Un porte-avions et ses radars

Le radar : la théorie, la technique et la technologie

Dossier : Mathématiques et entreprisesMagazine N°577 Septembre 2002Par : Rémy TABOURIER (Supélec 59), ingénieur radar retraité

Dimanche matin. La veille de 4 à 7 heures est ter­mi­née. Les opé­ra­teurs de 5 des 6 radars de la base les ont éteints. Le camion qui doit rame­ner ceux du sixième aux bara­que­ments est en retard. » L’an­cien » n’é­teint pas le radar et entre­prend de par­faire l’ins­truc­tion de son cama­rade novice. Sans doute prend-il du plai­sir à jouer encore un peu avec cet appa­reil fas­ci­nant. À 7 h 02, les pre­miers échos appa­raissent sur l’é­cran à 250 km. Au centre d’in­for­ma­tion bien­tôt aler­té, tout le per­son­nel a déga­gé à 7 heures, mis à part un lieu­te­nant en ins­truc­tion. Des bom­bar­diers amis sont atten­dus : il n’y a pas lieu de s’in­quié­ter. Trois quarts d’heure plus tard, les pre­mières bombes pleuvent sur Pearl Har­bor. C’est le 7 décembre 1941.


© DCN/MARINE NATIONALE

Radar : RAdio Detec­tion And Ranging. Le nom nous dit l’es­sen­tiel. C’est une tech­nique de détec­tion et de mesure (à l’o­ri­gine Ran­ging : mesure de dis­tance) par ondes élec­tro­ma­gné­tiques ou » Radio « . Il est enten­du impli­ci­te­ment que c’est une tech­nique » active » : les ondes sont volon­tai­re­ment pro­duites et non spon­ta­né­ment émises par la cible, ce qui relè­ve­rait de la radio­mé­trie (tech­nique » passive »).

Les ondes radio ont des appli­ca­tions mul­tiples et bien connues. Toutes ont un point com­mun : elles servent à trans­por­ter sans fil de l’in­for­ma­tion. Celle-ci est carac­té­ri­sée par son spectre de fré­quences du télé­phone (300 à 3 000 Hz) à la musique » Hi-Fi » (15 à 20 000 Hz), la télé­vi­sion (quelques MHz) jus­qu’au radar (quelques dizaines de kHz à quelques cen­taines de MHz). Cette infor­ma­tion modi­fie (on dit : module) l’onde qui la trans­porte, qu’on appelle jus­te­ment onde por­teuse, et dont la fré­quence est beau­coup plus élevée.

Les débuts

On sait qui a inven­té la vac­ci­na­tion ou décou­vert la péni­cil­line. Il n’y a pas d’in­ven­teur du radar : dès ses débuts, il est le fruit de la conver­gence de tra­vaux épars et ses pre­miers pas furent hési­tants. Aujourd’­hui, il y a autant de radars que d’ap­pli­ca­tions pos­sibles ; la liste n’est pas close.

Par exemple, un avion entre dans l’es­pace aérien. Il est détec­té, loca­li­sé et iden­ti­fié par un radar de veille loin­taine. La chasse décolle : nou­velle détec­tion par le radar situé dans le nez de l’a­vion et tir d’un mis­sile dont l’au­to­di­rec­teur (ou » tête cher­cheuse « , un radar) assure le gui­dage. L’im­pact n’au­ra pas for­cé­ment lieu mais, déclen­chée par la fusée de proxi­mi­té (encore un radar), la charge mili­taire explo­se­ra à quelques mètres de l’in­trus. Quatre radars, hau­te­ment spé­cia­li­sés, donc très dif­fé­rents, pour mener à sa fin ce scé­na­rio somme toute assez simple.

