La taxe : questions-réponses

Dossier : Environnement et FiscalitéMagazine N°534 Avril 1998
Par Michel COHEN De LARA (81)

Eh oui, à la dif­fé­rence d’autres modes d’ac­tion public – régle­men­ta­tion, inves­tis­se­ment, infor­ma­tion, sub­ven­tions ‑la taxe souffre d’être un ins­tru­ment aux effets immé­diats fort visibles, et elle est alors sou­vent jugée de manière expé­di­tive. Nous allons ten­ter ici d’en faire une défense et illus­tra­tion sous forme de ques­tions-réponses, ce qui est l’oc­ca­sion de ren­voyer à des articles de ce numé­ro spé­cial pour des approfondissements.

Qu’entend-on par » fiscalité environnementale » ?

Selon la défi­ni­tion don­née par l’OCDE, on appelle » fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale » les impôts, taxes et rede­vances dont l’as­siette est consti­tuée par un pol­luant, ou plus géné­ra­le­ment par un pro­duit ou un ser­vice qui dété­riore l’en­vi­ron­ne­ment ou qui se tra­duit par un pré­lè­ve­ment sur des res­sources natu­relles renou­ve­lables ou non renouvelables.

Ain­si, l’in­ten­tion envi­ron­ne­men­tale n’est pas néces­saire pour qua­li­fier la fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale au sens OCDE. À ce titre, la TIPP (Taxe inté­rieure sur les pro­duits pétro­liers) relève de la fis­ca­li­té environnementale.

De même, une taxe envi­ron­ne­men­tale n’est pas néces­sai­re­ment peu éle­vée et des­ti­née à finan­cer des mesures de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment. On peut plus pré­ci­sé­ment dis­tin­guer les . » éco­taxes » (taxes indi­rectes sur les pro­duits) des taxes envi­ron­ne­men­tales exis­tantes, comme les rede­vances sur l’eau ou les taxes sur les déchets. Ces der­nières sont en effet levées pour finan­cer des tra­vaux pré­cis comme l’é­pu­ra­tion des eaux ou le trai­te­ment des déchets avant mise en décharge : elles se rajoutent donc à l’en­semble des pré­lè­ve­ments publics. Pro­por­tion­nelles aux tra­vaux a finan­cer, elles Sont d’un mon­tant insuf­fi­sant pour se tra­duire par un signal-prix influen­çant les com­por­te­ments. Les éco­taxes sont au contraire des­ti­nées à lan­cer un signal-prix (comme les taxes sur le tabac par exemple). Leur uti­li­sa­tion n’est pas affec­tée à un usage pré­cis ; elles par­ti­cipent donc au finan­ce­ment public géné­ral. L’i­dée de neu­tra­li­té bud­gé­taire sou­vent avan­cée qui les sous-tend garan­tit, du moins en prin­cipe, qu’elles seront com­pen­sées par une baisse équi­va­leme des autres pré­lè­ve­ments. Le niveau des taxes inci­ta­tives peut être de plu­sieurs fois supé­rieur à celui des taxes affec­tées2.

» L’usage de l’environnement » doit-il être gratuit ?

Un pol­lueur pro­fite d’un milieu natu­rel (comme récep­tacle des pol­lu­tions par exemple) au détri­ment des autres usa­gers qui seront pri­vés de leur usage ou subi­ront un dom­mage. Or, pour être éco­no­mi­que­ment effi­cace, tout entre­pre­neur doit assu­mer et réper­cu­ter dans ses prix l’en­semble de ses coûts de pro­duc­tion. Il est donc légi­time que le pol­lueur paye pour l’u­sage d’une res­source natu­relle, fac­teur de pro­duc­tion au même titre que le capi­tal, le tra­vail, l’énergie.

En outre, si la capa­ci­té d’ab­sorp­tion d’un milieu est limi­tée (pla­fon­ne­ment des émis­sions de gaz à effet de serre)3, alors il faut régu­ler son usage et les prix sont une forme pos­sible de régulation.

Une taxe environnementale est-elle un « droit à polluer » ?

