Le photovoltaïque : présent et futur

Dossier : Trend-XMagazine N°740 Décembre 2018
Par Yvan BONNASSIEUX
Le solaire photovoltaïque reste, en 2017, le deuxième contributeur (après l’éolien) à la croissance mondiale des énergies renouvelables mais il devrait devenir le premier dans les toutes prochaines années.
Le Laboratoire de physique des interfaces et couches minces et l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France sont les fleurons de l’X pour la recherche dans ce domaine.

La capa­ci­té mon­diale d’énergie solaire pho­to­vol­taïque ins­tal­lée totale avoi­si­nait 400 GWp (puis­sance nomi­nale) à la fin de 2017. Ce fut une année extra­or­di­naire pour l’énergie solaire en Chine, avec plus de 50 GWp de capa­ci­té nou­velle, soit plus que les crois­sances com­bi­nées (35 GW) du char­bon, du gaz et de l’énergie nucléaire. La Chine a ain­si dépas­sé les États-Unis pour deve­nir le nou­veau lea­der mon­dial : la nou­velle capa­ci­té solaire pho­to­vol­taïque ajou­tée en Chine en 2017 équi­vaut à la capa­ci­té solaire pho­to­vol­taïque totale ins­tal­lée de la France et de l’Allemagne com­bi­nées. Aux États-Unis, 10 GWp d’énergie pho­to­vol­taïque ont été ajou­tés en 2017, en baisse de 30 % par rap­port à 2016, mais cela repré­sente tou­jours la deuxième année la plus éle­vée jamais enre­gis­trée. En ce qui concerne la France, le niveau est certes plus modeste avec 875 MWp ins­tal­lés en 2017, pour un total attei­gnant 8 GWp. Cepen­dant, le plan « Place au Soleil » lan­cé par le gou­ver­ne­ment le 28 juin 2018 vise à por­ter le taux d’énergie renou­ve­lable à 32 % en 2030, contre 22 % aujourd’hui. En paral­lèle plu­sieurs acteurs indus­triels majeurs s’engagent dans une poli­tique proac­tive. Ain­si, EDF a un objec­tif de 30 GW pho­to­vol­taïque en 2035. Ce n’est pas le seul acteur indus­triel ayant une poli­tique volon­ta­riste en la matière : par exemple dans la grande dis­tri­bu­tion, Les Mous­que­taires (Inter­mar­ché, etc.) pré­voient d’équiper 50 hec­tares d’ici cinq ans, le mou­ve­ment E. Leclerc vise la même sur­face d’ici à 2025, tan­dis que Sys­tème U veut ins­tal­ler 30 MWp sur 200 maga­sins, Car­re­four 20 MWp en 2022 et Auchan 60 MWp en 2023. Enfin, notons que les armées se pro­posent de dédier 2 000 hec­tares à des fermes solaires d’ici 2025.

REPÈRES
La production mondiale d’électricité à partir d’énergies renouvelables a augmenté de 6,3 % (380 TWh) en 2017. La Chine et les États-Unis ont représenté à eux seuls la moitié de cette augmentation, suivis de l’Union européenne (8 %), du Japon et de l’Inde (avec une croissance de 6 % chacun). En termes de répartition, l’énergie éolienne a représenté la plus grande part de la croissance globale des énergies renouvelables (36 %), suivie du solaire photovoltaïque (27 %), de l’hydroélectricité (22 %) et de la bioénergie (12 %).

Les technologies des cellules solaires photovoltaïques

Depuis main­te­nant plu­sieurs années, et suite à une action plus que volon­ta­riste du gou­ver­ne­ment chi­nois, le sili­cium cris­tal­lin domine très lar­ge­ment le mar­ché des cel­lules solaires grand public. Ain­si en 2017, selon le Pho­to­vol­taic Report 2018 du ISE Fraun­ho­fer, cette filière tech­no­lo­gique repré­sente 95 % des capa­ci­tés ins­tal­lées. Les autres filières indus­triel­le­ment signi­fi­ca­tives : tel­lu­rure de cad­mium (CdTE), cuivre, indium, gal­lium et sélé­nium (CIGS), et sili­cium amorphe se répar­tis­sant les 5 % res­tants. En ce qui concerne le sili­cium cris­tal­lin, l’approche poly­cris­tal­line reste domi­nante avec 62 % des parts de mar­ché, mais on peut noter que, suite à une chute dras­tique des prix, la filière mono­cris­tal­line connaît une crois­sance signi­fi­ca­tive. Dans cette tech­no­lo­gie, l’industrie fran­çaise est pré­sente via Pho­to­watt et sa tech­no­lo­gie Mono­like et plus indi­rec­te­ment la socié­té Sun­po­wer, pro­prié­té de Total. Pour les autres tech­no­lo­gies, dites en couches minces (c’est-à-dire basées sur des couches de quelques cen­taines de nano­mètres), le mar­ché peut être consi­dé­ré en 2017 comme qua­si confi­den­tiel (4,5 GWp). Mal­gré tout, on peut noter l’arrivée de nou­veaux acteurs chi­nois et japo­nais pour le CIGS et la volon­té de First Solar (USA) d’augmenter ses capa­ci­tés de pro­duc­tion à 6 GWp.

