Le Private Equity : cet animal protéiforme méconnu

Dossier : Capital InvestissementMagazine N°627 Septembre 2007
Par Olivier DELLENBACH (81)
Par Thomas NOKIN (89)
Par Gaston FONG (79)
Par David BERGONZO (95)

Une image d’Épinal

Il n’est plus un jour sans que les médias ne nous rap­portent un nou­veau fait d’armes, une nou­velle tur­pi­tude des fonds de Pri­vate Equi­ty. Stig­ma­ti­sés dans l’i­ma­gi­naire jour­na­lis­tique au même titre que les neuf plaies d’É­gypte, ces der­niers sym­bo­lisent désor­mais les méfaits du » grand capi­tal » et les tra­vers de la » mondialisation « .

Les méga-opé­ra­tions de rachats et de déman­tè­le­ment de fleu­rons de l’in­dus­trie, par des fonds vau­tours lan­cés dans une concur­rence effré­née, frappent de stu­peur et engendrent l’ef­froi chez les hon­nêtes tra­vailleurs. Dans cette course au gigan­tisme, les Blacks­tone, KKR et autres PAI Part­ners se dis­putent la vedette dans les annonces et dans les mon­tants des mon­tages réalisés.

Les acteurs de la com­mu­nau­té finan­cière, allé­chés par la pers­pec­tive de ren­de­ments impor­tants et per­çus comme sans risque, concourent acti­ve­ment à ali­men­ter cette machine. Un afflux mas­sif et tou­jours crois­sant de capi­taux four­nit à ces fonds d’in­ves­tis­se­ment une puis­sance qui paraît désor­mais sans limites.

Devant cette ten­dance de fond, des voix s’é­lèvent néan­moins, telles des Cas­sandre, pour sou­li­gner la fra­gi­li­té crois­sante de l’é­di­fice et dénon­cer les tra­vers d’un sys­tème deve­nu fou, sys­tème dont les effets per­vers affec­te­ront de plus en plus les fon­de­ments mêmes de l’économie.

Un écosystème de métiers très différents

Der­rière la cari­ca­ture se cache une réa­li­té tout autre : un éco­sys­tème de seg­ments et de métiers très dif­fé­rents, qui contri­buent cha­cun à la dyna­mi­sa­tion du tis­su éco­no­mique et à la créa­tion des nou­veaux cham­pions de l’in­dus­trie de demain.

En France, le Pri­vate Equi­ty est sou­vent assi­mi­lé au capi­tal-risque à tort, et le grand public ignore tout des com­po­santes qui lui apportent sa diver­si­té, sa richesse et son effi­ca­ci­té dans l’ac­com­pa­gne­ment des entreprises.

Au stade de la créa­tion, les Busi­ness Angels, sou­vent de riches par­ti­cu­liers eux-mêmes anciens entre­pre­neurs ayant réus­si, apportent un finan­ce­ment d’a­mor­çage et viennent épau­ler les jeunes pousses dans leurs pre­miers bal­bu­tie­ments, tant finan­ciè­re­ment que par leur expé­rience et leurs réseaux.

Pour finan­cer le déve­lop­pe­ment de leur acti­vi­té et leur crois­sance ini­tiale, nos start-ups font appel au Ven­ture capi­tal (VC) ; celui-ci va inter­ve­nir en tours de finan­ce­ment suc­ces­sifs, cha­cun étant sou­vent spé­cia­li­sé sur l’ac­com­pa­gne­ment de sec­teurs, de métiers ou encore de taille de finan­ce­ment bien déli­mi­tés. C’est ce qu’on appelle com­mu­né­ment le » capi­tal-risque « , terme réduc­teur qui occulte l’as­pect d’ac­com­pa­gne­ment entre­pre­neu­rial, com­po­sante pour­tant fon­da­men­tale du métier de VC. Pour les entre­prises plus mûres, posi­tion­nées sur un mar­ché éta­bli et dési­reuses d’ac­cé­lé­rer leur crois­sance, le capi­tal-déve­lop­pe­ment apporte les finan­ce­ments néces­saires aux opé­ra­tions de crois­sance orga­nique et de crois­sance externe. Une grande par­tie des acteurs du mar­ché opère dans ce sec­teur, qui peut être sub­di­vi­sé en dif­fé­rents com­par­ti­ments spé­cia­li­sés. Le Build-up, par exemple, vise à consti­tuer des groupes indus­triels cohé­rents à par­tir de l’a­gré­ga­tion de plu­sieurs socié­tés com­plé­men­taires. À l’op­po­sé, cer­tains opé­ra­teurs pure­ment finan­ciers apportent leur exper­tise en ingé­nie­rie finan­cière pour struc­tu­rer des levées de fonds en ligne avec les attentes des entre­prises. Encore une fois, une dis­tinc­tion par taille – on parle de ticket – s’o­père entre les Small-caps, Mid-caps et Large-caps, au même titre que sur les mar­chés cotés. Le capi­tal-retour­ne­ment est une spé­cia­li­sa­tion qui, comme son nom l’in­dique, se concentre sur le redres­se­ment d’en­tre­prises en dif­fi­cul­té par la mise en oeuvre d’un plan de redres­se­ment et l’in­jec­tion des res­sources finan­cières nécessaires.