En par­lant d’une taxe comme d’un « droit à pol­luer « , d’au­cuns cri­tiquent son carac­tère » amo­ral » comme mode d’in­ter­ven­tion public pour pro­té­ger l’en­vi­ron­ne­ment. Mais cette ques­tion des droits n’est pas propre à la taxe.

La régle­men­ta­tion recon­naît tout autant le » droit à pol­luer dans une cer­taine mesure » (pla­fon­née) que la taxe, sauf quand elle inter­dit pure­ment et sim­ple­ment un usage ou une tech­nique. L’al­ter­na­tive n’est pas entre » droits à pol­luer », qui seraient le mal, et « absence de droits à pol­luer » (ren­voyant à une impos­sible inter­dic­tion géné­rale de la pol­lu­tion), qui serait le bien , mais entre dif­fé­rentes com­bi­nai­sons de droits entre dif­fé­rentes sortes d’u­ti­li­sa­teurs. En effet, ce qu’on appelle » pol­lu­tion » est un usage pri­va­tif de l’en­vi­ron­ne­ment qui, par la consom­ma­tion-des­truc­tion qu’il implique, vient en concur­rence avec d’autres usages, dont cer­tains peuvent être col­lec­tifs et ne pas impli­quer d’al­té­ra­tion de l’environnement.

Le pro­blème est de trou­ver la pro­cé­dure par laquelle peut le mieux s’ar­bi­trer cette concur­rence de consom­ma­tions et d’u­sages dif­fé­rents. La répar­ti­tion de droits aux dif­fé­rents types d’ac­teurs concer­nés s’ins­crit dans cette perspective.

Si on a affaire à des pol­luants toxiques, alors il est clair qu’une inter­dic­tion se jus­ti­fie et qu’une taxe n’est pas adap­tée. Tou­te­fois, la ques­tion est tout autre dans le cas où un cer­tain niveau de pol­lu­tion est tolé­rable. Il s’a­git là, pour la puis­sance publique, de déter­mi­ner ce niveau, puis les moyens à mettre en œuvre pour qu’il ne soit pas dépas­sé. À ce titre, la fixa­tion d’un seuil est bien un » droit à pol­luer « , ou plus pré­ci­sé­ment un » droit à émettre une quan­ti­té limi­tée de pol­lu­tion « . La taxe et la régle­men­ta­tion appa­raissent alors comme des ins­tru­ments au ser­vice d’un même objec­tif de contin­gen­te­ment de la pollution.

Pour ne par­ler que de la taxe, avant son ins­tau­ra­tion, tout pol­lueur s’ar­ro­geait le droit de « faire usage de l’en­vi­ron­ne­ment » sans contre­par­tie pour les pol­lués. La taxe appa­raît alors comme une res­pon­sa­bi­li­sa­tion du pol­lueur qui doit assu­mer les coûts qu’il inflige à la socié­té (« inter­na­li­sa­tion des effets externes ») et est ain­si inci­té à réduire sa pollution.

La réglementation est-elle plus adaptée que la taxation ?

La taxe et la régle­men­ta­tion ont cha­cune leur champ d’ap­pli­ca­tion pri­vi­lé­gié, avec leurs avan­tages et leurs défauts res­pec­tifs [1].

La taxe a l’a­van­tage d’é­ga­li­ser le coût mar­gi­nal des efforts de pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, en mobi­li­sant l’in­for­ma­tion au plus près des agents, le tout à coût mini­mal. Les mesures régle­men­taires n’ont a prio­ri pas de telles qua­li­tés4.

En outre, le manie­ment du seul ins­tru­ment régle­men­taire peut être contre-pro­duc­tif. Ain­si, une baisse des consom­ma­tions uni­taires des véhi­cules irait à l’en­contre d’un objec­tif visé de réduc­tion des émis­sions de gaz car­bo­nique si elle n’é­tait pas accom­pa­gnée d’une hausse de la fis­ca­li­té sur les car­bu­rants. En effet, à fis­ca­li­té inchan­gée, cette baisse condui­ra à une dimi­nu­tion du coût du véhi­cule- kilo­mètre et, par élas­ti­ci­té des tra­fics au prix, à une hausse des tra­fics qui peut absor­ber les gains attendus.

