La professionalisation des jeunes vers les métiers de la mécanique

Dossier : MécaniqueMagazine N°574 Avril 2002
Par Patrice VAREINE

Une pénurie de jeunes entrant dans la vie active

Les entre­prises indus­trielles ren­contrent depuis quelques années des dif­fi­cul­tés pour recru­ter les per­son­nels dont elles ont besoin, quel que soit le niveau de qualification.

L’o­ri­gine de cette situa­tion est liée à dif­fé­rents élé­ments qui se com­binent et s’ac­cen­tuent avec l’ap­pli­ca­tion des 35 heures :

  • la situa­tion démo­gra­phique actuelle et à quatre-cinq ans fait appa­raître une double rup­ture, carac­té­ri­sée par une arri­vée de jeunes sur le mar­ché du tra­vail en réduc­tion et un nombre de départs en retraite en augmentation,
  • l’é­vo­lu­tion du nombre de diplô­més au bac­ca­lau­réat (plus de 50 % d’une classe d’âge) a pour effet immé­diat de désa­mor­cer la filière tech­no­lo­gique, en par­ti­cu­lier au niveau V (CAP – BEP). En effet, chaque année le flux de sor­tie de jeunes à ce niveau de qua­li­fi­ca­tion pro­fes­sion­nelle se réduit. Les élèves et leurs familles aspirent à une pour­suite d’é­tudes. Les cycles de for­ma­tion pro­fes­sion­nelle, dont la fina­li­té est l’in­ser­tion dans la vie active, deviennent des filières de pour­suite d’é­tudes. Ce phé­no­mène se carac­té­rise par un afflux de jeunes au niveau du pre­mier cycle universitaire,
  • l’o­rien­ta­tion des jeunes s’ef­fec­tue natu­rel­le­ment vers les for­ma­tions géné­rales, abs­traites ; ils vont pri­vi­lé­gier les filières ter­tiaires au détri­ment des voies tech­niques et technologiques.

Les entreprises industrielles touchées par ce phénomène

Cette situa­tion de pénu­rie va s’ac­cen­tuer pour les rai­sons démo­gra­phiques pré­cé­dem­ment expli­ci­tées, et concerne tous les métiers de l’in­dus­trie, notam­ment ceux de la méca­nique. Les métiers tech­niques (chau­dron­niers, méca­ni­ciens, élec­tro­mé­ca­ni­ciens ; tech­ni­ciens de bureaux d’é­tudes, ingé­nieurs déve­lop­pe­ment pro­duits...) sont prin­ci­pa­le­ment tou­chés, des qua­li­fi­ca­tions de niveau CAP – BEP au diplôme d’in­gé­nieur, mais sont concer­nés éga­le­ment des métiers trans­ver­saux comme les forces de vente technique.

L’a­dé­qua­tion entre le nombre de pro­fes­sion­nels qua­li­fiés sur le mar­ché de l’emploi et la forte demande des entre­prises indus­trielles semble de plus en plus dif­fi­cile à réa­li­ser, quelles que soient la taille et l’im­plan­ta­tion géo­gra­phique de l’entreprise.

Tous les sec­teurs indus­triels sont concer­nés, car ils font appel à des savoir-faire méca­niques, qu’il est pri­mor­dial de capi­ta­li­ser et de trans­mettre. Ces dif­fi­cul­tés sont res­sen­ties for­te­ment dans le sec­teur de la méca­nique, et s’ac­cen­tuent pour cer­tains métiers, comme la chau­dron­ne­rie ou encore le découpage.

La Fédération des industries mécaniques : un précurseur pour répondre à la pénurie de personnels qualifiés

Pour répondre aux besoins des entre­prises, appor­ter des solu­tions à cette situa­tion, la branche pro­fes­sion­nelle de la métal­lur­gie, l’É­du­ca­tion natio­nale et la Fédé­ra­tion des indus­tries méca­niques (FIM) se mobi­lisent depuis de nom­breuses années.

Des actions d’in­for­ma­tion, d’o­rien­ta­tion, de valo­ri­sa­tion sont déve­lop­pées auprès des publics en voie d’o­rien­ta­tion (« Bra­vo l’In­dus­trie » – UIMM1, » Pla­nète Métal » – GIM2, mise en œuvre de classes indus­trielles en par­te­na­riat avec l’É­du­ca­tion nationale).

Des outils de for­ma­tion se sont déve­lop­pés en lien avec les entre­prises indus­trielles, en par­ti­cu­lier le réseau des CFAI (Centres de for­ma­tion d’ap­pren­tis de l’in­dus­trie), réseau UIMM, qui forme actuel­le­ment plus de 22 000 jeunes aux métiers de l’in­dus­trie du CAP à l’in­gé­nieur. En 2001, les for­ma­tions les plus deman­dées par les entre­prises accueillant les appren­tis au niveau CAP – BEP, BAC Pro et BTS sont la pro­duc­tique méca­nique, la chau­dron­ne­rie et la main­te­nance. Ces sta­tis­tiques de recru­te­ment d’ap­pren­tis illus­trent concrè­te­ment les niveaux et filières métiers qui répondent aux besoins des entreprises.

