Le rêve américain

Dossier : ExpressionsMagazine N°574 Avril 2002Par : Extrait de X-Info n° 125, mars 2002

Depuis que les poly­tech­ni­ciens ont la pos­si­bi­li­té de pour­suivre leur for­ma­tion à l’étranger, les États-Unis sont de loin leur des­ti­na­tion favo­rite. Si cette pré­fé­rence s’explique faci­le­ment par la posi­tion scien­ti­fique et tech­nique amé­ri­caine dans le monde, tout n’est pas par­fai­te­ment stra­té­gique dans les choix des X.

En effet, les poly­tech­ni­ciens ont le coup de foudre pour l’université de Stan­ford : dix X 97 s’y trou­vaient l’an der­nier (le MIT, en deuxième posi­tion, n’en a accueilli que sept) et dix-sept X 98 s’y sont pré­ci­pi­tés à la ren­trée 2001 (neuf pour le MIT, tou­jours en deuxième position).

Les X 97 et 98 chez l’Oncle Sam

Trente-deux X 97 aux États-Unis (à leur sor­tie de l’X l’année dernière)

Ann Arbor : 5 (en master).
Ber­ke­ley : 2 (en master).
Cal­tech : 1 (en master).
Cor­nell : 1 (en PhD).
Har­vard : 1 (en PhD).
MIT : 7 (en master).
New York : 1 (en master).
Prin­ce­ton : 1 (en PhD).
Stan­ford : 10 (en master).
UCLA : 2 (en master).

Autres pays
Espagne : 4 X 97.
Suède : 2 X 97.
Cana­da : 1 X 97.
Alle­magne : 1 X 97.
Suisse : 1 X 97.

Trente-six X 98 aux États-Unis

Ann Arbor : 4 (3 en mas­ter, 1 en PhD).
Ber­ke­ley : 4 (en master).
Car­ne­gie Mel­lon : 1 (en PhD).
MIT : 9 (7 en mas­ter et 2 en PhD).
New York : 1 (en master).
Stan­ford : 17 (16 en mas­ter et 1 en PhD).

Autres pays
Cana­da : 12 X 98.
Alle­magne : 7 X 98.
Espagne : 5 X 98.
Suède : 2 X 98.
Grande-Bre­tagne : 1 X 98.
Suisse : 1 X 98.

Au total, depuis l’ouverture inter­na­tio­nale de Poly­tech­nique, près de la moi­tié des X qui sont par­tis à l’étranger, tous pays confon­dus, ont choi­si Stan­ford. On ne peut que se réjouir qu’autant d’entre eux intègrent cette excel­lente uni­ver­si­té. Mais l’École poly­tech­nique espère bien voir aug­men­ter le nombre d’élèves par­tant à l’étranger, et Stan­ford n’accueillera pas tout le monde !

En fait, avant de par­tir, les élèves doivent tenir compte de deux cri­tères : la qua­li­té de la for­ma­tion et le nombre de places dis­po­nibles. Pour la qua­li­té de la for­ma­tion, le clas­se­ment des meilleures écoles d’ingénieurs (cf. p. 48) doit être beau­coup affi­né. Un élève qui sou­haite faire de l’aéronautique n’a pas inté­rêt à choi­sir Ber­ke­ley mal­gré la troi­sième place de cette uni­ver­si­té au clas­se­ment géné­ral : ce n’est pas la spé­cia­li­té de la mai­son. Res­tent alors beau­coup d’autres pos­si­bi­li­tés : le MIT, Ann Arbor, Stan­ford, Cal­tech et bien d’autres. Cal­tech est très en pointe dans le domaine de la pro­pul­sion. Les autres écoles sont meilleures sur d’autres aspects de l’aéronautique. À l’élève de trou­ver l’adéquation entre son pro­jet per­son­nel et la diver­si­té des spé­cia­li­sa­tions offertes par les universités.

Mais il faut ensuite tenir compte du nombre de places. Objec­ti­ve­ment, le MIT et Car­ne­gie Mel­lon pro­posent des for­ma­tions en infor­ma­tique de niveau com­pa­rable. Les X se bous­culent pour­tant beau­coup moins à Car­ne­gie Mel­lon qu’au MIT, dont le renom entraîne une concur­rence par­ti­cu­liè­re­ment sévère en informatique.

