La R&D, source d’innovation pour la sécurité et les performances

Dossier : L’industrie nucléaire après FukushimaMagazine N°686 Juin/Juillet 2013
Par Jean-Pierre WEST

Pour un éner­gé­ti­cien tel qu’EDF, l’enjeu prin­ci­pal de la R&D est d’aider à anti­ci­per les dif­fé­rentes évo­lu­tions et de mettre en œuvre les modèles de déve­lop­pe­ment ou d’affaires qui per­met­tront d’y répondre avec la plus grande efficacité.

REPÈRES
Le contexte éner­gé­tique est aujourd’hui carac­té­ri­sé par des évo­lu­tions majeures. Les besoins crois­sants donnent à l’électricité un rôle essen­tiel. La pré­ser­va­tion de l’environnement impose de lut­ter contre le réchauf­fe­ment cli­ma­tique. L’habitat urbain est doré­na­vant majo­ri­taire dans le monde. Les uti­li­sa­teurs deviennent des « acteurs » de leur consom­ma­tion. La R&D vise à conso­li­der et déve­lop­per un « mix » de pro­duc­tion à faible émis­sion de car­bone, ain­si qu’à mieux connaître la demande d’électricité et les nou­veaux usages de cette énergie.

Consolider le parc existant

Ren­for­cer l’atout nucléaire, c’est anti­ci­per les évo­lu­tions technologiques

Dans le domaine de l’énergie nucléaire, il faut d’abord conso­li­der dans la durée l’atout que consti­tue le parc nucléaire fran­çais, avec des prio­ri­tés clai­re­ment affi­chées autour de la sûre­té et de la per­for­mance. Ces prio­ri­tés sont des condi­tions préa­lables pour assu­rer l’allongement de la durée de fonc­tion­ne­ment des tranches actuelles, comme pour le déve­lop­pe­ment de nou­veaux modèles de réacteurs.

Ain­si, et concrè­te­ment, ren­for­cer l’atout nucléaire consiste à anti­ci­per les évo­lu­tions tech­no­lo­giques, régle­men­taires ou de contexte, dans une logique de pro­grès conti­nu fon­dée sur la recherche, la carac­té­ri­sa­tion et la mise en œuvre, avec une approche indus­trielle, d’innovations dans dif­fé­rents domaines.

Protéger les centrales en exploitation

Dans le domaine de la sûre­té et de la radio­pro­tec­tion des cen­trales en exploi­ta­tion, la R&D contri­bue aux dif­fé­rentes étapes du pro­ces­sus par la connais­sance et les méthodes de carac­té­ri­sa­tion des aléas natu­rels (inon­da­tion, agres­sions cli­ma­tiques, séisme) et des méthodes d’estimation de ces risques ; la maî­trise des études pro­ba­bi­listes de sûre­té ; la connais­sance des phé­no­mènes phy­siques inter­ve­nant lors d’accidents graves, leur modé­li­sa­tion, l’évaluation de solu­tions per­met­tant le main­tien du corium dans les struc­tures de confi­ne­ment ou encore la quan­ti­fi­ca­tion, les consé­quences de rejets, et enfin la ges­tion de crise, la prise en compte du fac­teur socio-orga­ni­sa­tion­nel et humain (culture sûre­té et radio­pro­tec­tion, per­for­mance des orga­ni­sa­tions, etc.).

Assurer la performance et la disponibilité

Main­te­nance à « mi-vie »
Le pro­jet de « grand caré­nage » que va connaître le parc nucléaire fran­çais dans les années à venir doit assu­rer les grandes opé­ra­tions de main­te­nance ou de rem­pla­ce­ment de com­po­sants des cen­trales à « mi-vie ».
Il inté­gre­ra les amé­lio­ra­tions conti­nues de sûre­té déjà iden­ti­fiées ain­si que les modi­fi­ca­tions post- Fukushima.

Pour répondre aux enjeux de sûre­té et de per­for­mance du parc nucléaire en exploi­ta­tion, la R&D met en œuvre des méthodes et outils inno­vants, uti­li­sant les nou­velles tech­no­lo­gies de trai­te­ment de l’information (réa­li­té vir­tuelle, ou aug­men­tée, trai­te­ment d’images, repré­sen­ta­tions 3D, etc.). L’objectif est d’aider l’exploitant à mieux pré­pa­rer des inter­ven­tions sur les ins­tal­la­tions, à for­mer plus rapi­de­ment et effi­ca­ce­ment les inter­ve­nants, à faci­li­ter et accroître le nombre d’activités simul­ta­nées, et ain­si à gagner en effi­ca­ci­té et à fia­bi­li­ser les inter­ven­tions en arrêt de tranche.