En plus, après renou­vel­le­ment du parc, on se trou­ve­rait dans la situa­tion ingé­rable de forts tra­fics, de bas prix de la route, de pos­si­bi­li­tés limi­tées de futures baisses des consom­ma­tions uni­taires alors même que les enga­ge­ments de réduc­tion de gaz à effet de serre seront vrai­sem­bla­ble­ment plus contrai­gnants qu’a­vant le renou­vel­le­ment du parc.

La fiscalité environnementale aurait-elle nécessairement un caractère régressif ?

Le tra­di­tion­nel « contre-argu­ment » du carac­tère néces­sai­re­ment régres­sif d’une fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale relève sou­vent bien plus de la rhé­to­rique que de l’a­na­lyse des faits, qui révèle des situa­tions contras­tées5.

Ain­si, il appa­rait que la consom­ma­tion de car­bu­rants est sen­si­ble­ment pro­po­nion­nelle au reve­nu, et qu’une hausse de la TIPP n’au­rait donc pas de carac­tère régres­sif. En revanche, une hausse des com­bus­tibles des­ti­nés au chauf­fage pèse­rait effec­ti­ve­ment plu­tôt sur les bas reve­nus, ce qui doit sug­gé­rer des mesures com­pen­sa­toires. Il est frap­pant de voir que les ques­tions de répa­ni­tion sociale sont assez sys­té­ma­ti­que­ment sou­le­vées à l’an­nonce de pro­jets de mesures envi­ron­ne­men­tales. Mais, pro­blèmes d’en­vi­ron­ne­menl ou pas , ces ques­tions doivent trou­ver des réponses appro­priées par le biais de poli­tiques sociales. L’en­vi­ron­ne­ment ne doit pas faire les frais de leur insuffisance.

Il fau­drait aus­si exa­mi­ner les effets redis­tri­bu­tifs et régres­sifs du sys­tème actuel de pré­lè­ve­ments obli­ga­toires. Ain­si, les charges sur les bas salaires, en décou­ra­geant l’embauche de gens peu qua­li­fiés, ont sans doute un effet régressif.

Les mesures régle­men­taires pour lut­ter contre la pol­lu­tion ont sou­vent des effets régres­sifs plus mar­qués que les mesures tari­faires … mais ces effets sont moins visibles. Quelles sont les consé­quences sociales com­pa­rées de la déci­sion de ne lais­ser cir­cu­ler les jours de pol­lu­tion que des véhi­cules peu pol­luants (c’est-à-dire récents et chers), et de la déci­sion d’ins­tau­rer un péage urbain (à tra­vers le sta­tion­ne­ment par exemple) dont les recettes finan­ce­raient des modes alter­na­tifs pour tous ?

Enfin, un éven­tuel effet régres­sif peut être com­pen­sé par une redis­tri­bu­tion appro­priée (for­fai­taire , baisse d’autres pré­lè­ve­ments obli­ga­toires, etc.) du pro­duit de la taxe6.

La fiscalité environnementale peut-elle contribuer à lever des recettes significatives ?

On avance sou­vent que les assiettes de la fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale sont insuf­fi­santes pour four­nir des recettes signi­fi­ca­tives à l’É­tat. Avec la défi­ni­tion de l’OCDE, cette affir­ma­tion doit être relativisée.

Loi de finances 1997 (révl­sée) Recettes fis­cales brutes (en mil­lions de francs)
Impôt sur le revenu 290 000 MF
Impôts sur les sociétés 203 100 MF
Autres impôts directs 128 301 MF
Enre­gis­tre­ment et timbre 91 850 MF
Pro­duits de douane 161 300 MF
Taxe sur la valeur ajoutée 753 000 MF
Autres impôts indirects 43 500 MF
Recettes fis­cales brutes (total) 1 671 051 MF

Dans ce tableau, les pro­duits des Douanes sont consti­tués essen­tiel­le­ment de la taxe inté­rieure sur les pro­duits pétro­liers, qui repré­sente donc un mon­tant signi­fi­ca­tif du bud­get de l’État.

