’as­pect psy­cho­lo­gique de la poli­tique fores­tière est très impor­tant : la per­cep­tion sub­jec­tive du contexte créé par les pou­voirs publics influe for­te­ment sur la moti­va­tion des ges­tion­naires, sur leurs inves­tis­se­ments et sur leurs mises en vente.

Après le Por­tu­gal, la France pos­sède la plus faible pro­por­tion (4,4 Mha, soit 26 %) de forêts publiques (doma­niales et com­mu­nales essen­tiel­le­ment) de l’U­nion euro­péenne. Or celles-ci sont géné­ra­le­ment de sur­face uni­taire beau­coup plus vaste que les pro­prié­tés pri­vées et béné­fi­cient d’une bonne orga­ni­sa­tion des mises en vente de bois. Dans un pays où la pro­prié­té pri­vée est rela­ti­ve­ment peu struc­tu­rée en matière de déve­lop­pe­ment fores­tier et de mise en vente com­mune, c’est dire l’en­jeu de l’Of­fice natio­nal des forêts (ONF) et du » régime fores­tier » qu’il est char­gé de mettre en œuvre dans les 3,8 Mha de forêts publiques sus­cep­tibles d’a­mé­na­ge­ment et d’ex­ploi­ta­tion régu­lière, pour la com­pé­ti­ti­vi­té des appro­vi­sion­ne­ments des indus­tries fran­çaises du bois (voir tableau ci-dessous).

Don­nées 1998 Poids en surface En volume de bois sur pied En vente de bois d’œuvre
Forêts privées 74 % 67 % 58 %
Forêts domaniales 10 % 13 % 19 %
Forêts communales 16 % 20 % 23 %


Il convient de noter que les coopé­ra­tives fores­tières, qui ne regroupent encore que 1,2 Mha de forêts pri­vées, com­mer­cia­lisent désor­mais 4 Mm3/an, soit un ratio de 3,3 m3/ha/an, chiffres à com­pa­rer aux 13 Mm3/an com­mer­cia­li­sés par l’ONF à par­tir des 3,3 Mha de forêts rele­vant du régime fores­tier (ratio de 3 m3/ha/an).

Une récolte en croissance mais qui reste en deçà des possibilités biologiques de la forêt, malgré l’impact des tempêtes de 1999

Les pré­lè­ve­ments de bois opé­rés sur le conti­nent euro­péen sont très infé­rieurs à l’ac­crois­se­ment bio­lo­gique annuel net, dont ils repré­sentent moins de 70 %. La France n’é­chappe pas à ce constat, qui est d’ailleurs valable au niveau mon­dial pour l’en­semble des forêts tem­pé­rées et boréales.

La récolte de bois fran­çaise est en crois­sance régu­lière sur les der­nières décen­nies et elle a atteint sur la période 1990–1999 la moyenne annuelle de 32 Mm3 (hors bois de chauf­fage) contre 29,6 Mm3 sur la période 1980–1989. Suite aux grands cha­blis dus aux tem­pêtes de décembre 1999, la récolte 2000 a dépas­sé 45 Mm3 (hors bois de chauf­fage) et un haut niveau a été éga­le­ment main­te­nu en 2001.

Avec le bois de chauf­fage, qu’il soit com­mer­cia­li­sé ou auto­con­som­mé, esti­mé à 15 à 20 Mm3, le pré­lè­ve­ment total atteint 50 à 55 Mm3 en année nor­male, pour un accrois­se­ment annuel esti­mé à plus de 80 Mm3, soit un taux d’u­ti­li­sa­tion infé­rieur à 65 %.

Cette sous-uti­li­sa­tion entraîne une » sur­ca­pi­ta­li­sa­tion » sur pied dans de nom­breux peu­ple­ments forestiers.

La pro­duc­tion fran­çaise de bois a ain­si une marge de pro­gres­sion impor­tante, sou­li­gnée dans le rap­port du dépu­té Jean-Louis Bian­co2 qui a pré­co­ni­sé de l’ac­croître de 6 Mm3 en dix ans pour la seule forêt publique par une dyna­mi­sa­tion de la sylviculture.

