La mutation du service public

Dossier : La mutation du service publicMagazine N°635 Mai 2008
Par Gérard de LIGNY (43)

La jus­tice, sym­bo­li­sée par le roi Saint-Louis assis sous son chêne, appli­quait à la notion de ser­vice public un pou­voir essen­tiel­le­ment réga­lien, for­te­ment enca­dré. En créant les pre­miers relais de poste au quin­zième siècle, ancêtres de notre Poste moderne, Louis XI lan­çait un four­nis­seur de ser­vices vitaux, qui ne trans­por­tait au début que la cor­res­pon­dance du roi, mais devait se trans­for­mer plus tard en véri­table ser­vice public lui aus­si, mais tenu de four­nir à ses uti­li­sa­teurs les ser­vices aux­quels ils aspirent, res­pec­tant les lois de la qua­li­té et du prix.

Alors, ser­vice public ou ser­vice du public ? La ques­tion n’est certes pas nou­velle. Il y a vingt ans, le col­loque orga­ni­sé par Mar­cel Boi­teux, pré­sident d’EDF, fai­sait res­sor­tir que le ser­vice public, bien évi­dem­ment au ser­vice de la col­lec­ti­vi­té, se pré­sente effec­ti­ve­ment de deux manières. Sa voca­tion à appor­ter de la cohé­rence dans les méca­nismes de la socié­té lui vaut la pos­ses­sion d’une frac­tion de pou­voir réga­lien. Mais sa voca­tion de pro­duc­teur le met dans l’obligation de se sou­mettre aux règles de l’entreprise : adap­ta­tion à la demande des usa­gers, qua­li­té de la four­ni­ture, prix de revient com­pé­ti­tif. La pro­por­tion entre ces deux voca­tions est très inégale d’un domaine à l’autre.

On a obser­vé une forte conta­gion de la fonc­tion réga­lienne dans la fonc­tion pro­duc­tive. Sous la pous­sée de l’esprit de concur­rence et de l’ouverture des fron­tières, la fonc­tion pro­duc­tion s’émancipe et échappe pro­gres­si­ve­ment à cette conta­gion. Cette évo­lu­tion per­turbe très sen­si­ble­ment le mode de ges­tion du ser­vice public, dans sa fonc­tion de pro­duc­tion, sur­tout lorsque ses « clients » sont bien identifiés.

Dans le pas­sé, le prin­ci­pal objec­tif du per­son­nel, même haut pla­cé, était d’appliquer équi­ta­ble­ment une régle­men­ta­tion peu évo­lu­tive ; ce qui deman­dait de la rigueur, de l’attention et du dévoue­ment. En échange, ce per­son­nel rece­vait beau­coup de sécu­ri­té, et divers pri­vi­lèges. Son envi­ron­ne­ment était stable, il était « chez lui ».
Aujourd’hui la proxi­mi­té du concur­rent jointe aux inno­va­tions tech­niques modi­fie la men­ta­li­té. On y parle de mar­ke­ting et de prix de revient ; des équipes com­mer­ciales prennent la place des poin­çon­neurs de tickets.

Né sous la IIIe Répu­blique et élar­gi à la Libé­ra­tion, le ser­vice public à la fran­çaise repose de nos jours sur trois prin­cipes de base : éga­li­té de trai­te­ment des usa­gers ; conti­nui­té, notion qui com­prend le main­tien d’une cer­taine qua­li­té du ser­vice ; muta­bi­li­té, c’est-à-dire capa­ci­té d’adaptation à l’évolution de l’environnement, tech­nique et éco­no­mique, dans lequel s’exerce le service.
La construc­tion euro­péenne, les évo­lu­tions sociales et tech­no­lo­giques, et les contraintes bud­gé­taires conduisent à revoir ces bases et à ima­gi­ner de nou­velles formes d’organisation et de dis­tri­bu­tion de ces services.

Sans pré­ten­tion d’exhaustivité, le dos­sier pro­po­sé dans le pré­sent numé­ro montre la nature des défis aux­quels sont confron­tés les ser­vices publics et les muta­tions qui s’y opèrent.

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