Il n’est donc pas pos­sible de décrire ici toutes les réa­li­sa­tions ni même de faire une his­toire du radar. Nous allons plu­tôt ouvrir ensemble un album de famille, une famille extra­or­di­nai­re­ment métis­sée, avec des ins­tan­ta­nés clas­sés dans un ordre à peu près chro­no­lo­gique, tou­chant à des sujets mul­tiples et que nous com­men­te­rons à mesure. Nous ver­rons ain­si com­ment ont gran­di les trois branches : la théo­rie, la tech­nique et la technologie.

Les pre­mières expé­ri­men­ta­tions sur les ondes élec­tro­ma­gné­tiques furent menées par Hertz (1886) véri­fiant ain­si les théo­ries de Max­well (1868). Ses expé­riences met­taient en œuvre des ondes assez courtes (λ = 66 cm, soit f = c/λ = 3.108/0.66 = 150 MHz).

Dans un dis­cours célèbre et pré­mo­ni­toire, s’ap­puyant sur ses propres tra­vaux, Mar­co­ni annon­ça en 1922 une appli­ca­tion poten­tielle des ondes élec­tro­ma­gné­tiques qu’il faut bien appe­ler un radar (le nom, lui, date de 1940). Il ne reçut mal­heu­reu­se­ment aucun soutien.

Rap­pe­lons la tech­nique de base : un émet­teur pro­duit une onde élec­tro­ma­gné­tique qui est rayon­née à l’ex­té­rieur par une antenne. Frap­pant un obs­tacle, elle est ren­voyée par un phé­no­mène assi­mi­lé à un écho et recueillie dans une antenne qui ali­mente un récep­teur dans lequel on extrait l’information.

Les pre­mières expé­riences, for­tuites ou sys­té­ma­tiques, furent conduites avec des ondes conti­nues, l’é­met­teur et le récep­teur étant sépa­rés ain­si, bien enten­du, que leurs antennes. On consta­tait, dans le récep­teur, les inter­fé­rences entre l’onde directe issue de l’é­met­teur et celle que ren­voie une cible frap­pée par l’é­mis­sion. Si la cible est mobile, la varia­tion de ces inter­fé­rences est une mani­fes­ta­tion de l’ef­fet Dop­pler. Un pre­mier bre­vet fut dépo­sé en 1904 ; il n’eut pas de suite : la por­tée (sur navire) dépas­sait à peine celle de l’ob­ser­va­tion visuelle !

Les États-Unis par­tirent les pre­miers : en 1922 le NRL (Naval Research Labo­ra­to­ry) détec­ta un navire (l = 5 m) ; les tra­vaux ne furent pas pour­sui­vis. La pre­mière détec­tion d’a­vion eut lieu en 1930 : elle se pro­dui­sit for­tui­te­ment quand un avion tra­ver­sa le champ d’un gonio­mètre en cours d’es­sais. L’é­tude fut pour­sui­vie sous de faibles encou­ra­ge­ments : on attei­gnit cepen­dant une por­tée de 90 km en 1932.
On a très vite com­pris qu’une modu­la­tion par impul­sions était néces­saire pour mesu­rer la dis­tance. On l’u­ti­li­sait dès 1925 dans un but scien­ti­fique, l’é­tude de l’io­no­sphère. Cepen­dant, dans le domaine du radar, les tra­vaux ne com­men­cèrent qu’en 1934, et encore mol­le­ment. Les pre­miers essais en jan­vier 1935 se sol­dèrent par un échec. Aujourd’­hui, l’ex­pli­ca­tion nous fait sou­rire : le récep­teur, adap­té aux télé­com­mu­ni­ca­tions de l’é­poque, était trop sélec­tif pour rece­voir des impul­sions dont le spectre de fré­quences est large. Autant pré­tendre obser­ver un arc-en-ciel à tra­vers un filtre mono­chrome. Cor­rec­tion faite, on obtint en avril 1936 les pre­miers échos d’a­vion à 45 km (impul­sions de 5 micro­se­condes modu­lant un émet­teur à 28 MHz soit λ ~ 11 m).

