Le courrier des lecteurs

Dossier : ExpressionsMagazine N°564 Avril 2001Par : Michel CABOCHE (66) et Alexandre OSSADZOW (55)

À propos des articles de Jacques Bourdillon (45) et Hervé Nifenecker (55), N° 561, janvier 2001

J’ai lu avec inté­rêt deux articles de Jacques Bour­dillon et Her­vé Nife­ne­cker rela­tifs à la poli­tique éner­gé­tique qui tous deux indiquent le rôle que le nucléaire peut jouer afin de mieux maî­tri­ser les rejets anthro­piques de CO2 à long terme. Je par­tage ce point de vue avec deux nuances importantes.

Il me semble que Her­vé Nife­ne­cker sous-estime très for­te­ment le nombre des morts pro­vo­qués par la catas­trophe de Tcher­no­byl, en par­ti­cu­lier au niveau des liqui­da­teurs. Comme, par ailleurs, il ne four­nit pas de source à consul­ter pour étayer son pro­pos, il sera aisé aux oppo­sants au nucléaire de pré­sen­ter son texte comme une forme de pro­pa­gande pro­nu­cléaire, du même registre d’ailleurs que la pro­pa­gande antinucléaire.

Pour faire avan­cer le débat, appuyons-nous sur les tra­vaux scien­ti­fiques quand ils existent et deman­dons à ce qu’ils soient réa­li­sés quand les infor­ma­tions cor­res­pon­dantes font défaut !

Jacques Bour­dillon cite ses sources et son article est ain­si beau­coup plus convain­cant. Il y a un point qui mérite réflexion. Com­ment avec l’énergie nucléaire ferons-nous cir­cu­ler les véhi­cules de la planète ?

Je doute que l’infrastructure per­met­tant d’utiliser l’énergie élec­trique soit envi­sa­geable avec réa­lisme à court terme et à moyen terme dans de nom­breux pays.

L’usage des car­bu­rants tient à leur grande com­mo­di­té de sto­ckage et il fau­dra peut-être envi­sa­ger de sto­cker l’énergie déri­vée du nucléaire sous forme d’énergie chi­mique. Curieu­se­ment notre pays semble sous-esti­mer le poten­tiel que repré­sente l’utilisation de l’énergie cap­tée par la pho­to­syn­thèse alors que nos res­sources pétro­lières sont issues de ce pro­ces­sus. Le car­bone fos­sile actuel est déri­vé du gaz car­bo­nique de l’atmosphère.

La pro­duc­tion de car­bu­rants à par­tir d’huiles végé­tales est un pro­cé­dé simple (les huiles végé­tales après une simple esté­ri­fi­ca­tion peuvent être uti­li­sées par un moteur die­sel) et de ce fait la culture d’oléagineux per­met d’accéder à une forme d’énergie recy­clable dans tous les pays du monde où l’on peut pra­ti­quer une acti­vi­té agri­cole consé­quente. Les construc­teurs auto­mo­biles fran­çais ont semble-t- il peu d’enthousiasme à uti­li­ser les bio­car­bu­rants, et cer­tains éco­lo­gistes avec eux, la culture des oléa­gi­neux consom­mant paraît-il plus d’énergie qu’elle n’en produit.

De fait un hec­tare de col­za per­met de pro­duire 35 quin­taux de graines, soit envi­ron 1 600 litres de car­bu­rant. Les dépenses de car­bu­rant néces­saires au labour, semis, trai­te­ments phy­to­sa­ni­taires, récolte et trans­port jusqu’à l’usine d’extraction sont d’environ 80 litres de car­bu­rant par hec­tare. Une fer­ti­li­sa­tion azo­tée stan­dard de 150 uni­tés d’azote à l’hectare (domaine où des éco­no­mies sub­stan­tielles peuvent être faites par des pra­tiques d’agriculture rai­son­née) néces­site l’équivalent de 300 litres de car­bu­rant ce qui donne un ren­de­ment net de 1 200 litres (75 %) à l’hectare.

Si l’on ajoute à cette récolte d’huile, celle des pailles essen­tiel­le­ment consti­tuées de cel­lu­lose (plu­sieurs tonnes à l’hectare) qui peuvent être uti­li­sées comme source d’énergie dans des cen­trales ther­miques appro­priées à leur uti­li­sa­tion, on constate que pour nombre de pays pour les­quels l’accès au nucléaire pren­dra des décen­nies, la pro­duc­tion de bio­car­bu­rants peut contri­buer à l’accès aux éner­gies renou­ve­lables qui nous per­met­tront de réduire l’augmentation de la teneur en CO2 de l’atmosphère durant ce siècle qui commence.

Elle peut aus­si consti­tuer dans les pays déve­lop­pés un com­plé­ment au nucléaire pour notre appro­vi­sion­ne­ment énergétique.

Michel CABOCHE* (66),
Direc­teur de recherches à l’INRA, cor­res­pon­dant de l’Académie des sciences.

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À propos du n° 561, janvier 2001

Claude Aba­die (1938) me signale une erreur dans l’article “ L’aménagement des cités : quelques figures fran­çaises du XIXe siècle ” paru dans le numé­ro 554 d’avril 2000 de La Jaune et la Rouge.

Dans le nom de famille de son arrière-grand-père Mon­tri­cher, le t ne se pro­nonce pas contrai­re­ment à ce que j’ai indi­qué, page 49. Dont acte : les Mar­seillais pro­noncent toutes les lettres mais la famille Mon­tri­cher a conser­vé sa pro­non­cia­tion propre.

Alexandre OSSADZOW (55)

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