La réduc­tion de cette forte sous-uti­li­sa­tion est l’un des axes de la poli­tique fores­tière, qui s’est tra­duit par la loi d’o­rien­ta­tion sur la forêt votée en juillet 2001, ain­si que dans le plan de déve­lop­pe­ment rural natio­nal, les pré­oc­cu­pa­tions de ges­tion durable des forêts ren­con­trant ici le sou­ci de déve­lop­pe­ment éco­no­mique et de main­tien de l’emploi en milieu rural.

Les tempêtes de décembre 1999 ne remettent en effet nullement en cause l’objectif global de développement

Les deux tem­pêtes excep­tion­nelles de décembre 1999 ont abat­tu envi­ron 140 Mm3 de bois (« cha­blis ») et entraî­né des dégâts signi­fi­ca­tifs sur 5 % des sur­faces fores­tières. Il ne s’a­git pas d’une catas­trophe éco­lo­gique car les capa­ci­tés de régé­né­ra­tion des peu­ple­ments fores­tiers, même dans les zones les plus tou­chées, ne sont pas atteintes. Ces tem­pêtes ont tou­te­fois pro­vo­qué un réel choc éco­no­mique en désta­bi­li­sant les mar­chés du bois.

Les tem­pêtes ont déca­pi­ta­li­sé de façon bru­tale. Dans les zones les plus for­te­ment tou­chées, le rajeu­nis­se­ment résul­tant de la forêt sur de vastes sur­faces va entraî­ner un dés­équi­libre dans les classes d’âge et per­tur­ber la régu­la­ri­té des récoltes qui carac­té­rise la ges­tion durable.

Tou­te­fois, la forêt fran­çaise com­prend plus de 2 000 Mm3 de bois sur pied et conti­nue de s’ac­croître, tant en sur­face (soit la super­fi­cie moyenne d’un dépar­te­ment en sept ans) qu’en volume par hec­tare (aug­men­ta­tion de 13 % de 1989 à 1999). Il res­te­ra demain, dans de très nom­breuses zones, des peu­ple­ments trop denses, en dépit des impor­tants volumes de cha­blis. Avec une ges­tion rai­son­née de l’é­ta­le­ment des coupes dans le temps et une approche ter­ri­to­riale res­pon­sable, la filière forêt-bois devrait pou­voir rapi­de­ment renouer avec ses prio­ri­tés stra­té­giques de développement.

Des objectifs essentiels pour les industries de première transformation du bois : la régularité et la sécurité de leur approvisionnement et la maîtrise de son coût

Dans un contexte mar­qué par l’ab­sence d’in­té­gra­tion éco­no­mique et finan­cière entre l’a­mont et l’a­val, confron­tés à la faible taille et à la dis­per­sion des chan­tiers de récolte, ain­si qu’à l’hé­té­ro­gé­néi­té qua­li­ta­tive et spa­tiale de la res­source, les par­te­naires pro­fes­sion­nels sont à la recherche de tout pro­grès d’ordre tech­nique, logis­tique, éco­no­mique ou régle­men­taire rédui­sant les coûts de pros­pec­tion et de mobi­li­sa­tion des bois. En effet, une part signi­fi­ca­tive de leur com­pé­ti­ti­vi­té sur les mar­chés euro­péens et mon­diaux se joue au niveau du coût de la matière pre­mière ren­due usine.

Lycée, construction en bois, de l’Albanais à Rumilly en Haute-Savoie. Architecte : D. Molard.
Lycée de l’Albanais à Rumil­ly en Haute-Savoie. Archi­tecte : D. Molard.

Scie­ries, entre­prises de tran­chage et de dérou­lage, uni­tés de fabri­ca­tion de pan­neaux et de pâtes à papier sont en nombre infé­rieur à 3 000 en France. Leur appro­vi­sion­ne­ment annuel pro­vient de près de 90 000 lots de bois, majo­ri­tai­re­ment ven­dus sur pied, et dont la mobi­li­sa­tion dépend de nom­breux pro­prié­taires qui ne sont pas spon­ta­né­ment des ven­deurs, et ne sont pas tous des ven­deurs réguliers.

