Le paysage aéroportuaire français en forte évolution

Dossier : AéroportsMagazine N°602 Février 2005
Par Hubert du MESNIL (69)
Par Jacques SABOURIN

Les (grands) aéro­ports ont dû se mettre en mou­ve­ment selon Hubert du Mes­nil, direc­teur géné­ral d’Aé­ro­ports de Paris, et doivent s’a­dap­ter, y com­pris dans leur mode de ges­tion, parce que les com­pa­gnies aériennes, leur prin­ci­pale clien­tèle, ont elles-mêmes beau­coup évo­lué. Comme d’ailleurs les clients des com­pa­gnies qui passent dans les aéro­ports et ceux qui expé­dient fret ou colis express par avion cargo.

Les aéro­ports doivent faire face, depuis quelques années, non seule­ment à une forte crois­sance de la demande de mobi­li­té, à une très vive concur­rence natio­nale et inter­na­tio­nale, mais ils doivent aus­si prendre en compte – fait nou­veau – la fra­gi­li­té du trans­port aérien et s’a­dap­ter à des situa­tions de crise, aus­si bien des tem­pêtes de neige que des inci­dents de sûre­té, des menaces d’é­pi­dé­mie…, qui néces­sitent une mobi­li­sa­tion très rapide de tout le « sys­tème » aéroport.

Évolution du trafic aéroportuaire

Dans le monde, l’an­née 2003 a été dif­fi­cile, même si, selon Aéro­ports Maga­zine1, elle s’est ter­mi­née sur une note opti­miste – qui se confirme d’ailleurs en France pour 2004.

Atterrissage devant un champ de colza
© ADP

Le tra­fic aéro­por­tuaire mon­dial, de l’ordre de 3,5 mil­liards de pas­sa­gers, soit 1,7 mil­liard de voya­geurs (1 voya­geur = 2 pas­sa­gers aéro­por­tuaires) est en baisse de 1 à 3 % selon les modes de comp­ta­bi­li­sa­tion. Dans ce contexte, mar­qué par la guerre en Irak et le Sras, le tra­fic fran­çais a mal­gré tout assez bien résis­té en 2003 (- 1,1 %) ; il repré­sente 127,6 mil­lions de pas­sa­gers dont 118,2 mil­lions en métro­pole et 9,4 mil­lions outre-mer. Aéro­ports de Paris réa­lise la grande majo­ri­té de ce tra­fic avec 70,7 mil­lions de pas­sa­gers, les aéro­ports régio­naux tota­li­sant 47,6 mil­lions de passagers.

Les dis­pa­ri­tés sont donc grandes, fait remar­quer Jacques Sabou­rin, délé­gué géné­ral de l’UC­CE­GA2 entre les aéro­ports fran­çais. De la bonne per­for­mance d’Aé­ro­ports de Paris à celles, variant for­te­ment d’un aéro­port régio­nal à l’autre, qui ont glo­ba­le­ment connu une baisse de 4,3 % du tra­fic natio­nal, alors que l’in­ter­na­tio­nal s’est mieux com­por­té (+ 5,3 %) en rai­son de l’ap­port de tra­fic des com­pa­gnies à bas coûts. À Nice, par exemple, 2e aéro­port en tra­fic pas­sa­gers après ADP avec 9,2 mil­lions de pas­sa­gers, la pré­sence de 11 com­pa­gnies à bas coûts (30 % du tra­fic de l’aé­ro­port) a per­mis de com­pen­ser la dis­pa­ri­tion d’Air Lib, d’Aé­ris et d’Air Lit­to­ral ; à Lyon (+ 2,9 %), la situa­tion est tout autre : le « hub » d’Air France ren­force l’ac­ti­vi­té de ce troi­sième aéro­port fran­çais (5,9 mil­lions de passagers).