On com­prit très vite éga­le­ment l’in­té­rêt d’an­tennes direc­tives qui per­mettent à la fois de concen­trer l’éner­gie dans une direc­tion déter­mi­née et d’aug­men­ter la pré­ci­sion et le pou­voir sépa­ra­teur angu­laires. Pour une enver­gure don­née, il fal­lait aug­men­ter la fré­quence émise : telles sont les lois de la dif­frac­tion. Dès juillet 1936 les pre­mières détec­tions eurent lieu avec un radar à 200 MHz (λ = 1,5 m) avec pour la pre­mière fois une antenne unique dont un » duplexeur » assu­rait la com­mu­ta­tion entre émis­sion et réception.

De son côté, l’US Army Signal Corps tra­vaillait sur le sujet dans les années trente. Des contacts furent pris avec le NRL en 1936. En 1938, le pre­mier radar opé­ra­tion­nel était dis­po­nible (SCR 268, opé­ra­tion­nel jus­qu’en 1944). C’est une ver­sion longue por­tée, le SCR 270, que Pearl Har­bor a ren­du célèbre.

Mal­gré quelques tra­vaux, par­ti­cu­liè­re­ment en France, dans les années trente, l’Eu­rope démar­ra plus tard. Sans doute aiguillon­nés par l’im­mi­nence de la guerre, les Anglais firent les pro­grès les plus rapides et les plus décisifs.

Dès 1935, un an avant l’é­chec amé­ri­cain, ils avaient expé­ri­men­té le radar à impul­sion. En quelques années, la fré­quence était pas­sée de 6 MHz (1935) à 25 MHz (1936−1937) puis 200 MHz (1939) pour un radar aéro­por­té. On remar­qua à cette occa­sion qu’il était pos­sible de détec­ter un navire à par­tir d’un avion puis, plus tard, de faire de la car­to­gra­phie dans un but de navi­ga­tion (péné­tra­tion de bom­bar­diers dans de mau­vaises conditions).

Des échanges US-GB eurent lieu en 1940. Les Anglais appor­taient un for­mi­dable cadeau : les plans du magné­tron. Jusque-là, les émet­teurs fonc­tion­naient avec des triodes : leur grille de com­mande module le flux d’un fais­ceau d’élec­trons. Recueilli sur la plaque, celui-ci donne lieu à un cou­rant qui, à son tour, excite un cir­cuit réso­nant ; 200 MHz consti­tuaient un plafond.

Le magné­tron, lui, assure un cou­plage direct entre le fais­ceau élec­tro­nique d’une diode et le réso­na­teur (au début un cir­cuit oscil­lant, puis des cavi­tés creu­sées à même l’a­node). Le tout est pla­cé dans un champ magné­tique qui courbe les tra­jec­toires élec­tro­niques (1921). Les pre­mières oscil­la­tions ont lieu en 1924.

En 1934–1935 l’é­tude théo­rique du cou­plage entre le fais­ceau et un champ élec­tro­ma­gné­tique éta­blit la condi­tion de syn­chro­ni­sa­tion néces­saire à l’en­tre­tien des oscil­la­tions. On amé­liore les cathodes vers 1937 et en 1939–1941 on abou­tit au magné­tron à cavi­tés dont on éta­blit simul­ta­né­ment une théo­rie pous­sée. Résul­tat : 1 kW à 3 000 MHz (λ =10 cm) ! Seuls les Anglais et les Amé­ri­cains ont dépas­sé 600 MHz pen­dant la guerre.

Le magné­tron a depuis fait l’ob­jet de pro­grès pure­ment tech­no­lo­giques. En termes de rap­port puissance/volume (ou poids) on n’a jamais fait mieux ; on l’u­ti­lise toujours.

En dehors des échos utiles, un récep­teur radar est le siège de nom­breux signaux indésirables :

  • les échos non sou­hai­tés qui ne sont pas tou­jours les mêmes ; par exemple ceux que l’on reçoit du sol sont nui­sibles si l’on cherche un avion à basse alti­tude et sont inté­res­sants en cartographie ;
  • le bruit ther­mique interne au récep­teur (que vous pou­vez entendre sur votre poste de radio entre deux stations).

