Le parc André Citroën à Paris

La ville idéale et ses jardins

Dossier : La cité idéaleMagazine N°554 Avril 2000Par : Xavier de BUYER, ingénieur général du Génie rural, des Eaux et des Forêts

Encore fau­drait-il pour cela savoir ce qu’est la ville idéale ! Aus­si, et en deman­dant aux urba­nistes, archi­tectes ou socio­logues, qui peut-être liront ces quelques lignes, de me par­don­ner à l’a­vance leur carac­tère cur­sif et, par­tant, som­maire et incom­plet, je vais sim­ple­ment d’a­bord vous dire ce qu’est pour moi la ville idéale. Et, tout d’a­bord, ce qu’elle ne doit pas être : une fabri­ca­tion intel­lec­tuelle, artis­tique, un objet en soi créé par des concep­teurs qui réa­lisent leur œuvre, voire l’œuvre de leur vie !

Cette vision, trop sou­vent illus­trée au cours des cin­quante années d’é­vo­lu­tion urbaine après la der­nière guerre, est évi­dem­ment inverse de la fina­li­té de la ville qui est de faire vivre des hommes et non des robots. Ce n’est pas l’homme qui doit s’a­dap­ter à la ville, mais la ville qui doit épou­ser étroi­te­ment les besoins et les aspi­ra­tions de nos conci­toyens, res­ter enra­ci­née dans le pas­sé tout en s’ou­vrant à l’avenir.

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Ceci posé, il devient plus simple de conce­voir les jar­dins de la ville idéale, tout en sachant qu’ils offrent plu­sieurs visages selon la nature de l’intervenant.


Le parc André Citroën à Paris : une des expres­sions les plus ache­vées de l’art des jar­dins au XXe siècle.

► L’urbaniste et le jardin idéal

Il s’in­ter­ro­ge­ra par­ti­cu­liè­re­ment sur les aspects spa­tiaux, quan­ti­ta­tifs ou encore d’accessibilité.

L’as­pect spa­tial : les uti­li­sa­teurs des jar­dins sont variés, mais avec des domi­nantes que les enquêtes de fré­quen­ta­tion ou de voi­si­nage font émer­ger : les mères de familles et leurs enfants, les per­sonnes âgées, les han­di­ca­pés. Leur capa­ci­té de dépla­ce­ment, au quo­ti­dien, est limi­té, de l’ordre de 500 mètres. Ce qui signi­fie qu’il devrait y avoir un jar­din à moins de 500 mètres du domi­cile de chaque citadin.

Le second aspect est celui des sur­faces néces­saires : sur cette don­née quan­ti­ta­tive, lar­ge­ment sub­jec­tive, les spé­cia­listes se sont accor­dés pour esti­mer qu’en des­sous de 10 mètres car­rés par habi­tant il y a carence.

Le jardin Atlantique.
Le jar­din Atlan­tique : un miracle de fraî­cheur émer­geant du béton.

La troi­sième don­née est celle de l’ac­ces­si­bi­li­té : les jar­dins s’a­dressent à des pié­tons ayant besoin de sur­faces rou­lantes pour se dépla­cer (pous­settes, patins, rol­lers, voi­tures de han­di­ca­pés, cad­dies, etc.) et de pré­fé­rence en site propre.

Un der­nier élé­ment est celui de l’at­trac­ti­vi­té des jar­dins : on constate que cette attrac­ti­vi­té aug­mente avec leur sur­face1 et, cela en est un corol­laire, avec la varié­té de leurs équi­pe­ments et des ser­vices ren­dus. Ceci per­met de diver­si­fier le type et la loca­li­sa­tion des parcs à créer, et de réa­li­ser des cartes de des­serte en espaces verts met­tant en lumière les zones non desservies.

► Le maire et le jardin idéal

Il cher­che­ra à faire en sorte que ses admi­nis­trés soient satis­faits, et cela au moindre coût pos­sible. Il dési­re­ra donc le jar­din le plus effi­cace, ras­sem­blant les diverses fonc­tions cor­res­pon­dant à la tota­li­té des besoins pro­bables ou expri­més. On devine que le risque est grand de voir les équi­pe­ments, trop nom­breux, inter­fé­rer les uns avec les autres.

► Le paysagiste et le jardin idéal

Il peut, et doit, contri­buer à la réflexion entre­prise en amont de la créa­tion pro­pre­ment dite, en appor­tant aux urba­nistes et élus son expérience.

Et, bien sûr, il sera celui qui défi­ni­ra le conte­nu et la forme du jar­din, répon­dant le mieux aux besoins des popu­la­tions exis­tantes ou à venir. Là aus­si, la ten­ta­tion est grande de faire du jar­din une œuvre en soi, alors qu’il s’a­git de répondre à des attentes simples : jouer, se repo­ser, mar­cher, s’i­so­ler ou son contraire, médi­ter, rêver.

Il s’a­git de com­bler les attentes – sou­vent mal défi­nies – des habi­tants de la ville, sou­mis aux pres­sions de la vie quo­ti­dienne, dépla­ce­ments, bruits, pol­lu­tions, et recher­chant des lieux de calme, de liber­té. Il ne s’a­git pas d’op­po­ser la ville et la nature, mais de les rendre har­mo­nieu­se­ment complémentaires.

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En conclu­sion, on voit se des­si­ner un maillage com­po­sé de jar­dins dis­sé­mi­nés dans la ville, acces­sibles par un réseau de » cir­cu­la­tions douces » les reliant entre eux. Ils consti­tuent ain­si un équi­pe­ment fon­da­men­tal de la ville, de sur­croît struc­tu­rant. Bien inté­grés, variés, adap­tés à leurs usa­gers, répon­dant aux attentes des cita­dins, tels sont les jar­dins de la ville idéale.

Et si le pay­sa­giste réus­sit à insuf­fler à son jar­din le néces­saire sup­plé­ment d’âme, qui échappe à toute défi­ni­tion, alors il sera vrai­ment le jar­din idéal
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1. 250 mètres au-des­sous de 10 hec­tares, 500 mètres de 10 à 30 hec­tares, 1 000 mètres au-des­sus de 30 hectares.

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