© Alber­to Masnovo

Quid de la recherche actuelle ?

Même si la tech­no­lo­gie du solaire pho­to­vol­taïque semble main­te­nant indus­triel­le­ment mature, elle reste un champ pros­père de la recherche aca­dé­mique et industrielle.

En ce qui concerne les cel­lules clas­siques à base de sili­cium cris­tal­lin, la quête du meilleur ren­de­ment semble atteindre une limite. Avec un record en labo­ra­toire pour cette tech­no­lo­gie de 26,6 %, on est très proche de la limite théo­rique de Sho­ck­ley-Queis­ser (29,1 %) qui par prin­cipe ne tient pas compte des pertes géné­rées par les défauts des maté­riaux actifs et par les contacts métal­liques. Mal­gré tout, la recherche est tou­jours active sur plu­sieurs points comme la tex­tu­ra­tion des sur­faces pour un meilleur pié­geage de la lumière, le contrôle de la cris­tal­li­sa­tion pour à la fois réduire la tem­pé­ra­ture et les défauts comme les joints de grains, et enfin la concep­tion, par nano-struc­tu­ra­tion, de cel­lules plus fines (1 µm contre 100 µm actuellement).

Bien qu’apparues il y a seule­ment six années et tou­jours can­ton­nées à la recherche, les cel­lules solaires pérovs­kites sont sans aucun doute l’étoile mon­tante du pho­to­vol­taïque. Elles sus­citent l’enthousiasme de l’industrie de l’énergie solaire et des labo­ra­toires grâce à un ren­de­ment de conver­sion excep­tion­nel dépas­sant déjà 20 % (23,3 % en 2018) en labo­ra­toire, et à une rela­tive faci­li­té de fabri­ca­tion en couches minces. Les pérovs­kites hybrides pos­sèdent des pro­prié­tés intrin­sèques qui sont fon­da­men­tales pour les cel­lules solaires, telles qu’un large spectre d’absorption, une sépa­ra­tion rapide des charges, une lon­gueur de dif­fu­sion des élec­trons et des trous, etc. Enfin, elles ont éga­le­ment d’autres pro­prié­tés qui, bien qu’actuellement secon­daires, sont source de fortes poten­tia­li­tés pour des uti­li­sa­tions futures comme la flexi­bi­li­té, la semi-trans­pa­rence et la légè­re­té. Mal­gré son grand poten­tiel, la tech­no­lo­gie des cel­lules solaires pérovs­kites en est encore à ses bal­bu­tie­ments et pas encore mature pour son indus­tria­li­sa­tion, même si plu­sieurs start-up se sont déjà lan­cées, comme Oxford PV en Grande-Bre­tagne et Sola­ro­nix en Suisse. En effet, il reste un cer­tain nombre de défis qui motivent la recherche.

Tout d’abord, les cel­lules solaires pérovs­kites se dété­riorent rapi­de­ment (quelques heures) en pré­sence d’humidité, et les pro­duits de dés­in­té­gra­tion attaquent les élec­trodes métal­liques. Une encap­su­la­tion com­plexe pour pro­té­ger la pérovs­kite peut aug­men­ter le coût et le poids de la cel­lule. Cepen­dant des publi­ca­tions récentes ont mon­tré une sta­bi­li­té équi­va­lente à une année.

Le second pro­blème majeur est la toxi­ci­té. En effet, les cel­lules pérovs­kites à haut ren­de­ment uti­lisent sys­té­ma­ti­que­ment du plomb qui est un pol­luant mas­sif et pro­dui­sant, par exemple, comme pro­duit de dégra­da­tion de l’iodure de plomb qui est consi­dé­ré comme poten­tiel­le­ment can­cé­ri­gène. Des recherches sont en cours pour trou­ver des sub­sti­tuants, comme l’étain et le sélé­nium, mais les ren­de­ments res­tent infé­rieurs à 10 % et la toxi­ci­té est tou­jours présente.