Premières théories du signal radar

Com­men­ça alors l’ère des études théo­riques propres au radar. En 1943, Nor­ton déga­gea la notion de récep­teur adap­té cruel­le­ment mise en défaut en jan­vier 1935. Pour une forme de signal don­né, le récep­teur adap­té est celui qui assure le meilleur contraste par rap­port au bruit ther­mique. Mais le grand théo­ri­cien du radar, c’est Wood­ward qui, en 1953, abou­tit au même résul­tat avec des consi­dé­ra­tions très dif­fé­rentes (maxi­mum de pro­ba­bi­li­té a pos­te­rio­ri).

On montre que le récep­teur adap­té est rigou­reu­se­ment équi­valent à un cor­ré­la­teur. Résul­tat très impor­tant car géné­ra­le­ment l’une des deux réa­li­sa­tions est qua­si­ment impra­ti­cable ou au moins beau­coup plus oné­reuse que l’autre. Ce choix tech­no­lo­gique dépend du signal émis.

Toute détec­tion est affaire de contraste, et pas seule­ment dans le domaine du radar. Une pan­thère noire est tache­tée de noir sur fond noir, mais il faut le bon éclai­rage pour s’en rendre compte.

Pré­ci­sé­ment, il s’a­git tou­jours d’un contraste éner­gé­tique en fonc­tion d’un para­mètre don­né (la cou­leur, la hau­teur d’un son, etc.) selon lequel un cer­tain pou­voir dis­cri­mi­na­teur est donc nécessaire.

Les para­mètres dis­po­nibles pour le radar sont :

  • la direc­tion (2 angles) grâce à l’antenne,
  • la dis­tance et la vitesse radiale grâce à la forme du signal,
  • la pola­ri­sa­tion de l’onde.


Tout cela dépend éga­le­ment des carac­té­ris­tiques de la cible.

Dès que les cibles inté­res­santes sont mobiles, on essaie de faire appel à l’ef­fet Dop­pler, qui est un déca­lage de la fré­quence émise. Un avion, indis­cer­nable sur le fond des échos ambiants, pour­ra être détec­té si on éli­mine les échos dépour­vus d’ef­fet Dop­pler dont on sait qu’ils sont fixes.

À la fin de la guerre, donc, on ne savait faci­le­ment émettre qu’une onde conti­nue ou des impul­sions pério­diques. Évi­dem­ment, plus la durée de l’im­pul­sion est courte et meilleure est la réso­lu­tion en distance.

Eh bien non ! dit Wood­ward. Ce qui compte, c’est un spectre de fré­quences large, certes obte­nu par des impul­sions fines, mais on peut aus­si, par exemple, modu­ler en fré­quence des impul­sions larges. On touche ain­si à la notion de com­pres­sion d’im­pul­sion. Symé­tri­que­ment, il n’est pas besoin d’une onde conti­nue pour mesu­rer l’ef­fet Dop­pler 2V/λ dû à une cible de vitesse radiale V. On peut modu­ler en impul­sions une onde cohé­rente, c’est-à-dire pro­ve­nant d’une même onde conti­nue, que l’on découpe en tranches, alors qu’un magné­tron démarre n’im­porte com­ment chaque fois qu’on le lance. La phase ini­tiale est aléa­toire : on dit qu’il n’est pas cohérent.

On peut ain­si alter­na­ti­ve­ment émettre un signal et en guet­ter les échos. La fré­quence à laquelle on effec­tue cette com­mu­ta­tion (à ne pas confondre avec la por­teuse) a une impor­tance considérable :

  • trop éle­vée, on ne sait plus si l’é­cho qu’on vient de rece­voir est dû à l’im­pul­sion que l’on vient d’é­mettre ou à l’une des précédentes,
  • trop basse, elle effec­tue une véri­table stro­bo­sco­pie des fré­quences Dop­pler élevées.