Étran­ge­té fran­çaise par rap­port au reste de l’Eu­rope, note J. Sabou­rin, à quelques excep­tions près (une ou deux lignes à Nice), le tra­fic inter­con­ti­nen­tal est pra­ti­que­ment inexis­tant dans les aéro­ports régio­naux, tout ce tra­fic se concen­trant sur Paris et sur d’autres « hubs » européens.

Compagnies à bas coûts et développement local

Grâce aux com­pa­gnies à bas coûts, appa­rues au milieu des années 1990, qui sont deve­nues un élé­ment struc­tu­rant du trans­port aérien, le tra­fic des aéro­ports dits « de proxi­mi­té » s’est déve­lop­pé de manière spec­ta­cu­laire en France en 2003. Comme à Beau­vais qui en 1999 n’ac­cueillait que 388 000 pas­sa­gers et où le tra­fic a crû de 43 % en 2003, de sorte qu’il joue­ra dans la cour des grands aéro­ports (plus de 1 mil­lion de pas­sa­gers) dès 2004 ou à Rodez (+ 78 %), Ber­ge­rac (+ 84,3 %) et Dinard (+ 16,9 %), les trois der­niers entrant dans la famille de ceux au tra­fic supé­rieur à 100 000 passagers.

À Car­cas­sonne, dont on se deman­dait encore il y a quelques années s’il fal­lait le main­te­nir ouvert avec son petit 6 000 pas­sa­gers, pointe Jacques Sabou­rin, le tra­fic atteint aujourd’­hui 250 000 à 300 000 pas­sa­gers (+ 34,2 % 0302) qui se répar­tissent entre plu­sieurs liai­sons, sachant qu’une ligne repré­sente entre 80 000 et 100 000 pas­sa­gers. Puisque ce tra­fic est à 80 % à l’im­port, il a don­né un for­mi­dable élan éco­no­mique local (tou­risme, com­merces, BTP…) et a même per­mis dans cer­tains endroits comme le Limou­sin ou le Poi­tou de main­te­nir ouvertes des classes dans les écoles, un cer­tain nombre de Bri­tan­niques s’é­tant ins­tal­lés à demeure, fai­sant la navette une ou deux fois par semaine avec leur pays d’o­ri­gine et tra­vaillant le reste du temps à distance !

Autre élé­ment qui a modi­fié le pay­sage aéro­por­tuaire fran­çais mais en sens inverse, la concur­rence du TGV qui n’a pas tou­jours été com­pen­sée par l’ap­port de tra­fic des quelque 25 com­pa­gnies à bas coûts (dont aucune n’est fran­çaise…). Il en va ain­si de l’aé­ro­port de Nîmes.

Fret

Avec 1 793 106 tonnes, le fret aérien embar­qué et débar­qué sur les aéro­ports de métro­pole aug­mente de 4,8 %. Évo­lu­tion due sur­tout, pour Jacques Sabou­rin, aux résul­tats d’ADP (+ 5,2 %) repré­sen­tant 88,6 % du fret total, soit 1 589 260 tonnes en 2003, qui accen­tuent l’é­cart entre Paris (Rois­sy-Orly) et les aéro­ports régio­naux, ces der­niers tota­li­sant 200 000 tonnes en 2003, soit moins que le seul aéro­port de Liège ou de Luxem­bourg fer­mé la nuit.

Après Paris, c’est Tou­louse qui conso­lide sa deuxième posi­tion en 2003 avec 47 000 tonnes de fret (+ 5,2 %), tan­dis que Mar­seille reste en troi­sième posi­tion avec près de 39 000 tonnes ; Lyon-Saint-Éxu­pé­ry se posi­tionne à la 4e place en matière de fret avec 30 000 tonnes (+ 8,7 %).

En fret, sou­ligne Hubert du Mes­nil, Aéro­ports de Paris se déve­loppe à un rythme sou­te­nu (+ 4,4 % par an) et dépasse aujourd’­hui Franc­fort en taux de crois­sance (+ 2,2 %), mal­gré la contrainte que repré­sente l’in­ter­dic­tion des nou­veaux vols de nuit et la stag­na­tion du fret pos­tal3 (- 0,1 % en 2003). Il conti­nue à s’ac­croître, sur­tout à Rois­sy où Air France Car­go et Fedex sont les prin­ci­paux opé­ra­teurs, sachant que plus de la moi­tié du fret est trans­por­tée par les avions de passagers.