Maîtriser la durée de fonctionnement

Maî­tri­ser l’allongement de la durée de fonc­tion­ne­ment des cen­trales, c’est contrô­ler la com­pré­hen­sion, la modé­li­sa­tion, la pré­dic­tion des phé­no­mènes de vieillis­se­ment des com­po­sants, pour per­mettre à l’exploitant de déci­der de la stra­té­gie de leur main­te­nance ou de leur remplacement.

Réha­bi­li­ter les zones touchées
Dans le contexte post-Fuku­shi­ma, il faut obte­nir une carac­té­ri­sa­tion plus pré­cise des évé­ne­ments externes et déve­lop­per des méthodes de réha­bi­li­ta­tion de zones impactées.
Il faut éga­le­ment limi­ter les impacts des évo­lu­tions de l’environnement sur la per­for­mance des moyens de pro­duc­tion, comme, par exemple, le risque de col­ma­tage des sources froides des ins­tal­la­tions de pro­duc­tion par des orga­nismes vivants, ou encore l’impact du chan­ge­ment cli­ma­tique, notam­ment sur les débits des fleuves.

Ain­si, la R&D per­met de sécu­ri­ser l’exploitation à long terme, en déve­lop­pant la connais­sance des méca­nismes de dégra­da­tion des maté­riaux, par une connais­sance accrue du vieillis­se­ment des com­po­sants, par le déve­lop­pe­ment de tech­niques de contrôles non des­truc­tifs ou par la maî­trise des outils de mana­ge­ment de la valeur.

Le déve­lop­pe­ment de cette connais­sance de la phy­sique du vieillis­se­ment des maté­riaux et com­po­sants contri­bue éga­le­ment à l’accroissement de la sûre­té et de la fia­bi­li­té des réac­teurs par un accès et une ana­lyse du retour d’expérience mondial.

Améliorer la performance

Pour amé­lio­rer la per­for­mance des cœurs, du com­bus­tible et de l’aval du cycle du com­bus­tible nucléaire, il faut com­prendre et jus­ti­fier les amé­lio­ra­tions des pro­duits com­bus­tibles, éva­luer des pro­duits inno­vants, à plus long terme, per­met­tant par exemple d’éviter le déga­ge­ment d’hydrogène ayant entraî­né l’explosion à Fuku­shi­ma. C’est pour répondre à ce risque que sont ins­tal­lés sur les REP fran­çais des « recom­bi­neurs » d’hydrogène. Il faut éga­le­ment éva­luer les options de sto­ckage ou d’entreposage des déchets ultimes de l’aval du cycle du combustible.

Évaluer de nouveaux concepts

Maî­tri­ser l’impact des acti­vi­tés de pro­duc­tion sur l’environnement

Dans le domaine des réac­teurs à eau, l’objectif est d’évaluer dif­fé­rents concepts de réac­teurs de taille inter­mé­diaire ou encore les concepts plus inno­vants de SMR (small modu­lar reac­tors), en cher­chant à iden­ti­fier les leviers pou­vant rendre ces concepts pro­met­teurs (sûre­té, modu­la­ri­sa­tion, inter­face réseau, etc.). Sont éva­lués éga­le­ment les pers­pec­tives indus­trielles des réac­teurs de 4e géné­ra­tion et leur cycle associé.

Protéger l’environnement

La pro­tec­tion de l’environnement vise une maî­trise tou­jours accrue de l’impact des acti­vi­tés de pro­duc­tion sur l’environnement (air, eau, sols et nappes, faune et flore) comme sur la san­té. Cela, par une carac­té­ri­sa­tion plus fine des pol­lu­tions poten­tielles et la recherche de solu­tions de pré­ven­tion ou de dépollution.

Des thèmes scientifiques transverses

Ain­si, dans ces dif­fé­rents domaines, la R&D contri­bue au pro­grès conti­nu en matière de sûre­té et de per­for­mance dans la durée du parc nucléaire en exploi­ta­tion, comme à la pré­pa­ra­tion de l’avenir de la filière.

La mise en œuvre de ces inno­va­tions sup­pose sou­vent la levée de ver­rous ou défis scien­ti­fiques majeurs asso­ciés à des thèmes scien­ti­fiques trans­verses, com­plexes, dont la réso­lu­tion fait appel à des com­pé­tences mul­tiples et qui ont lar­ge­ment contri­bué à bâtir le niveau d’excellence de la filière fran­çaise, recon­nu internationalement.

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