Voi­ci des ordres de gran­deur de recettes poten­tielles dans le cas de la cir­cu­la­tion rou­tière. Les péages auto­rou­tiers pro­curent des recettes de 26,5 mil­liards de francs (qui ne sont pas ver­sées au bud­get géné­ral ). L’é­va­lua­tion d’une géné­ra­li­sa­tion du sta­tion­ne­ment payant – sur la base des prix du mar­ché actuels, dans les agglo­mé­ra­tions de pro­vince de plus de 100 000 habi­tants – conduit à des recettes poten­tielles de l’ordre de 40 mil­liards de francs (30 pour les seules villes-centre, 25 pour les dépla­ce­ments liés au tra­vail), alors que les recettes actuelles sont de l’ordre de 1 mil­liard de francs [2].

À l’a­ve­nir, on peut envi­sa­ger une évo­lu­tion des taxes envi­ron­ne­men­tales – sou­vent faibles et affec­tées – vers des taxes plus lourdes et non affec­tées en appli­ca­tion du prin­cipe pol­lueur-payeur. Ceci devrait conduire à l’ap­pa­ri­tion ou à l’a­lour­dis­se­ment de taxes sur les engrais, l’eau, les embal­lages, etc., per­met­tant des baisses d’autres pré­lè­ve­ments obli­ga­toires (charges sur le travail).

La fiscalité environnementale va-t-elle à l’encontre du principe budgétaire de neutralité fiscale ?

Le sou­hait des fis­ca­listes est qu’une taxe doit ali­men­ter le bud­get de manière neutre. Il appa­raît tou­te­fois qu’au­cun pré­lè­ve­ment n’est neutre, c’est-à-dire sans effets sur les choix des agents éco­no­miques. En outre, en pré­sence d’ex­ter­na­li­tés (notam­ment d’en­vi­ron­ne­ment), c’est pré­ci­sé­ment la cor­rec­tion des insuf­fi­sances du mar­ché au moyen de taxes inter­na­li­santes qui per­met de se rap­pro­cher d’une « meilleure » neu­tra­li­té [3].

L’assiette d’une taxe environnementale est-elle nécessairement en diminution ?
Et la recette fiscale en baisse ?

Les spé­cia­listes de la fis­ca­li­té craignent ce qu’ils appellent » l’é­va­po­ra­tion de la matière impo­sable « . C’est vrai … le risque de dimi­nu­tion de l’as­siette est réel mais aucu­ne­ment propre à la fis­ca­li­té envi­ron­ne­men­tale ; il est valable pour tous les pré­lè­ve­ments obli­ga­toires d’un niveau éle­vé. II est clair notam­ment que les charges sur le tra­vail décou­ragent l’embauche et réduisent donc l’as­siette des coti­sa­tions sociales … De même, les droits de muta­tion décou­ragent les tran­sac­tions immobilières.

La fis­ca­li­té éco­lo­gique vise effec­ti­ve­ment à dimi­nuer la consom­ma­tion de cer­tains pro­duits, mais, dans la plu­part des cas, pas à la sup­pri­mer. Si des pro­duits toxiques peuvent être pure­ment et sim­ple­ment inter­dits, pour d’autres comme les res­sources fos­siles, l’en­jeu est d’é­ta­ler la consom­ma­tion dans le temps, ou de la limi­ter, pas de l’empêcher com­plè­te­ment. Avec la prise en compte de cette dimen­sion tem­po­relle, il est pos­sible de récon­ci­lier les pré­oc­cu­pa­tions des fis­ca­listes (sta­bi­li­té des recettes) et celles des éco­lo­gistes (baisse de cer­taines consommations).

En effet, la réduc­tion de l’as­siette peut être com­pen­sée par une hausse pro­gres­sive de la taxe. Le cas des car­bu­rants n’est pas une uto­pie : depuis. 1993, le Royaume-Uni a annon­cé et pro­cé­dé à une hausse de 5 % par an en termes réels des taux d’ac­cises (depuis 1997, cette hausse est de 6 %).