Le TGV arrive à Roissy
Le TGV arrive direc­te­ment à Rois­sy 1 et 2.
© ADP

La néces­si­té de réduire au mini­mum les nui­sances des aéro­ports pour les rive­rains (bruit, inter­dic­tion des vols de nuit…), tout en conser­vant les emplois liés au fret, a conduit les opé­ra­teurs comme Air France Car­go, les grandes com­pa­gnies aériennes et les construc­teurs à recher­cher l’op­ti­mi­sa­tion de l’ex­ploi­ta­tion par des avions gros por­teurs au rayon d’ac­tion plus large que leurs pré­dé­ces­seurs et sur­tout aux capa­ci­tés d’emport en fret et en pas­sa­gers plus impor­tantes. Le Boeing 777ER, mis en ligne par Air France en mai 2004 par exemple, peut emme­ner 35 tonnes de fret avec 385 pas­sa­gers à bord et l’Air­bus A380, avion tout-car­go, dont l’en­trée en ser­vice est pré­vue pour 2007 ou 2008, emmè­ne­ra 145 tonnes de fret.

Autre étran­ge­té fran­çaise qui découle de la pre­mière – manque de liai­sons longs cour­riers au départ des aéro­ports régio­naux - selon Jacques Sabou­rin, le fret, acti­vi­té à haute valeur ajou­tée, emprunte sur­tout la route qui, il est vrai, relie en moins d’une nuit de camion toutes les villes fran­çaises et euro­péennes. Ailleurs en Europe, la proxi­mi­té n’empêche pas les aéro­ports comme Man­ches­ter et Liver­pool par exemple – 40 minutes par auto­route – d’en­re­gis­trer un fret impor­tant et d’en­gran­ger 2 mil­lions de pas­sa­gers par an pour la pre­mière et 3,5 mil­lions pour la seconde. En Alle­magne et même en Ita­lie et en Espagne, l’é­qui­libre fret rou­tier et aérien est meilleur qu’en France. Même Air France Car­go ne réa­lise d’ailleurs que 25 % de ses recettes car­go sur le mar­ché export de l’Hexa­gone ; à Rois­sy, 50 % du fret pro­vient des autres pays euro­péens et 25 % de pays du monde entier. Même chose aux Pays-Bas, notait Les Echos4 dans un dos­sier consa­cré au mariage d’Air France et de KLM, où le mar­ché natio­nal ne repré­sente que 15 % du fret KLM. Par le sys­tème inté­gré des » mul­ti-hubs » créés par ce mariage, on peut pen­ser trou­ver doré­na­vant moins de camions sur les routes, du moins entre Paris et Schi­phol, près d’Am­ster­dam, comme le notait dans ce même dos­sier Claude Elbaz, res­pon­sable du déve­lop­pe­ment du fret inter­na­tio­nal à ADP.

Réformes et décentralisation

Pour Hubert du Mes­nil, Le modèle unique d’aé­ro­port en vigueur depuis très long­temps a dis­pa­ru. Il y avait par­tout en Europe de grandes com­pa­gnies natio­nales et publiques uti­li­sant des aéro­ports eux-mêmes natio­naux et publics avec un lien très fort et une grande sta­bi­li­té. On a vu appa­raître, à côté des com­pa­gnies tra­di­tion­nelles, d’un côté des alliances s’ap­puyant sur des » hubs « , de l’autre des entre­prises nou­velles, les » low cost » qui se situent sur le mar­ché des courtes dis­tances. Ce trans­port se dis­tingue du modèle aérien tra­di­tion­nel, haut de gamme et plu­tôt pres­ti­gieux, par la rapi­di­té, la sim­pli­ci­té, les bas prix et les bas coûts !