Enfin, last but not least, le capi­tal-trans­mis­sion éga­le­ment appe­lé LBO (Leve­rage buy-out) consiste à acqué­rir en tota­li­té une socié­té ren­table, en finan­çant l’ac­qui­si­tion par du capi­tal et sur­tout de la dette dont le rem­bour­se­ment est pré­le­vé sur les béné­fices de l’en­tre­prise. Ini­tia­le­ment conçu comme un moyen pour un diri­geant de trans­mettre son entre­prise, le LBO est à l’o­ri­gine de la majo­ri­té des opé­ra­tions qui défrayent la chronique.

Des placements intéressants

À l’o­ri­gine, le terme Pri­vate Equi­ty (capi­tal pri­vé) désigne toute forme de pla­ce­ment en actifs non cotés, dont les actions et titres de socié­tés non cotés sont une forme, par oppo­si­tion aux titres de socié­tés cotées – Public Equity.

L’a­van­tage de ce genre de pla­ce­ments est une per­for­mance lar­ge­ment supé­rieure à celle des valeurs cotées, en contre­par­tie d’une liqui­di­té moindre et de risques accrus. Par ailleurs, les inves­tis­seurs ont été ame­nés à diver­si­fier leur por­te­feuille et à en allouer une part crois­sante dans les actifs alter­na­tifs : Pri­vate Equi­ty, hedge funds et fonds immo­bi­liers. Ces pla­ce­ments sont por­tés par des véhi­cules, ou fonds d’in­ves­tis­se­ments, dont les formes sont tout aus­si diverses. À ce titre, en limi­tant le champ au seul mar­ché fran­çais, on trouve au moins quatre formes com­munes de véhi­cules juridiques :

  • SCR, socié­té de capital-risque,
  • FCPR, fonds com­mun de pla­ce­ment à risque,
  • FCPI, fonds com­mun de pla­ce­ment pour l’innovation,
  • FIP, fonds d’in­ves­tis­se­ment de proximité.
  • sans oublier les fonds » DSK » qui ont eu leur heure de gloire.


Bien évi­dem­ment, cha­cun de ces véhi­cules porte son lot d’o­bli­ga­tions et de contraintes régle­men­taires, en par­ti­cu­lier pour ceux fai­sant appel à l’é­pargne publique, mais aus­si et sur­tout, des avan­tages fis­caux non négli­geables. Si cer­tains de ces fonds sont d’ac­cès res­treint pour les par­ti­cu­liers – notam­ment en rai­son d’un niveau de risque et d’une durée d’im­mo­bi­li­sa­tion sou­vent éle­vés – le par­ti­cu­lier avi­sé peut néan­moins de plus en plus faci­le­ment sous­crire aux FCPI et FIP. Cer­tains éta­blis­se­ments pro­posent éga­le­ment des pro­duits per­met­tant d’in­ves­tir dans des Fonds de fonds, c’est-à-dire des fonds inves­tis­sant eux-mêmes dans des fonds.

Des évolutions complexes et profondes

À cet égard, l’ac­ti­vi­té de ges­tion de Fond de fonds est un seg­ment à part entière de l’é­co­sys­tème du Pri­vate Equi­ty. L’in­té­rêt en est évident : en inves­tis­sant dans des fonds plu­tôt que direc­te­ment dans des entre­prises, vous démul­ti­pliez votre por­tée d’ac­tion et pou­vez faci­le­ment opé­rer des allo­ca­tions dans votre stra­té­gie de diver­si­fi­ca­tion, tant en termes de sec­teur que de géo­gra­phie ou de taille d’entreprises.