En outre, de l’arbre sur pied mar­qué pour la coupe au mètre cube de bois rond ren­du usine, il y a plu­sieurs opé­ra­tions – pros­pec­tion des coupes mises en vente, achat selon le mode choi­si par le ven­deur, exploi­ta­tion de la coupe (abat­tage et débar­dage), tri et allo­tis­se­ment si néces­saire, trans­port des bois – et les divers acteurs, pres­ta­taires de ser­vices, et par­fois inter­mé­diaires qui y participent.

L’ONF joue un rôle éco­no­mique et com­mer­cial déter­mi­nant dans l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des indus­tries puisque le bois qu’il met en vente chaque année, issu des forêts doma­niales et des forêts des col­lec­ti­vi­tés, repré­sente 40 % du mar­ché en volume et envi­ron 50 % en valeur.

La dyna­mi­sa­tion de la syl­vi­cul­ture et la mise en œuvre de contrats d’ap­pro­vi­sion­ne­ment plu­ri­an­nuels, que la loi auto­rise désor­mais l’ONF à uti­li­ser plus lar­ge­ment, devraient contri­buer à sécu­ri­ser davan­tage l’ap­pro­vi­sion­ne­ment d’en­tre­prises qui évo­luent dans un sys­tème de très faible struc­tu­ra­tion des rela­tions entre ache­teurs et ven­deurs, à la dif­fé­rence de la situa­tion qui pré­vaut chez nos prin­ci­paux concur­rents des pays nordiques.

Dans le coût du bois ren­du usine, celui du trans­port, qui en est une com­po­sante impor­tante, reste très dépen­dant des condi­tions régle­men­taires de cir­cu­la­tion des gru­miers et en par­ti­cu­lier des ton­nages auto­ri­sés. Son inci­dence est d’au­tant plus stra­té­gique que les rayons d’ap­pro­vi­sion­ne­ment s’ac­croissent avec la taille des uni­tés de trans­for­ma­tion et jouent à l’op­po­sé des éco­no­mies d’é­chelle réa­li­sées par les outils indus­triels, en par­ti­cu­lier dans la tri­tu­ra­tion. Pour une scie­rie dont le rayon moyen d’ap­pro­vi­sion­ne­ment est de l’ordre de 80 km, le trans­port repré­sente 15 % du coût du bois d’œuvre ren­du usine ; ce ratio passe faci­le­ment à 30 % pour le bois d’in­dus­trie ren­du dans une uni­té de pan­neaux ou de pâtes dont le rayon d’ap­pro­vi­sion­ne­ment dépasse 150 km.

Pré­vues par la loi d’orientation sur la forêt, les nou­velles mesures régle­men­taires de trans­port rou­tier des bois ronds sont for­te­ment atten­dues. La ratio­na­li­sa­tion des cir­cuits d’approvisionnement devrait éga­le­ment appor­ter des pro­grès significatifs.

En France, les sec­teurs d’ac­ti­vi­té du bois se dif­fé­ren­cient for­te­ment entre eux, et par­fois de leurs homo­logues euro­péens, par les don­nées struc­tu­relles, les résul­tats et les per­for­mances des entre­prises qui les composent.

La récolte est l’af­faire de très petites entre­prises, implan­tées au plus près des mas­sifs fores­tiers. Envi­ron 6 000 entre­prises ont une acti­vi­té d’ex­ploi­ta­tion fores­tière (c’est-à-dire d’a­chat des coupes et d’or­ga­ni­sa­tion de la récolte) et 95 % d’entre elles ont moins de 6 sala­riés. Le sec­teur emploie 10 000 sala­riés per­ma­nents et de nom­breux sai­son­niers. La grande majo­ri­té des entre­prises d’ex­ploi­ta­tion fores­tière fait appel, pour tout ou par­tie de leur acti­vi­té, à de la sous-trai­tance four­nie par des entre­prises de bûche­ron­nage et de débar­dage, sou­vent unipersonnelles.