Enfin, la der­nière dif­fi­cul­té est la mise à l’échelle indus­trielle. Les ren­de­ments rap­por­tés ont été obte­nus avec de toutes petites cel­lules (quelques mil­li­mètres car­rés), ce qui est loin de la taille d’un pan­neau solaire. Notons qu’un module de 802 cm2 a atteint der­niè­re­ment un ren­de­ment de 11,6 %.

L’autre grand chal­lenge de la recherche et déve­lop­pe­ment dans le solaire pho­to­vol­taïque est la concep­tion de struc­tures mul­ti­jonc­tions pour conti­nuer la course au rendement.

L’approche mul­ti­jonc­tion n’est pas com­plé­te­ment nou­velle, mais elle était jusqu’à pré­sent can­ton­née aux appli­ca­tions spa­tiales, là où le coût n’est pas un pro­blème. Il semble aujourd’hui qu’une struc­ture tan­dem (2 cel­lules) est l’approche pour obte­nir, dans un futur proche et avec un coût com­mer­cia­le­ment viable, un ren­de­ment égal ou supé­rieur à 30 %. Plu­sieurs struc­tures semblent pos­sibles comme les couples silicium/GaAs, silicium/CIGS, CIGS/CdTe et sur­tout sili­cium cristallin/pérovskites hybrides. Pour cette der­nière approche, la start-up Oxford PV a obte­nu un ren­de­ment de 27,3 % en juin 2018.

“Les cellules solaires pérovskites sont l’étoile montante du photovoltaïque”

La recherche photovoltaïque à l’École polytechnique

On doit mettre en exergue tout d’abord le Labo­ra­toire de phy­sique des inter­faces et couches minces (uni­té mixte de recherche CNRS, École poly­tech­nique). Depuis 1986, le LPICM pro­meut, par­mi ses thé­ma­tiques, une recherche au niveau mon­dial, sur les cel­lules solaires en couches minces (sili­cium, orga­nique et pérovskites).

L’Institut pho­to­vol­taïque d’Île-de-France (IPVF), créé en 2014 et sou­te­nu par l’État dans le cadre des « inves­tis­se­ments d’avenir », est un par­te­na­riat indus­triel-aca­dé­mique créé à l’initiative d’EDF, de Total, du CNRS et de l’École poly­tech­nique, asso­ciés aux socié­tés Air Liquide, Hori­ba Jobin Yvon et Riber. Ins­tal­lé depuis sep­tembre 2017 dans un nou­veau bâti­ment de 8 000 m2, construit juste à l’ouest du cam­pus de l’École poly­tech­nique, il a pour ambi­tion de deve­nir l’un des prin­ci­paux centres mon­diaux de recherche, d’innovation et de for­ma­tion dans le domaine de l’énergie solaire pho­to­vol­taïque en fédé­rant des équipes de recherche aca­dé­miques recon­nues au plan inter­na­tio­nal et des indus­triels lea­ders de la filière pho­to­vol­taïque. Enfin, notons la créa­tion en août 2018 d’un nou­veau labo­ra­toire, nom­mé éga­le­ment IPVF, uni­té mixte de recherche, avec entre autres, l’École poly­tech­nique et le CNRS comme tutelles.

Pérovskite

Une cel­lule solaire pérovs­kite est un type de cel­lule qui com­prend une struc­ture cris­tal­line spé­ci­fique, le plus sou­vent un maté­riau hybride orga­nique-inor­ga­nique à base de plomb ou d’halogénure d’étain, en tant que couche active cap­tant la lumière. Les pérovs­kites hybrides, tels, par exemple, les halo­gé­nures de méthy­lam­mo­nium et de plomb (CH3NH3PbI3), sont peu coû­teuses à pro­duire et rela­ti­ve­ment simples à dépo­ser (dépôt par impres­sion ou par éva­po­ra­tion à faible tem­pé­ra­ture 200 °C).

Structures multi-jonctions

L’idée est simple : ne plus ten­ter de cap­ter l’ensemble du spectre solaire par une cel­lule unique (for­cé­ment pas opti­mi­sée à la fois pour le visible et l’infrarouge), mais de construire un empi­le­ment de plu­sieurs cel­lules (cha­cune opti­mi­sée pour une par­tie spé­ci­fique du spectre). En théo­rie on peut alors atteindre 46 % avec 2 cel­lules, 52 % avec trois et jusqu’à 60 % avec six. 

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