La FIM mène depuis plu­sieurs années des actions spé­ci­fiques concer­nant les métiers de la méca­nique dont les prin­ci­paux objec­tifs sont :

  • d’aug­men­ter le flux de jeunes s’o­rien­tant vers les métiers de la mécanique,
  • d’a­mé­lio­rer les for­ma­tions, les diver­si­fier et les adap­ter aux réa­li­tés industrielles,
  • de mener des actions inno­vantes pour don­ner l’exemple et accroître les moti­va­tions à s’o­rien­ter ou se réorien­ter vers la mécanique.


Chaque année, ces objec­tifs se déclinent en actions nou­velles, déve­lop­pe­ment d’ou­tils de com­mu­ni­ca­tion et mise en place de nou­veaux dis­po­si­tifs de for­ma­tion aux métiers de la mécanique.

Valoriser les métiers de la mécanique

Un des axes de com­mu­ni­ca­tion de la FIM est la valo­ri­sa­tion de l’i­mage des métiers afin d’o­rien­ter les jeunes vers les filières de for­ma­tion industrielles.

Cette volon­té d’a­mé­lio­rer l’i­mage de la méca­nique s’illustre par des actions telles que :

  • la par­ti­ci­pa­tion à des salons, forums, expo­si­tions consa­crés aux jeunes et à la formation,
  • la réa­li­sa­tion de films de pro­mo­tion des métiers,
  • le déve­lop­pe­ment d’ac­tions d’in­for­ma­tion auprès des jeunes de qua­trième et de troi­sième menées dans les col­lèges d’Île-de-France en par­te­na­riat avec le GIM : car­re­fours métiers » pro­duc­tique « , » main­te­nance « , dif­fu­sion de films Gagner l’a­ve­nir, Pro­duc­tique réa­li­sés en 2001.

Adapter et créer de nouveaux diplômes

La Direc­tion de la for­ma­tion de la FIM lance des pro­jets de moder­ni­sa­tion et de créa­tion de nou­veaux diplômes.

En 2001, une licence pro­fes­sion­nelle » Génie indus­triel » a été créée à Paris en par­te­na­riat avec l’u­ni­ver­si­té Paris VI Pierre et Marie Curie, et à Bourges avec l’u­ni­ver­si­té d’Orléans.

Le déve­lop­pe­ment de l’ap­pren­tis­sage consti­tue éga­le­ment une orien­ta­tion de la poli­tique de for­ma­tion ini­tiale de la Fédération.

Elle appuie sa mise en œuvre sur Méca­ve­nir, créé en 1994, Centre de for­ma­tion d’ap­pren­tis de l’in­dus­trie, membre du réseau UIMM.

Méca­ve­nir pro­pose des for­ma­tions par appren­tis­sage à des métiers cohé­rents avec les besoins des entre­prises (pro­duc­tique, chau­dron­ne­rie, char­gé d’af­faires inter­na­tio­nal…), vali­dées par des diplômes de niveaux II et III.

Développer des actions innovantes

Forte de l’a­na­lyse concer­nant les causes du désa­mor­çage des filières tech­niques et tech­no­lo­giques, la FIM pro­pose de déve­lop­per des solu­tions de for­ma­tion inno­vantes en s’ap­puyant notam­ment sur Méca­ve­nir, pour ce qui concerne l’en­sei­gne­ment supé­rieur par apprentissage.

Par­mi ces actions figurent celles qui visent à réorien­ter les jeunes de l’u­ni­ver­si­té vers la méca­nique, en déve­lop­pant des opé­ra­tions pilotes de pas­se­relle » Uni­ver­si­té – Entre­prise « . Méca­ve­nir pro­pose à des jeunes de pre­mier cycle uni­ver­si­taire des solu­tions à six mois, un an ou deux ans d’u­ni­ver­si­té : des par­cours pro­fes­sion­na­li­sant vers les métiers de la méca­nique et de l’in­dus­trie, avec des durées variables selon le pro­fil du jeune, vali­dés par un BTS. L’en­quête 2001 d’in­ser­tion pro­fes­sion­nelle des appren­tis en CFAI (six mois après le pas­sage de l’exa­men) montre un taux de 96 % pour les jeunes de niveau III.

Cette pas­se­relle » Uni­ver­si­té – Entre­prise » per­met d’aug­men­ter le flux de jeunes for­més aux métiers de la méca­nique. Une nou­velle voie vient com­plé­ter cet accès : la licence pro­fes­sion­nelle » Génie indus­triel « . En effet, elle répond d’une part à l’as­pi­ra­tion des jeunes tech­ni­ciens de com­plé­ter leurs cur­sus par une année com­plé­men­taire vali­dée par un diplôme de niveau II, et d’autre part, elle fait appa­raître une nou­velle voie d’ac­cès dans les entre­prises de la mécanique.

La réus­site de ces actions inno­vantes montrent qu’il est pos­sible de trou­ver des solu­tions ori­gi­nales qui pour­raient, si elles sont mises en œuvre sur des flux de jeunes plus impor­tants, appor­ter une réponse au désa­mor­çage des filières tech­no­lo­giques et com­plé­te­raient les efforts de la branche métal­lur­gie et de l’É­du­ca­tion nationale.

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1.
Union des indus­tries métal­lur­giques et minières.
2. Groupe des indus­tries métal­lur­giques de la Région parisienne.

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