Bien que han­di­ca­pée par les fac­teurs struc­tu­rels (taille des par­celles, relief, diver­si­té des peu­ple­ments et forte pré­sence des essences feuillues), ain­si que par la faible taille éco­no­mique des entre­prises concer­nées, la méca­ni­sa­tion de la récolte se déve­loppe régulièrement.

En rai­son des inves­tis­se­ments moti­vés par l’é­norme volume des bois cha­blis à récol­ter, les années 2000 et 2001 mar­que­ront un saut qua­li­ta­tif et quan­ti­ta­tif impor­tant dans le parc de machines d’a­bat­tage et de débar­dage. Le taux de méca­ni­sa­tion de la récolte des rési­neux en France (50 % avant les tem­pêtes dans les régions les mieux équi­pées) reste cepen­dant beau­coup moins éle­vé que celui des pays nor­diques (98 % de la récolte rési­neuse en Suède), ce qui a une inci­dence néga­tive sur la pro­duc­ti­vi­té du secteur.

Deux types bien contrastés de première transformation : les PMI du bois d’œuvre et les sites industriels lourds de la trituration

La pre­mière trans­for­ma­tion du bois d’œuvre est le fait des scie­ries, essen­tiel­le­ment des PMI fami­liales, au nombre de 2 500 en 1999, dont 90 % ont moins de 20 sala­riés et qui emploient au total 24 400 salariés.

À côté d’un grand nombre de petites uni­tés rurales (près de 1 000 scie­ries pro­duisent moins de 1 000 m3 de sciages par an) se déve­loppe un sec­teur de scie­ries moyennes : 60 % des sciages pro­viennent désor­mais d’en­tre­prises pro­dui­sant de plus 8 000 m3 par an.

Mais la dis­pa­ri­té struc­tu­relle des outils indus­triels en Europe reste très forte : en Suède, en Fin­lande et éga­le­ment en Alle­magne, l’es­sen­tiel de la pro­duc­tion émane d’u­ni­tés de scie­ries d’une capa­ci­té de plus de 100 000 m3, taille que n’at­teignent que peu d’u­ni­tés en France.

Mal­gré une forte dimi­nu­tion du nombre d’en­tre­prises, l’in­dus­trie fran­çaise du sciage voit sa pro­duc­tion sta­bi­li­sée depuis une dizaine d’an­nées à un niveau voi­sin de 10 mil­lions de m3, cepen­dant que la pro­duc­tion euro­péenne a crû de 25 % envi­ron, por­tée notam­ment par la situa­tion favo­rable du BTP de la fin de la décen­nie. Les freins sont l’ab­sence d’une offre mas­si­fiée à des prix per­met­tant d’as­seoir des pro­jets de déve­lop­pe­ment ambi­tieux, une ren­ta­bi­li­té insuf­fi­sante de cette indus­trie et la fai­blesse des fonds propres des entreprises.

Dans ce contexte, de nom­breuses scie­ries se sont déve­lop­pées en offrant une grande sou­plesse dans le choix des sec­tions et des lon­gueurs de débits pour s’a­dap­ter à la diver­si­té des demandes de leurs mar­chés et assu­rer une livrai­son rapide de débits spé­ci­fiques dits » sur liste « . D’autres ont choi­si l’in­té­gra­tion de secondes trans­for­ma­tions et de ser­vices (par­quets, lam­bris, mobi­lier de jar­din, kits pour les amé­na­ge­ments extérieurs…).

Cepen­dant, le déve­lop­pe­ment et la moder­ni­sa­tion des scie­ries res­tent un enjeu capi­tal pour la filière, car la res­source fores­tière aug­mente et ces indus­tries assurent 80 % du reve­nu des pro­duc­teurs fores­tiers. En outre, pour répondre aux objec­tifs de déve­lop­pe­ment de l’emploi du bois en construc­tion, il est indis­pen­sable d’a­mé­lio­rer la qua­li­té des sciages et leur fini­tion (en par­ti­cu­lier le séchage des rési­neux), ain­si que d’ef­fec­tuer leur clas­se­ment selon les carac­té­ris­tiques de sic­ci­té et de com­por­te­ment en struc­ture, toutes opé­ra­tions qui sup­posent des investissements.

