L’Aigle et le Pinson

Dossier : Arts, Lettres et SciencesMagazine N°541 Janvier 1999Par : Henri CUNY (26)

Le pin­son pico­rait quelque crot­tin fumant
Lais­sé sur le pavé par un che­val de fiacre.
Un aigle cepen­dant bra­vant cette odeur âcre
Quit­ta son nid hau­tain proche du firmament

Et ses serres grif­fues enle­vaient le pinson
Sans attendre de lui la moindre gratitude.
D’ailleurs de son gosier ser­ré d’inquiétude
On ne pou­vait attendre que de bien faibles sons.

Pour­tant l’oiseau cria : je quitte pour ton aire
Un nid douillet, bien chaud, et, ma foi, confortable.
Je pré­fère être tué et ser­vi à ta table
Plu­tôt que conge­lé dans un tel frigidaire.

L’aigle répon­dit : non, car tes muses te suivent,
Elles vont tout là-haut res­pi­rer un air pur
En quit­tant tes jar­dins petits bien clos de murs.
Les maigres cla­ve­cins vont entendre les cuivres

Prê­ter leur souffle immense aux vieux alexandrins
Mais ce souffle oppor­tun qui brave les orages
Lais­se­ra les humains dans l’ombre des nuages
Qui leur cachent les cieux sans mas­quer leurs chagrins.

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