On note­ra qu’une hausse pro­gres­sive sur une res­source rare et non renou­ve­lable (éner­gies fos­siles … ) est conforme à la règle de Hotel­ling qui énonce que son prix doit croître à un taux égal au taux d’actualisation.

Ain­si, s’il peut y avoir, à court terme, contra­dic­tion entre objec­tifs bud­gé­taires et envi­ron­ne­men­taux compte tenu des rigi­di­tés, elle peut tou­te­fois s’at­té­nuer à terme. Et s’il y a des contra­dic­tions appa­rentes, il y a éga­le­ment des syner­gies : ain­si, une fis­ca­li­té assise sur l’éner­gie a le mérite d’être simple et facile à recouvrer.

Enfin, la sta­bi­li­té des recettes est un objec­tif qu’on peut en par­tie dis­cu­ter, car des ren­trées fis­cales en baisse n’ont rien d’a­nor­mal si elles s’ac­com­pagnent de dépenses publiques en baisse. Ain­si, une hausse de la taxe inté­rieure sur les pro­duits pétro­liers s’ac­com­pagne d’une contrac­tion de la demande de trans­port et donc d’in­fra­struc­tures coû­teuses, alors qu’un impôt assis sur les salaires a ten­dance à contrac­ter l’emploi et à néces­si­ter des dépenses publiques accrues.

Les taxes sur l’énergie sont-elles un risque pour la compétitivité ?

Si un alour­dis­se­ment de la fis­ca­li­té sur l’éner­gie peut deve­nir un han­di­cap en termes de com­pé­ti­ti­vi­té pour un nombre limi­té d’en­tre­prises7 , il faut aus­si exa­mi­ner les effets des charges actuelles assises sur le travail.

Une taxe pro­gres­sive sur l’éner­gie a l’a­van­tage d’être pré­vi­sible et en phase avec l’ac­ti­vi­té éco­no­mique car elle pèse rela­ti­ve­ment moins sur les entre­prises en période de faible acti­vi­té que ne le font les charges sur le tra­vail qui sont contra­cy­cliques. En effet, le tra­vail est un fac­teur » inerte » au sens où on ne licen­cie pas à la légère. Or, en phase de faible acti­vi­té éco­no­mique, les charges sur le tra­vail pèsent lourd. C’est pour­quoi il paraît inté­res­sant d’im­po­ser plu­tôt un fac­teur » flexible » comme l’éner­gie (pos­si­bi­li­té de sub­sti­tu­tions et d’é­co­no­mies), dont la consom­ma­tion par l’en­tre­prise suit le même rythme que l’ac­ti­vi­té économique.

Enfin, une réforme fis­cale verte aurait des impacts posi­tifs sur la pro­duc­ti­vi­té et la com­pé­ti­ti­vi­té à long terme : « nou­velle fron­tière tech­no­lo­gique » ; déve­lop­pe­ment riche en emploi par rééqui­li­brage prix des res­sources rares/coût du tra­vail ; dimi­nu­tion des pré­lè­ve­ments obli­ga­toires et des besoins d’as­su­rance par frei­nage de la crois­sance des coûts sociaux (de pol­lu­tion, de san­té, mais aus­si d’in­dem­ni­sa­tion chômage).

PRINCIPES (ENVIRONNEMENTAUX)
QUI JUSTIFIENT DES INSTRUMENTS (ÉCONOMIQUES)

l’ar­ticle 1, I, de la loi 95–101 du 2 février 1995 rela­tive au ren­for­ce­ment de la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­ne­ment énonce plu­sieurs prin­cipes dont :

  • » l’ob­jec­tif de déve­lop­pe­ment durable qui vise à satis­faire les besoins de déve­lop­pe­ment des géné­ra­tions pré­sentes sans com­pro­mettre la capa­ci­té des géné­ra­tions futures à répondre aux leurs » ;
  • « le prin­cipe pol­lueur-payeur, selon lequel les frais résul­tant des mesures de pré­ven­tion, de réduc­tion de la pol­lu­tion et de lutte contre celle-ci doivent être sup­por­tés par le pollueur. »
     

Ces prin­cipes jus­ti­fient une inter­ven­tion éco­no­mique, notam­ment par le biais de la fiscalité.