La tri­tu­ra­tion est une indus­trie lourde qui tra­vaille par voie méca­nique ou chi­mique les fibres ou le bois fragmenté.

Elle est actuel­le­ment déte­nue presque exclu­si­ve­ment par des groupes de dimen­sion internationale.

L’in­dus­trie pape­tière a fait l’ob­jet d’une forte vague d’in­ves­tis­se­ments étran­gers à la fin des années quatre-vingt pour moder­ni­ser ou déve­lop­per des uni­tés de pâtes aux normes inter­na­tio­nales, tan­dis que l’in­dus­trie des pan­neaux pour­sui­vait la concen­tra­tion des entre­prises au sein de groupes euro­péens et le déve­lop­pe­ment de la taille des unités.

Ces indus­tries ne pré­sentent pas aujourd’­hui en France de carac­té­ris­tiques qui les dif­fé­ren­cient de celles des autres pays euro­péens. Mais les sites d’un même groupe sont en concur­rence forte entre eux pour leur déve­lop­pe­ment et les atouts fran­çais qui ont atti­ré les inves­tis­se­ments étran­gers sont tou­jours à défendre : l’im­por­tance de la res­source, le coût modé­ré de l’éner­gie, la qua­li­té de la main-d’œuvre et la crois­sance de la consom­ma­tion intérieure.

On compte en France 17 usines de pâtes (dont 11 sites d’une capa­ci­té supé­rieure à 100 000 tonnes de pâte), désor­mais toutes inté­grées dans des groupes à acti­vi­té papetière.

Une tren­taine d’u­sines de fabri­ca­tion de pan­neaux de par­ti­cules et de fibres de bois, dont cer­taines se rap­prochent des usines de pâtes par la taille et l’im­por­tance des inves­tis­se­ments, répondent à une demande crois­sante (en par­ti­cu­lier en pan­neaux » medium den­si­ty fiber­board » MDF) et assurent à la France une pro­gres­sion de ses parts sur le mar­ché européen.

Ces indus­tries de la tri­tu­ra­tion consomment envi­ron 30 % des volumes de bois pro­duits et assurent 20 % des reve­nus des pro­duc­teurs fores­tiers. Elles uti­lisent aus­si une part impor­tante des déchets de bois des autres indus­tries (au pre­mier rang des­quels les pro­duits connexes de scie­rie) et la fabri­ca­tion des pâtes intègre par ailleurs une pro­por­tion crois­sante de fibres recy­clées (vieux papiers dont le poten­tiel de récu­pé­ra­tion n’est pas encore atteint en France).

À l’a­val de la pre­mière trans­for­ma­tion du bois d’œuvre, un ensemble de métiers et d’en­tre­prises arti­sa­nales ou indus­trielles assurent des secondes trans­for­ma­tions variées et la mise en œuvre des pro­duits dans le bâti­ment : indus­tries de l’emballage lourd ou léger ; fabri­ca­tion d’ar­ticles ména­gers et d’ob­jets en bois ; indus­tries des par­quets et lam­bris ; char­pente arti­sa­nale ; menui­se­ries et char­pentes indus­trielles ; ameu­ble­ment arti­sa­nal et industriel…

Ces familles d’en­tre­prises, très dis­sem­blables les unes des autres dans leurs acti­vi­tés, leurs struc­tures et leurs mar­chés ont conser­vé pour la plu­part d’entre elles un lien étroit avec le bois, même s’il n’est plus leur seule matière pre­mière et si les acti­vi­tés de ser­vices prennent par­fois le pas sur la transformation.