Pour toutes ces rai­sons il a donc bien fal­lu s’a­dap­ter à ces dif­fé­rentes demandes.

La Com­mis­sion de Bruxelles a en quelque sorte » léga­li­sé » les aides accor­dées par des aéro­ports ou des Régions aux com­pa­gnies à bas coûts pour l’ou­ver­ture de nou­velles lignes ce qui a per­mis à celles-ci de deve­nir des acteurs à part entière du trans­port aérien. En France, enfin, avec la pro­mul­ga­tion de la loi du 13 août 2004 rela­tive aux liber­tés et res­pon­sa­bi­li­tés locales, dite loi de décen­tra­li­sa­tion, le pay­sage aéro­por­tuaire chan­ge­ra de manière consi­dé­rable. Après les ports5, il s’a­git main­te­nant de trans­fé­rer la com­pé­tence aéro­por­tuaire, de manière dif­fé­rente selon qu’il s’a­git des grands aéro­ports fran­çais, des autres plates-formes régio­nales ou d’ADP.

Il s’a­git gros­so modo du même texte que celui sou­mis au Par­le­ment dans le cadre des lois Def­ferre des années 1980 qui, à l’é­poque, avait été reti­ré, pré­cise Jacques Sabou­rin, satis­fait que les grandes lignes du livre blanc des aéro­ports régio­naux publié par l’UC­CE­GA en décembre 2002 aient été rete­nues, notam­ment en matière de créa­tion de socié­tés, d’al­lon­ge­ment des conces­sions à qua­rante ans et du rôle impor­tant accor­dé aux col­lec­ti­vi­tés locales en matière aéroportuaire.

Grands aéroports régionaux

Pour la dou­zaine de grands aéro­ports régio­naux et d’outre-mer dont le tra­fic est supé­rieur à 1 mil­lion de pas­sa­gers – Bor­deaux, Fort-de-France, Lille, Lyon, Mar­seille, Mont­pel­lier, Nantes, Nice, Pointe-à-Pitre, Saint-Denis de la Réunion, Stras­bourg, Tou­louse et peut-être Cayenne – le pro­jet de loi de novembre 2004 pré­voit la pos­si­bi­li­té pour les chambres de com­merce déten­trices des conces­sions d’É­tat de créer avec celui-ci de véri­tables socié­tés aéro­por­tuaires de droit pri­vé, res­pon­sables de leur gestion.

Hall d'aérogare
Hall avec moni­teurs et voya­geurs en partance.
© ADP

Selon Jacques Sabou­rin, on pas­se­rait ain­si d’un sys­tème de conces­sions attri­buées par l’É­tat aux chambres de com­merce, ges­tion­naires uniques, à un sys­tème d’en­tre­prises qui per­met­trait l’en­trée de nou­veaux acteurs à côté des CCI, comme les col­lec­ti­vi­tés locales mais aus­si ulté­rieu­re­ment de par­te­naires du sec­teur pri­vé. L’É­tat, qui gar­de­rait ain­si sa com­pé­tence, res­te­rait pro­prié­taire du fon­cier ; les CCI, en tant qu’o­pé­ra­teurs his­to­riques, demandent à conser­ver une mino­ri­té de blo­cage. Quant aux per­son­nels qui tra­vaillent dans les aéro­ports, élé­ment essen­tiel du dis­po­si­tif de pro­duc­tion, les agents publics dépen­dant des CCI seront mis à dis­po­si­tion des nou­velles socié­tés pour dix ans, les autres sala­riés de ces mêmes ges­tion­naires, de droit pri­vé, relè­ve­ront de l’ar­ticle L122.12 du code du tra­vail et seront tous repris par les nou­velles entre­prises aéro­por­tuaires. L’UCCEGA lance les tra­vaux d’une conven­tion col­lec­tive des aéro­ports fran­çais ce qui devrait conduire à ras­su­rer les per­son­nels et orga­ni­sa­tions syndicales.

