Le Charles-de-Gaulle.

Le domaine naval

Dossier : Marine nationaleMagazine N°596 Juin/Juillet 2004
Par François LUREAU (63)

Les forces navales fran­çaises ont connu une évo­lu­tion simi­laire. Le porte-avions Charles-de-Gaulle, le sous-marin nucléaire lan­ceur d’en­gins le Vigi­lant qui vient de débu­ter ses essais à la mer n’ont que peu de rap­port avec la nef armée de la bataille de l’É­cluse. L’é­ven­tail des mis­sions de la Marine natio­nale s’est élar­gi en pro­por­tion. À côté des mis­sions quo­ti­diennes et tra­di­tion­nelles de haute mer se sont déve­lop­pées des opé­ra­tions dans les espaces lit­to­raux en appui direct et en sou­tien logis­tique des opé­ra­tions ter­restres telle l’o­pé­ra­tion Héra­clès en sou­tien des opé­ra­tions en Afgha­nis­tan. La grande capa­ci­té d’emport des plates-formes et leur mobi­li­té en font un ins­tru­ment pri­vi­lé­gié de pro­jec­tion de forces en même temps qu’un outil pré­cieux au ser­vice de la nation.

Les articles du pré­sent numé­ro de la revue La Jaune et la Rouge mettent en valeur à juste titre l’ac­tion remar­quable de la Marine natio­nale dont les médias se sont notam­ment fait l’é­cho récem­ment illus­trant ain­si la mis­sion d’ac­tion de l’É­tat en mer tant dans la pour­suite de bâti­ments pol­lueurs que dans la lutte contre les tra­fics ou lors des tra­giques évé­ne­ments de Charm El Cheikh.

J’ap­pré­cie ain­si tout par­ti­cu­liè­re­ment de pou­voir appor­ter la contri­bu­tion de la DGA à ce numé­ro et attes­ter ain­si du lien étroit qui nous unit.


Le Charles-de-GaulleMARINE NATIONALE

 
L’i­mage de puis­sance de la marine, son action au ser­vice de la défense et de l’É­tat, les valeurs de dévoue­ment qu’elle incarne ren­voient une image de sta­bi­li­té et de tra­di­tion émaillée de hauts faits d’armes.

Pour autant, plus que beau­coup d’autres, le domaine naval par son poids tant éco­no­mique (trans­port, richesses natu­relles, emplois, etc.) que poli­tique (dis­sua­sion, ges­tion de crise, etc.) est un domaine clef pour l’a­ve­nir de notre pays et, par là même, un domaine d’ex­pres­sion pri­vi­lé­gié de la recherche d’ex­cel­lence tou­jours renou­ve­lée au ser­vice de nos forces.

Il est ain­si l’ob­jet d’é­vo­lu­tions pro­fondes. Au pre­mier rang de ces évo­lu­tions, l’é­qui­pe­ment de la marine en est la tra­duc­tion la plus concrète. La loi de pro­gram­ma­tion mili­taire consacre à ce titre un grand mou­ve­ment de moder­ni­sa­tion dont la com­mande d’un pre­mier lot de fré­gates mul­ti­mis­sions, des deux pre­miers sous-marins nucléaires d’at­taque de la classe Bar­ra­cu­da et d’une pre­mière série de mis­siles de croi­sière navals est l’illustration.

La déci­sion de lan­ce­ment du pro­gramme du deuxième porte-avions et le choix de son mode de pro­pul­sion en début de cette année ont ouvert par ailleurs la voie d’un recou­vre­ment de la per­ma­nence à la mer du groupe aéro­na­val en même temps que la pers­pec­tive d’une coopé­ra­tion avec le Royaume-Uni. Elle sou­ligne ain­si de façon emblé­ma­tique, avec d’autres pro­grammes tels que les fré­gates Hori­zon ou la tor­pille MU 90, l’ou­ver­ture euro­péenne de notre défense.