Le bois matériau : un produit forestier parmi d’autres

La forêt four­nit un grand nombre de pro­duits autres que les bois d’œuvre et d’in­dus­trie. Le bois de feu, et plus géné­ra­le­ment le bois pour la pro­duc­tion d’éner­gie, fait encore l’ob­jet d’une consom­ma­tion notable en France (voir l’ar­ticle de G.-A. Morin dans ce numé­ro). D’autres pro­duc­tions ont consi­dé­ra­ble­ment décru (liège, gemme), alors que cer­taines conti­nuent à occu­per une place impor­tante : venai­son (plus de 150 mil­lions d’eu­ros par an), cham­pi­gnons (envi­ron 100 mil­lions d’eu­ros), châ­taignes et autres graines et fruits.

Il existe aus­si les élé­ments de déco­ra­tion issus de la forêt (arbres de Noël, mousses, lichens), et celui des pro­duits uti­li­sés en cos­mé­tique, chi­mie et phar­ma­cie… Comme le bois de feu, tous ces biens ne s’é­changent pas for­cé­ment sur le mar­ché et il est dif­fi­cile de les éva­luer avec pré­ci­sion ; cepen­dant, addi­tion­nés, ils repré­sentent vrai­sem­bla­ble­ment de l’ordre de 10 % de la valeur des bois récoltés.

Outre des biens, la forêt pro­cure de nom­breux ser­vices : la pro­tec­tion des sols contre l’é­ro­sion, les ava­lanches et autres glis­se­ments de ter­rain, la régu­la­tion et l’é­pu­ra­tion des eaux, l’a­mé­lio­ra­tion de la qua­li­té de l’air et la réduc­tion de l’ef­fet de serre, la conser­va­tion de la bio­di­ver­si­té ani­male et végé­tale ain­si que les loi­sirs et la qua­li­té de vie, y com­pris les paysages.

La poli­tique de la forêt et du bois se trouve fina­le­ment poten­tiel­le­ment écar­te­lée entre ces mul­tiples rôles qui, sou­vent, sont com­plé­men­taires mais, par­fois aus­si, entrent en conflit les uns avec les autres. D’où son impor­tance, sa dif­fi­cul­té et son intérêt.

Un peu de prospective : quels liens forêt-industrie demain ?

Si le bois n’est ain­si qu’un par­mi les nom­breux pro­duits et ser­vices – la plu­part non mar­chands – que pro­curent les forêts, il four­nit l’es­sen­tiel du finan­ce­ment de la ges­tion durable des forêts et nour­rit le sec­teur bois-papier-ameu­ble­ment qui, au total, pèse 35 mil­liards d’eu­ros de chiffre d’af­faires et pro­cure plus de 250 000 emplois.

Comme on l’a sou­li­gné, ce sec­teur a des fra­gi­li­tés liées à son amont fores­tier que ne ren­contrent pas d’autres sec­teurs indus­triels et la logique éco­no­mique de son déve­lop­pe­ment peut entrer en conflit avec d’autres rôles des espaces fores­tiers, vou­lus par leurs pro­prié­taires ou com­man­dés par l’in­té­rêt géné­ral. D’où le légi­time ques­tion­ne­ment des indus­triels : vers quelle(s) forêt(s), rem­plis­sant quelles fonc­tions conduit la poli­tique fores­tière fran­çaise ? Un décou­plage forêt-indus­trie est-il à craindre ?

À la fin des années quatre-vingt-dix, une ana­lyse pros­pec­tive réa­li­sée par l’IN­RA pri­vi­lé­giait la vul­né­ra­bi­li­té aux évo­lu­tions bru­tales en don­nant une impor­tance par­ti­cu­lière au sec­teur de l’in­dus­trie lourde du bois où un petit nombre de déci­deurs peut conduire à un bas­cu­le­ment pro­fond dans la logique actuelle de fonc­tion­ne­ment de la filière.

Le pre­mier scé­na­rio est dit » ten­dan­ciel instable « . Optant pour le sta­tu quo, il met au pre­mier plan la res­source fores­tière fran­çaise et ses atouts, en pro­lon­geant la ges­tion mul­ti­fonc­tion­nelle tra­di­tion­nelle qui s’ef­force de conci­lier sur un même ter­ri­toire les fonc­tions éco­lo­gique, éco­no­mique et sociale de la forêt, dans un contexte où l’ar­ti­cu­la­tion entre la forêt et les indus­tries du bois reste assez faible.