Dans les cas pra­tiques on ren­contre tou­jours au moins un de ces deux écueils.

Au milieu des années cin­quante, Wood­ward avait à peu près tout dit. Il a fal­lu une bonne ving­taine d’an­nées pour que la tech­no­lo­gie et l’as­tuce tech­nique per­mettent d’ob­te­nir des réa­li­sa­tions abou­ties et rela­ti­ve­ment bon marché.

Les progrès technologiques

Et d’a­bord l’ex­ploi­ta­tion de l’ef­fet Dop­pler deman­dait des géné­ra­teurs d’une bonne pure­té spec­trale. Les tubes à inter­ac­tion directe entre une onde et un fais­ceau élec­tro­nique firent de gros pro­grès, tou­jours en paral­lèle avec leur étude théo­rique (Klys­tron, tubes à onde progressive…).

Le magné­tron, lui, n’est pas natu­rel­le­ment cohé­rent, mais dans les années cin­quante on apprit à syn­chro­ni­ser le récep­teur sur l’é­mis­sion, ce qui per­met un trai­te­ment arti­fi­ciel­le­ment cohé­rent ; il est alors néces­saire d’at­tendre tous les échos des cibles pos­sibles (et loin­taines) avant de recom­men­cer. D’où une fré­quence de récur­rence (de répé­ti­tion) basse. À chaque impul­sion émise, les obs­tacles fixes sont des échos tou­jours iden­tiques : il suf­fit (!) d’en sous­traire ceux de l’im­pul­sion émise pré­cé­dente exac­te­ment retar­dés pour les éliminer.

C’est le prin­cipe du très célèbre et très effi­cace MTI (Moving Tar­get Indi­ca­tor). Avec un gros pro­blème tech­no­lo­gique : il n’y a pas de ligne à retard élec­trique de la durée d’une récur­rence (entre deux émis­sions). On uti­lise alors un trans­duc­teur élec­troa­cous­tique : le signal acous­tique se pro­page dans un milieu élas­tique, au début de l’eau, du mer­cure, puis au milieu des années cin­quante, du quartz, siège de réflexions mul­tiples. Après quoi il excite un second trans­duc­teur. Vers 1970, tout cela sera rem­pla­cé par un échan­tillon­nage à cadence très éle­vée et un trai­te­ment numérique.

Pro­blème théo­rique aus­si. Nous avons men­tion­né la stro­bo­sco­pie des signaux affec­tés de Dop­pler : en éli­mi­nant les échos fixes, on rejette éga­le­ment toutes les fré­quences mul­tiples de la fré­quence de récur­rence. Il a fal­lu inven­ter (empi­ri­que­ment) des solu­tions, faire les cal­culs cor­res­pon­dants pour en tirer le maxi­mum et pas­ser à la réalisation.

De même, la com­pres­sion d’im­pul­sion qui per­met d’ob­te­nir un très grand pou­voir sépa­ra­teur en dis­tance a été mise en œuvre dès 1955.

La tech­nique la plus cou­rante consiste à » éta­ler » dans le temps une impul­sion très fine à l’aide d’une ligne dis­per­sive, un peu comme une fente étroite éclai­rée par une lumière blanche et paral­lèle à l’a­rête d’un prisme donne lieu à une image élar­gie et dont les cou­leurs sont sépa­rées dans l’espace.

Les lignes en ques­tion ont fait appel à des tech­no­lo­gies variées : cir­cuits élec­triques (bobines et conden­sa­teurs), pro­pa­ga­tion entre deux trans­duc­teurs d’une onde acous­tique de volume ou de sur­face, etc. À la récep­tion, la ligne est uti­li­sée en sens inverse.

Une autre tech­nique de com­pres­sion fait appel au codage numé­rique de séquences d’im­pul­sions. La théo­rie des » bons » codes fait appel à l’al­gèbre dans les corps finis.