Pour être moins visibles, les évo­lu­tions tech­no­lo­giques qui accom­pagnent le renou­vel­le­ment de la com­po­sante navale de notre sys­tème de défense n’en sont pas moins majeures.

La mise en réseau des cap­teurs et des sys­tèmes de com­bat des bâti­ments, la com­plé­men­ta­ri­té des moyens de sur­face et aéro­por­tés, l’é­lon­ga­tion des com­mu­ni­ca­tions par les relais satel­lites, le recours à l’es­pace pour la navi­ga­tion, la sur­veillance et l’o­céa­no­gra­phie, ces évo­lu­tions ren­dues pos­sibles par les nou­velles tech­no­lo­gies conduisent à étendre des abysses à l’es­pace le spectre des com­pé­tences requises pour asseoir notre maî­trise du milieu maritime.

La néces­si­té de maî­tri­ser l’en­semble du milieu mari­time, tel qu’il vient d’être ébau­ché, pour assu­rer à la com­po­sante navale toute son effi­ca­ci­té opé­ra­tion­nelle impose une approche nova­trice et adap­tée tant dans la spé­ci­fi­ca­tion des sys­tèmes d’armes que dans la conduite des projets.

Il s’a­git tout d’a­bord de pri­vi­lé­gier une approche capa­ci­taire afin d’embrasser l’en­semble du sys­tème de défense de notre pays dans les choix opé­ra­tion­nels et bud­gé­taires à effec­tuer. C’est l’es­sence de la créa­tion du Conseil des sys­tèmes de forces pré­si­dé par le chef d’é­tat-major des armées que d’ar­rê­ter ces choix.

Il s’a­git au plan tech­nique de tirer pro­fit des capa­ci­tés offertes par les nou­velles tech­no­lo­gies pour démul­ti­plier l’ef­fi­ca­ci­té de notre sys­tème de défense et dans le même temps d’as­su­rer l’in­te­ro­pé­ra­bi­li­té requise avec les sys­tèmes de com­bat de nos alliés.

Il s’a­git en termes de conduite de pro­jets d’as­so­cier plus étroi­te­ment la DGA et les états-majors dans le pilo­tage des pro­grammes tout en pré­ser­vant les pré­ro­ga­tives de chacun.

Il s’a­git enfin de mettre en œuvre une poli­tique volon­ta­riste d’é­tudes amont et de démons­tra­teurs tech­no­lo­giques pour explo­rer, éva­luer puis sélec­tion­ner les tech­no­lo­gies les plus pro­met­teuses au ser­vice de notre défense et, en paral­lèle, affi­ner l’ex­pres­sion du besoin opérationnel.

Dans ces évo­lu­tions mul­tiples à la fois tech­niques et concep­tuelles, la DGA apporte à l’é­tat-major de la marine son exper­tise tech­nique et de conduite de pro­jet pour éclai­rer les orien­ta­tions répon­dant au mieux aux besoins expri­més. C’est l’am­bi­tion de l’en­semble des per­son­nels de la DGA de four­nir ain­si le meilleur ser­vice aux forces armées du pays.

La DGA veille éga­le­ment en étroite col­la­bo­ra­tion avec l’E­MA à déve­lop­per la base indus­trielle et tech­no­lo­gique de défense de notre pays sans laquelle il n’est pas de forces pérennes.

La moder­ni­sa­tion des équi­pe­ments, et plus lar­ge­ment la moder­ni­sa­tion de la com­po­sante navale, doit s’ins­crire dans un pay­sage indus­triel contras­té au pre­mier rang duquel l’in­dus­trie navale subit une trans­for­ma­tion progressive.

Res­tée à l’é­cart des grands mou­ve­ments de concen­tra­tion qu’ont connus les sec­teurs aéro­nau­tiques ou élec­tro­niques, l’in­dus­trie navale euro­péenne est mor­ce­lée. Elle compte aujourd’­hui pas moins d’une ving­taine de chan­tiers navals à l’in­verse de l’in­dus­trie navale amé­ri­caine où les six chan­tiers navals amé­ri­cains se sont concen­trés au sein de deux entre­prises à la fin des années quatre-vingt-dix.

