Langue et Science

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°693 Mars 2014Par : Alain BENTOLILA et Yves QUÉRÉRédacteur : Yves BRECHET (81)Editeur : Éditions Plon – 2014 - 12, avenue d’Italie, 75627 Paris Cedex 13. Tél. : 01 44 16 09 00

Ceux d’entre nous qui ont eu Yves Qué­ré comme pro­fes­seur à l’X, et ils sont nom­breux, gardent le sou­ve­nir d’une vision de la phy­sique qui était une com­po­sante de la culture tout autant qu’un outil pour maî­tri­ser la nature, une aven­ture humaine autant qu’une his­toire de décou­vertes suc­ces­sives, un che­min à par­cou­rir autant qu’un champ à embrasser.

En cette année où nous fêtons le cen­te­naire d’Henri Poin­ca­ré, génial mathé­ma­ti­cien s’il en fut, et qui avait une plume extra­or­di­naire de clar­té, d’élégance et de pré­ci­sion, il est évident à tout homme culti­vé que la science et la langue peuvent mar­cher de concert, et au plus haut niveau.

Moins évi­dente, et c’est le pro­pos de ce livre, est la gémel­li­té de la science et de la langue, paren­té étroite qui impose d’elle-même que leurs appren­tis­sages, et notam­ment dans les petites classes, ne peuvent être que conjoints et coor­don­nés. Au phy­si­cien s’est asso­cié le lin­guiste, à celui qui est une des che­villes ouvrières de « la main à la pâte » s’est allié celui qui lutte depuis des années contre l’illettrisme, pour nous faire décou­vrir cette gémel­li­té, au cours de l’histoire, et dans ses consé­quences sur la pédagogie.

La qua­trième de cou­ver­ture nous montre les deux auteurs en conver­sa­tion dans le jar­din du Luxem­bourg et, dans la plus pure tra­di­tion du siècle des Lumières, c’est bien l’impression d’un dia­logue à la Dide­rot, entre « lui et moi », qui res­sort de ce livre. Au tra­vers d’un apo­logue décli­né à quatre mains, puis de mul­tiples exemples, la langue appa­raît comme l’outil qui orga­nise le monde, mais comme un outil que l’homme doit se construire. Et l’enfant comme celui qui doit s’épanouir à la fois en explo­rant le monde et en créant son propre langage.

Pro­gres­si­ve­ment, au long du livre, on va depuis la néces­si­té pour tout enfant de maî­tri­ser la gram­maire, maî­tresse de la pré­ci­sion, et la science, ins­ti­tu­trice de la rai­son, jusqu’à la fonc­tion morale de ces dis­ci­plines pour tout citoyen adulte, l’exigence de dire le vrai en conscience, rem­part contre tous les sophismes. Bien loin est l’opposition d’une affli­geante pau­vre­té entre science et culture, entre lan­gage et calcul.

Impos­sible de ne pas pen­ser ici à la belle devise que le prince de La Miran­dole don­nait à l’homme : « Deviens ce que tu es. »

Poster un commentaire