C’est une ten­dance lourde qui tra­duit une évo­lu­tion pro­fonde vers des modes de fonc­tion­ne­ment tou­jours plus sophis­ti­qués. Cette évo­lu­tion per­met de mieux sup­por­ter les exi­gences des mar­chés, leur crois­sance, et les contraintes du légis­la­teur. Elle per­met éga­le­ment d’op­ti­mi­ser l’u­ti­li­sa­tion des capi­taux ain­si que les ser­vices ren­dus in fine tant aux inves­tis­seurs qu’aux entreprises.

D’une acti­vi­té arti­sa­nale il y a une ving­taine d’an­nées, le Pri­vate Equi­ty est deve­nu un sys­tème com­plè­te­ment pro­fes­sion­na­li­sé et codi­fié, avec des acteurs spé­cia­li­sés, des outils sophis­ti­qués et des exi­gences tou­jours plus fortes :

  • dans la réa­li­sa­tion des investissements

Les actifs sont plus diver­si­fiés, les por­te­feuilles intègrent une part crois­sante d’ac­tifs immo­bi­liers ou de fonds alter­na­tifs avec des stra­té­gies d’al­lo­ca­tion et d’ar­bi­trage complexes.

Les mon­tages finan­ciers sont struc­tu­rés de manière de plus en plus fine, avec des inter­ven­tions non seule­ment en actions, obli­ga­tions, titres conver­tibles et autres BSA, ORABSA, OCABSA, mais aus­si des finan­ce­ments à plu­sieurs étages de socié­tés, de dette senior ou mez­za­nine, simul­ta­né­ment dans la filiale indus­trielle et dans la holding.

Devant la com­pé­ti­tion crois­sante, la recherche des actifs cibles d’in­ves­tis­se­ment devient éga­le­ment un enjeu stra­té­gique, et tous les outils de veille, de col­lecte d’in­for­ma­tion et d’a­na­lyse sont autant d’a­touts pro­cu­rant un avan­tage compétitif.

  • dans les véhi­cules pro­po­sés aux investisseurs

Les fonds ont été conduits à sophis­ti­quer et à struc­tu­rer plus fine­ment les véhi­cules d’in­ves­tis­se­ments. C’est ain­si qu’il est désor­mais mon­naie cou­rante de trou­ver aus­si bien :

  1. des fonds à com­par­ti­ments, com­po­sés de plu­sieurs véhi­cules juri­diques dif­fé­rents per­met­tant de res­pec­ter les contraintes légales et régle­men­taires des dif­fé­rents inves­tis­seurs, mais par­ta­geant le même por­te­feuille d’investissements,
  2. des fonds nour­ri­ciers des­ti­nés à ali­men­ter auto­ma­ti­que­ment dif­fé­rents fonds et inves­tis­se­ments à par­tir d’une stra­té­gie d’al­lo­ca­tion prédéfinie,
  3. des struc­tures de fonds de fonds spécialisés,
  4. des stra­té­gies d’in­ves­tis­se­ment » à la carte » dans les fonds par des méca­nismes d’opt-in, opt-out,
  5. des fonds à plu­sieurs classes d’actifs ;
     
  • dans le sui­vi et l’exécution

Les fonds sont for­te­ment enca­drés par des contraintes régle­men­taires et légis­la­tives, notam­ment dans le cadre des pro­cé­dures de lutte anti-blan­chi­ment. Ce sont toutes les pro­cé­dures AML (Anti-Money Laun­de­ring) et KYC (Know Your Cus­to­mer) qui sont mises en place pour s’as­su­rer de la pro­ve­nance et du carac­tère licite des fonds inves­tis ain­si que de l’i­den­ti­té réelle des investisseurs.

Le contrôle de la conduite des opé­ra­tions est éga­le­ment extrê­me­ment strict : pro­cé­dures de tra­ça­bi­li­té, de contrôle per­ma­nent de res­pect des ratios, de confor­mi­té régle­men­taire, de vali­da­tion multiniveaux.

Enfin, le besoin de trans­pa­rence et d’in­for­ma­tion des inves­tis­seurs conduit à la mise en place de repor­tings de plus en plus com­plets et sophis­ti­qués, à une fré­quence accrue. D’un rap­port annuel som­maire, on est pas­sé à la pro­duc­tion tri­mes­trielle de repor­tings détaillés.

Dans ce cadre, l’ap­port de sys­tèmes d’in­for­ma­tion sophis­ti­qués inté­grant l’en­semble de la chaîne de trai­te­ment et asso­ciant l’en­semble des acteurs ne relève plus seule­ment du simple confort, mais bien d’une néces­si­té vitale.

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