Les autres aéroports régionaux

Pour les aéro­ports de pro­vince ayant moins d’un mil­lion de pas­sa­gers par an, appar­te­nant eux aus­si à l’É­tat, et dont l’ex­ploi­ta­tion est géné­ra­le­ment, là encore, concé­dée aux chambres de com­merce, il s’a­git, selon la loi de décen­tra­li­sa­tion, d’or­ga­ni­ser le trans­fert inté­gral de leur péri­mètre aux col­lec­ti­vi­tés locales ou à leurs grou­pe­ments. Dans ce cadre, ces der­nières devien­dront pro­prié­taires du domaine, elles repren­dront les droits et obli­ga­tions de l’É­tat et devront pré­ci­ser le régime de ges­tion qu’elles sou­haitent appliquer.

Cette opé­ra­tion de trans­fert de l’É­tat aux col­lec­ti­vi­tés devra être ter­mi­née, selon le pro­jet de loi, au 1er jan­vier 2007. Elle se concré­ti­se­ra par la signa­ture de conven­tions entre l’É­tat et les col­lec­ti­vi­tés locales.

Aéroports de Paris

Contrai­re­ment aux autres aéro­ports fran­çais qui sont des conces­sions de l’É­tat, ADP est un éta­blis­se­ment public, éma­na­tion directe de l’É­tat, titu­laire depuis sa créa­tion du droit d’ex­ploi­ter les aéro­ports pari­siens. Selon le pro­jet de loi adop­té par le Sénat le 11 novembre 2004 et qui pas­se­ra à l’As­sem­blée natio­nale en février 2005, Aéro­ports de Paris sera trans­for­mé en socié­té ano­nyme où l’É­tat res­te­ra majo­ri­taire mais qui pour­ra ouvrir son capi­tal à par­tir de l’é­té 2005. Elle devien­dra pro­prié­taire de tous ses actifs, domaine fon­cier com­pris et l’É­tat lui main­tien­dra son droit d’ex­ploi­ter ; le per­son­nel d’ADP, qui est de droit pri­vé, pour­ra gar­der son statut.

Évolution d’Aéroports de Paris

Aéro­ports de Paris, qui retrouve son niveau de tra­fic d’a­vant la crise du 11 sep­tembre 20016 et a de nou­veau connu en 2003 un chiffre d’af­faires en hausse, a com­men­cé à se trans­for­mer dès 2002.

Des aérogares plus accueillantes.
Aéro­gares plus accueillantes. © ADP

D’une orga­ni­sa­tion tra­di­tion­nelle par métiers, nous sommes pas­sés pro­gres­si­ve­ment à l’or­ga­ni­sa­tion par acti­vi­tés, indique Hubert du Mes­nil. À côté de notre mis­sion pre­mière de ges­tion­naire d’aé­ro­port c’est-à-dire l’exer­cice de la mis­sion d’au­to­ri­té aéro­por­tuaire – qui res­te­ra d’ailleurs notre cœur de métier – nous nous sommes orga­ni­sés pour assu­rer notre déve­lop­pe­ment autour de nos uni­tés d’af­faires et de nos acti­vi­tés com­mer­ciales et immo­bi­lières : la plate-forme aéro­por­tuaire doit être capable de rece­voir des immeubles de toute nature, sauf l’ha­bi­tat, bien enten­du. Nous sou­hai­tons valo­ri­ser de même nos acti­vi­tés d’o­pé­ra­teur des télé­com­mu­ni­ca­tions, nos ser­vices d’in­gé­nie­rie, et pour­suivre notre pré­sence dans le mana­ge­ment d’autres aéro­ports, en Europe et sur les autres conti­nents. Nous recom­po­sons ain­si un ensemble struc­tu­rel qui, tout en pas­sant au sta­tut de socié­té ano­nyme en 2005, res­te­ra une entre­prise publique où l’É­tat conser­ve­ra la majo­ri­té parce que la dimen­sion natio­nale d’ADP est forte.