L’en­jeu est alors d’aug­men­ter les parts de mar­ché à l’ex­por­ta­tion pour les pro­duits fores­tiers peu trans­for­més, pen­dant que les indus­tries lourdes s’ef­forcent d’im­por­ter des pro­duits fores­tiers peu coû­teux et bien adap­tés aux carac­té­ris­tiques de leurs mar­chés, pour l’é­la­bo­ra­tion de pro­duits à forte valeur ajou­tée. Cette option n’est pas for­cé­ment défa­vo­rable au départ pour la forêt fran­çaise mais peut conduire à terme à la perte du débou­ché actuel pour le bois d’in­dus­trie, condui­sant à des révi­sions syl­vi­coles très dif­fi­ciles à mener, et à la fer­me­ture simple ou à la délo­ca­li­sa­tion de cer­taines uni­tés de trans­for­ma­tion des pro­duits forestiers.

Le deuxième scé­na­rio, dit » indus­trie et mul­ti­fonc­tion­na­li­té de la forêt « , met au pre­mier plan des prio­ri­tés la fixa­tion en France des grosses indus­tries de trans­for­ma­tion du bois, actuel­le­ment très majo­ri­tai­re­ment contrô­lées par des socié­tés de dimen­sion inter­na­tio­nale, et les pré­oc­cu­pa­tions en matière d’emploi et de valeur ajou­tée. Il sup­pose la pour­suite d’une exploi­ta­tion de l’en­semble de la forêt, dans une logique mul­ti­fonc­tion­nelle actua­li­sée à la lumière des connais­sances scien­ti­fiques et des demandes sociales, ain­si qu’un effort signi­fi­ca­ti­ve­ment accru de plan­ta­tions de peu­pliers et de rési­neux, dont le bois est de plus en plus deman­dé depuis cin­quante ans.

Il repose sur une amé­lio­ra­tion très signi­fi­ca­tive des rela­tions contrac­tuelles entre les pro­duc­teurs fores­tiers et les trans­for­ma­teurs du bois. Il est insé­pa­rable d’une cla­ri­fi­ca­tion contrac­tuelle des contraintes envi­ron­ne­men­tales, actuelles et à venir, et de la véri­fi­ca­tion de leur com­pa­ti­bi­li­té avec l’en­semble des autres contraintes qui pèsent en France sur la com­pé­ti­ti­vi­té de l’ap­pro­vi­sion­ne­ment des indus­tries du bois.

Le troi­sième scé­na­rio, dit du » tout ter­ri­to­rial « , mise, volon­tai­re­ment ou par absence de déci­sion claire dans un autre sens, sur les fonc­tions spa­tiales et non mar­chandes de la forêt, aux­quelles est de plus en plus sen­sible une opi­nion publique majo­ri­tai­re­ment cita­dine, qui reven­dique de plus en plus une inter­fé­rence avec le libre exer­cice du droit de pro­prié­té en forêt, pour­tant déjà enca­dré par les lois et règle­ments. Il met en valeur les effets béné­fiques de forêts à la ges­tion très exten­sive sur le tou­risme, l’a­mé­na­ge­ment des ter­ri­toires ruraux, l’a­mé­lio­ra­tion du cadre de vie, l’ac­crois­se­ment de la bio­di­ver­si­té locale, la qua­li­té de l’eau, etc. Il est insé­pa­rable d’une forte régres­sion indus­trielle et d’une pro­bable démo­ti­va­tion, bru­tale ou pro­gres­sive, des pro­prié­taires fores­tiers, pri­vés ou com­mu­naux, à qui les pro­grès des cin­quante der­nières années sont lar­ge­ment dus.

Il peut poser des pro­blèmes de recru­des­cence mal accep­tée par la socié­té de cer­tains phé­no­mènes carac­té­ri­sant les grands espaces natu­rels (incen­dies, fer­me­ture du cou­vert à cer­tains endroits, phases d’ou­ver­ture à d’autres…) et de réac­tion de cer­tains pro­prié­taires inter­di­sant l’ac­cès de leur forêt. De façon plus stra­té­gique, il pose la ques­tion dif­fi­cile du finan­ce­ment des fonc­tions non mar­chandes à grande échelle, par l’im­pôt (option de cer­tains pays euro­péens, comme les Pays-Bas) ou par une écotaxe.