Qua­li­té de la for­ma­tion et nombre de places sont donc à prendre en compte. D’autres cri­tères, non négli­geables, viennent ensuite : par exemple la proxi­mi­té du monde de l’entreprise, l’existence ou non d’une the­sis (micro­thèse) dans les mas­ters, et le coût des études. En PhD (thèse), les étu­diants ont sys­té­ma­ti­que­ment des bourses (fel­low­ships) ou des postes d’assistants dans un labo­ra­toire auprès d’un ensei­gnant cher­cheur (research assis­tant). En mas­ter, en revanche, le finan­ce­ment est beau­coup moins sys­té­ma­tique : une the­sis per­met un poste de research assis­tant, un mas­ter sans the­sis peut aus­si don­ner lieu à un finan­ce­ment mais ce n’est pas tou­jours le cas. L’avantage n’est peut-être pas per­cep­tible dans les uni­ver­si­tés d’État où les études sont peu coû­teuses, comme à Ber­ke­ley, mais il l’est beau­coup plus dans les uni­ver­si­tés pri­vées comme le MIT ou Stanford.

Le clas­se­ment 2001 des meilleures écoles d’ingénieurs américaines

1. MIT
2. Stanford
3. Berkeley
4. Ann Arbor
5. Geor­gia Tech
6. Illinois-Urbana-Champaign
7. Caltech
8. Car­ne­gie Mellon
9. Cornell
10. Austin

Ce clas­se­ment est réa­li­sé par US News à par­tir de cri­tères tels que les fonds reçus par l’université, ses publi­ca­tions, l’encadrement des étu­diants, l’opinion qu’en a le monde indus­triel, l’opinion qu’en a le monde de la recherche.

C’est un clas­se­ment à nuan­cer : Colum­bia, par exemple, qui n’arrive qu’à la 30e place en ingé­nie­rie, est en fait très spé­cia­li­sée en mathé­ma­tiques, en finances, en archi­tec­ture et en public affairs. Le résul­tat en ingé­nie­rie masque quel­que­fois la réa­li­té de cer­tains bons dépar­te­ments d’enseignement.

Un clas­se­ment plus détaillé et consul­table à l’adresse : www.usnews.com/usnews/edu/beyond/bchome.htm

À cette adresse figure aus­si, à côté du clas­se­ment des écoles d’ingénieurs, celui des “ schools of science ”, que doivent prendre en compte les élèves se des­ti­nant davan­tage à la recherche fondamentale.

Sites Inter­net des uni­ver­si­tés américaines

La plu­part d’entre eux se déclinent sur le modèle :

www.berkeley.edu,
www.caltech.edu,
www.mit.edu,
etc.

À cet égard, le MIT, très orien­té recherche, est beau­coup plus géné­reux que Stan­ford : actuel­le­ment au MIT, tous les X ont un finan­ce­ment. Mais à cette dif­fé­rence entre uni­ver­si­tés s’ajoute celle qui existe entre dépar­te­ments : cer­taines spé­cia­li­sa­tions sont plus pro­pices que d’autres à un financement.

Pour conseiller les élèves dans leurs choix de qua­trième année à l’étranger, la Direc­tion de Poly­tech­nique a éta­bli une liste des uni­ver­si­tés les plus adap­tées à leur formation.

Pour les États-Unis, outre le MIT, Stan­ford et Ber­ke­ley, ses pré­fé­rences vont à Cal­tech, uni­ver­si­té de petite taille (2 000 étu­diants), pépi­nière de prix Nobel, très spé­cia­li­sée dans les sciences de l’ingénieur et les sciences dures.

Les vieilles uni­ver­si­tés de la côte Est, dont la répu­ta­tion est bien ins­tal­lée, sont éga­le­ment recom­man­dées : Colum­bia, notam­ment pour la finance, et Cor­nell, pour l’informatique ou la chi­mie. Sinon, Geor­gia Tech est la meilleure école amé­ri­caine en génie indus­triel. Madi­son est une très bonne uni­ver­si­té dans l’ensemble des dis­ci­plines scien­ti­fiques. Chi­ca­go est répu­tée aus­si bien pour la qua­li­té de ses for­ma­tions en phy­sique et en maths que pour celles qui concernent l’économie. L’éventail est donc assez ouvert.

D’ailleurs, à en juger par les choix des X 99, la diver­si­fi­ca­tion des des­ti­na­tions s’amorce : en plus des uni­ver­si­tés où sont déjà par­tis des X 98 il y a quelques mois, il devrait y avoir l’an pro­chain des poly­tech­ni­ciens à Har­vard, Prin­ce­ton, Colum­bia, Geor­gia Tech et Caltech.

Témoignages

Jeremy Witzens, X 97, Caltech (génie électrique)

Cal­tech est une petite uni­ver­si­té (pour les stan­dards amé­ri­cains) avec 700 under­gra­duates (étu­diants de niveau infé­rieur ou égal à la maî­trise) et à peu près le même nombre de gra­duates (au-delà de la maî­trise). Contrai­re­ment à la tota­li­té des autres uni­ver­si­tés, tous les gra­duates sont géné­ra­le­ment payés dès le pre­mier terme. Bref, c’est une petite uni­ver­si­té avec beau­coup de moyens. Le cam­pus est très joli, très vert. C’est un envi­ron­ne­ment dédié à la recherche (presque plus qu’à l’enseignement).