Ce nou­veau sta­tut nous per­met­tra d’ac­cueillir d’autres action­naires et donc de faire appel au mar­ché pour trou­ver des fonds afin d’as­su­rer notre déve­lop­pe­ment, inves­tir et mieux nous posi­tion­ner face à nos voi­sins et concur­rents les plus proches : Londres, Franc­fort et Schiphol.

Ces aéro­ports ont un sta­tut de SA depuis long­temps, même si leur capi­tal s’est ouvert plus ou moins au pri­vé selon les pays.

Une pri­va­ti­sa­tion a été réa­li­sée à 100 % et d’un seul coup en Grande-Bre­tagne dans le cadre de la poli­tique de Mme That­cher, alors que Franc­fort et Schi­phol n’ont ouvert leur capi­tal que très pro­gres­si­ve­ment et sont res­tés majo­ri­tai­re­ment publiques.

En Espagne la situa­tion est encore dif­fé­rente puisque, au lieu d’a­voir une socié­té par aéro­port, une socié­té – entiè­re­ment publique – gère l’en­semble des aéro­ports de la péninsule.

De nouvelles attentes de la clientèle

Ce qui importe, c’est de trans­for­mer ADP en véri­table entre­prise de ser­vices comme le notait déjà Pierre Graff, pré­sident d’Aé­ro­ports de Paris, dans Les Échos7. Là où avant la réforme les aéro­ports avaient pour mis­sion de construire et entre­te­nir leurs ins­tal­la­tions, nous enre­gis­trons aujourd’­hui, à chaque son­dage, des attentes qua­li­ta­tives de plus en plus impor­tantes, note Hubert du Mes­nil. Notre clien­tèle veut pou­voir accé­der faci­le­ment aux aéro­ports, en voi­ture ou en trans­port public, elle veut des par­kings accueillants, de la musique pour se dis­traire, des fau­teuils pour dor­mir et des bou­tiques pour faire des achats. Nous devons répondre à cette demande de ser­vice, d’aide à une pro­cé­dure d’en­re­gis­tre­ment, de che­mi­ne­ment à tra­vers l’aé­ro­port pour rendre la tra­ver­sée de celui-ci aus­si légère, aus­si rapide et aus­si agréable que pos­sible. C’est un élé­ment de chan­ge­ment essen­tiel qui explique la réor­ga­ni­sa­tion d’ADP, qui met nos clients au centre de notre démarche.

L’accessibilité des aéroports de Paris…

Par­mi les pro­blèmes que les voya­geurs placent au pre­mier rang de leurs pré­oc­cu­pa­tions, il y a l’ac­ces­si­bi­li­té, c’est-à-dire la manière (dif­fi­cile) dont ils peuvent accé­der aux aéroports.

Nous sommes là en plein para­doxe, constate Hubert du Mes­nil, puisque la région Île-de-France qui a le meilleur réseau de trans­port public au monde enre­gistre le pour­cen­tage le plus faible du nombre de voya­geurs pre­nant les trans­ports col­lec­tifs pour rejoindre les aéro­ports de Rois­sy et d’Or­ly, alors que le tra­jet en voi­ture est très incer­tain. Tous les autres grands aéro­ports euro­péens ont réa­li­sé des trans­ports publics dédiés aux seuls voya­geurs aériens et aux per­son­nels qui y tra­vaillent, avec des départs caden­cés, des tra­jets directs et rapides. En région pari­sienne le RER est peu pri­sé des étran­gers, et pour l’heure, 80 000 véhi­cules accèdent chaque jour à CDG, y ame­nant par un réseau rou­tier engor­gé 80 % des voya­geurs aériens et 90 % des 75 500 per­sonnes qui y tra­vaillent. D’où l’in­té­rêt du futur CDG Express, liai­son fer­ro­viaire dédiée, caden­cée au quart d’heure qui par­ti­ra des gares de l’Est et du Nord dès 2011 et met­tra moins de 20 minutes pour rejoindre Rois­sy. Après le grand débat public de 2003, notam­ment sur le tra­cé, le pro­jet existe et figure au dos­sier de Paris pour les Jeux Olym­piques de 2012. Por­té par ADP, RFF et la SNCF, il vise à atti­rer 40 % des passagers.