L’in­dus­trie navale euro­péenne ne peut, en l’é­tat, répondre dura­ble­ment au défi de la com­pé­ti­ti­vi­té à l’heure de bud­gets de la défense très sol­li­ci­tés. L’élé­ment bud­gé­taire n’est tou­te­fois pas le seul à rendre néces­saire cette évo­lu­tion. La conso­li­da­tion mise en œuvre notam­ment dans le domaine des mis­siles avec MBDA (deuxième fabri­cant de mis­siles au monde der­rière l’a­mé­ri­cain Ray­theon) a ain­si intrin­sè­que­ment mon­tré ses ver­tus en termes de syner­gies et de créa­tion de valeur à tous les niveaux.

Par ailleurs, l’ac­crois­se­ment de com­plexi­té des sys­tèmes d’armes et l’ap­proche sys­tème désor­mais requise par nos concepts de défense conduisent à la mise en place de groupes indus­triels à l’é­chelle euro­péenne puis mon­diale maî­tri­sant à la fois les tech­no­lo­gies et la com­plexi­té de ces sys­tèmes (sys­tème de com­bat, armes, etc.) par une approche ver­ti­cale, capables d’as­su­mer des risques de maître d’œuvre et de por­ter face aux États la res­pon­sa­bi­li­té de grands programmes.

L’in­dus­trie navale fran­çaise, au pre­mier rang de laquelle la DCN, ne peut res­ter à l’é­cart et doit être en mesure de par­ti­ci­per plei­ne­ment à ces évo­lu­tions tout en per­met­tant tou­jours de conser­ver notre sou­ve­rai­ne­té. La com­po­sante civile de l’in­dus­trie navale fran­çaise, les Chan­tiers de l’At­lan­tique, doit aus­si être prise en consi­dé­ra­tion pour la recherche des solu­tions pérennes les plus performantes.

Il est en effet tout à la fois néces­saire de dis­po­ser d’une base indus­trielle per­for­mante et d’as­su­rer sur cette base la réa­li­sa­tion des sys­tèmes d’armes rele­vant de la sou­ve­rai­ne­té de notre pays notam­ment pour ce qui concerne la Force océa­nique stratégique.

La défense se donne les moyens pour par­ve­nir à cet objec­tif. Le chan­ge­ment de sta­tut de la DCN effec­tif depuis juin 2003 a lan­cé la pre­mière étape au niveau fran­çais en appor­tant à la DCN, à tra­vers un contrat d’en­tre­prise pas­sé avec l’É­tat, les moyens néces­saires à son auto­no­mie et à sa com­pé­ti­ti­vi­té en dehors du cadre étatique.

Ce chan­ge­ment de sta­tut per­met ain­si à la DCN de nouer les alliances requises pour assu­rer son déve­lop­pe­ment. Le rap­pro­che­ment entre la DCN et Tha­lès s’ins­crit dans cette logique de même que la par­ti­ci­pa­tion ulté­rieure de cet ensemble à la conso­li­da­tion de l’in­dus­trie navale européenne.

Maî­tri­ser tout l’é­ven­tail des domaines tech­niques clefs pour notre défense, veiller à dis­po­ser de la base indus­trielle et tech­no­lo­gique de défense consti­tuent un défi tout à la fois majeur et exal­tant qui anime les équipes de la DGA dans leur action quotidienne.

Ain­si, à l’es­prit d’ex­plo­ra­tion qui a pous­sé la marine à la décou­verte de ter­ri­toires nou­veaux et qui carac­té­rise ses per­son­nels répond l’es­prit d’ex­plo­ra­tion maî­tri­sée des savoirs par la DGA au ser­vice de la défense. Cet esprit com­mun fera naître notre sys­tème de défense de demain.

Un SNLE.
Un SNLE. MARINE NATIONALE

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