Le rail & la route

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°577 Septembre 2002Par : Christian JULIENNERédacteur : Jacques BOURDILLON (45)

L’auteur se donne pour objec­tif sans aucun a prio­ri de recher­cher les zones de per­ti­nence des cinq modes de trans­port (six modes si l’on ajoute les oléo­ducs-gazo­ducs), il apporte notam­ment une contri­bu­tion inté­res­sante à l’éternelle ques­tion de la concur­rence rail route, sou­vent bien mal posée dans les médias. Il consacre au rail la plus grande part de ses réflexions.

L’ouvrage a le grand mérite de par­tir de faits incon­tes­tables consta­tés sur le ter­rain ou dans les meilleurs rap­ports et la plu­part du temps igno­rés. Il déborde lar­ge­ment les limites de la France et s’intéresse lar­ge­ment à l’Europe et aux États-Unis. En dix cha­pitres, il évoque notam­ment les zones de per­ti­nence des modes, les inves­tis­se­ments (pas de trans­port sans inves­tis­se­ment à long terme), la répar­ti­tion des tra­fics (évo­lu­tion des parts de mar­ché au XIXe et au XXe siècle), la ques­tion des trans­ports col­lec­tifs dans les villes, la véri­té des coûts (notam­ment le vrai coût pour l’État du sys­tème fer­ro­viaire), les niveaux de per­ti­nence : l’Europe, les États, les régions, les villes…

Il com­mence son pro­pos par un “ Savez-vous que ” qui va ser­vir de cadre à sa réflexion.

  • Quand la route paie 51 mil­liards d’euros (91 %), le rail paie 2,2, l’avion 2,2, le mari­time et le flu­vial 0,5.
  • Les auto­routes c’est 2,6 % du réseau des routes natio­nales et dépar­te­men­tales, 1 % du réseau rou­tier total, c’est aus­si 20 % du tra­fic total mar­chan­dises et voya­geurs et 33 % du tra­fic poids lourds.
  • Une com­pa­rai­son inter­na­tio­nale des acci­dents de la route donne les résul­tats sui­vants : pour 100 tués en Grèce, il y en a 31 sur le réseau fran­çais, 15 en Suède, 8 sur les auto­routes françaises.
  • Le tra­fic aérien a été mul­ti­plié par 10 entre 1970 et aujourd’hui.
  • Le trans­port aérien de mar­chan­dises repré­sente déjà 64% du chiffre d’affaires homo­logue sur le rail.
  • Les TGV c’est 2000 km de lignes sur 24 000 au total, c’est aus­si 50 % du chiffre d’affaires de la SNCF.
  • Le chiffre d’affaires mar­chan­dises de la SNCF c’est 1,8 mil­liard d’euros sur le rail, 3,5 mil­liards d’euros sur la route.
  • La SNCF c’est aus­si 180 000 agents, 360 000 retrai­tés (ces retraites sont payées au niveau de 14 mil­liards par les contri­buables, et de 4 par les retrai­tés privés).
  • Les Alpes en 1999 c’est 4,5 mil­lions de camions sur 7 pas­sages prin­ci­paux, les Pyré­nées c’est 4,6 sur 2 pas­sages, le péage sud de Lyon c’est aus­si 5 mil­lions de camions, le tun­nel Trans­manche en fait pas­ser 1,1 mil­lion, le fer­ry Trans­manche 1,8, sur Per­pi­gnan-Bar­ce­lone 2,6 mil­lions de camions, dans la Mau­rienne (mont Blanc fer­mé) 1,5.
  • Le coût du pro­jet Lyon-Turin est éva­lué à 15 mil­liards d’euros (cer­tains experts consi­dèrent cette éva­lua­tion comme très modeste), le coût de Per­pi­gnan-Figue­ras est éva­lué à 0,8 mil­liard d’euros.
  • La part du rail dans le trans­port du fret (en t.km) est la sui­vante : Suède 36 %, Suisse 33 %, France 21 %, Alle­magne 18%, Ita­lie 10%, Royaume-Uni 10%, Espagne 4,8 %, Pays-Bas 4,7 %, moyenne de l’Europe 14%.


L’évolution de la répar­ti­tion modale de trans­port de fret en % des t.km, oléo­ducs exclus, est la suivante :

Année Rail Voie d’eau Route
1875–1884 68 14 18
1841–1844 2 31 67
1921–1924 78 12 10
1935–1938 61 15 24
1961–1965 61 11 28
1971–1974 40 10 50
1980 37 6 57
1985 36 5,5 58
1990 30 4 66
1997–1998/td> 24 2,8 73
1992–2000 23,5 2,7 74

Les dix propositions finales sont les suivantes :

  • Réduire à l’excès la cir­cu­la­tion auto­mo­bile pour­rait être une uto­pie dangereuse.
  • Réduire à l’excès le trans­port rou­tier de mar­chan­dises pour­rait en être une autre.
  • Il faut gué­rir la SNCF, mais pour y par­ve­nir, il faut d’abord gué­rir sa direc­tion générale.
  • Il pro­pose de diri­ger autre­ment cette SNCF qu’il cri­tique parce qu’il l’aime.
  • Don­ner du sens, de l’intérêt et de la fier­té au tra­vail des cheminots.
  • Dans un cli­mat assai­ni, la SNCF doit don­ner au fret sa prio­ri­té, dans les faits et non dans les discours.
  • Assu­rer la réus­site de la régio­na­li­sa­tion du rail et l’ouvrir à la concurrence.
  • Res­pon­sa­bi­li­ser les cadres, l’ensemble des che­mi­nots (connais­sance des coûts par ligne, et section).
  • Pro­po­ser aux che­mi­nots une dyna­mique européenne.
  • Faire mar­cher rail et route ensemble

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