Les condi­tions pour y faire une thèse sont excel­lentes : une énorme liber­té dans le choix des sujets, et des res­sources impres­sion­nantes. Cette liber­té a un prix : il faut être auto­nome et débrouillard. L’esprit d’entreprise est très déve­lop­pé et de nom­breuses socié­tés ont été créées par des étu­diants ou des pro­fes­seurs de Cal­tech. Enfin, il y a la Cali­for­nie, avec mer, mon­tagne et le soleil assu­ré. Je me balade tou­jours en che­mise en février !

Caroline Allard, X 98, Berkeley (génie industriel)

Les matières scien­ti­fiques sont ensei­gnées d’une manière bien plus pra­tique qu’en France et le côté théo­rique passe sou­vent au second plan. Ma prin­ci­pale moti­va­tion pour venir pas­ser deux ans ici était le désir de me faire une expé­rience à l’étranger, sur le plan humain et sur le plan du travail.

La région de San Fran­cis­co et l’université de Ber­ke­ley forment un creu­set cultu­rel dans lequel il est très sti­mu­lant de se plon­ger. Les gens viennent ou reviennent des quatre coins du monde, peuvent être très culti­vés, et sont par­ti­cu­liè­re­ment ouverts aux ren­contres. La plu­part des cours impliquent des tra­vaux en équipe, ce qui per­met de s’intégrer plus faci­le­ment et d’aborder les pro­jets d’une manière nou­velle. Enfin la Cali­for­nie est un État magni­fique. Nous sommes à quelques heures en voi­ture des parcs natio­naux, sans par­ler des plages.

Maxine Jonas, X 98, MIT (génie biologique)

Il y a, à mes yeux, deux motifs qui rendent la for­ma­tion sco­laire du MIT très dif­fé­rente de celle de l’X, et en même temps très bien assor­tie à elle : le pre­mier est que l’objectif au MIT est de for­mer des spé­cia­listes, des experts, plu­tôt que d’offrir sys­té­ma­ti­que­ment une vue d’ensemble et des outils géné­raux (“ depth rather than breadth ” dit-on ici…). Le second est que l’éducation scien­ti­fique au MIT est très net­te­ment axée sur l’appartenance à un labo­ra­toire, sur la recherche, dont le sta­tut est beau­coup plus mis en valeur qu’en France, et dont les débou­chés attirent un très grand nombre d’étudiants.

Vincent Guibout, X 98, Ann Arbor (aéronautique)

Étant pas­sion­né d’aérospatiale, j’ai très vite choi­si les États-Unis. Ann Arbor s’est impo­sée car j’y suis allé en stage de fin d’études et j’ai ado­ré cette ville. Elle m’a plu aus­si bien pour sa qua­li­té de vie que pour l’université elle-même, qui m’a beau­coup impres­sion­né notam­ment par l’importance des moyens mis en place pour per­mettre aux étu­diants de tra­vailler dans de bonnes condi­tions : la biblio­thèque est gigan­tesque, les pro­fes­seurs sont à la dis­po­si­tion des élèves, le ser­vice infor­ma­tique est excellent…

Je fais actuel­le­ment de la recherche pour un pro­fes­seur. Cette pos­si­bi­li­té de faire de la recherche à côté des études est ce que j’apprécie le plus. Ce n’est pas un petit pro­jet bien enca­dré comme en France mais une recherche de deux ans. La mienne est finan­cée par la NASA, avec des appli­ca­tions bien réelles.

Franck Guo, X 98, Stanford (génie électrique)

Les cours sont de très haut niveau. Les pro­fes­seurs sont en géné­ral par­mi les meilleurs cher­cheurs du monde dans leur domaine, ce qui est extrê­me­ment impor­tant pour les élèves qui veulent tra­vailler dans les sec­teurs évo­luant rapi­de­ment, par exemple en elec­tri­cal engi­nee­ring ou en com­pu­ter science. Les indus­triels sont très pré­sents autour de Stan­ford : l’enseignement est très appli­qué, ce qui peut déce­voir les élèves qui auraient envie de faire de la recherche fondamentale.

Mais pour deve­nir ingé­nieur, un mas­ter ou un PhD à Stan­ford me semblent être un excellent choix après la for­ma­tion reçue à l’X. Atten­tion par contre au contre­coup en arri­vant ici : on est beau­coup moins chou­chou­té qu’à Poly­tech­nique. À Stan­ford, beau­coup plus que dans cer­taines autres uni­ver­si­tés (Cal­tech par exemple), le finan­ce­ment est un pro­blème cru­cial. La com­pé­ti­tion est rude pour obte­nir une place d’assistant de recherche ou d’enseignement.

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