Une fois la cible détec­tée et recon­nue, le radar peut être mis » en pour­suite » : il entre­tient lui-même les para­mètres de la cible en dis­tance, vitesse, angles et reste auto­ma­ti­que­ment poin­té des­sus, ce qui fait appel à la théo­rie et à la tech­nique des asser­vis­se­ments. Les mesures sont uti­li­sées pour assu­rer la conduite de tir d’un canon ou le gui­dage d’un mis­sile par exemple.

Les antennes

Une antenne de radar

© DCN/MARINE NATIONALE

En par­ti­cu­lier, la pour­suite angu­laire a fait appel à des tech­niques qui ont évo­lué : au début on effec­tuait un balayage conique autour de l’axe de visée, puis on ima­gi­na les antennes dites » mono­pulse » qui sont en fait la com­bi­nai­son com­pacte de quatre antennes per­met­tant sur un signal unique de mesu­rer l’er­reur de visée (haut-bas, droite-gauche).

Appli­quée aux radars de veille, la théo­rie des antennes per­met de mode­ler effi­ca­ce­ment la cou­ver­ture en site de l’es­pace à surveiller.

On connaît de longue date les antennes réseaux consti­tuées d’élé­ments que l’on com­bine entre eux à l’é­mis­sion ou à la réception.

À la récep­tion, par exemple, on a com­men­cé par com­bi­ner de façon variable tous les signaux élé­men­taires avant d’a­li­men­ter un récep­teur unique (balayage électronique).

Les moyens dis­po­nibles aujourd’­hui per­mettent de dis­po­ser d’un récep­teur par antenne élé­men­taire, puis d’ef­fec­tuer simul­ta­né­ment de nom­breuses com­bi­nai­sons (autant qu’il y a d’élé­ments d’an­tenne) ce qui per­met d’ob­te­nir une bonne direc­ti­vi­té dans un champ large (for­ma­tion de fais­ceau par le calcul).

Antenne synthétique (side-looking)

Nous avons vu que la réso­lu­tion angu­laire d’une antenne dépend de son enver­gure : d’où l’i­dée de dépla­cer une antenne (à bord d’un avion ou d’un satel­lite), ce qui revient à échan­tillon­ner au cours du temps une antenne dont l’en­ver­gure est égale au déplacement.

Une étude théo­rique simple montre que la réso­lu­tion paral­lèle au dépla­ce­ment est indé­pen­dante de la dis­tance le long de la direc­tion de visée qui lui est perpendiculaire.

Asso­ciée à une com­pres­sion d’im­pul­sion, cette tech­nique per­met d’ob­te­nir des images d’une défi­ni­tion de l’ordre du mètre dans les deux direc­tions (mou­ve­ment et visée).

La mise en œuvre est très lourde et l’his­toire inté­res­sante car elle montre ain­si l’ef­fet de l’é­vo­lu­tion des technologies.

Il y a d’a­bord des condi­tions dra­co­niennes de sta­bi­li­sa­tion de l’an­tenne et de cor­rec­tion des signaux reçus pour » net­toyer » ces der­niers des mou­ve­ments para­sites de l’avion.

Dans les années soixante, les signaux reçus modu­laient un tube catho­dique (télé­vi­seur à une ligne !) devant lequel un large film pho­to­gra­phique défi­lait à une vitesse asser­vie à celle de l’a­vion. Les signaux pas­saient du noir au blanc autour d’un niveau de gris lui-même asservi.

Après déve­lop­pe­ment du film selon un pro­ces­sus rigou­reux, le trai­te­ment du signal était effec­tué par voie optique dans un cor­ré­la­teur, véri­table banc d’op­tique com­por­tant des len­tilles tron­co­niques, cylin­driques, etc. À la sor­tie, l’i­mage était enre­gis­trée sur film. Puis on est pas­sé au trai­te­ment numé­rique et trans­mis­sion des don­nées de l’a­vion vers le sol. Aujourd’­hui, tout le trai­te­ment peut être effec­tué à bord si néces­saire : on obtient une » qua­li­té pho­to » qui peut per­mettre un reca­lage de navi­ga­tion par exemple, ce qui relève des tech­niques de trai­te­ment d’i­mage. Aujourd’­hui, on met à pro­fit le mou­ve­ment des satellites.