Le principe pollueur-payeur : le coût comme signal-prix

le prin­cipe pol­lueur-payeur a une double fonction :

  • cou­ver­ture comp­table des coûts (« les frais résul­tant des mesures de pré­ven­tion, de réduc­tion de la pol­lu­tion et de lutte contre celle-ci »);
  • signal-prix envoyé au pol­lueur (« les frais [ …] doivent être sup­por­tés par le pollueur »).
     

Il jus­ti­fie ain­si l’in­té­gra­tion des effets externes, notam­ment par le biais de taxes sur les pollutions.

L’ef­fi­ca­ci­té du signal-prix doit se mesu­rer à dif­fé­rentes échelles de temps : effi­cience sta­tique et effi­cience dyna­mique [4]. Par exemple, si les dépla­ce­ments moto­ri­sés urbains assu­maient la tota­li­té de leurs coûts, le signal-prix pour­rait avoir un effet immé­diat (éven­tuel­le­ment limi­té à court terme) en rédui­sant la cir­cu­la­tion rou­tière ; il pour­rait aus­si, après adap­ta­tion, sus­ci­ter des modi­fi­ca­tions de com­por­te­ments dans cer­taines niches, comme celle des dépla­ce­ments courts qui pour­raient deve­nir attrac­tifs par d’autres modes (marche, vélo … ), voire à plus long terme des modi­fi­ca­tions dans la répar­ti­tion spa­tiale des activités.

Le développement durable : la tarification progressive de l’usage de ressources non renouvelables

Confor­mé­ment à l’ob­jec­tif de déve­lop­pe­ment durable, il faut évi­ter des rup­tures et des crises coû­teuses aux géné­ra­tions futures. Ceci jus­ti­fie une tari­fi­ca­tion pro­gres­sive de l’u­sage de res­sources natu­relles non renou­ve­lables pour inflé­chir pro­gres­si­ve­ment les com­por­te­ments en ce sens. D’un point de vue éco­no­mique, il s’a­git ici d’an­ti­ci­per sur la règle de Hotel­ling qui pré­voit, sous des hypo­thèses éco­no­miques stan­dard, l’aug­men­ta­tion (au taux d’ac­tua­li­sa­tion) du prix d’une res­source rare au fur et à mesure de sa dimi­nu­tion. En effet, cette règle n’est pas tou­jours prise spon­ta­né­ment en compte par les mar­chés en rai­son de leurs imperfections.

Biblio­gra­phie
[1] Com­mis­sa­riat géné­ral du Plan, L’é­co­no­mie face à l’é­co­lo­gie, La Découvene/La Docu­men­ta­tion fran­çaise, 1993.
[2] Jean-Pierre Orfeuil, Éner­gie, envi­ron­ne­ment, fis­ca­li­té, dépla­ce­ments quo­ti­diens, Inrets, décembre 1993.
[3] Jean-Phi­lippe Barde, Écono­mie et poli­tique de l’en­vi­ron­ne­ment, 2e édi­tion, PUF, Paris, 1992.
[4] OCDE, Éco­taxes et réforme fis­cale verte, édi­tions de l’OCDE, 1997.

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1 – L’au­teur tient à remer­cier Oli­vier Godard, Jean-Charles Hour­cade et Yves Mar­tin pour de nom­breuses dis­cus­sions sur ce thème.
2 – Voir l’ar­ticle d’Yves Manin.
3 – Voir les articles de Jean-Charles Hour­cade et de Cédric Philibert.
4 – Voir l’ar­ticle d’O­li­vier Godard.
5 – Voir l’ar­ticle de Jean-Phi­lippe Barde.
6 – Voir l’ar­ticle d’Yves Martin.
7 – Voir l’ar­ticle de Pierre-Noël Giraud et Alain Nadai.

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