De plus, la RATP met en pro­jet une ligne de tram­way de 11 kilo­mètres devant relier Vil­le­juif à Athis-Mons qui des­ser­vi­ra Run­gis et Orly regrou­pant plus de 70 000 emplois ; elle sera reliée à la ligne 7 du métro et au RER C et mise en ser­vice en 2009.

… posée dès 1944 par une note au général de Gaulle

En s’in­ter­ro­geant sur le pro­jet d’en­tre­prise d’ADP et sur la stra­té­gie à mettre en œuvre pour rele­ver les défis d’un monde qui change de plus en plus vite, Hubert du Mes­nil a retrou­vé dans les archives d’ADP une note rédi­gée en 1944 par un cer­tain M. BOZEL pour le géné­ral de Gaulle à Londres.

C’é­tait l’i­dée d’un homme dou­ble­ment vision­naire qui, non seule­ment, vou­lait faire œuvre de paix et de recons­truc­tion, mais était sur­tout per­sua­dé qu’a­près-guerre, si la France vou­lait jouer un rôle de « porte d’en­trée de l’Eu­rope » il lui fal­lait construire très rapi­de­ment un aéro­port pou­vant accueillir voya­geurs et mar­chan­dises, l’en­trée prin­ci­pale sur le ter­ri­toire ne s’ef­fec­tuant plus par la mer mais par les airs. Dans sa note M. BOZEL décrit même la « ville aéro­por­tuaire » où les gens pour­raient trou­ver des ser­vices, des com­merces, des hôtels, des res­tau­rants, autour d’une sorte de plate-forme mul­ti­fonc­tions à laquelle les voya­geurs devraient pou­voir accé­der par un « train spé­cial » à par­tir de Paris. Le géné­ral de Gaulle accepte l’i­dée, Aéro­ports de Paris est créé en 1947 et déve­loppe les aéro­ports du Bour­get, puis d’Or­ly, puis de Rois­sy. La réus­site est là, mais sub­sistent des points faibles… dont l’ac­cès aux aéro­ports. Il nous a donc fal­lu plus d’un demi-siècle pour reve­nir en quelque sorte aux ori­gines, retrou­ver cet acte fon­da­teur, relan­cer ce ser­vice dédié et, plus lar­ge­ment, nous mettre au ser­vice du public, afin que le temps pas­sé dans les aéro­ports soit un temps utile et agréable et non pas un temps perdu.

1. Hors série, mai 2004.
2. La France dis­pose de 500 aéro­dromes, dont 320 (publics) sont ouverts à la cir­cu­la­tion aérienne et sus­cep­tibles de rece­voir du tra­fic com­mer­cial ; sur ce nombre, les 190 aéro­ports fran­çais exploi­tés par les 115 membres de l’Uc­ce­ga reçoivent 100 % du trafic.
3. Pour se confor­mer aux déci­sions gou­ver­ne­men­tales du 25 juillet 2002, limi­tant le tra­fic des aéro­ports pari­siens entre 0 h et 5 h, La Poste a dû revoir à la baisse la part de l’aé­rien dans son sys­tème de dis­tri­bu­tion (source Uccega).
4. Les Échos du 5 avril 2004.
5. Voir le numé­ro pré­cé­dent de La Jaune et la Rouge.
6. Selon le direc­teur géné­ral de l’a­via­tion civile (DGAC), Michel Wachen­heim, qui s’ex­pri­mait en 2003 : La crise issue du 11 sep­tembre 2001 a coû­té quatre ans de crois­sance à l’ac­ti­vi­té aérienne française.
7. Les Échos du 10 octobre 2004.

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