Tou­chant de près au radar, l’é­tude des cibles fait appel aux mesures, aux études théo­riques et aux simu­la­tions numé­riques lourdes : on des­sine sur la cible un maillage ser­ré, un peu comme en aéro­dy­na­mique. Cela per­met d’une part d’en avoir une meilleure connais­sance et de mieux défi­nir les signaux appro­priés mais aus­si de des­si­ner des avions fur­tifs, c’est-à-dire ayant un écho le plus faible possible.

Progrès récents

On ne peut pas cacher un avion dont les dimen­sions sont de l’ordre de la lon­gueur d’onde. D’où un regain d’in­té­rêt pour les grandes lon­gueurs d’onde qui obligent à construire un radar très encom­brant des­ti­né à la veille loin­taine. Dans ce domaine, le » monstre » est consti­tué d’an­tennes ver­ti­cales orga­ni­sées en réseau cir­cu­laire de grand dia­mètre et ali­men­tées par des émis­sions décor­ré­lées. Il en résulte ce qu’on appelle un » codage de l’es­pace » dont la tota­li­té est sur­veillée en per­ma­nence, c’est-à-dire sans balayage d’un quel­conque fais­ceau. Tout le trai­te­ment est fait par cal­cul à la récep­tion : il requiert plu­sieurs dizaines de mil­liards d’o­pé­ra­tions par seconde.

Res­tent deux domaines où les énormes pro­grès de la tech­no­lo­gie numé­rique ont per­mis de mettre en œuvre des tech­niques aux­quelles on pen­sait depuis long­temps. Elles ne relèvent pas du signal radar lui-même et de sa récep­tion, mais de l’ex­ploi­ta­tion de l’i­mage qu’il fournit.

Il s’a­git d’a­bord de dis­tin­guer la cible dans cette image sur un fond gênant et plus ou moins aléa­toire qu’on appelle fouillis (ou » clutter »).

L’autre domaine est celui de la pour­suite d’une cible sus­cep­tible de manœu­vrer. Nous sommes dans les deux cas (bien dif­fé­rents) au royaume du trai­te­ment sta­tis­tique qui sup­pose la mise à dis­po­si­tion d’un modèle. Il y a donc là encore matière à exploi­ta­tion sys­té­ma­tique de mesures, mise au point de modèles, puis d’al­go­rithmes incluant ces modèles.

Là encore, la puis­sance du cal­cul numé­rique per­met en per­ma­nence des pro­grès ines­pé­rés dix ans plus tôt, ne fût-ce qu’en employant des algo­rithmes aux­quels on avait renon­cé tant ils sont lourds en calcul.

Cepen­dant, les détec­tions ou pour­suites les plus archaïques com­pre­naient déjà des modèles impli­cites du fouillis et de la manœu­vra­bi­li­té de la cible.

Pour conclure, on peut dire que le concep­teur de radar res­semble un peu à un archi­tecte. Chaque fois qu’un pro­blème lui est posé (une cabane, une cathé­drale) il en consi­dère les don­nées, y com­pris celles du ter­rain, les dési­rs du client (qui ne cor­res­pondent pas tou­jours à ses besoins), juge de la meilleure tech­nique, des maté­riaux les plus adap­tés : le choix en est énorme et il ne faut pas se trom­per. Il sait pour­tant que le jour où ce dont il rêve aujourd’­hui sera enfin deve­nu rai­son­nable, ses rêves à lui seront encore plus fous.

À pro­pos, on ne sait pas non plus qui a inven­té l’architecture ! 

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