Le qua­trième scé­na­rio, dit de la » sépa­ra­tion des fonc­tions « , opte pour la spé­cia­li­sa­tion des fonc­tions et des espaces, avec des forêts culti­vées rela­ti­ve­ment inten­si­ve­ment et des forêts consa­crées à la pro­tec­tion de la nature et à la détente. C’est la situa­tion qui carac­té­rise la Nou­velle-Zélande, le Chi­li, le sud des USA, et dans une moindre mesure la Suède, tous pays dont les per­for­mances indus­trielles et com­mer­ciales sont spec­ta­cu­laires en matière de bois.

Il pré­co­nise une forte inté­gra­tion entre la forêt et l’in­dus­trie, sous contrôle fon­cier ou éco­no­mique des indus­triels, sur une par­tie seule­ment du ter­ri­toire boi­sé, en rac­cour­cis­sant les durées de pro­duc­tion, en recou­rant davan­tage à des tech­niques agri­coles et en impo­sant un cahier des charges tech­nique fon­dé sur la demande du mar­ché. Les ter­ri­toires boi­sés res­tants sont alors clai­re­ment dévo­lus aux fonc­tions non mar­chandes, soit par libre choix du pro­prié­taire, soit par contrainte régle­men­taire envi­ron­ne­men­tale ; ils peuvent néan­moins faire l’ob­jet d’un entre­tien mini­mal, finan­cé par l’im­pôt ou une taxe, ou par une exploi­ta­tion très épi­so­dique de bois.

Compte tenu du mor­cel­le­ment de la struc­ture fon­cière fores­tière, de l’im­por­tance des forêts pri­vées sur plus de 70 % du ter­ri­toire boi­sé, d’un cer­tain savoir-faire en matière de ges­tion durable des forêts, des emplois et de la valeur ajou­tée que repré­sente aujourd’­hui la filière, de la cohé­rence sou­hai­table avec les lourds inves­tis­se­ments fores­tiers consen­tis depuis cin­quante ans, et de la faible pro­ba­bi­li­té que nos conci­toyens acceptent de rému­né­rer signi­fi­ca­ti­ve­ment les fonc­tions non mar­chandes de la forêt, la logique veut que la France se donne les moyens de pas­ser du pre­mier au deuxième scénario.

C’est cette option qui a pré­va­lu dans la concep­tion de la loi d’o­rien­ta­tion sur la forêt de juillet 2001, qui vise à créer un contexte régle­men­taire, ins­ti­tu­tion­nel, éco­no­mique et fis­cal sus­cep­tible de convaincre les par­te­naires fores­tiers qu’ils ont tous plus à gagner qu’à perdre dans une telle évo­lu­tion et de favo­ri­ser le ren­for­ce­ment de leurs rela­tions deve­nu indispensable.

L’a­ve­nir du sec­teur forêt-bois se joue sur ces rela­tions réno­vées entre acteurs qui lui per­met­tront de mobi­li­ser toutes ses capa­ci­tés de déve­lop­pe­ment et d’in­no­va­tion tech­no­lo­gique. Mais il sera éga­le­ment condi­tion­né par la facul­té qui lui sera don­née d’ex­ploi­ter son meilleur atout : le bois, matière pre­mière renou­ve­lable, issue d’une éco-filière, c’est-à-dire une filière éco­nome en intrants et en éner­gie, béné­fique pour l’en­vi­ron­ne­ment et la sta­bi­li­té cli­ma­tique et res­pec­tueuse des équi­libres éco­lo­giques. Le choi­sir est donc aus­si un choix de société.

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1. Ten­dances et pers­pec­tives du bois en Europe à l’aube du XXIe siècle – ECE/TIM/SP/11 – 1996.
2. » La forêt : une chance pour la France « , Rap­port au Pre­mier ministre – août 1998.

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